Déclaration de Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire, sur la mise en place d'un groupe de travail sur l'absentéisme scolaire, Paris le 1er octobre 2002.

Prononcé le 1er octobre 2002

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Circonstance : Mise en place du groupe de travail sur les manquements à l'obligation scolaire à Paris le 1er octobre 2002

Texte intégral

Je voudrais compléter les propos de Luc FERRY en rappelant brièvement l'esprit dans lequel l'Education nationale a jusqu'à présent fait face aux manquements à l'obligation scolaire - un esprit qui doit, je crois, continuer à inspirer aujourd'hui notre action.
La lutte contre l'absentéisme scolaire n'est évidemment pas une chose nouvelle. Dès que le principe d'obligation scolaire a été posé, la notion du manquement à ce principe et les façons d'y remédier ont été immédiatement prises en compte. Dès l'origine, le législateur a voulu marquer l'importance de l'obligation scolaire en punissant le non-respect de celle-ci par un dispositif progressif et gradué de sanctions, que la loi du 28 mars 1882, puis celle du 11 août 1936, qui la modifiait, définissaient avec une très grande précision. Mais, si la possibilité de sanctions était clairement mise en avant, celle ci s'accompagnait d'une relative souplesse dans leur mise en oeuvre et un certain nombre de signaux d'alarme était prévus avant que de recourir à des amendes ou, stade ultime, à l'interdiction des droits civiques.
Par ailleurs, depuis toujours, étaient définis des motifs d'absence réputés légitimes. La loi de 1936 les résume ainsi : " maladie de l'enfant, maladie transmissible ou contagieuse d'un membre de la famille empêchement résultant de la difficulté accidentelle des communications, absence temporaire des personnes responsables lorsque les enfants les suivent ou encore indigence insuffisamment secourue ".
Enfin et surtout, les lois successives relatives à l'obligation scolaire ont placé les autorités scolaires au coeur du dispositif de contrôle et les ont chargées d'évaluer la légitimité des motifs d'absence fournis par la famille. Il conviendra sans doute de s'interroger sur le jugement par lequel l'école accrédite ou non la famille, parce qu'il est parfois source de tensions ou de conflits et contribue encore à troubler la question de la fréquentation scolaire.
En tout état de cause, chaque acteur de l'enseignement scolaire d'aujourd'hui, le directeur d'école qui signale le manquement à l'inspecteur de circonscription, le conseiller principal d'éducation qui établit la liste mensuelle des enfants qui ne satisfont pas aux obligations scolaires et la transmet au chef d'établissement, lequel la communique ensuite à l'inspecteur d'académie : chaque acteur, donc, s'inscrit dans une chaîne qui porte un jugement sur la famille, dialogue avec elle et apprécie les causes de l'absence et ses éventuels motifs. J'insiste à cet égard sur le rôle central de l'inspecteur d'académie. C'est lui qui, le cas échéant, " invite les personnes responsables de l'enfant à se conformer à la loi ". Lui encore qui les " avertit des sanctions pénales encourues " et " saisit le procureur de la République des faits constitutifs de l'infraction ".
Pour la plupart des élèves convaincus par leurs familles de la nécessité, voire de l'intérêt, d' " aller en cours ", la scolarisation et l'assiduité vont de soi. Lorsque ce n'est pas le cas, elles doivent se construire. Cette construction est parfois difficile, du fait de la situation de l'enfant, de celle de la famille ou encore de celle de l'école elle-même, dont l'organisation interne ne permet pas toujours d'informer rapidement et exactement les parents sur la fréquentation scolaire de leurs enfants. A cet égard, je ne comprends pas bien le procès intenté par certains médias à un lycée de Marseille qui a pris l'initiative d 'utiliser un système de codes-barres pour connaître en temps réel la présence et l'absence de ses élèves et réagir ainsi immédiatement. Quoi qu'il en soit, ces raisons font que, pour que les enfants fréquentent régulièrement l'école, il faut que l'école et les familles veillent ensemble à construire l'assiduité.
Les familles doivent être attentives aux horaires, à la ponctualité des enfants ; elles doivent valoriser les contenus scolaires, soutenir les efforts de leurs enfants et ne pas justifier un manquement par des motifs de simple confort ou de facilité.
L'école, de son côté, n'a pas à être une instance de soupçon vis-à-vis des familles. Elle doit rappeler la loi, mais aussi les aider et les soutenir, elle doit montrer à des parents qui parfois ignorent qu'une simple absence peut avoir des conséquences graves dans la progression d'un apprentissage, l'importance pour l'enfant et sa scolarité d'une fréquentation régulière. Le rappel de la règle de droit est certes indispensable, mais il ne suffit pas. Pour remédier aux manquements à l'obligation scolaire, il faut aider les familles, instaurer avec elles un dialogue confiant qui permette d'expliquer et de valoriser l'activité scolaire. C'est bien le sens de la mission qui vous est confiée.
Les familles et l'école ne peuvent aller l'une contre l'autre, elles doivent construire ensemble l'assiduité. Cette dimension d'aide et de dialogue est sans doute ce qui a le plus vieilli dans les textes qui insistent surtout sur les procédures formelles d'avertissement.
Bien évidemment, dans le cas où le dialogue avec la famille s'avère impossible, il appartient à l'école d'alerter l'autorité supérieure qui informera les instances nécessaires pour satisfaire à la loi. C'est alors dans un autre cadre que celui de l'école que se prennent, après les avertissements et les aides, les sanctions.
Les professionnels de l'éducation soulignent unanimement la nécessité de s'attaquer rapidement au problème de l'absentéisme. Cela ne pourra se faire que si l'infraction elle-même, ainsi que les responsabilités de chacun sont très clairement définies. Cela suppose également d'étudier le phénomène dans sa diversité. C'est ainsi que nous pourrons faire en sorte que l'école soit fidèle à sa mission républicaine qui est d'instruire tous les enfants et les jeunes présents sur notre territoire. C'est dans cet esprit que je vous invite à vous mettre au travail.
(Source http://www.social.gouv.fr/famille-enfance, le 10 octobre 2002)