Point de presse de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie, sur la nécessité de renforcer le régime des inspections en Irak conformément à la résolution 1441 et de ne passer à une nouvelle phase qu'en cas de constat d'impasse, à New York le 5 février 2003.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies au niveau ministériel sur l'Irak, à New York le 5 février 2003

Texte intégral

Nous avons eu une très bonne session de travail. En premier lieu, je souhaiterais remercier le secrétaire d'Etat, M. Colin Powell, d'avoir partagé avec nous, avec l'ensemble du Conseil de sécurité, des informations, présentant des témoignages, des soupçons au sujet de l'attitude de l'Iraq. Nous attendons maintenant des réponses de l'Iraq. L'Iraq doit répondre. Pour nous, il est bien sûr très important de partager l'information avec les Américains et de la comparer avec ce que nous avons de notre côté. Et il revient aux inspecteurs de nous dire la réalité des faits sur le terrain. Parce que la France estime qu'entre la situation actuelle où les inspections sont insuffisantes et la guerre, il y a la place pour améliorer le régime des inspections, nous pensons que dans le cadre de la résolution 1441, on peut demander plus à l'Iraq. Nous proposons que, si nécessaire, on double ou on triple le nombre des inspecteurs, que l'on augmente le nombre de bureaux régionaux des Nations unies en Iraq. Nous pourrions le faire s'il est nécessaire d'augmenter les renseignements nécessaires aux inspecteurs et s'il est nécessaire d'accroître la capacité d'observation. Nous pensons, comme le président de la République l'a dit à plusieurs reprises, que l'usage de la force doit être le dernier recours.
Q - Pensez-vous que Colin Powell a convaincu les sceptiques, comme la France, au sujet de la nécessité du recours à la force ?
R - Le secrétaire d'Etat a été très clair. Il n'y a pas de preuve absolue dans ces domaines, il y a des indices, des informations, des soupçons. Nous devrions tous essayer d'en savoir plus et c'est pour cette raison que nous avons besoin des inspections, afin d'aller de l'avant et de maintenir notre objectif, le désarmement de l'Iraq qui est le seul objectif de la communauté internationale.
Q - Ce qui a été dit dans la présentation de M. Powell, c'est que l'Iraq trompe les inspecteurs. Alors comment pouvez-vous être aussi convaincu qu'il faut que les inspections continuent ?
R - Nous avons des inspecteurs sur le terrain. Ils sont l'il et les mains du Conseil de sécurité. Depuis le début, nous avons dit que les inspecteurs sont à même de faire leur travail sur le terrain. Nous sommes dans la première phase de la résolution 1441, c'est-à-dire le temps des inspections. Si nous arrivons à une impasse, alors nous passons à une seconde phase. Sur la base d'un rapport des inspecteurs disant qu'ils ne peuvent plus travailler en Iraq, alors nous devrions travailler à une seconde résolution. Et tout le monde en prendra l'entière responsabilité.
Q - Comment décririez-vous la distance qui reste jusqu'à la guerre et de combien de temps les inspecteurs devraient-ils encore disposer ?
R - La résolution 1441 ne fixe pas de date butoir. Nous devrions travailler dans le cadre des inspections et de la résolution 1441 aussi longtemps que nous pouvons progresser. C'est toute la philosophie de la résolution 1441. Aussi longtemps qu'il y a du progrès. C'est l'esprit de responsabilité du Conseil de sécurité.
Q - Que répondez-vous à ceux qui disent que le temps presse, que la fenêtre diplomatique se referme ? Revient-il aux inspecteurs de décider le calendrier ?
R - Le Conseil de sécurité est composé de quinze membres. Ils sont là pour prendre une responsabilité collective. Ils doivent évaluer la situation. Ils le font sur la base des informations données par les inspecteurs. C'est la responsabilité pleine et entière du Conseil. Il ne revient pas à un pays, seul, de décider. C'est aux inspecteurs de faire rapport au Conseil de sécurité et, sur cette base, le Conseil doit évaluer ce qu'il lui revient de faire. C'est là, je pense, la philosophie du Conseil de sécurité.
Q - Que répondez-vous aux Américains qui considèrent que l'attitude de la France est une attitude hostile ?
R - Nous sommes les amis des Etats-Unis. Nous avons été amis depuis des siècles. Nous sommes amis aujourd'hui et nous le resterons demain, quoi qu'il arrive. La relation entre la France, l'Europe et les Etats-Unis n'est pas mise en cause. La question n'est pas là. La question, c'est l'Iraq : que faisons-nous avec l'Iraq ? Que faisons-nous vis-à-vis de cette région ? Que doit faire aujourd'hui la communauté internationale pour exercer ses responsabilités à l'égard de cette crise ? Et que ferions-nous face à une autre crise de prolifération ? Et nous savons qu'il y a aujourd'hui de nombreuses autres crises potentielles de prolifération dans le monde.
Q - Jusqu'à quel point la France serait-elle prête aujourd'hui à donner satisfaction aux Américains ?
R - Je pense qu'aujourd'hui, nous devons prendre nos responsabilités face au problème central de la communauté internationale, à savoir les crises de prolifération. Nous avons essayé de recourir à l'esprit de solidarité, c'est ce que nous anime dans notre relation avec les Etats-Unis. Mais nous estimons que ce qui est en cause aujourd'hui, c'est de savoir comment nous voulons agir face aux crises dans le monde. Et nous pensons qu'à chaque étape, les Nations unies devraient avoir un rôle central. Nous estimons que quoi qu'il arrive, les Nations unies resteront au centre du jeu.
Q - Est-ce que les éléments présentés par Colin Powell constituent une preuve circonstancielle selon vous ?
R - Le secrétaire d'Etat Colin Powell l'a dit clairement : il n'y a pas de preuves absolues. Il n'a pas prétendu apporter des preuves. Il a apporté des indices, des suspicions, des témoignages. C'est tout cela qui constitue l'inquiétude de la communauté internationale, inquiétude que nous partageons. L'Iraq doit répondre, nous l'avons dit depuis le début. La communauté internationale doit exprimer sa fermeté vis-à-vis de l'Iraq. L'Iraq doit changer. Nous nous sommes engagés pour que l'Iraq véritablement s'engage dans la voie du désarmement. L'Iraq doit répondre et c'est ce que nous disons tous ce matin très clairement, même si je crois qu'il y a une large majorité du Conseil de sécurité qui souhaite que l'on intensifie et que l'on accroisse la capacité des inspecteurs sur le terrain.
Q - L'avez-vous trouvé convaincant ?
R - Je crois que le secrétaire d'Etat a dit ce qu'il pensait. Il a livré les informations et pour cela nous l'en remercions. Nous avons souhaité les premiers que tous les Etats qui disposent d'informations privilégiées les donnent. J'ai écrit à tous les membres du Conseil, à la demande du président Chirac. Je suis très heureux et je me suis réjoui le premier de la réunion d'aujourd'hui.
Q - Qu'est ce que vous attendez de la part des Iraquiens avant le 14 février pour que leur démarche aille dans le sens que vous souhaitez ?
R - Les Iraquiens doivent répondre. Et la date du 14 février est importante puisque c'est un rendez-vous avec les inspecteurs, où ils vont présenter la situation à nouveau au Conseil de sécurité. Et, à partir de là, nous allons évaluer la situation. Soit les inspections peuvent se poursuivre et il faut qu'elles se poursuivent. Soit elles sont dans l'impasse et nous sommes alors dans un deuxième temps. Il importera alors que le Conseil de sécurité se réunisse.
Q - Avez-vous changé un tant soit peu votre position ?
R - Nous avons travaillé très étroitement avec les Américains le mois passé. Nous avons partagé des informations. Je dois dire que Colin Powell a donné de nombreuses indications et de nombreux témoignages qui sont très importants et très intéressants à nos yeux. Nous pouvons les comparer avec les informations que nous avons. Mais, comme je l'ai dit, dans ce domaine, il est très difficile d'avoir des preuves absolues. C'est pourquoi nous devons renforcer les inspections, car les inspecteurs sont sur le terrain et que nous ne pouvons pas fonder notre analyse seulement sur des soupçons. Nous avons besoin de faits. C'est très important.
Q - Pensez-vous que les Américains se sont montrés suffisamment ouverts à l'égard des Nations unies, en ce qui concerne le partage des informations avec les inspecteurs ?
R - La participation du Secrétaire d'Etat à notre réunion d'aujourd'hui est une réponse claire à votre question.
Q - (à propos d'une nouvelle résolution)
R - Il n'y a pas de seconde résolution sur la table aujourd'hui. Et il n'y a pas besoin d'une seconde résolution. Nous travaillons sur la base de la résolution 1441 qui est pleinement en vigueur. Nous pouvons l'améliorer. Elle recèle de nombreuses possibilités auxquelles nous pouvons recourir. Mais aujourd'hui, les inspecteurs sont sur le terrain. Ils nous feront rapport le 14 février. Nous sommes dans le cadre de la résolution 1441. Il n'y a pas besoin d'une seconde résolution./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 février 2003)