Déclaration de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur la préparation de la Conférence internationale de l'eau et la gestion et la mise en valeur des ressources en eau, Paris le 3 mars 1998.

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Circonstance : Conférence internationale sur l'eau et le développement durable à Paris du 19 au 21 mars 1998

Texte intégral

Monsieur l'Ambassadeur,
Mesdames,
Messieurs,
Les questions liées à la gestion des ressources en eau constituent une des préoccupations constantes de la communauté internationale, depuis la Conférence de Mar del Plata en 1978 qui a lancé la décennie internationale de l'eau potable et de l'assainissement, achevée en 1990. Cette décennie a été suivie de la Conférence de Dublin en 1992, dont les quatre grands principes demeurent le fondement de l'unanimité de la communauté internationale sur ces thèmes. Ces principes sont les suivants :
- L'eau douce - ressource fragile et non renouvelable - est indispensable à la vie, au développement et à l'environnement ;
- la gestion et la mise en valeur des ressources en eau doivent associer usagers, planificateurs et décideurs à tous les échelons ;
- les femmes jouent un rôle essentiel dans l'apprivoisement, la gestion et la préservation de l'eau ;
- l'eau, utilisée à de multiples fins, a une valeur économique et devrait donc être reconnue comme bien économique.
Un approfondissement de ces principes conduit à considérer l'eau non seulement comme un bien économique et social, comme un bien naturel et culturel mais encore comme un bien collectif. C'est dire que l'eau ne peut être gérée comme un bien marchand.
De ce fait, les moyens financiers nécessaires doivent pouvoir être mobilisés selon ces critères, ce qui, vous en conviendrez, rend l'exercice difficile. Il faut donc rechercher une association, une implication des entreprises, des utilisateurs et des usagers. Il faut donc asseoir des schémas qui s'inscrivent dans la durée, qui s'appuient sur une gestion décentralisée et démocratique. Les effets à attendre des inflexions que les concertations internationales induiront se feront sentir d'ici à dix ans ou plus. C'est dire que si nous travaillons pour nous mêmes, nous travaillons autant et sans doute plus pour les générations futures.
Si nous faisons un rapide bilan des efforts déployés jusqu'ici, nous devons reconnaître que le chemin qui reste à parcourir est encore long. Peut-être parce que les méthodes suivies n'aient pas suffisamment adaptées aux problèmes posés, peut-être parce que les moyens financiers que nous y avons consacrés étaient insuffisants : le quart de la population mondiale est encore aujourd'hui privé d'accès direct à l'eau potable. Le PNUD a fixé la consommation d'un adulte à 20 litres par jour ; elle est inférieur à huit litres dans bien des pays, mais atteint plusieurs centaines de libres dans quelques pays développés. C'est dire que nous n'arriverons à rien sans une prise de conscience collective.
Les difficultés rencontrées ne proviennent pas de l'absence de solution techniques, mais plutôt d'une mauvaise connaissance de l'état de la ressource en eau et de ses usages, d'un manque de formation de certains professionnels, et plus globalement d'un déficit d'organisation du secteur. Bien sûr, il faut ajouter à ces explications principales un cadre législatif souvent incomplet ou non appliqué, une insuffisante association des populations locales aux processus élaborés. Ces difficultés gênent la bonne utilisation des fonds disponibles qui sont hélas, de plus, souvent insuffisants.
Lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992, la communauté internationale s'est saisie de la plupart des enjeux environnementaux mondiaux. Cela a débouché pour certains sur l'élaboration de conventions : on peut citer les Changements climatiques, la Biodiversité ou la Lutte contre la Désertification. D'autres sont traités dans le cadre de forums internationaux où s'élaborent les règles communes d'une gestion durable. C'est le cas des forêts.
La gestion de l'eau ne donne actuellement pas lieu à ce type d'approche malgré l'enjeu essentiel qu'elle représente pour l'avenir de l'humanité.
La session spéciale de l'Assemblée générale des Nations unies qui s'est tenue à New York en juin 1997 (Rio+5) a donc fait de l'eau un thème majeur pour les cinq années à venir. En effet, à moins d'une inflexion rapide des modes de productions et de consommation de l'eau, cette ressource, parce qu'elle n'existe qu'en quantité limitée, deviendra un frein majeur pour le développement économique.
C'est dans ce contexte particulièrement alarmant que le président de la République, dans son intervention à la session extraordinaire des Nations unies consacrée aux suites de la Conférence de Rio, a offert d'accueillir une Conférence réunissant tous les acteurs d'une politique de l'eau, organisations internationales, gouvernements, représentants des collectivités locales, organisations de solidarité internationale.
La Conférence de Paris prend place dans le processus de préparation de la sixième Commission du développement durable (CDD), dans la suite du Sommet de la Terre de Rio, et ses objectifs sont donc de contribuer à la mise en oeuvre de recommandations de l'Agenda 21 (le chapitre 18 en particulier). L'enjeu de cette Conférence est ainsi de démontrer que, malgré les résultats limités de la session spéciale de l'Assemblée générale des Nations unies, la dynamique de Rio n'est pas stoppée. Cette Conférence n'est pas seulement une affaire de la France, mais une occasion de renouer un dialogue constructif, sous l'égide de la CDD et de concourir à ce que les engagements pris à Rio soient tenus. L'initiative prise par le président Chirac et le choix de Paris doivent être interprétés comme le message que la France n'entend pas renoncer aux engagements pris à Rio.
Cette Conférence doit être une borne, le passage d'une approche par trop technicienne à une approche fondée sur le développement durable, dont les objectifs consistent à garantir l'amélioration des conditions de vie, en particulier par le recul des maladies d'origine hydrique, mais aussi et peut être même surtout, par une participation active des femmes au processus de prise de décisions, et également la durabilité de la production économique.
Je laisse à Mme Voynet le soin de vous éclairer sur le contenu plus précis et les articulations de la Conférence de Paris./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 septembre 2001)