Déclaration de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur l'effort budgétaire et la coopération européenne en matière de recherche militaire, Paris le 20 janvier 2003.

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Circonstance : Clôture des 10èmes rencontres parlementaires "Paix et défense" à Paris le 20 janvier 2003

Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames, messieurs,
Je remercie Messieurs d'Aubert et Boucheron de m'accueillir en ces murs pour conclure les dixièmes rencontres parlementaires " Paix et défense ".
Cette tradition bien établie s'enracine dans un succès renouvelé.
Le thème de vos débats est au cur de notre action dans le long terme.
La défense d'aujourd'hui est essentielle pour la paix de demain : " Si vis pacem para bellum ".
L'anticipation et la dissuasion qu'elle rend possibles, la crédibilité qu'elle apporte à notre Défense en sont les instruments.
La France, pour assurer son autonomie stratégique, doit disposer d'entreprises performantes.
L'autonomie stratégique n'est ni un concept abstrait, ni un prétexte destiné au soutien de notre industrie pour des raisons commerciales.
Les conditions d'accès aux technologies nécessaires à la dissuasion, au spatial ou encore aux missiles de croisière sont là pour nous le rappeler. L'autonomie stratégique est une nécessité.
Elle se nourrit de la recherche.
Si la loi de programmation est principalement orientée vers la production d'équipements, un effort accru en matière de recherche et technologie y a été inscrit.
Il doit permettre de maintenir les compétences et savoir-faire stratégiques des bureaux d'études et de préserver notre base industrielle.
Cet effort permet aussi d'anticiper et de maîtriser les coûts et les risques techniques inhérents à la réalisation de nos programmes.
Cet accent mis sur la recherche a également pour finalité d'intégrer les évolutions technologiques nous rendant capable de faire face efficacement à la diversité des nouvelles menaces. L'anticipation des prochaines ruptures technologiques, le maintien de notre capacité à les traduire en termes stratégiques et opérationnels sont les conditions de notre aptitude à tenir notre rang et à remplir nos engagements.
De nombreux moyens ont été mis en place pour restaurer la disponibilité des matériels et moderniser les équipements des armées.
Les moyens que nous consacreront à la recherche témoignent de notre volonté de nous mobiliser également sur des préoccupations de long terme.
La recherche de défense, enjeu de prospective à long terme et de sécurité pour nos concitoyens, repose durablement sur une implication forte de l'État.
Le ministère de la Défense s'y investit donc avec responsabilité et détermination.
Vous avez tous eu à l'esprit aujourd'hui la grande disparité entre les budgets consacrés à la recherche de défense de part et d'autre de l'Atlantique, au profit de deux grandes bases industrielles concurrentes, américaine et européenne.
Le contexte budgétaire européen particulièrement contraint ne nous permet pas d'espérer consentir le même effort que nos alliés américains.
Dans certains cas, nous aurons sans doute à travailler avec eux.
Mais l'écart important entre les budgets européens et américains va peser durablement sur nos politiques de recherche.
La France a choisi d'aborder la question de la recherche avec ambition et avec une méthode adaptée à ses besoins et ses moyens.
La LPM comporte un volet important dédié à la recherche.
Les ressources que le projet de loi de programmation militaire prévoit de consacrer à l'effort de recherche technologique s'élèvent à 3,8 Md sur les six ans à venir.
Cela représente une hausse d'environ 16 % par rapport à l'exécution de la loi de programmation militaire précédente, la LPM 1997-2002.
En la matière, la France rejoint le niveau des dépenses du Royaume Uni.
Il est essentiel que cet effort se traduise par une utilisation optimale de ces crédits.
Les chefs d'états-majors ont rappelé aujourd'hui que nous devons nous concentrer sur les technologies qui serviront directement les facteurs d'efficacité opérationnelle en vue d'obtenir une supériorité sur le terrain.
L'activité prospective et la détermination d'un référentiel de capacités technologiques nécessaires pour satisfaire les exigences des systèmes de forces de notre défense seront poursuivies afin de continuer à orienter notre recherche de défense.
L'efficacité de notre organisation peut encore être renforcée.
Afin de mieux faire partager nos besoins aux industriels, les prochains carrefours " DGA/Industries " doivent permettre de favoriser le cofinancement des études par ceux-ci et d'identifier les marges de progrès.
J'ai demandé à la DGA, pour le mois de mars, des propositions de nature à améliorer les procédures contractuelles existantes et à mieux coordonner l'ensemble des études amont.
Ces propositions devront être formulées avec le souci de mieux mobiliser les PME innovantes tant dans leur savoir faire que dans leur capacité à répondre à nos attentes.
Un protocole entre le ministère de la Recherche et le ministère de la Défense est en cours d'élaboration. Il vise à mieux coordonner les efforts respectifs des deux ministères et à favoriser la recherche civile à vocation duale.
Tous ces projets doivent jouer un rôle de levier pour nos investissements.
Dans cet esprit, je suis bien sûr disposée à examiner les propositions que vous avez faites aujourd'hui et qui sont de nature à améliorer l'emploi des fonds publics.
Les efforts déployés par la France seule ne seront pas suffisants, vous le savez.
Les grands groupes américains cherchent aujourd'hui à accroître leur avance technologique en imposant leurs concepts, en particulier dans le cadre du programme de défense antimissile.
Ils promeuvent leurs produits, comme le prouve le succès remporté, avant même son lancement, par le programme d'avion de combat Joint Strike Fighter.
Ce défi industriel est un défi politique pour l'Europe.
Il nous appartient de le relever dans un contexte européen
Nous pouvons déjà nous féliciter de ce qui a été accompli.
Le processus ECAP offre aujourd'hui aux Européens une structure de réflexion commune sur les besoins capacitaires de l'Europe et les moyens de les satisfaire.
Dans le cadre de la LoI, six pays dont la France, travaillent actuellement à l'harmonisation de leurs procédures et à la rationalisation des travaux qu'ils financent, notamment vis-à-vis des sociétés transnationales.
L'OCCAR permet d'envisager de mener des projets en s'affranchissant de la règle du juste retour industriel par projet qui freine encore si souvent la construction d'une Europe de l'armement.
De nombreux accords bilatéraux rendent possible la mise en commun de ressources à des fins de recherche commune.
Toutes ces réalisations sont là pour témoigner que beaucoup en Europe ont pris conscience de l'enjeu.
Pourtant, vous en avez fait le constat dans la plupart des pays européens, les budgets ne suivent pas.
A l'exception de la France et du Royaume Uni, les Européens, pour des raisons industrielles mais surtout budgétaires, ont aujourd'hui le plus grand mal à dégager les moyens nécessaires au développement d'une Europe de la Défense.
Il est nécessaire de contrecarrer ce paradoxe en poursuivant nos efforts.
Nous devons mobiliser un plus grand nombre de pays.
Les coopérations bilatérales doivent être renforcées.
Le processus ECAP doit être poursuivi par le lancement de projets à géométrie et ampleur financière variables.
En la matière, des propositions concrètes émanant des industriels sont les bienvenues.
La Convention européenne sera également l'occasion de faire progresser, avec nos partenaires, la construction de l'Europe de la Défense dont la politique de recherche constitue un élément clef.
Des propositions ont déjà été faites. En particulier, le groupe de travail Défense de la Convention, présidé par Michel Barnier, propose la création d'une Agence européenne d'armement et de recherche stratégique.
Sans rentrer dans le détail de la structure proposée, le groupe de travail souhaite avant tout la mise en commun de notre recherche de défense et de l'acquisition de nos équipements.
Outre la France et le Royaume-Uni, certains ont une recherche de défense qui n'est pas négligeable.
Ceux qui investissent peu dans la recherche consacrent néanmoins des ressources importantes dans l'acquisition de matériels. Leurs besoins doivent être pris en compte dans le cadre de cette recherche menée en commun.
Le constat dressé par les industriels est juste.
Ces dernières années, nous avons uvré à l'amélioration de la cohérence de l'offre industrielle européenne et nous continuerons à le faire.
Nous devons également avancer dans l'harmonisation de la demande.
Enfin, pour mener à bien politiquement cette entreprise, nous ne saurions nous passer de l'adhésion de tous les pays de l'Union européenne.
Tous peuvent, quels que soient leurs moyens, renforcer la légitimité de la position européenne dans le monde.
Ainsi, notre objectif premier, indépendamment du choix des structures, doit être le renforcement de la volonté de l'Europe de se doter des moyens de sa défense.
Le cadre institutionnel ne doit pas être le substitut de l'ambition politique.
Face aux nouvelles menaces et aux nouveaux risques, la France entend consacrer d'importants moyens à sa recherche de défense. La France souhaite que l'ensemble des Européens prennent également conscience de l'enjeu stratégique et participent activement à relever les défis scientifiques, techniques et industriels qui nous font face.
Seule cette vision à long terme, incarnée dans un effort partagé, nous permettra de préparer l'avenir de paix et de sécurité auquel aspirent légitimement tous les Français et tous les Européens.
Elle permettra également à l'Europe d'être plus efficace au service de la paix et de la sécurité du monde.
Je vous remercie.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 6 février 2003)