Interview de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie, à des télévisions françaises le 28 octobre 2002 à Paris, sur l'évolution de la question irakienne à l'Onu et la réaction française à la proposition américaine.

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Média : Télévision

Texte intégral

Q - Sur l'Iraq, qu'attendez-vous de la réunion tout à l'heure du Conseil de sécurité avec le chef des inspecteurs ?
R - Nous voulons faire confiance aux inspecteurs des Nations unies, et en particulier à M. Hans Blix, le président de la Commission de contrôle pour définir ces arrangements.
Le deuxième point c'est l'encadrement du retour à la force, selon quelles modalités, selon quels principes, accepter ce recours à la force. Dans l'esprit français - et c'est un sentiment qui est très largement partagé par la communauté internationale -, la force ne peut être qu'un dernier recours et c'est pour cela que nous plaidons pour une démarche en deux temps, la force véritablement ne peut être qu'une solution ultime.
Q - Vous avez parlé avec le ministre Powell, votre homologue américain. A votre avis, est-ce que la confrontation avec les Etats-Unis, pourra être évitée ?
R - Nous voulons aboutir à New York à un accord très rapide, donc nous souhaitons que la résolution puisse être adoptée dans les prochains jours. Nous pensons que sur la base des principes qui sont les nôtres, c'est-à-dire à la fois la légalité internationale, le respect de la morale internationale, nous pouvons aujourd'hui rapprocher les points de vue, nous pouvons aboutir à un accord. C'est ce que nous souhaitons, car la plus grande urgence aujourd'hui c'est le retour des inspecteurs et un travail effectif sur place de ces inspecteurs pour éliminer les armes de destruction massive.
Q - Oui, vous avez parlé de co-tractations...
R - L'ensemble des pays du Conseil de sécurité est d'accord pour une démarche en deux temps. C'est important pour cette démarche qu'il n'y ait pas d'ambiguïtés dans les hypothèses d'un recours à la force et nous estimons qu'alors le Conseil de sécurité, passée cette résolution, pourra se réunir à nouveau et examiner l'ensemble des différentes options y compris le recours à la force sur la base des propositions de M. Hans Blix qui se trouvera sur place. Ce que nous pensons, c'est qu'il est important d'assurer l'unité du Conseil de sécurité, l'unité de la communauté internationale. Si nous sommes unis, solidaires, nous serons efficaces. Dans une crise aussi difficile que la crise iraquienne, l'unanimité est indispensable parce que véritablement, c'est la fermeté de notre position qui a permis d'adresser un message fort à Saddam Hussein. Nous restons fidèles à cette logique d'unanimité parce que c'est le meilleur moyen d'aboutir à nos objectifs.
Q - Quels sont les problèmes qui subsistent aujourd'hui sur les textes américains sur lesquels vous êtes prêts à travailler ? Comportent-ils encore un élément d'automatisme dans les décisions de recours à la force ?
R - Il peut y avoir, et nous le comprenons, une tentation de passer par les Nations Unies et en même temps de préserver l'hypothèse d'une action unilatérale. Nous pensons qu'il faut véritablement faire confiance aux Nations unies. L'esprit de responsabilité collective doit l'emporter, parce que la communauté internationale aujourd'hui est déterminée et nous le voyons, y compris chez nos amis arabes, cette détermination, c'est le gage même de l'efficacité de la communauté internationale. Aujourd'hui, les défis que nous rencontrons, qu'il s'agisse du terrorisme, du risque de prolifération ou de l'intégrisme, nécessitent une approche concertée, une approche commune de la communauté internationale. Et la communauté internationale c'est la meilleure garantie. Une action unilatérale ne pourrait pas obtenir aujourd'hui les résultats indispensables que nous pouvons obtenir tous ensemble. Alors, je crois qu'il faut se mobiliser, être solidaires. Je crois que tous unis, nous serons efficaces.
Q - Espérez-vous rallier suffisamment de soutien à votre approche ?
R - Je crois que la France défend une approche constructive, réaliste et déterminée, que la France travaille de conserve avec l'ensemble de ses partenaires. Nous n'avons pas cessé de multiplier les contacts avec l'ensemble des membres du Conseil de sécurité et le gouvernement français, de son côté, a multiplié les contacts avec ses homologues étrangers. Nous souhaitons, nous pensons que nous pouvons obtenir un accord, que nous pouvons l'obtenir rapidement parce que nous pensons qu'au bout du compte il y a une lucidité, une prise de conscience sur la scène internationale de la gravité, de la dangerosité de la situation qui implique de la part de chacun, une prise de responsabilité, de solidarité, car l'emploi de la force est d'une gravité extrême et ne peut être qu'un dernier recours. Nous sommes convaincus que cette conviction est partagée par l'ensemble de la communauté internationale.
Q - Faut-il une réunion au niveau ministériel ?
R - Nous travaillons en liaison avec l'ensemble de nos partenaires, à New York. Nous restons en contact avec nos homologues. Des progrès ont été faits. Il reste encore des progrès à faire et cela est nécessaire. Une réunion ministérielle pourrait se tenir au Conseil de sécurité. C'est la marque de la détermination française, c'est la marque de l'esprit de responsabilité, c'est la volonté de proposition. Nous voulons aboutir vite, sur la prolifération, sur l'ensemble des défis auxquels doit fait face la communauté internationale. L'ensemble des pays, je l'ai dit tout à l'heure, partage ce sentiment, et nous ferons le point en milieu de semaine sur la situation et sur les discussions à New York, et si c'est nécessaire, je crois que nous serons tous d'accord pour que cette réunion ministérielle puisse se tenir.
Q - Est-ce que la nouvelle proposition Bush permet et protège sa propre coalition ?
R - Notre souci, je l'ai dit, c'est l'efficacité de la Communauté internationale, l'action unilatérale ne permettra pas la même légitimité, la même efficacité. C'est pour cela que nous pensons qu'il est possible d'agir ensemble. C'est une question de volonté, c'est une question de travail, nous pourrons le faire dans les prochains jours. Il nous faut donc aujourd'hui unir tous nos efforts pour arriver à une résolution commune. C'est possible.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 octobre 2002)