Texte intégral
Mesdames et Messieurs, je n'ai pas grand chose à ajouter puisque Amr Moussa vient de résumer excellemment nos entretiens. Il vous a indiqué les sujets dont nous avons parlé. Je dirai simplement à mon tour que c'est toujours avec un très grand plaisir personnel, par amitié, et un très grand intérêt diplomatique que je retrouve Amr Moussa, que ce soit à Paris, au Caire, à New York ou ailleurs, pour faire le point régulièrement, comme nous le faisons depuis longtemps maintenant sur chaque phase d'évolution de la situation au Proche-Orient, ou sur tous les autres sujets dont nous avons parlé comme l'Afrique, qui est aussi une question importante. C'est devenu un élément régulier de la diplomatie française que cet échange avec les autorités égyptiennes, qu'il s'agisse du président Moubarak dans ses contacts avec le président et le Premier ministre ou qu'il s'agisse de nos contacts, de notre travail en commun, puisque cela dépasse le stade de contacts réguliers pour être une vraie méthode de comparaison de nos analyses et de nos informations. Aujourd'hui c'est évidemment la question générale du processus de paix au Proche-Orient qui nous occupe et qui nous préoccupe. Nos positions sont très proches, nos espérances sont très proches et nos préoccupations aussi et donc, plus que jamais, nous allons continuer à agir de façon très coordonnée.
Q - Vous avez fait d'importantes déclarations à Beyrouth concernant le retrait israélien du Sud Liban. Comment voyez-vous l'évolution de la position israélo-syrien depuis les déclarations de M. Ehud Barak qui a appelé le président Syrien à la paix des braves ?
R - M. Hubert Védrine - J'ai constaté récemment que les conditions d'une reprise des négociations directes entre Israël et la Syrie n'étaient pas encore réunies. La question du préalable, c'est-à-dire la question du point à partir duquel il faut reprendre les discussions, n'est pas surmontée. Nous le regrettons. Il ne peut pas y avoir de vraie paix au Proche-Orient sans un accord israélo-syrien. Je pense malgré tout que ce problème finira par être surmonté, ce qui déclenchera d'autres volets du processus de paix. Je pense que lorsque cette négociation aura repris les problèmes à résoudre ne seront pas insolubles, mais les Israéliens et les Syriens doivent faire un effort encore, et nous aussi, qui sommes des artisans et des facilitateurs de la paix.
Q - Après les "inquiétudes" formulées par M Védrine au sujet du processus de paix et les interrogations exprimées, peut-on envisager une relance de l'initiative franco-égyptienne, et quels sont les motifs d'inquiétude ?
R - M. Hubert Védrine - Il ne faut pas qu'il y ait de malentendu sur le mot "inquiétude". Nous étions il y a quelques mois dans une situation désespérante, dans laquelle il n'y avait aucune perspective. Nous sommes depuis l'arrivée au pouvoir de M. Barak dans une situation différente, où la discussion a repris entre Israéliens et Palestiniens, pas encore de l'autre côté. C'est une période d'espérance. Mais, comme c'est une période d'espérance lucide, nous ne pouvons pas ne pas voir l'immensité des problèmes qui restent à résoudre. Donc, nous voyons bien que pour aboutir, par exemple sur le volet palestinien, il faudra de part et d'autre un immense courage politique et que ce n'est pas possible sur la base des positions annoncées au départ. Quant au volet israélo-syrien et au volet israélo-libanais, l'urgence est de trouver la formule de déblocage pour commencer. Sur la relation franco-égyptienne, c'est une relation constante maintenant. Nous échangeons nos informations et nos analyses et nous ajustons nos objectifs grâce à cet échange. Nous nous réservons toujours le droit de prendre une initiative particulière s'il le fallait. Comme nous l'avons toujours dit, cela doit être réservé à une situation de blocage complet, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Mais cela reste toujours possible, s'il le fallait, si c'était utile.
Q - La France joue un rôle très important dans l'avancée du processus de paix. Votre tournée dans la région incarne ce rôle. Quelles sont vos suggestions ?
R - M. Hubert Védrine - Je crois avoir déjà répondu. La réponse à la question est dans tout ce que nous faisons dans tous les entretiens du président de la République et du Premier ministre, que ce soit à Paris, à New York ou ailleurs. La réponse est dans nos contacts ici aujourd'hui, mais également à Damas ou à Beyrouth ou à Tel-Aviv ou à Ramallah ou Gaza ou Amman, partout. C'est donc toute notre politique étrangère qui répond à cette question, mais nous ne sommes pas des protagonistes du conflit, nous ne sommes pas des négociateurs, nous ne pouvons pas nous substituer à ceux qui sont directement concernés. Mais nous sommes présents à chaque étape auprès des uns et des autres avec le désir de faire avancer les choses, d'avancer des idées, de faciliter et d'alimenter cette dynamique constamment, c'est toute notre politique qui répond à cette question.
Q - Le rôle français et européen dans le processus de paix se heurte au rôle israélien ?
R - M. Hubert Védrine - Il n' y a pas de veto israélien en ce qui concerne le rôle des autres, les Etats-Unis, la France ou l'Europe. M. Barak parle volontiers avec ses partenaires extérieurs. C'était encore le cas à Paris lundi dernier, et, à chaque fois, M Barak dit "je parle avec vous, je vous écoute, mais c'est moi qui décide pour Israël". C'est comme ce que dit M. Arafat pour les Palestiniens ou le président Assad pour la Syrie. Je suis convaincu que nous pouvons jouer un rôle utile sans nous substituer à ceux qui ont la charge de négocier et un jour de conclure entre eux. Je constate que ce rôle est bien compris et qu'il est admis partout, et que nous faisons donc partie à notre façon de ce processus.
Q - Où en êtes-vous avec l'affaire du DC10 d'UTA ?
R - M. Hubert Védrine - Quant à la Libye, d'une part le Conseil de sécurité a suspendu les sanctions, ce qui est en effet pour tout le monde une situation nouvelle. Quant à l'autre aspect, il y a une partie qui est encore entre les mains de la justice française donc je n'ai pas à le commenter. Mais il y a eu un jugement par contumace des coupables.
Q - M. Chirac a annoncé la nécessité d'organiser à Marseille un sommet euro-méditerranéen. Quels sont les objectifs de ce Sommet sur les plans économique et politique et quel est son impact sur la coopération euro-méditerranéenne ?
R - M. Hubert Védrine - Le président de la République a proposé en effet que le Processus de Barcelone puisse se réunir au sommet pour donner un nouvel élan, une impulsion à l'ensemble de cette coopération. Naturellement, pour que cela puisse se concrétiser, il faut que le contexte soit favorable, notamment en matière de processus de paix, parce que ce n'est pas la peine de faire un grand sommet sur ce plan si nous sommes dans une impasse par rapport au processus de paix et que cette question empêche de travailler sur les autres sujets. Si le contexte est favorable, nous organiserons ce sommet si tous les partenaires veulent bien y participer, ce que je souhaite, ce qui nous permettra de travailler sur des questions globales de la sécurité en Méditerranée et de la coopération entre l'Europe et la rive sud de la Méditerranée qui sont les grands sujets des réunions qui se produisent régulièrement dans le cadre du Processus de Barcelone. Cela fait longtemps qu'il n'y a pas eu de sommet et cela donnerait une nouvelle impulsion.
Q - Vous avez parlé hier avec le ministre libyen des Affaires étrangères des efforts de réconciliation au Soudan. Vous venez à l'instant de répéter que vous en avez parlé également avec M. Védrine. Y a-t-il une coordination sur ce sujet ? Quel est le rôle français ? Où en sont parvenus les efforts en direction du dossier soudanais ?
R - M. Amr Moussa - La question soudanaise arrive en tête des priorités sur l'agenda politique et diplomatique de l'Egypte. Ce sujet est important également pour la France et il a aussi été évoqué entre les présidents Moubarak et Chirac et entre M. Védrine et moi-même. Nous sommes convenus de continuer d'en parler et d'agir de concert à tous les niveaux sur ce sujet et nous sommes d'accord sur les objectifs, à savoir conserver l'unité du Soudan tout en souhaitant l'émergence d'un Soudan nouveau acceptable par toutes les parties de l'équation soudanaise. N'oubliez pas que la France et l'Egypte sont partenaires de l'IGAD. Nous soutenons l'initiative de l'IGAD. Mais nous voulons également prendre en considération d'autres initiatives. Nous avons le droit de prendre des initiatives. Il n'y a pas que les voisins du Sud du Soudan qui ont le droit de prendre des initiatives. Tous les voisins ont le droit d'intervenir en proposant des initiatives positives qui ne sont pas en contradiction avec celles de l'IGAD. Je rappelle encore que nous trouvons l'initiative de l'IGAD tout à fait raisonnable, que nous voulons traiter avec cette initiative à condition qu'on prenne également en considération l'initiative égypto-libyenne ou d'autres initiatives. Oui, il y a une coordination et une action franco-égyptienne dans le cadre des partenaires de l'IGAD et dans le cadre de l'initiative égypto-libyenne qui continuera et à laquelle nous sommes attachés comme faisant partie du règlement soudanais.
R - M. Hubert Védrine - Juste une phrase pour dire que l'action égyptienne sur ce plan nous parait légitime et utile. Les objectifs de l'Egypte rejoignent les nôtres à ce sujet. Enfin une coordination des différentes initiatives serait également fort bienvenue.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 novembre 1999)
Q - Vous avez fait d'importantes déclarations à Beyrouth concernant le retrait israélien du Sud Liban. Comment voyez-vous l'évolution de la position israélo-syrien depuis les déclarations de M. Ehud Barak qui a appelé le président Syrien à la paix des braves ?
R - M. Hubert Védrine - J'ai constaté récemment que les conditions d'une reprise des négociations directes entre Israël et la Syrie n'étaient pas encore réunies. La question du préalable, c'est-à-dire la question du point à partir duquel il faut reprendre les discussions, n'est pas surmontée. Nous le regrettons. Il ne peut pas y avoir de vraie paix au Proche-Orient sans un accord israélo-syrien. Je pense malgré tout que ce problème finira par être surmonté, ce qui déclenchera d'autres volets du processus de paix. Je pense que lorsque cette négociation aura repris les problèmes à résoudre ne seront pas insolubles, mais les Israéliens et les Syriens doivent faire un effort encore, et nous aussi, qui sommes des artisans et des facilitateurs de la paix.
Q - Après les "inquiétudes" formulées par M Védrine au sujet du processus de paix et les interrogations exprimées, peut-on envisager une relance de l'initiative franco-égyptienne, et quels sont les motifs d'inquiétude ?
R - M. Hubert Védrine - Il ne faut pas qu'il y ait de malentendu sur le mot "inquiétude". Nous étions il y a quelques mois dans une situation désespérante, dans laquelle il n'y avait aucune perspective. Nous sommes depuis l'arrivée au pouvoir de M. Barak dans une situation différente, où la discussion a repris entre Israéliens et Palestiniens, pas encore de l'autre côté. C'est une période d'espérance. Mais, comme c'est une période d'espérance lucide, nous ne pouvons pas ne pas voir l'immensité des problèmes qui restent à résoudre. Donc, nous voyons bien que pour aboutir, par exemple sur le volet palestinien, il faudra de part et d'autre un immense courage politique et que ce n'est pas possible sur la base des positions annoncées au départ. Quant au volet israélo-syrien et au volet israélo-libanais, l'urgence est de trouver la formule de déblocage pour commencer. Sur la relation franco-égyptienne, c'est une relation constante maintenant. Nous échangeons nos informations et nos analyses et nous ajustons nos objectifs grâce à cet échange. Nous nous réservons toujours le droit de prendre une initiative particulière s'il le fallait. Comme nous l'avons toujours dit, cela doit être réservé à une situation de blocage complet, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Mais cela reste toujours possible, s'il le fallait, si c'était utile.
Q - La France joue un rôle très important dans l'avancée du processus de paix. Votre tournée dans la région incarne ce rôle. Quelles sont vos suggestions ?
R - M. Hubert Védrine - Je crois avoir déjà répondu. La réponse à la question est dans tout ce que nous faisons dans tous les entretiens du président de la République et du Premier ministre, que ce soit à Paris, à New York ou ailleurs. La réponse est dans nos contacts ici aujourd'hui, mais également à Damas ou à Beyrouth ou à Tel-Aviv ou à Ramallah ou Gaza ou Amman, partout. C'est donc toute notre politique étrangère qui répond à cette question, mais nous ne sommes pas des protagonistes du conflit, nous ne sommes pas des négociateurs, nous ne pouvons pas nous substituer à ceux qui sont directement concernés. Mais nous sommes présents à chaque étape auprès des uns et des autres avec le désir de faire avancer les choses, d'avancer des idées, de faciliter et d'alimenter cette dynamique constamment, c'est toute notre politique qui répond à cette question.
Q - Le rôle français et européen dans le processus de paix se heurte au rôle israélien ?
R - M. Hubert Védrine - Il n' y a pas de veto israélien en ce qui concerne le rôle des autres, les Etats-Unis, la France ou l'Europe. M. Barak parle volontiers avec ses partenaires extérieurs. C'était encore le cas à Paris lundi dernier, et, à chaque fois, M Barak dit "je parle avec vous, je vous écoute, mais c'est moi qui décide pour Israël". C'est comme ce que dit M. Arafat pour les Palestiniens ou le président Assad pour la Syrie. Je suis convaincu que nous pouvons jouer un rôle utile sans nous substituer à ceux qui ont la charge de négocier et un jour de conclure entre eux. Je constate que ce rôle est bien compris et qu'il est admis partout, et que nous faisons donc partie à notre façon de ce processus.
Q - Où en êtes-vous avec l'affaire du DC10 d'UTA ?
R - M. Hubert Védrine - Quant à la Libye, d'une part le Conseil de sécurité a suspendu les sanctions, ce qui est en effet pour tout le monde une situation nouvelle. Quant à l'autre aspect, il y a une partie qui est encore entre les mains de la justice française donc je n'ai pas à le commenter. Mais il y a eu un jugement par contumace des coupables.
Q - M. Chirac a annoncé la nécessité d'organiser à Marseille un sommet euro-méditerranéen. Quels sont les objectifs de ce Sommet sur les plans économique et politique et quel est son impact sur la coopération euro-méditerranéenne ?
R - M. Hubert Védrine - Le président de la République a proposé en effet que le Processus de Barcelone puisse se réunir au sommet pour donner un nouvel élan, une impulsion à l'ensemble de cette coopération. Naturellement, pour que cela puisse se concrétiser, il faut que le contexte soit favorable, notamment en matière de processus de paix, parce que ce n'est pas la peine de faire un grand sommet sur ce plan si nous sommes dans une impasse par rapport au processus de paix et que cette question empêche de travailler sur les autres sujets. Si le contexte est favorable, nous organiserons ce sommet si tous les partenaires veulent bien y participer, ce que je souhaite, ce qui nous permettra de travailler sur des questions globales de la sécurité en Méditerranée et de la coopération entre l'Europe et la rive sud de la Méditerranée qui sont les grands sujets des réunions qui se produisent régulièrement dans le cadre du Processus de Barcelone. Cela fait longtemps qu'il n'y a pas eu de sommet et cela donnerait une nouvelle impulsion.
Q - Vous avez parlé hier avec le ministre libyen des Affaires étrangères des efforts de réconciliation au Soudan. Vous venez à l'instant de répéter que vous en avez parlé également avec M. Védrine. Y a-t-il une coordination sur ce sujet ? Quel est le rôle français ? Où en sont parvenus les efforts en direction du dossier soudanais ?
R - M. Amr Moussa - La question soudanaise arrive en tête des priorités sur l'agenda politique et diplomatique de l'Egypte. Ce sujet est important également pour la France et il a aussi été évoqué entre les présidents Moubarak et Chirac et entre M. Védrine et moi-même. Nous sommes convenus de continuer d'en parler et d'agir de concert à tous les niveaux sur ce sujet et nous sommes d'accord sur les objectifs, à savoir conserver l'unité du Soudan tout en souhaitant l'émergence d'un Soudan nouveau acceptable par toutes les parties de l'équation soudanaise. N'oubliez pas que la France et l'Egypte sont partenaires de l'IGAD. Nous soutenons l'initiative de l'IGAD. Mais nous voulons également prendre en considération d'autres initiatives. Nous avons le droit de prendre des initiatives. Il n'y a pas que les voisins du Sud du Soudan qui ont le droit de prendre des initiatives. Tous les voisins ont le droit d'intervenir en proposant des initiatives positives qui ne sont pas en contradiction avec celles de l'IGAD. Je rappelle encore que nous trouvons l'initiative de l'IGAD tout à fait raisonnable, que nous voulons traiter avec cette initiative à condition qu'on prenne également en considération l'initiative égypto-libyenne ou d'autres initiatives. Oui, il y a une coordination et une action franco-égyptienne dans le cadre des partenaires de l'IGAD et dans le cadre de l'initiative égypto-libyenne qui continuera et à laquelle nous sommes attachés comme faisant partie du règlement soudanais.
R - M. Hubert Védrine - Juste une phrase pour dire que l'action égyptienne sur ce plan nous parait légitime et utile. Les objectifs de l'Egypte rejoignent les nôtres à ce sujet. Enfin une coordination des différentes initiatives serait également fort bienvenue.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 novembre 1999)