Déclarations de M. Michel Barnier, ministre délégué aux affaires européennes, en réponse à des questions sur la constitution d'un gouvernement d'union nationale et l'envoi d'une mission européenne d'urgence en Albanie, à l'Assemblée nationale les 12 et 19 mars 1997.

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Il est vrai que l'Italie a un rôle particulier, comme d'ailleurs la Grèce, étant donné sa proximité. Mais la France ne restera pas indifférente. L'Albanie est un pays où il y a beaucoup de francophones. C'est surtout un pays qui a été enfermé 45 ans dans une chape de plomb stalinienne : cela explique que les gens aient faim aujourd'hui, cela explique les trafics, la mafia, la colère. Le peuple a besoin d'un soutien économique, mais plus encore peut-être d'une aide politique et morale, ainsi que l'écrit fort bien M. Kadaré dans son article paru aujourd'hui. La France a choisi d'apporter une telle aide à l'Albanie dans le cadre de l'Union européenne : nous avons choisi de faire pression sur M. Berisha pour qu'il renoue le dialogue et organise au plus tôt des élections. C'est ainsi que l'on pourra éviter une insurrection générale et un embrasement, dans une région qui n'a pas besoin de cela en ce moment.

Quant à l'avenir, cette crise montre que l'Union européenne doit se doter au plus vite des outils d'une vraie politique étrangère, afin de n'être pas seulement un vaste supermarché.
En effet, les ministres des Affaires étrangères ont décidé, dimanche, d'envoyer une mission d'urgence à Tirana pour évaluer les besoins humanitaires, les besoins économiques et financiers, les besoins en terme de sécurité intérieure après cette grave secousse, qui n'est d'ailleurs pas terminée, qui a touché toute l'Albanie.

Cette mission est à Tirana depuis quelques heures. Elle reviendra ce soir à Rome après avoir rencontré le président Berisha et le nouveau Premier ministre, M. Fino, d'autres dirigeants politiques, notamment l'un des grands dirigeants de l'opposition, M. Fatos Nano.

On peut dire à cet instant trois choses : La première, c'est que nous soutenons et que nous soutiendrons le nouveau gouvernement d'Union nationale constitué à Tirana. C'est ce que je vous ai dit ici-même, il y a quelques jours. C'était la première condition, celle de la réconciliation, celle du dialogue politique. On doit constituer enfin à Tirana un gouvernement très large, d'union nationale. C'est chose faite, c'est ce gouvernement et personne d'autre, qui peut rétablir l'ordre et la stabilité et
qui peut mettre fin aux trafics et aux fraudes. C'est lui qui doit assumer d'ailleurs les conséquences de ces trafics et de ces fraudes. Ce ne sont pas les contribuables européens qui vont payer les conséquences de ces fraudes.

Donc nous soutenons et nous soutiendrons ce gouvernement. Deuxièmement, les ministres des Affaires étrangères l'ont dit : l'Union européenne est prête, à partir des évaluations que fera cette mission, à une aide économique et politique, en profondeur et durable, à une assistance pour la sécurité et le rétablissement de l'ordre intérieur de l'Albanie.

Et enfin, il est vrai que nous constatons l'impuissance de l'Europe face à de telles crises, cette crise venant après d'autres dans les Balkans. J'en déduis que les propositions franco-allemandes, dans le cadre de la réforme du Traité de l'Union qui est en cours de discussion, sont des propositions urgentes et importantes. Elle consiste à nous doter enfin des moyens d'une vraie politique étrangère, pour anticiper, pour prévenir de telles crises, dans les Balkans en particulier, et pour définir des stratégies communes. Ce sera une des premières applications dans cette zone des Balkans qui est si proche de l'Union européenne
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 octobre 2001)