Texte intégral
Q - Une nouvelle directive sur l'énergie est en préparation à Bruxelles. Quelle sera, sur le sujet, la position française ?
R - Je voudrais d'abord rappeler que la décision de transposer par la voie législative, avant la fin de l'année, la première directive gaz nous place dans une situation plus favorable pour discuter avec nos partenaires européens. Dans l'isolement total dans lequel nous nous trouvons, il ne serait toutefois pas très habile de se cramponner à notre position comme la moule sur le rocher. Conformément aux engagements pris lors du Sommet de Barcelone, nous souhaitons nous donner jusqu'au printemps 2003 pour prendre les décisions relatives à l'ouverture du marché du gaz et de l'électricité aux ménages. Ce qui signifie qu'il n'y aura pas d'accord politique sur la question lors du Conseil européen du 4 octobre prochain. Par la suite, s'il apparaissait qu'une bonne solution de fond pouvait être trouvée, fixant des délais raisonnables et respectant les impératifs de service public, nous n'aurions plus de raison de nous y opposer. Aujourd'hui, malgré la pression énorme que nous subissons, je ne suis pas trop pessimiste, car dans le débat sur les missions de service public la France est parvenue à faire avancer ses idées.
Q - La défense du service public sera également au coeur de débats sur l'ouverture du capital d'EDF et de GDF. Le syndrome France Télécom ne risque-t-il pas de brouiller votre discours ?
R - Je crois surtout qu'il faut gérer tout cela calmement, et éviter les amalgames. Le dossier France Télécom nous bouleverse, mais il serait dommage, et surtout injustifié, que cette affaire ajoute la confusion. Nous souhaitons donner à EDF et Gaz de France les moyens les plus performants pour devenir des champions européens et mondiaux. Cela passe en premier lieu par la transposition en droit français des différents textes européens puis par la transformation du statut de ces entreprises. Quand ces étapes auront été franchies, nous nous pencherons sur l'ouverture minoritaire de leur capital, en respectant le statut des salariés. Le processus, est en tout cas engagé. L'épisode France Télécom n'en modifiera ni le rythme ni les objectifs.
Q - Concernant EDF, cette affaire doit tout de même inciter l'Etat à se montrer plus vigilant ?
R - EDF doit améliorer sa rentabilité. Nous regarderons de très près la situation de ses filiales, notamment en Amérique latine et nous prendrons nos responsabilités. D'une façon générale il y a un équilibre à trouver. L'Etat-actionnaire doit être le garant de l'intérêt général, sans interférer dans la gestion au quotidien. (...) Partout où il y a intérêt général, il doit y avoir l'Etat.
Q - Vous vous envolez ce soir pour le Japon, où vous serez le premier membre du nouveau gouvernement reçu en visite officielle. Qu'attendez-vous de ce voyage ?
R - La première raison de ce déplacement est la tenue, à Osaka, du Forum international de l'énergie. Il est important que les pays producteurs et consommateurs puissent ainsi se rencontrer et dialoguer. Il me semble essentiel de démontrer que clients et fournisseurs ont des intérêts communs. J'ai assorti ma visite d'une série de rencontres bilatérales dont j'attends beaucoup avec mes homologues de pays tels que l'Algérie, l'Arabie saoudite, l'Indonésie, la Chine ou la Norvège...
Q - Que direz-vous aux représentants de l'industrie électronucléaire japonaise ?
R - Au Japon, l'affaire Tepco, ce grand électricien soupçonné d'avoir falsifié des rapports consacrés à la sûreté de ses réacteurs entre la fin des années 80 et le début des années 90, fait actuellement la une de l'actualité. Notre venue intervient donc à un moment sensible. Le savoir-faire acquis par la France en ce domaine prouve qu'il est possible de concilier nucléaire et transparence, et ce message, nous comptons bien le faire passer.
Q - En France aussi il vous faudra répondre aux préoccupations des citoyens et des industriels en la matière...
R - C'est tout l'objet du débat national que j'entends ouvrir avant la fin de l'année, et qui devra déboucher sur une grande loi d'orientation sur l'énergie. Le moment est venu de faire des choix et je pense que, si on les explique bien, c'est une opportunité formidable pour le nucléaire.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 septembre 2002)