Texte intégral
Je suis très content de cette réunion. Pour moi, c'est seulement le deuxième Gymnich auquel je participe. Cela confirme l'intérêt considérable de ces rencontres qui permettent de discuter calmement, longuement avec de vrais tours de tables et de vraies discussions de tous les sujets importants du moment et c'est le cas de ce qu'on a débattu depuis hier, que ce soit le Kossovo, Chypre ou les questions du processus de paix et de l'Iraq ce matin. C'était pour moi une très bonne réunion sur chacun de ces points, réunion que je crois très utile. Ce n'est pas une instance de décision à proprement parler mais c'est le type de réunion dans lequel nous vérifions que nous sommes sur la même longueur d'onde et que nous menons bien la même politique sur tous les sujets. Dans les Conseils Affaires générales classiques, nous sommes enfermés dans un emploi du temps beaucoup plus préparé à l'avance avec des points précis et l'échange en fait est beaucoup moins commode. Nous avons moins de temps. Donc, c'est vraiment des rencontres régulières que j'ai appris à connaître et que je juge tout à fait indispensables à la recherche de la cohérence des Quinze. Voilà mon impression générale. Et je trouve que Robin Cook est un excellent président, à la fois dynamique, drôle et efficace.
Q - La France est-elle d'accord avec le compromis sur Chypre proposé par la présidence ?
R - Oui, nous nous sommes mis d'accord à partir du texte présenté par la présidence. C'est un texte qui s'appuie sur les conclusions du Conseil européen de Luxembourg de décembre dernier. C'est un bon texte, équilibré. Il faut d'ailleurs remettre cette question de Chypre dans le contexte plus large de l'élargissement. Vous avez des dispositions dans les textes qui concernent le démarrage des négociations, vous avez une disposition sur le suivi des négociations et vous avez des dispositions sur la conclusion, lorsqu'il faudra apprécier si les négociations permettent de régler les problèmes et d'aboutir à l'objectif souhaité. Donc, dans ce contexte général, nous sommes satisfaits du texte tel qu'il a été retenu. J'insiste sur ce point parce que dans la période où nous sommes, on met surtout l'accent sur le lancement de l'élargissement dans quelques jours. En réalité, c'est un processus qui durera ce qu'il durera ; et personne ne le sait à l'avance parce que personne ne sait exactement quels seront les problèmes que nous allons rencontrer et s'ils seront faciles à surmonter ou non. Ce ne seront pas les mêmes problèmes s'agissant de tous les pays candidats, mais des problèmes, dans tous les cas, plus ou moins difficiles. C'est la négociation qui va le montrer. Dans le suivi de la négociation, sur tous les problèmes posés quelle que soit leur nature, économique ou politique, la Commission informera régulièrement le Conseil Affaires générales pour qu'il puisse exercer son autorité et voir si les négociations se déroulent bien. C'est le Conseil Affaires générales, mais c'est vrai aussi du Conseil européen.
Q - Quel est l'accord obtenu sur Chypre ?
R - L'Union européenne en décembre a exprimé le souhait très fort que le processus de négociation puisse concourir à régler les problèmes de l'île, en parallèle avec le travail qui se fait dans le cadre des Nations unies, à partir des textes que vous connaissez. D'autre part, tous les Européens sont d'accord pour que le processus de négociation, et plus encore l'adhésion, bénéficie à l'ensemble de l'île. C'est pour cela que l'ensemble des textes adoptés rappelleront l'objectif, la préférence de l'Europe pour cette solution. Ce que nous disons d'un point de vue français, c'est, je crois, une remarque de bon sens. Il faut que la négociation soit utile à l'île, à l'ensemble de l'île, parce qu'il ne faut pas que la négociation, qui va s'entamer, renforce la division. Ce serait le contraire de ce que tout le monde souhaite. Evidemment, on voit bien que c'est compliqué. On voit bien que le problème n'est pas réglé pour le moment. Mais, il a été décidé de ne pas en faire une condition préalable à l'ouverture de la négociation. Nous comptons que l'ouverture de la négociation entraîne une dynamique positive permettant de surmonter cette question. Cela fera partie des points que le Conseil devra suivre dans le déroulement après l'ouverture de la négociation. Pour le moment, c'est difficile d'aller au-delà puisque la négociation n'est pas ouverte. On ne sait pas comment elle va se dérouler. On ne sait pas encore quels problèmes elle va rencontrer. Nous avons accepté cette présentation parce que le rappel des objectifs de l'Europe est clair, la référence aux conclusions du Conseil du Luxembourg de décembre est claire, et d'autre part, il est dit qu'il y a une sorte de "monitoring" de la négociation qui va être suivi étape après étape.
Q - La décision d'aujourd'hui va-t-elle accélérer l'adhésion de Chypre à l'Union européenne ?
R - Cela dépend de la négociation elle-même. Nous ne sommes pas aujourd'hui avec les représentants des pays candidats à l'adhésion, ni Chypre, ni la Pologne, ni les autres. Nous n'avons pas examiné chaque dossier. Nous mettons en place un cadre. Nous nous sommes mis d'accord sur la façon dont les négociations devaient commencer, devaient être contrôlées et comment nous devions en évaluer les résultats. Ensuite, cela dépendra de chaque cas particulier. Il est d'ailleurs bien dit dans les différents textes que l'appréciation de chaque négociation se fera sur les mérites propres de chaque dossier. Les problèmes ne sont pas les mêmes d'un pays à l'autre. Une négociation d'adhésion est toujours compliquée. Les problèmes économiques, sociaux, financiers, politiques, législatifs concernant la reprise de l'acquis communautaire sont différents d'un pays à l'autre. Nous sommes d'accord pour ouvrir et pour suivre après ensemble, à chaque étape, le déroulement des négociations et pour porter une évaluation sur la façon dont elles se déroulent.
La Commission informera très régulièrement le Conseil - je ne sais pas si ce sera à l'occasion de tous les Conseils Affaires générales tous les mois - mais en tout cas ce sera de façon très régulière, très suivie. Elle informera le Conseil Affaires générales et par ailleurs le Conseil européen deux fois par an de l'avancement de chacune des négociations, en portant une appréciation sur chacune d'entre elles, puisque, je le répète, chaque négociation pose des problèmes particuliers.
Q - Est-il concevable que Chypre puisse entrer dans l'Union européenne sans que le problème du partage de l'île soit résolu ?
R - Non, je pense que ce n'est pas souhaitable et que c'est très peu réaliste. Chacun voit bien, et cela n'est pas une position française particulière, que cela poserait énormément de problèmes, notamment celui de renforcer les divisions. Or tous les efforts qui sont entrepris par une grande partie des Chypriotes, par les différents Européens qui s'en occupent, par les Etats-Unis, par le Conseil de sécurité, à propos de Chypre visent à dépasser cette division. Donc, la question qu'on doit se poser par rapport à cela est : le fait de faire adhérer une île divisée serait-il bon ou pas pour régler ce problème ? Manifestement, cela le durcirait, le renforcerait. Donc, ce n'est pas un objectif souhaitable. Mais doit-on utiliser cet argument pour considérer qu'on ne peut pas ouvrir la négociation ? Nous avons répondu non. On ne peut pas refuser d'ouvrir la négociation uniquement parce qu'au bout du compte, cela paraît irréaliste, dangereux de faire adhérer simplement une partie de l'île. Il faut bien distinguer l'ouverture, le déroulement de la négociation qui fera apparaître des problèmes que nous devrons traiter, et la conclusion.
L'objectif général est clair. Il est dans le texte de Luxembourg de décembre dernier. L'Union européenne en 1995 a accepté l'idée d'une ouverture des négociations avec Chypre. Je vous rappelle que cette décision avait été prise avant même qu'on ait pris la décision concernant certains pays d'Europe centrale et orientale. Il s'agit là de la mise en oeuvre d'un engagement de l'Union européenne. Ce n'est pas une position brusque ou une concession improvisée, c'est la mise en oeuvre d'un engagement. La question était : est-ce qu'il y a des conditions préalables à l'ouverture des négociations qui vont être lancées s'agissant de tel ou tel pays ? Non, il n'y a pas de condition préalable puisque les décisions ont été prises une première fois sur Chypre et ensuite pour les cinq autres pays. Ensuite, il y a le déroulement de la négociation. Est-ce que le Conseil européen, est-ce que le Conseil Affaires générales se désintéressent de la négociation une fois qu'elle est lancée ? Non. Ils la suivent régulièrement sur rapport de la Commission. Au fur et à mesure que les problèmes apparaîtront, ils seront traités. Les Quinze sont d'accord sur cette méthode et tous les problèmes auxquels vous faites allusion seront traités dans ce contexte et selon ce calendrier-là.
Q - N'est-ce pas tout de même une fuite en avant ? En l'absence des Chypriotes turcs, les négociations vont être très difficiles ; par ailleurs, les Turcs ne vont pas être contents de l'ouverture des négociations. Que faire pour inciter les Turcs à rejoindre la Conférence européenne ?
R - Je le répète : la décision d'ouvrir les négociations avec Chypre a été prise en 1995 par l'Union européenne qui a décidé de l'ouvrir six mois après la fin de la Conférence intergouvernementale. On aurait même pu imaginer une situation dans laquelle l'Union européenne décide de ne pas ouvrir tout de suite les négociations avec la Pologne, la Hongrie et d'autres pays. Elle aurait été tenue de l'ouvrir avec Chypre. Elle s'était engagée.
Mais, vous me questionniez comme si c'était un élément nouveau ou comme si c'était une sorte de concession qui était acceptée aujourd'hui. Ce n'est pas le cas du tout. Le débat d'aujourd'hui, comme déjà d'ailleurs le débat de décembre, porte sur la bonne façon de gérer ce problème, qui est compliqué. Cette île est dans une situation particulière. Il y a des efforts dans le cadre de l'ONU. Il y a de nombreux médiateurs qui interviennent pour essayer de dépasser cette situation de division. On voit bien que c'est un problème particulier qui s'ajoute aux problèmes que connaissent tous les pays candidats à l'adhésion qui sont d'une autre nature. Mais notre débat n'était pas de se demander aujourd'hui s'il fallait ouvrir ou pas la négociation. Le débat était plutôt de savoir comment nous allons suivre le problème. Là, vous me posez le problème d'une façon générale dans ce que vous appelez la fuite en avant. Quand la négociation va être ouverte, nous verrons que cela se présentera sous une forme plus précise, plus détaillée. A ce moment, nous serons là pour suivre, pour soulever des questions. C'est une négociation qui s'engage. Ce n'est pas une fuite en avant puisque la décision qu'il s'agit de mettre en application maintenant est prise depuis trois ans.
J'en profite pour dire que naturellement Tony Blair a eu tout à fait raison de dire que la Conférence européenne va rester ouverte à tous les pays qui avaient été invités. Ceci vise en premier lieu la Turquie.
Q - M. Robin Cook part demain au Proche-Orient. A-t-il un mandat de discussion précis ou a-t-il une grande latitude d'action ?
R - La méthode des Gymnich, c'est un peu entre les deux : lorsqu'un des ministres de l'Union européenne va au Proche-Orient, il n'a pas un mandat en tant que tel, mais nous essayons d'atteindre le plus haut degré de cohérence possible et de cohésion entre les pays membres. Il est de plus en plus grand sur ce sujet. C'est une des choses qui me frappe depuis que je suis dans cette fonction. La cohérence dans l'analyse, le diagnostic dans les objectifs est de plus en plus fort au sein de l'Union européenne. Nous sommes tous très satisfaits du voyage de Robin Cook qui tombe à un moment opportun. Nous avons écouté ce matin les exposés de M. Moratinos et de M. Marin. L'idée générale, c'est de continuer d'exercer une pression très forte pour essayer d'obtenir la relance du processus de paix ou essayer d'enrayer son asphyxie progressive, ce qui suppose naturellement un dialogue de part et d'autre, mais des pressions plus claires et plus nettes du côté du gouvernement israélien compte tenu des engagements qui avaient été pris par Israël. Et là, il y a un accord général sur ce point. Ensuite, il y a eu un échange de vues sur tous les aspects plus spécifiques concernant l'aide de l'Europe à l'Autorité palestinienne, concernant la question des redéploiements, concernant la question des mesures unilatérales dont nous souhaitons très fortement l'arrêt, quelles que soient les zones, y compris à Jérusalem. Et d'autre part, la question de l'aéroport, du port, de la circulation des travailleurs palestiniens. Tout cela a été passé en revue. Tous les ministres sont d'accord sur une position européenne forte, sur une activité qui se traduit par de nombreuses visites sur le terrain, notamment quand c'est de la part du pays du président mais ce qui n'enlève rien à l'activité de la diplomatie française par ailleurs. Donc, beaucoup de soutien à Robin Cook, beaucoup de cohérence sur ce plan et nous souhaitons faire ce travail en liaison étroite avec les Etats-Unis car, comme je le dis à chaque fois, l'engagement américain est indispensable dans cette affaire mais n'est manifestement pas suffisant pour entraîner la relance qui n'est toujours pas là. Donc, nous voulons accompagner cet effort, le soutenir et dans certains cas l'aiguillonner.
Q - Vos collègues ont-ils évoqué les menaces d'un veto français sur le NTM?
R - Non.
Cela a été un Gymnich bien organisé, fort sympathique. Nous avons suivi l'ordre du jour qui était suffisamment substantiel pour que nous ne traitions pas tous les sujets du moment. C'est une bonne méthode. Prendre trois, quatre sujets importants et avoir tout le temps qu'il faut pour faire au moins un tour de table complet./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 septembre 2001)
Q - La France est-elle d'accord avec le compromis sur Chypre proposé par la présidence ?
R - Oui, nous nous sommes mis d'accord à partir du texte présenté par la présidence. C'est un texte qui s'appuie sur les conclusions du Conseil européen de Luxembourg de décembre dernier. C'est un bon texte, équilibré. Il faut d'ailleurs remettre cette question de Chypre dans le contexte plus large de l'élargissement. Vous avez des dispositions dans les textes qui concernent le démarrage des négociations, vous avez une disposition sur le suivi des négociations et vous avez des dispositions sur la conclusion, lorsqu'il faudra apprécier si les négociations permettent de régler les problèmes et d'aboutir à l'objectif souhaité. Donc, dans ce contexte général, nous sommes satisfaits du texte tel qu'il a été retenu. J'insiste sur ce point parce que dans la période où nous sommes, on met surtout l'accent sur le lancement de l'élargissement dans quelques jours. En réalité, c'est un processus qui durera ce qu'il durera ; et personne ne le sait à l'avance parce que personne ne sait exactement quels seront les problèmes que nous allons rencontrer et s'ils seront faciles à surmonter ou non. Ce ne seront pas les mêmes problèmes s'agissant de tous les pays candidats, mais des problèmes, dans tous les cas, plus ou moins difficiles. C'est la négociation qui va le montrer. Dans le suivi de la négociation, sur tous les problèmes posés quelle que soit leur nature, économique ou politique, la Commission informera régulièrement le Conseil Affaires générales pour qu'il puisse exercer son autorité et voir si les négociations se déroulent bien. C'est le Conseil Affaires générales, mais c'est vrai aussi du Conseil européen.
Q - Quel est l'accord obtenu sur Chypre ?
R - L'Union européenne en décembre a exprimé le souhait très fort que le processus de négociation puisse concourir à régler les problèmes de l'île, en parallèle avec le travail qui se fait dans le cadre des Nations unies, à partir des textes que vous connaissez. D'autre part, tous les Européens sont d'accord pour que le processus de négociation, et plus encore l'adhésion, bénéficie à l'ensemble de l'île. C'est pour cela que l'ensemble des textes adoptés rappelleront l'objectif, la préférence de l'Europe pour cette solution. Ce que nous disons d'un point de vue français, c'est, je crois, une remarque de bon sens. Il faut que la négociation soit utile à l'île, à l'ensemble de l'île, parce qu'il ne faut pas que la négociation, qui va s'entamer, renforce la division. Ce serait le contraire de ce que tout le monde souhaite. Evidemment, on voit bien que c'est compliqué. On voit bien que le problème n'est pas réglé pour le moment. Mais, il a été décidé de ne pas en faire une condition préalable à l'ouverture de la négociation. Nous comptons que l'ouverture de la négociation entraîne une dynamique positive permettant de surmonter cette question. Cela fera partie des points que le Conseil devra suivre dans le déroulement après l'ouverture de la négociation. Pour le moment, c'est difficile d'aller au-delà puisque la négociation n'est pas ouverte. On ne sait pas comment elle va se dérouler. On ne sait pas encore quels problèmes elle va rencontrer. Nous avons accepté cette présentation parce que le rappel des objectifs de l'Europe est clair, la référence aux conclusions du Conseil du Luxembourg de décembre est claire, et d'autre part, il est dit qu'il y a une sorte de "monitoring" de la négociation qui va être suivi étape après étape.
Q - La décision d'aujourd'hui va-t-elle accélérer l'adhésion de Chypre à l'Union européenne ?
R - Cela dépend de la négociation elle-même. Nous ne sommes pas aujourd'hui avec les représentants des pays candidats à l'adhésion, ni Chypre, ni la Pologne, ni les autres. Nous n'avons pas examiné chaque dossier. Nous mettons en place un cadre. Nous nous sommes mis d'accord sur la façon dont les négociations devaient commencer, devaient être contrôlées et comment nous devions en évaluer les résultats. Ensuite, cela dépendra de chaque cas particulier. Il est d'ailleurs bien dit dans les différents textes que l'appréciation de chaque négociation se fera sur les mérites propres de chaque dossier. Les problèmes ne sont pas les mêmes d'un pays à l'autre. Une négociation d'adhésion est toujours compliquée. Les problèmes économiques, sociaux, financiers, politiques, législatifs concernant la reprise de l'acquis communautaire sont différents d'un pays à l'autre. Nous sommes d'accord pour ouvrir et pour suivre après ensemble, à chaque étape, le déroulement des négociations et pour porter une évaluation sur la façon dont elles se déroulent.
La Commission informera très régulièrement le Conseil - je ne sais pas si ce sera à l'occasion de tous les Conseils Affaires générales tous les mois - mais en tout cas ce sera de façon très régulière, très suivie. Elle informera le Conseil Affaires générales et par ailleurs le Conseil européen deux fois par an de l'avancement de chacune des négociations, en portant une appréciation sur chacune d'entre elles, puisque, je le répète, chaque négociation pose des problèmes particuliers.
Q - Est-il concevable que Chypre puisse entrer dans l'Union européenne sans que le problème du partage de l'île soit résolu ?
R - Non, je pense que ce n'est pas souhaitable et que c'est très peu réaliste. Chacun voit bien, et cela n'est pas une position française particulière, que cela poserait énormément de problèmes, notamment celui de renforcer les divisions. Or tous les efforts qui sont entrepris par une grande partie des Chypriotes, par les différents Européens qui s'en occupent, par les Etats-Unis, par le Conseil de sécurité, à propos de Chypre visent à dépasser cette division. Donc, la question qu'on doit se poser par rapport à cela est : le fait de faire adhérer une île divisée serait-il bon ou pas pour régler ce problème ? Manifestement, cela le durcirait, le renforcerait. Donc, ce n'est pas un objectif souhaitable. Mais doit-on utiliser cet argument pour considérer qu'on ne peut pas ouvrir la négociation ? Nous avons répondu non. On ne peut pas refuser d'ouvrir la négociation uniquement parce qu'au bout du compte, cela paraît irréaliste, dangereux de faire adhérer simplement une partie de l'île. Il faut bien distinguer l'ouverture, le déroulement de la négociation qui fera apparaître des problèmes que nous devrons traiter, et la conclusion.
L'objectif général est clair. Il est dans le texte de Luxembourg de décembre dernier. L'Union européenne en 1995 a accepté l'idée d'une ouverture des négociations avec Chypre. Je vous rappelle que cette décision avait été prise avant même qu'on ait pris la décision concernant certains pays d'Europe centrale et orientale. Il s'agit là de la mise en oeuvre d'un engagement de l'Union européenne. Ce n'est pas une position brusque ou une concession improvisée, c'est la mise en oeuvre d'un engagement. La question était : est-ce qu'il y a des conditions préalables à l'ouverture des négociations qui vont être lancées s'agissant de tel ou tel pays ? Non, il n'y a pas de condition préalable puisque les décisions ont été prises une première fois sur Chypre et ensuite pour les cinq autres pays. Ensuite, il y a le déroulement de la négociation. Est-ce que le Conseil européen, est-ce que le Conseil Affaires générales se désintéressent de la négociation une fois qu'elle est lancée ? Non. Ils la suivent régulièrement sur rapport de la Commission. Au fur et à mesure que les problèmes apparaîtront, ils seront traités. Les Quinze sont d'accord sur cette méthode et tous les problèmes auxquels vous faites allusion seront traités dans ce contexte et selon ce calendrier-là.
Q - N'est-ce pas tout de même une fuite en avant ? En l'absence des Chypriotes turcs, les négociations vont être très difficiles ; par ailleurs, les Turcs ne vont pas être contents de l'ouverture des négociations. Que faire pour inciter les Turcs à rejoindre la Conférence européenne ?
R - Je le répète : la décision d'ouvrir les négociations avec Chypre a été prise en 1995 par l'Union européenne qui a décidé de l'ouvrir six mois après la fin de la Conférence intergouvernementale. On aurait même pu imaginer une situation dans laquelle l'Union européenne décide de ne pas ouvrir tout de suite les négociations avec la Pologne, la Hongrie et d'autres pays. Elle aurait été tenue de l'ouvrir avec Chypre. Elle s'était engagée.
Mais, vous me questionniez comme si c'était un élément nouveau ou comme si c'était une sorte de concession qui était acceptée aujourd'hui. Ce n'est pas le cas du tout. Le débat d'aujourd'hui, comme déjà d'ailleurs le débat de décembre, porte sur la bonne façon de gérer ce problème, qui est compliqué. Cette île est dans une situation particulière. Il y a des efforts dans le cadre de l'ONU. Il y a de nombreux médiateurs qui interviennent pour essayer de dépasser cette situation de division. On voit bien que c'est un problème particulier qui s'ajoute aux problèmes que connaissent tous les pays candidats à l'adhésion qui sont d'une autre nature. Mais notre débat n'était pas de se demander aujourd'hui s'il fallait ouvrir ou pas la négociation. Le débat était plutôt de savoir comment nous allons suivre le problème. Là, vous me posez le problème d'une façon générale dans ce que vous appelez la fuite en avant. Quand la négociation va être ouverte, nous verrons que cela se présentera sous une forme plus précise, plus détaillée. A ce moment, nous serons là pour suivre, pour soulever des questions. C'est une négociation qui s'engage. Ce n'est pas une fuite en avant puisque la décision qu'il s'agit de mettre en application maintenant est prise depuis trois ans.
J'en profite pour dire que naturellement Tony Blair a eu tout à fait raison de dire que la Conférence européenne va rester ouverte à tous les pays qui avaient été invités. Ceci vise en premier lieu la Turquie.
Q - M. Robin Cook part demain au Proche-Orient. A-t-il un mandat de discussion précis ou a-t-il une grande latitude d'action ?
R - La méthode des Gymnich, c'est un peu entre les deux : lorsqu'un des ministres de l'Union européenne va au Proche-Orient, il n'a pas un mandat en tant que tel, mais nous essayons d'atteindre le plus haut degré de cohérence possible et de cohésion entre les pays membres. Il est de plus en plus grand sur ce sujet. C'est une des choses qui me frappe depuis que je suis dans cette fonction. La cohérence dans l'analyse, le diagnostic dans les objectifs est de plus en plus fort au sein de l'Union européenne. Nous sommes tous très satisfaits du voyage de Robin Cook qui tombe à un moment opportun. Nous avons écouté ce matin les exposés de M. Moratinos et de M. Marin. L'idée générale, c'est de continuer d'exercer une pression très forte pour essayer d'obtenir la relance du processus de paix ou essayer d'enrayer son asphyxie progressive, ce qui suppose naturellement un dialogue de part et d'autre, mais des pressions plus claires et plus nettes du côté du gouvernement israélien compte tenu des engagements qui avaient été pris par Israël. Et là, il y a un accord général sur ce point. Ensuite, il y a eu un échange de vues sur tous les aspects plus spécifiques concernant l'aide de l'Europe à l'Autorité palestinienne, concernant la question des redéploiements, concernant la question des mesures unilatérales dont nous souhaitons très fortement l'arrêt, quelles que soient les zones, y compris à Jérusalem. Et d'autre part, la question de l'aéroport, du port, de la circulation des travailleurs palestiniens. Tout cela a été passé en revue. Tous les ministres sont d'accord sur une position européenne forte, sur une activité qui se traduit par de nombreuses visites sur le terrain, notamment quand c'est de la part du pays du président mais ce qui n'enlève rien à l'activité de la diplomatie française par ailleurs. Donc, beaucoup de soutien à Robin Cook, beaucoup de cohérence sur ce plan et nous souhaitons faire ce travail en liaison étroite avec les Etats-Unis car, comme je le dis à chaque fois, l'engagement américain est indispensable dans cette affaire mais n'est manifestement pas suffisant pour entraîner la relance qui n'est toujours pas là. Donc, nous voulons accompagner cet effort, le soutenir et dans certains cas l'aiguillonner.
Q - Vos collègues ont-ils évoqué les menaces d'un veto français sur le NTM?
R - Non.
Cela a été un Gymnich bien organisé, fort sympathique. Nous avons suivi l'ordre du jour qui était suffisamment substantiel pour que nous ne traitions pas tous les sujets du moment. C'est une bonne méthode. Prendre trois, quatre sujets importants et avoir tout le temps qu'il faut pour faire au moins un tour de table complet./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 septembre 2001)