Conférence de presse conjointe de MM. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie et Mohamed El Baradeï, directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique, sur les risques de prolifération nucléaire en Irak et en Corée du Nord, sur l'objectif de désarmement de l'Irak et l'éventualité d'un recours à la force, à Paris le 13 janvier 2003.

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Circonstance : Visite à Paris le 13 janvier 2003 de M. Mohamed El Baradeï, directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique

Texte intégral

Je suis particulièrement heureux de recevoir ce matin, le directeur général de l'Agence internationale de l'Energie atomique, M. El Baradeï, à Paris.
Vous le savez, la France soutient pleinement les travaux de l'AIEA, l'action qu'elle conduit, notamment en matière de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, est d'une importance cruciale à nos yeux. Nous avons toute confiance en M. El Baradeï pour conduire à bien les missions de l'Agence.
Notre entretien a porté, pour l'essentiel, sur les risques de prolifération en Iraq et en Corée du Nord.
Concernant l'Iraq, je vous rappelle notre objectif qui est clair : désarmer l'Iraq en utilisant tous les éléments qui sont à notre disposition dans la résolution 1441. Les inspecteurs de la CCVINU et de l'AIEA doivent disposer des moyens humains et matériels pour réaliser pleinement leur mission. Les Etats doivent, lorsqu'ils en possèdent, fournir les renseignements qui sont les leurs, tant à M. Blix qu'à M. El Baradeï.
La poursuite de ce processus implique une coopération active de l'Iraq, nous l'avons souligné à maintes reprises. Bagdad doit fournir tous les éléments nécessaires au bon accomplissement des inspections.
C'est le sens de la lettre que j'ai adressée à mes homologues du Conseil de sécurité il y a quelques jours.
Sur la Corée du Nord, la décision de retrait du Traité de non-prolifération annoncé par Pyongyang constitue une atteinte grave à la sécurité, nous l'avons condamnée. Nous refusons l'ultimatum fixé par la Corée du Nord à la communauté internationale, nous devons définir rapidement les moyens d'une solution concertée et pacifique. Comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer aux autorités de Corée du Sud lors de mon déplacement à Séoul, toutes les voies doivent être explorées. Les contacts bilatéraux entre Pyongyang et Washington, le dialogue régional mais aussi bien sûr, la concertation multilatérale dans le cadre de l'AIEA et également le Conseil de sécurité des Nations unies.
Il est indispensable que tous les Etats de la région, notamment le Japon et la Corée du Sud soient étroitement associés aux travaux, dans toutes les enceintes. J'aurai l'occasion de le redire tout à l'heure à ma collègue, la ministre des Affaires étrangères japonaise.
L'Iraq et la Corée du Nord montrent l'importance d'un règlement global des crises. Les crises régionales, la prolifération des armes de destruction massive, le terrorisme sont les trois menaces principales de notre monde contemporain. Elles sont étroitement liées. Nous le voyons chaque jour : qui ne redouterait pas l'acquisition d'armes de destruction massive par des organisations terroristes ? Ces menaces doivent donc être traitées ensemble. L'enjeu est bien celui de notre sécurité collective, nous avons tous une responsabilité particulière à cet égard, l'ensemble des Etats doivent se mobiliser pour définir des solutions globales fondées sur le respect des engagements juridiques internationaux et un esprit de justice. C'est le sens de la réunion ministérielle du Conseil de sécurité sur le terrorisme que la France a proposé de tenir dans le cadre du Conseil de sécurité, le 20 janvier prochain.
Q - Avec toute cette mobilisation militaire dans la région, reste-t-il une chance pour la paix ?
R - Pour répondre à votre question sur les chances et les perspectives de paix dans la région, je crois qu'il faut constamment se référer à ce qu'est l'objectif de la communauté internationale sur le dossier iraquien. L'objectif, c'est le désarmement de l'Iraq. Les inspections qui sont aujourd'hui réalisées en Iraq permettent, d'ores et déjà, de geler toute capacité iraquienne d'avancer dans la voie de réalisation d'armes de destruction massive. Mais, nous voulons plus, nous voulons l'assurance que l'Iraq n'a pas pu, au cours des dernières années, se doter de tels armements. Il s'agit donc de vérifier l'existence d'éventuelles armes et de les détruire. Tel est l'objectif de la communauté internationale et pour cela, nous avons besoin d'une coopération active de l'Iraq. M. El Baradeï l'a rappelé, c'est la conviction aujourd'hui de la communauté internationale. Pour avancer, il faut du temps. Les inspections se déroulent dans de bonnes conditions mais il faut aller plus loin. Nous allons encore nous mobiliser davantage, c'est le sens de la lettre que j'ai adressée au Conseil de sécurité. Il faut se mobiliser encore davantage pour permettre d'aller plus loin dans la capacité et l'efficacité des inspections. Il est bien évident que cette logique d'inspection, cette logique de coopération choisie par la communauté internationale, cette logique d'action collective et de sécurité collective qui n'est pas une logique passive, mais bien de responsabilité, d'action, c'est bien celle qui nous guide et tant que cette logique de coopération peut être mise en place, peut être activée sur place, il n'y a pas de raison de choisir d'autres moyens. Nous l'avons répété à plusieurs reprises, l'usage de la force ne peut être qu'un dernier recours et certainement, c'est particulièrement vrai pour cette région du Moyen-Orient qui n'a pas besoin d'une nouvelle guerre. La conviction française, largement partagée par la communauté internationale, c'est bien à la fois l'exigence de détermination et en même temps, la volonté de poursuivre activement, dans la voie collective choisie, avec le souci d'agir et d'aboutir.
Q - A propos de l'action de la communauté internationale.
R - La résolution 1441 du Conseil de sécurité fixe clairement le cadre général de l'action des Nations unies, de la communauté internationale et les différentes étapes de l'action de cette communauté. Les choses ont été clairement dites, nous avançons dans la voie de la coopération. Si nous devions rencontrer des difficultés, il conviendrait alors que le Conseil de sécurité se réunisse, qu'une deuxième résolution puisse être votée et nous l'avons dit, la France prendra, à ce moment-là, ses responsabilités. Mais, et M. El Baradeï l'a dit clairement, il y a un certain nombre de rendez-vous pour la communauté internationale, la date du 27 janvier en est un, permettant d'examiner le rapport qui sera fait par M. Blix et par M. El Baradeï. Il convient à chaque étape, d'accroître les chances et la capacité d'efficacité de la communauté internationale, donc de tirer les leçons de ces rapports d'étape. Il faut avancer chaque fois davantage vers l'objectif qui est le nôtre et que j'ai rappelé, le désarmement de l'Iraq. Il y a là une feuille de route tout à fait claire pour la communauté internationale qui avance avec cette double exigence, je le rappelle une nouvelle fois : la détermination et la volonté d'agir dans le cadre de l'action collective. Il y a là, je crois, un schéma qui est simple et clair pour tout le monde.
Q - Si nous suivons vos raisonnements à tous les deux, cela veut dire que le risque d'un recours ultime, mais d'un recours à la force est repoussé d'au moins plusieurs mois.
R - En ce qui concerne l'usage de la force, nous l'avons toujours dit, nous avons toujours dit que ce serait un dernier recours, bien évidemment. La mobilisation américaine participe de la détermination qu'ils affichent, comme nous l'affirmons nous-mêmes, à obtenir une solution à la question posée par l'Iraq. Nous l'avons dit clairement, le statu quo n'est pas acceptable en Iraq et c'est pour cela que les Nations unies se sont mobilisées pour essayer, par le biais des inspections, de trouver une solution au service de l'objectif qui est le nôtre, le désarmement de l'Iraq. Je crois que les choses sont parfaitement claires, il n'y a pas lieu d'anticiper, mais bien à chaque étape, de faire en sorte que la communauté internationale, que chacun des Etats prennent leurs responsabilités, en relation étroite, et c'est une chance pour la communauté internationale, avec la CCVINU de M. Blix, en liaison étroite avec l'AIEA dirigée par M. El Baradeï. Il y a là, sur le terrain, une capacité à agir, une capacité à acquérir les informations, une capacité à donner à la communauté internationale les moyens sur le terrain de détecter toute existence d'arme de destruction massive et donc à les détruire.
C'est sur ces inspecteurs que l'action de la communauté internationale repose au premier chef, d'où l'importance des rendez-vous qui seront fixés avec le Conseil de sécurité que ces inspecteurs ont pour charge d'informer.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 janvier 2003)