Déclaration de Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, sur l'objectif des 3% du PIB en dépenses de recherche et développement à l'horizon 2010, Paris le 17 octobre 2002.

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Circonstance : Remise des prix du 15ème palmarès R D Le Monde : Recherche et développement des entreprises"

Texte intégral

C'est pour moi un grand honneur que de participer ce soir à la présentation du 15ème Palmarès R D / Le Monde. Je félicite les responsables du CNAM d'en faire le lieu d'accueil à la fois des codex les plus anciens et des entreprises de demain Je les remercie, ainsi que Monsieur Colombani, pour l'organisation de cette manifestation destinée à donner aux entreprises dans lesquelles la R D est la plus dynamique tout l'éclat qu'elles méritent.
Tous les acteurs économiques s'accordent à dire que les pays qui investissent et capitalisent dans la formation, la création et l'innovation seront les mieux placés dans la compétition économique du 21ème siècle. Dans cette optique, l'Europe s'est fixée pour objectif d'atteindre 3% du PIB en dépenses de recherche et développement à l'horizon 2010. La France partage cet objectif, comme l'ont affirmé solennellement ces derniers mois le Président de la République et le Premier Ministre.
Le gouvernement et, en son sein, le Ministère délégué à la Recherche et aux Nouvelles Technologies, travaillent pour atteindre cet objectif ambitieux en veillant à mobiliser tous les acteurs concernés. A vos côtés nous allons devoir travailler et réfléchir aux modalités de cet accroissement fort de la part de R D, dans notre activité nationale. Nous pensons, avec les autres départements du gouvernement, en particulier le Ministère de l'Industrie et le Secrétariat d'Etat aux PME, qu'une des conditions de cet accroissement est la mise en place d'un plan de mobilisation pour la recherche et l'innovation sur lequel le Gouvernement, en particulier le Ministère chargé de la recherche, travaille. Ce plan de mobilisation sera au coeur de la politique économique ambitieuse du Gouvernement pour insuffler l'élan indispensable à une nouvelle croissance. Dès qu'il sera mature, nous souhaitons le partager et l'affiner avec vous.
Ensemble avec une vision
Cet objectif de 3% et la mise en oeuvre de ce plan pour la recherche et l'innovation ne saurait en effet être atteint sans une large mobilisation, à nos côtés, de tous les acteurs directs de la recherche, publics et privés et de tous ceux qui contribuent à la définition de ses orientations, à son financement et à la diffusion de ses résultats. Il s'agit de voir loin, ensemble, en élaborant une réflexion où les points de vues, les compétences et les disciplines, au lieu de se développer de manière cloisonnée, s'entrecroisent et se confortent. L'innovation est un jeu qui compte au moins quatre acteurs : les citoyens, les pouvoirs publics, la recherche et les entreprises.
Plusieurs axes de travail
Pour atteindre nos objectifs en matière d'investissement dans la recherche et l'innovation, nous voulons engager des réformes d'envergure en déclinant notre action sur une double échéance : une échéance à court terme pour organiser et aménager le dispositif existant et ainsi répondre aux urgences ; une échéance à moyen/long terme pour compléter le dispositif par une vision et une stratégie d'ensemble. Pour cela nous avons établi une méthode et un plan de travail dans l'objectif de présenter en conseil des ministres à la fin de l'année les orientations principales de notre politique en matière de recherche et d'innovation.
Les axes sur lesquels nous travaillons pour être force de progrès et d'action sont au nombre de six. Pour chacun d'eux, des mesures sont à l'étude :
- le 1er axe de travail vise à établir un tableau de bord de l'innovation avec des indicateurs pertinents dans le temps, pour un vrai pilotage de l'Innovation en France ;
- le 2nd axe vise à renforcer la recherche, non seulement la recherche publique mais aussi la recherche privée, qui sont à la base d'une innovation performante ;
- le 3ème axe vise à augmenter, à mieux gérer et à mieux valoriser la propriété industrielle, l'un des piliers de l'innovation ;
- le 4ème axe vise à consolider et à renforcer les mesures pour la création des jeunes entreprises innovantes, mais aussi leur accompagnement pendant les premières années critiques de leur vie pour les aider à grandir ;
- le 5ème axe vise à répandre l'esprit et le goût d'entreprendre chez les chercheurs, mais également chez les lycéens ;
- enfin le dernier axe vise à participer activement à la construction de l'espace européen de la recherche et de l'innovation.
Dans tous ces domaines, nous attendons beaucoup de vous et des différents acteurs du terrain que nous consultons pour nourrir notre réflexion.
Un renforcement de la recherche publique et de la recherche privée
Dans ce plan, le 1er axe "Renforcer la recherche", qu'elle soit publique ou privée sera une priorité forte pour atteindre l'objectif des 3%.
Renforcer la recherche, cela signifie en premier lieu la renforcer financièrement. Dans l'environnement économique actuel, il importe que le financement de la recherche privée loin de faiblir, soit encouragé, voire incité. Nous comptons sur votre mobilisation pour continuer à investir dans la recherche industrielle. Nous sommes conscients que certaines entreprises se mobilisent déjà et contribuent de façon significative au renforcement de la recherche privée: même si des derniers chiffres montrent que l'évolution totale de dépenses R D entre 2001 et 2000 n'a été en moyenne que de 5%, ce qui reste faible, elle a été néanmoins de 10% voire de 25% pour un nombre limité de sociétés. De même si la part de la R D dans le chiffre d'affaire de l'entreprise en 2001 est en moyenne faible, de l'ordre de 4%, ce chiffre est supérieur à 10% voire supérieur à 15% pour au moins 6 entreprises françaises.
Dans ce contexte et à vos côtés, nous souhaitons encourager l'effort de financement de R D dans les entreprises où il est encore faible, et soutenir celui réalisé dans celles qui se mobilisent et investissent déjà beaucoup en R D. Pour cela nous envisageons de mettre en place des dispositifs fiscaux d'incitation à l'investissement en R D tel un Crédit d'Impôt Recherche rénové, d'autres outils pour inciter les investisseurs, un fonds d'amorçage pour les jeunes entreprises à croissance modérée, la définition d'un cadre fiscal et juridique pour les jeunes entreprises. Ces mesures sont à l'étude. Nous envisageons également de permettre à chaque individu ou société, concerné par les avancées et le progrès de la recherche, de contribuer à son financement, dans l'esprit d'un acte ou d'un contrat-citoyen, via des 'Fondations de recherche'. Ces Fondations devront avoir un statut plus adapté et incitatif que celui qui est le leur actuellement, toujours dans le but de renforcer le financement de la recherche.
Renforcer la recherche, cela signifie aussi la renforcer par une meilleure gestion et une meilleure performance. En effet, et ce point me semble très important, ce n'est pas seulement la quantité d'argent dépensée pour la R D qui importe mais également la gestion stratégique et rationnelle du budget alloué. L'argent, j'y insiste, est une condition nécessaire mais non suffisante.
C'est aussi, au-delà de cette problématique financière, renforcer la recherche par le partenariat entre la recherche académique et industrielle. Seul un partenariat dynamique permettra un effet de levier suffisant pour atteindre l'objectif des 3% du PIB pour les dépenses R D et sera la clé véritable du succès pour obtenir une innovation et une croissance performante. Vous conviendrez avec moi qu'il est plus efficace de financer une recherche en partenariat plutôt que de financer séparément la recherche publique et privée de façon cloisonnée : exploitons donc intelligemment les complémentarités existantes et mettons en commun nos énergies, nos compétences et notre détermination. Nous avons besoin d'une forte implication industrielle aux côtés de la recherche académique : de l'exploitation des complémentarités entre recherche publique et privée naîtra une synergie porteuse d'innovation et de croissance.
Le partenariat public - privé, ce sont d'abord des projets, des équipes de recherche mixtes ou des laboratoires communs entre des organismes de recherche publique et des entreprises. Ce partenariat existe déjà et semble plus que jamais nécessaire d'un point de vue technologique : les technologies et les expertises deviennent de plus en plus complexes, pointues, longues et chères à intégrer dans l'entreprise et une partie de la R D de l'entreprise est quelquefois externalisée ; celle-ci doit pouvoir accéder à la compétence recherchée au bon moment et avec le bon partenaire. Pourtant le pourcentage de R D externalisé entre les années 2000 et 2001 ne semble pas augmenter significativement. Nous réfléchissons aux moyens d'aider cette externalisation et de renforcer ce partenariat en incitant davantage les acteurs à y recourir. Pour cela, nous envisageons des mesures encore en chantier pour une meilleure insertion des docteurs en entreprises, des avantages fiscaux pour les montants de R D dépensés dans le cadre d'un contrat en partenariat. Le renforcement des plates-formes technologiques et réseaux technologiques existants permettra aussi de progresser dans cette voie.
Le partenariat public-privé, à côté des contrats de collaboration et laboratoires communs, pourrait également s'exprimer davantage sous une autre forme encore peu développée, via la création de jeunes entreprises innovantes. On peut en effet se demander pourquoi les chercheurs issus du secteur privé, chez qui l'esprit d'entreprise et d'entreprendre sont une véritable culture, ne sont pas plus nombreux à créer à leur tour leur jeune entreprise. C'est toute la problématique de l'essaimage. L'essaimage peut être un moyen intelligent pour l'entreprise de gérer son portefeuille de projets et de brevets en fonction de sa stratégie et de ses priorités. Il peut être aussi un moyen de renforcer la recherche et l'innovation en France en créant des jeunes entreprises et de l'emploi. Il peut aussi contribuer au partenariat public - privé car : (a) Une jeune spin-off contracte généralement des contrats de recherche en partenariat avec la recherche publique. (b) Elle peut intégrer des équipes mixtes de chercheurs issus du secteur public et privé. (c) On peut même envisager l'accueil de ces jeunes spin-off innovantes dans un incubateur public, aux côtés des jeunes entreprises issues du secteur public. Je soumets ces idées à la réflexion des industriels.
Conclusion
En conclusion, pour atteindre notre objectif de 3% du PIB pour les dépenses de R D d'ici 2010, l'implication forte de la recherche industrielle aux côtés de la recherche publique constitue un élément déterminant. Cette implication industrielle aux côtés de la recherche académique devrait se décliner en plusieurs volets :
une implication financière pour continuer à investir toujours plus dans la recherche industrielle malgré un environnement économique peu favorable. L'industriel doit être présent plus que jamais aux côtés de l'Etat dans cette période basse du cycle économique ;
une implication forte pour favoriser le partenariat entre organismes de recherche publique et entreprises en misant sur l'effet de levier ainsi créé ;
enfin, une implication pour participer à la création de jeunes entreprises innovantes au côté du secteur public, via l'essaimage, pour créer de la croissance et des emplois.
Nous travaillons sur des propositions et des mesures qui, j'en ai la conviction, vous aideront à avancer dans cette direction. Je reste bien sûr à l'écoute des chercheurs des secteurs privé et public et des industriels, je reste à votre écoute pour que nous puissions ensemble relever le défi d'une recherche et d'une innovation performante et compétitive.
C'est pourquoi je suis fière d'être présente parmi vous ce soir et d'assister à la remise de prix qui récompensent et félicitent des industriels pour leur investissement dans la recherche et leur contribution à l'innovation et à la croissance économique de notre pays. Je les remercie chaleureusement de leurs efforts et de leur performances. Je ne peux que les encourager à poursuivre leur effort de recherche, de développement et d'innovation, à continuer à investir dans la recherche aux côtés des pouvoirs publics, et à favoriser une recherche en partenariat. Nous avons besoin d'une forte implication de la recherche privée et des industriels aux côtés de la recherche académique. Ils seront là à nos côtés. Nous serons là à leurs côtés.

(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 23 octobre 2002)