Texte intégral
- EXTRAITS -
Q - La campagne législative risque d'être polluée par le débat sur l'euro et sur Maastricht. Elle sera aussi obérée par un budget qui devra tenir compte des critères de convergences. Tout cela ne pousse-t-il pas à anticiper l'échéance électorale ?
R - Je l'entends dire. C'est à la mode. Mais le calendrier est ce qu'il est. Vous dites que la campagne va être "polluée" par Maastricht ? Oui et non. Construire une Europe avec une monnaie, une armée, une identité, n'est-ce pas une des questions cruciales de l'avenir de la France ?
La seule chance pour la France de rester une grande puissance, avec un effet d'entraînement sur la scène mondiale, c'est d'être le moteur d'une Union européenne dotée de sa monnaie et capable d'assurer sa sécurité. Je ferai tout ce qui est possible pour que notre pays saisisse cette chance maintenant. Je sais que certains, chez nous et ailleurs, doutent quelquefois. Cela m'inquiète. Je voudrais convaincre les Français que l'avenir de la France et leur prospérité résident dans ce choix. Je crois qu'il faut nous donner les moyens de cette ambition.
Pourquoi Maastricht, ratifié par les Français, a-t-il prévu des critères de convergence ? Pour punir les peuples ? Soyons sérieux. Pour qu'une économie fonctionne, il ne faut pas que la dépense publique et le déficit public l'asphyxient. Aujourd'hui, la dépense publique française a atteint un niveau excessif. Continuer dans cette voie, c'est courir à notre perte. J'ai fait deux budgets dans cet esprit, j'en ferai un troisième. Les Français commencent à comprendre qu'avec du sérieux on peut baisser les impôts et les taux d'intérêt. C'est plus revigorant pour l'économie française que de continuer à distribuer des milliards tous azimuts. S'il n'y avait pas Maastricht, que ferait-on ? 60 % de dépenses publiques ? 400 milliards de francs de déficit ? Non, bien sûr ! Et cela, les Français le comprennent.
Q - La France n'est-elle pas en train de perdre sa crédibilité au Zaïre ? Y a-t-il là-bas un jeu américain contre la France ?
R - Curieuse présentation des choses qui consiste à dire que la France était maîtresse du Zaïre, et qu'on le lui aurait "dérobé" ! Présenter ce qui ce passe au Zaïre comme un échec français, quel extraordinaire raccourci ! Qui pense sérieusement que le choix soit entre un dictateur fatigué, M. Mobutu, et un démocrate jeune, dynamique et moderniste, M. Kabila ? Lorsqu'on entend ce dernier dire qu'il n'y aura pas d'élection, qu'il faut rendre auparavant le peuple " sensible à la doctrine ", on voit avec inquiétude ce que cela signifie ! Les enjeux sont complexes. Plutôt que de rechercher des responsabilités, mieux vaudrait se mettre autour d'une table pour stabiliser les choses.
Q - Dans l'affaire de l'OTAN et de son flanc Sud, la France n 'a-t-elle pas perdu une bataille ?
R - Non. Nous avons même remporté un grand succès en faisant admettre l'idée que l'Alliance devait être profondément rénovée et que le partage des rôles devait y être revu. A la récente Conférence de Berlin, nous avons obtenu que des forces de l'OTAN puissent être placées sous commandement européen, pour accomplir des missions d'intérêt européen auxquelles ne voudraient pas participer les Etats-Unis. L'idée qu'il fallait redéfinir le partage des rôles dans la structure classique de l'OTAN a un peu progressé. Pas assez. C'est vrai que sur le commandement Sud, nous n'avons pas encore atteint les objectifs que nous nous étions fixés. Eh bien, nous attendrons que les esprits soient suffisamment mûrs pour que la participation européenne au commandement soit à la mesure de sa participation financière et de son rôle politique.
Q - Que vont faire nos soldats en Albanie ?
R - L'Albanie est l'un des derniers pays a avoir vécu la chute du communisme. Depuis, il se reconstruit avec beaucoup de difficultés. Il a droit à la solidarité des Européens. C'est pourquoi nous avons accepté de sécuriser avec les Italiens l'acheminement de l'action humanitaire jusqu'aux élections qui doivent redonner au pays une stabilité politique.
Q - Aujourd'hui, 12 avril, Jean-Paul II se rend à Sarejevo. Ce nom éveille-t-il en vous des souvenirs ?
R - Je suis toujours touché quand on parle de Sarajevo, parce que j'ai vécu pendant deux ans, presque quotidiennement, le drame de la Bosnie. J'étais alors au Quai d'Orsay, et beaucoup d'observateurs me dispensaient leurs leçons de morale. Pour ma part, j'essayais de faire ce que je pouvais, au niveau européen et au niveau international. Je me souviens de la genèse du "groupe de contact". Dès le départ, j'avais dans l'idée que si les Américains et les Russes n'étaient pas dans le coup, on n'arriverait jamais à rien. Il y a eu le plan Kinkel-Juppé, qui, deux ans après, s'est transformé en Accords de Dayton. Il y a eu l'ultimatum de Sarajevo, le lendemain de la bombe sur le marché, et les soixante-quinze morts... Je me souviens de mes conversations avec Warren Christopher, de l'opération franco-américaine. La France en a lancé l'idée, on l'a montée avec l'OTAN. Finalement, les Serbes ont lâché. Je me souviens aussi du voyage que j'ai fait dans une ville ravagée, où j'aimerais revenir un jour... La visite du pape et le message de paix qu'il y délivrera trouveront toute leur portée dans cette cité où se sont côtoyées, de façon pacifique, pendant des siècles, tant de religions et de cultures.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, 2 août 2002)
Q - La campagne législative risque d'être polluée par le débat sur l'euro et sur Maastricht. Elle sera aussi obérée par un budget qui devra tenir compte des critères de convergences. Tout cela ne pousse-t-il pas à anticiper l'échéance électorale ?
R - Je l'entends dire. C'est à la mode. Mais le calendrier est ce qu'il est. Vous dites que la campagne va être "polluée" par Maastricht ? Oui et non. Construire une Europe avec une monnaie, une armée, une identité, n'est-ce pas une des questions cruciales de l'avenir de la France ?
La seule chance pour la France de rester une grande puissance, avec un effet d'entraînement sur la scène mondiale, c'est d'être le moteur d'une Union européenne dotée de sa monnaie et capable d'assurer sa sécurité. Je ferai tout ce qui est possible pour que notre pays saisisse cette chance maintenant. Je sais que certains, chez nous et ailleurs, doutent quelquefois. Cela m'inquiète. Je voudrais convaincre les Français que l'avenir de la France et leur prospérité résident dans ce choix. Je crois qu'il faut nous donner les moyens de cette ambition.
Pourquoi Maastricht, ratifié par les Français, a-t-il prévu des critères de convergence ? Pour punir les peuples ? Soyons sérieux. Pour qu'une économie fonctionne, il ne faut pas que la dépense publique et le déficit public l'asphyxient. Aujourd'hui, la dépense publique française a atteint un niveau excessif. Continuer dans cette voie, c'est courir à notre perte. J'ai fait deux budgets dans cet esprit, j'en ferai un troisième. Les Français commencent à comprendre qu'avec du sérieux on peut baisser les impôts et les taux d'intérêt. C'est plus revigorant pour l'économie française que de continuer à distribuer des milliards tous azimuts. S'il n'y avait pas Maastricht, que ferait-on ? 60 % de dépenses publiques ? 400 milliards de francs de déficit ? Non, bien sûr ! Et cela, les Français le comprennent.
Q - La France n'est-elle pas en train de perdre sa crédibilité au Zaïre ? Y a-t-il là-bas un jeu américain contre la France ?
R - Curieuse présentation des choses qui consiste à dire que la France était maîtresse du Zaïre, et qu'on le lui aurait "dérobé" ! Présenter ce qui ce passe au Zaïre comme un échec français, quel extraordinaire raccourci ! Qui pense sérieusement que le choix soit entre un dictateur fatigué, M. Mobutu, et un démocrate jeune, dynamique et moderniste, M. Kabila ? Lorsqu'on entend ce dernier dire qu'il n'y aura pas d'élection, qu'il faut rendre auparavant le peuple " sensible à la doctrine ", on voit avec inquiétude ce que cela signifie ! Les enjeux sont complexes. Plutôt que de rechercher des responsabilités, mieux vaudrait se mettre autour d'une table pour stabiliser les choses.
Q - Dans l'affaire de l'OTAN et de son flanc Sud, la France n 'a-t-elle pas perdu une bataille ?
R - Non. Nous avons même remporté un grand succès en faisant admettre l'idée que l'Alliance devait être profondément rénovée et que le partage des rôles devait y être revu. A la récente Conférence de Berlin, nous avons obtenu que des forces de l'OTAN puissent être placées sous commandement européen, pour accomplir des missions d'intérêt européen auxquelles ne voudraient pas participer les Etats-Unis. L'idée qu'il fallait redéfinir le partage des rôles dans la structure classique de l'OTAN a un peu progressé. Pas assez. C'est vrai que sur le commandement Sud, nous n'avons pas encore atteint les objectifs que nous nous étions fixés. Eh bien, nous attendrons que les esprits soient suffisamment mûrs pour que la participation européenne au commandement soit à la mesure de sa participation financière et de son rôle politique.
Q - Que vont faire nos soldats en Albanie ?
R - L'Albanie est l'un des derniers pays a avoir vécu la chute du communisme. Depuis, il se reconstruit avec beaucoup de difficultés. Il a droit à la solidarité des Européens. C'est pourquoi nous avons accepté de sécuriser avec les Italiens l'acheminement de l'action humanitaire jusqu'aux élections qui doivent redonner au pays une stabilité politique.
Q - Aujourd'hui, 12 avril, Jean-Paul II se rend à Sarejevo. Ce nom éveille-t-il en vous des souvenirs ?
R - Je suis toujours touché quand on parle de Sarajevo, parce que j'ai vécu pendant deux ans, presque quotidiennement, le drame de la Bosnie. J'étais alors au Quai d'Orsay, et beaucoup d'observateurs me dispensaient leurs leçons de morale. Pour ma part, j'essayais de faire ce que je pouvais, au niveau européen et au niveau international. Je me souviens de la genèse du "groupe de contact". Dès le départ, j'avais dans l'idée que si les Américains et les Russes n'étaient pas dans le coup, on n'arriverait jamais à rien. Il y a eu le plan Kinkel-Juppé, qui, deux ans après, s'est transformé en Accords de Dayton. Il y a eu l'ultimatum de Sarajevo, le lendemain de la bombe sur le marché, et les soixante-quinze morts... Je me souviens de mes conversations avec Warren Christopher, de l'opération franco-américaine. La France en a lancé l'idée, on l'a montée avec l'OTAN. Finalement, les Serbes ont lâché. Je me souviens aussi du voyage que j'ai fait dans une ville ravagée, où j'aimerais revenir un jour... La visite du pape et le message de paix qu'il y délivrera trouveront toute leur portée dans cette cité où se sont côtoyées, de façon pacifique, pendant des siècles, tant de religions et de cultures.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, 2 août 2002)