Texte intégral
Le ministre des Affaires étrangères et le ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie ont tenu, le 17 février 1998, une réunion sur la sécurité des personnels des ONG à laquelle avaient été conviées les principales ONG d'action humanitaire engagées dans des opérations situées dans des zones de conflit.
Ouvrant la réunion, le ministre a rappelé le contexte actuel, marqué par plusieurs prises d'otage et violences à l'encontre de membres d'ONG dans le Caucase, en Asie centrale et en Afrique, et a marqué la priorité qu'il attache à la sécurité des Français à l'étranger. C'est à ce titre qu'il avait souhaité examiner avec les ONG, dans le respect des responsabilités et du rôle de chacun, les conditions concrètes d'une coopération dans ce domaine, pour améliorer la sécurité de leur personnel sur le terrain.
Les représentants des ONG ont souligné qu'ils partageaient cette préoccupation, devenue centrale dans leur pratique. A cette fin, à l'initiative d'Action contre la faim, elles mettaient actuellement sur pied, avec d'autres ONG européennes, un "réseau de sécurité humanitaire" destiné à rassembler les informations de terrain et à les analyser au profit de l'ensemble des organisations.
L'information dont chacune des grandes ONG humanitaires dispose est souvent à la fois considérable et détaillée. Mais cette abondance d'information contraste avec la faiblesse des moyens d'analyse des contextes et des dangers dont elles disposent, pour la plupart, à leur siège. Cette information échappe par ailleurs aux associations plus modestes qui se créent souvent en fonction des circonstances.
Un accord s'est fait entre tous les participants sur l'opinion que l'on constatait un accroissement des risques, lié à plusieurs causes :
- le développement d'une criminalité organisée, mafieuse et souterraine contre laquelle il est difficile de se prémunir : avec leur matériel, leur stock, ... les ONG sont parfois un enjeu financier.
- la volonté fréquente des belligérants d'agir hors de la présence de tous témoins étrangers, suscitant des incidents de sécurité afin de chasser ces derniers.
- l'apparition de conflits opposant des groupes peu organisés, tels que les chaînes de commandement sont difficiles à identifier.
- un certain "brouillage" de l'image des ONG dû à la prolifération d'acteurs dont tous n'ont pas la même expérience. Le statut des ONG est également difficile à cerner, variable selon qu'elles agissent dans le cadre d'une opération décidée par la communauté internationale ou de façon autonome. Un signe de cette dégradation est le fait que l'emblème de la Croix-Rouge est de moins en moins respecté.
Le ministre et le ministre délégué ont souligné l'intérêt d'une meilleure collaboration entre les ONG et le ministère des Affaires étrangères, notamment afin d'établir de meilleures évaluations préventives des situations à risque. Ils ont assuré les ONG de la disponibilité du ministère à cet égard, tant en France que dans les postes.
Le ministère des Affaires étrangères a annoncé la création, auprès des ambassades et des consulats, de comités de sécurité réunissant et mobilisant, autour du chef de poste, tous les acteurs de la sécurité de nos compatriotes. A Paris vient d'être installée, par la direction des Français de l'étranger en collaboration avec les directions géographiques et la cellule d'urgence humanitaire, une cellule de veille sur la sécurité des communautés françaises à l'étranger. L'utilisation d'Internet permettra en outre, d'ici à trois mois, la diffusion sur le serveur du ministère des Affaires étrangères de fiches d'informations aux voyageurs sur tous les pays. Les observations des ONG sur ce nouveau produit seront les bienvenus. Un projet de fiches opérationnelles par pays sur un serveur Intranet va être enfin mis à l'étude par la cellule de veille.
En tout état de cause, les ONG peuvent dès à présent interroger la cellule de veille et les directions géographiques sur les conditions de sécurité et les risques encourus dans les pays où elles souhaitent intervenir.
Les représentants d'ONG ont marqué leur intérêt pour ces informations, tout en soulignant la nécessité d'entourer de précautions tous les outils informatiques, compte tenu des problèmes de confidentialité qu'ils soulèvent.
Ils ont indiqué qu'ils se sentaient une double appartenance : française, mais aussi celle de la mouvance associative internationale. Aussi veilleront-ils à associer à la gestion de la sécurité leurs collègues d'ONG d'autres pays confrontés aux même situations de crise. De même accordent-ils une grande importance à la sécurité de leurs collègues des ONG nationales locales ainsi qu'à celle de leurs collaborateurs locaux. Ces préoccupations les guideraient dans le dialogue qu'ils amorçaient volontiers avec les autorités françaises.
Plusieurs conclusions ont été dégagées :
1) L'intérêt d'un échange d'informations sur les pays en conflit en général et sur l'évolution des conditions de sécurité. Cet échange pourra avoir lieu avant le départ en mission mais aussi sur le terrain, en tant que de besoin, pour mieux répondre aux préoccupations légitimes et communes de sécurité, dans le respect des spécificités et des principes éthiques de chacun.
Un dialogue plus spécialisé sera régulièrement organisé sur certaines régions sensibles : des réunions concernant le Caucase, l'Asie centrale, l'Afrique centrale et les pays andins auront lieu dans les mois à venir. Dans ce cadre, le ministère des Affaires étrangères veillera à alerter, chaque fois qu'il l'estimera utile, les ONG sur les risques auxquels s'exposent leurs représentants sur le terrain.
2) Le besoin d'une amélioration de la préparation des personnels d'ONG à la gestion des situations de crise et aux questions de sécurité. Une formation est déjà réalisée en interne par certaines ONG ou par l'intermédiaire d'organisations spécialisées telles que le CICR. D'autres sont en préparation, tel le projet Bioforce, et pourraient être organisées dans une certaine concertation.
3) L'opportunité d'une meilleure évaluation "à froid" des situations et de l'impact de l'arrivée d'une ONG sur un terrain, ainsi que des risques inhérents à une trop grande proximité avec les médias.
4) L'objectif de relayer le dialogue ainsi amorcé au niveau européen, en particulier dans le cadre de la préparation de la communication sur les questions de sécurité du personnel humanitaire de la Commission européenne. Le ministère et les ONG contribueront parallèlement à la diffusion de l'information au sein de l'Union européenne.
En France, le suivi de ce dialogue pourra notamment se faire au sein du Groupe Urgence Reconstruction Développement que les pouvoirs publics et les ONG ont décidé récemment de créer au sein de la Commission Coopération Développement. Une nouvelle réunion avec les mêmes participants devrait avoir lieu à l'automne prochain pour dresser un premier bilan./.
Ouvrant la réunion, le ministre a rappelé le contexte actuel, marqué par plusieurs prises d'otage et violences à l'encontre de membres d'ONG dans le Caucase, en Asie centrale et en Afrique, et a marqué la priorité qu'il attache à la sécurité des Français à l'étranger. C'est à ce titre qu'il avait souhaité examiner avec les ONG, dans le respect des responsabilités et du rôle de chacun, les conditions concrètes d'une coopération dans ce domaine, pour améliorer la sécurité de leur personnel sur le terrain.
Les représentants des ONG ont souligné qu'ils partageaient cette préoccupation, devenue centrale dans leur pratique. A cette fin, à l'initiative d'Action contre la faim, elles mettaient actuellement sur pied, avec d'autres ONG européennes, un "réseau de sécurité humanitaire" destiné à rassembler les informations de terrain et à les analyser au profit de l'ensemble des organisations.
L'information dont chacune des grandes ONG humanitaires dispose est souvent à la fois considérable et détaillée. Mais cette abondance d'information contraste avec la faiblesse des moyens d'analyse des contextes et des dangers dont elles disposent, pour la plupart, à leur siège. Cette information échappe par ailleurs aux associations plus modestes qui se créent souvent en fonction des circonstances.
Un accord s'est fait entre tous les participants sur l'opinion que l'on constatait un accroissement des risques, lié à plusieurs causes :
- le développement d'une criminalité organisée, mafieuse et souterraine contre laquelle il est difficile de se prémunir : avec leur matériel, leur stock, ... les ONG sont parfois un enjeu financier.
- la volonté fréquente des belligérants d'agir hors de la présence de tous témoins étrangers, suscitant des incidents de sécurité afin de chasser ces derniers.
- l'apparition de conflits opposant des groupes peu organisés, tels que les chaînes de commandement sont difficiles à identifier.
- un certain "brouillage" de l'image des ONG dû à la prolifération d'acteurs dont tous n'ont pas la même expérience. Le statut des ONG est également difficile à cerner, variable selon qu'elles agissent dans le cadre d'une opération décidée par la communauté internationale ou de façon autonome. Un signe de cette dégradation est le fait que l'emblème de la Croix-Rouge est de moins en moins respecté.
Le ministre et le ministre délégué ont souligné l'intérêt d'une meilleure collaboration entre les ONG et le ministère des Affaires étrangères, notamment afin d'établir de meilleures évaluations préventives des situations à risque. Ils ont assuré les ONG de la disponibilité du ministère à cet égard, tant en France que dans les postes.
Le ministère des Affaires étrangères a annoncé la création, auprès des ambassades et des consulats, de comités de sécurité réunissant et mobilisant, autour du chef de poste, tous les acteurs de la sécurité de nos compatriotes. A Paris vient d'être installée, par la direction des Français de l'étranger en collaboration avec les directions géographiques et la cellule d'urgence humanitaire, une cellule de veille sur la sécurité des communautés françaises à l'étranger. L'utilisation d'Internet permettra en outre, d'ici à trois mois, la diffusion sur le serveur du ministère des Affaires étrangères de fiches d'informations aux voyageurs sur tous les pays. Les observations des ONG sur ce nouveau produit seront les bienvenus. Un projet de fiches opérationnelles par pays sur un serveur Intranet va être enfin mis à l'étude par la cellule de veille.
En tout état de cause, les ONG peuvent dès à présent interroger la cellule de veille et les directions géographiques sur les conditions de sécurité et les risques encourus dans les pays où elles souhaitent intervenir.
Les représentants d'ONG ont marqué leur intérêt pour ces informations, tout en soulignant la nécessité d'entourer de précautions tous les outils informatiques, compte tenu des problèmes de confidentialité qu'ils soulèvent.
Ils ont indiqué qu'ils se sentaient une double appartenance : française, mais aussi celle de la mouvance associative internationale. Aussi veilleront-ils à associer à la gestion de la sécurité leurs collègues d'ONG d'autres pays confrontés aux même situations de crise. De même accordent-ils une grande importance à la sécurité de leurs collègues des ONG nationales locales ainsi qu'à celle de leurs collaborateurs locaux. Ces préoccupations les guideraient dans le dialogue qu'ils amorçaient volontiers avec les autorités françaises.
Plusieurs conclusions ont été dégagées :
1) L'intérêt d'un échange d'informations sur les pays en conflit en général et sur l'évolution des conditions de sécurité. Cet échange pourra avoir lieu avant le départ en mission mais aussi sur le terrain, en tant que de besoin, pour mieux répondre aux préoccupations légitimes et communes de sécurité, dans le respect des spécificités et des principes éthiques de chacun.
Un dialogue plus spécialisé sera régulièrement organisé sur certaines régions sensibles : des réunions concernant le Caucase, l'Asie centrale, l'Afrique centrale et les pays andins auront lieu dans les mois à venir. Dans ce cadre, le ministère des Affaires étrangères veillera à alerter, chaque fois qu'il l'estimera utile, les ONG sur les risques auxquels s'exposent leurs représentants sur le terrain.
2) Le besoin d'une amélioration de la préparation des personnels d'ONG à la gestion des situations de crise et aux questions de sécurité. Une formation est déjà réalisée en interne par certaines ONG ou par l'intermédiaire d'organisations spécialisées telles que le CICR. D'autres sont en préparation, tel le projet Bioforce, et pourraient être organisées dans une certaine concertation.
3) L'opportunité d'une meilleure évaluation "à froid" des situations et de l'impact de l'arrivée d'une ONG sur un terrain, ainsi que des risques inhérents à une trop grande proximité avec les médias.
4) L'objectif de relayer le dialogue ainsi amorcé au niveau européen, en particulier dans le cadre de la préparation de la communication sur les questions de sécurité du personnel humanitaire de la Commission européenne. Le ministère et les ONG contribueront parallèlement à la diffusion de l'information au sein de l'Union européenne.
En France, le suivi de ce dialogue pourra notamment se faire au sein du Groupe Urgence Reconstruction Développement que les pouvoirs publics et les ONG ont décidé récemment de créer au sein de la Commission Coopération Développement. Une nouvelle réunion avec les mêmes participants devrait avoir lieu à l'automne prochain pour dresser un premier bilan./.