Déclaration de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur la place des réservistes dans la défense, Nancy le 23 novembre 2002.

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Circonstance : 1ère journée nationale du réserviste le 23 novembre 2002

Texte intégral

Monsieur le ministre,
Mesdames et messieurs les parlementaires et élus,
Monsieur le préfet,
Messieurs les officiers généraux,
Mesdames et messieurs,
C'est, pour moi, un réel plaisir que de prendre la parole devant vous, ici, à Nancy, ville de forte tradition militaire, en Lorraine, terre d'efforts particuliers pour faire vivre le principe même de la réserve et de l'engagement au profit de la défense.
Malgré les difficultés rencontrées au cours de ces dernières années, les efforts que vous avez faits dans ce domaine, ont été couronnés de succès. Les témoignages que nous venons d'entendre à l'instant attestent de ces efforts, des difficultés aussi et, ne l'oublions pas, des succès obtenus.
Je veux vous dire, aujourd'hui, le nouveau rôle que revêt, à mes yeux, dans le cadre de la professionnalisation des armées et dans le contexte politique et militaire du monde, la réserve militaire.
Je veux également vous dire l'importance que j'attache à sa mise sur pied opérationnelle avec l'ampleur qui paraît nécessaire. La réserve, mesdames et messieurs, est indispensable, non seulement pour les armées mais également pour l'ensemble de la Nation.
Je souhaite donc que la journée nationale du réserviste organisée aujourd'hui à Nancy, comme sur l'ensemble du territoire national, obtienne le plus large écho.
Tous les pays qui possèdent de grandes armées professionnelles disposent d'une réserve. Grâce à leur expertise et à leur expérience, les réservistes opérationnels soutiennent les opérations menées par les armées, notamment lorsque s'estompe la frontière entre le civil et le militaire.
Les réservistes apportent, à l'intérieur comme à l'extérieur du territoire national, un complément de moyens indispensables aux armées à l'heure où la professionnalisation a réduit leur format.
A cet instant même, il faut savoir qu'une centaine de réservistes est sur place dans les Balkans et également en Afghanistan, et qu'en ce moment, plus de 300 réservistes participent sur le territoire national au plan Vigipirate.
Je voudrais vous dire qu'à mes yeux, les réservistes sont plus qu'un complément de moyens, plus qu'un soutien. Ils ont, en eux-mêmes, une mission propre et irremplaçable.
Ce sont eux, c'est vous, messieurs les réservistes et mesdames les réservistes aussi, qui pouvez jouer un rôle essentiel dans la promotion de l'esprit de défense, esprit de défense vital pour la Nation. Dans le cadre de vos activités civiles, tant professionnelles que sociales, vous jouez un rôle unique pour faire connaître la nécessité, la problématique et l'excellence de notre outil de défense.
Votre rôle est primordial alors que la suspension du service national pourrait distendre le lien qui existe entre les armées et la Nation. Votre rôle est encore plus important dans la conjoncture actuelle.
Nous savons combien l'attente des Français en matière de sécurité est croissante. C'est la première responsabilité d'un Etat que d'assurer la sécurité de ses citoyens. Or, nous le savons tous, la menace terroriste pèse sur l'ensemble du monde libre. Elle ajoute ainsi dramatiquement au besoin d'une réserve entraînée et motivée.
Les catastrophes naturelles, comme les dernières inondations, en particulier dans le Gard, ont prouvé, et également démontré à l'envie, la nécessité de disposer de réserves efficaces pour faire face aux situations de crise.
C'est vrai dans tous les domaines. Il suffit de se rappeler comment, aux Etats-Unis, après le 11 septembre, c'est à la garde nationale qu'il a été fait appel démontrant ainsi combien, aux heures graves, les armées les plus puissantes ont besoin de recourir aux forces vives de la Nation.
Les Français sont conscients de ces besoins. La fidélité des anciens réservistes ainsi que l'arrivée croissante de jeunes dans la réserve témoignent de l'intérêt pour ceux qui font le choix de ce dévouement, de ce sens du service, de cette volonté d'une mobilisation de ses efforts au service de la collectivité.
Dans notre société qui a tendance à se replier sur elle-même, où l'individualisme tend à accorder la priorité aux intérêts personnels, je crois qu'il est bon, aujourd'hui, de souligner ce sens de l'autre, ce sens de la collectivité que représente la réserve.
Pour ceux qui ont servi en opération, la réserve prend la double dimension d'un acte de civisme et d'une véritable aventure humaine. Aux employeurs, qui sont nombreux ici, je veux dire qu'une telle expérience de la part d'un homme ou d'une femme ne peut qu'enrichir humainement et professionnellement celui qui la vit. Le sens des responsabilités s'y aiguise. Le sens de l'organisation s'y développe. Le sens du travail en équipe peut s'y épanouir. Pour vous qui avez ce souci, sachez que les cadres de vos entreprises qui participent à la réserve y renforcent leurs compétences au management. Sachez aussi que chacun des salariés y renforce sa capacité et aussi son efficacité dans le service de votre entreprise.
Je prendrai, pour illustrer mes propos, le témoignage du directeur général d'AXA, lui-même réserviste, Henri de Castries. Dans une interview, il déclarait récemment que les meilleurs managers étaient d'anciens militaires.
Chez les médecins de crise et tous les spécialistes d'actions civiles ou militaires, l'expérience et l'expertise sortent renforcées du passage par la réserve. Cela a été démontré.
Je crois que nous devons reconnaître que les armées, par les exigences qui sont les leurs mais également par l'idéal qui porte les hommes et les femmes qui les servent, sont un lieu privilégié pour faire s'épanouir des qualités individuelles indispensables aux armées mais aussi plus qu'utiles dans l'entreprise et plus généralement dans la vie sociale.
Je crois que nous ne devons en aucun cas l'oublier.
Pour toutes ces raisons, j'ai voulu, aujourd'hui, rendre un hommage particulier aux réservistes.
Je crois qu'ils méritent la reconnaissance de la Nation, comme ils méritent notre reconnaissance personnelle. Cette reconnaissance, c'est l'une des dimensions de cette journée nationale voulue par le législateur et que j'ai décidé d'organiser aujourd'hui pour la première fois sur l'ensemble du territoire national. Ainsi, c'est au plus près de nos concitoyens qu'est rendu l'hommage dû aux réservistes et qu'est aussi entendu l'appel à des jeunes pour rejoindre la réserve.
Cette journée doit, en effet, représenter un moment privilégié pour assurer la promotion de la réserve auprès des jeunes.
Je me réjouis, monsieur le maire, général, de ce que j'ai vu ce matin en visitant l'exposition consacrée à la réserve.
Je me réjouis que tous les militaires et les membres de la réserve présents ce matin aient ainsi pu accueillir un certain nombre de personnes qui ont d'ores et déjà manifesté leur souhait ou leur intérêt pour rejoindre la réserve.
Je crois, en effet, que nous avons un gros effort de communication à faire dans ce domaine. Beaucoup de Français croient, aujourd'hui, la réserve disparue avec la professionnalisation. Or, c'est au contraire le moment où nous avons le plus besoin qu'elle reprenne force.
Je pense qu'elle monte et qu'elle va continuer à monter en puissance.
Il est vrai qu'aujourd'hui, nous satisfaisons à peu près nos besoins de réservistes en ce qui concerne les officiers ou les sous-officiers. C'est plus difficile avec les hommes du rang. C'est la raison pour laquelle nous devons faire en sorte que la réserve soit mieux connue comme doivent l'être ses modalités d'accès et les garanties dont jouissent les réservistes.
Je souhaite également que cette journée permette aux employeurs de prendre pleinement conscience de l'apport que représente pour leurs entreprises l'engagement des réservistes qui y travaillent.
Je dis aujourd'hui aux employeurs qu'au cours de l'année 2003, je m'attacherai à reprendre complètement le dossier des réserves.
Le but est en effet d'atteindre les objectifs fixés par la loi de programmation militaire qui viendra en discussion devant l'Assemblée Nationale et devant le Sénat dans les toutes prochaines semaines. Les objectifs fixés se montent, aujourd'hui, à 80 000 réservistes en 2008.
Je dis très clairement que, d'une part, toutes les entreprises qui, directement ou en sous-traitance, travaillent avec le Ministère de la Défense et pour le Ministère de la Défense, devront montrer qu'elles sont effectivement sensibles à la préoccupation de l'esprit de défense.
Je souhaite également qu'au-delà des qualités humaines créées par les armées et qui seront incarnées aussi par les réservistes, ces qualités puissent être reconnues et accueillies par le plus grand nombre d'entreprises dans notre pays.
L'esprit d'entreprise, je le sais, exige un certain nombre de qualités. Des qualités que je les retrouve très souvent aussi dans le management des armées.
Je crois qu'il doit y avoir une préoccupation commune. Ce que nous souhaitons, les uns et les autres, c'est assurer la défense de notre pays et également sa promotion. Cela passe donc par le lien fort entre tous ceux qui participent à cette promotion de la France.
En conclusion, je souhaiterais que cette journée, sous l'auspice du soleil, que le maire et le préfet se sont empressés d'organiser pour ma venue, permette de tisser de nouveaux liens, des liens de connaissance, de reconnaissance, des liens chaleureux aussi entre les armées et la Nation, la Nation qui n'est pas simplement un ensemble de citoyens mais également un corps social et professionnel tendu vers un même idéal et vers un même but. Personne, dans notre société, dans notre monde actuel, ne saurait se désintéresser de la défense parce que c'est aussi sa défense.
Alors, oui, moi aussi, je vous dis j'ai besoin de chacune et de chacun d'entre vous, parce que c'est la France qui a besoin de vous et je vous fais confiance pour cela.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 6 décembre 2002)