Texte intégral
Pensez-vous, comme Bush, qu'il serait "irresponsable" de ne pas agir en Irak ?
J-P.C : Aujourd'hui, Georges Bush préconise une guerre préventive contre l'Irak afin d'en changer le régime politique. Une guerre préventive, pour appeler un chat un chat, c'est une guerre d'agression qui sera forcément meurtrière. Le reste du monde est très en arrière de la main, sauf Tony Blair. Ce qui me surprend cependant, c'est l'absence d'indignation dans le monde. Que fait donc l'Internationale socialiste ?
A votre avis ?
J-P. C : Autant il y avait de bonnes raisons de faire la guerre à Al-Qaïda, autant il n'y en a pas pour l'Irak. Les raisons avancées sont des prétextes. Quand Bush affirme que les Irakiens étaient sur le point de fabriquer une bombe atomique il y a encore quatre ans, c'est de la désinformation pure et simple. Certes, il se peut que l'Irak développe des armes chimiques et bactériologiques mais je fais remarquer qu'il ne les a pas utilisées en 1991 pendant la guerre du Golfe. Saddam Hussein a une certaine idée de ce qu'est la dissuasion. Un régime d'inspection est souhaitable à condition de ne pas couvrir une activité d'espionnage américaine.
Alors, pourquoi cette guerre ?
J-P. C : Pour des raisons pétrolières et géopolitiques. L'Irak est le deuxième pays de monde pour les ressources en pétrole ; or, les Américains n'ont jamais pu s'approprier ces ressources. Ils veulent dominer le monde musulman mais ils n'en ont pas les moyens.
Un tel conflit risque-t-il d'embraser la région ?
J-P. C. : Bien sûr. Les Américains risquent de précipiter le monde entier dans une confrontation sans fin prévisible avec le monde musulman et de multiplier les germes de nouveaux actes terroristes. D'abord, parce qu'en Irak il n'y a pas de solution politique simple au remplacement du régime actuel. La population est remplie d'un juste ressentiment après douze ans d'un embargo cruel qui a fait près d'un million de victimes. Après Saddam Hussein, c'est l'intégrisme qui risque de l'emporter. Ensuite, il est clair qu'une telle guerre déstabiliserait les régimes arabes modérés et ne favoriserait pas la sécurité d'Israël.
Comment juges-vous la position de Jacques Chirac ?
J-P. C. : En demandant que rien ne soit fait en dehors du cadre du Conseil de sécurité de l'ONU, Chirac et les autres gouvernements européens opposent un "maul" de la raison (terme emprunté au rugby). Mais c'est insuffisant. Le Conseil de Sécurité peut aussi servir de paravent.
Quelles seraient les conséquences pour nous ?
J-P. C. : Désastreuses ! Notre pays compte quatre à cinq millions de musulmans. Notre intérêt est de rester en dehors de cette guerre.
Interview réalisée par Bernard Mazières et publiée dans le Parisien le 7 Septembre 2002
(Source http://pole-republicain.org, le 12 septembre 2002)