Déclarations de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité et de M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, sur la politique de l'emploi, l'action de l'ANPE, notamment l'amélioration des services à l'usager et l'emploi dans le cadre de la politique de la ville, Paris le 9 septembre 1999

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Circonstance : Rencontre avec les administrateurs et les directeurs régionaux de l'ANPE à Paris le 9 septembre 1999

Texte intégral

(Discours de Martine Aubry)
Madame,
Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur,
Mesdames, Messieurs les Directeurs,
Mesdames, Messieurs,
J'ai souhaité vous rencontrer avec Claude BARTOLONE, Ministre délégué à la ville, à l'occasion de votre réunion de rentrée en présence des membres du Conseil d'administration, pour à la fois tirer avec vous le bilan de l'action de l'Agence et tracer les perspectives pour les mois qui viennent, notamment en faveur des quartiers de la politique de la ville.
Il y a un an, nous discutions encore des orientations du 3ème contrat de progrès, que j'ai signé avec Christian SAUTTER au début de cette année. Les orientations ont été, et je m'en félicite, largement partagées par le collège patronal et les syndicats de salariés. J'ai souhaité vous associer à cette rencontre pour, comme vous l'aviez souhaité, analyser ensemble les premiers résultats obtenus.
Je me suis rendue ce matin dans une Agence locale pour l'emploi, à Nanterre où 85% des demandeurs d'emploi sont issus d'une ZUS. J'ai pu mesurer combien les conseillers et l'ensemble des agents étaient mobilisés, combien aussi le service aux demandeurs d'emploi était au cur de leurs préoccupations.
Je sais que vos collaborateurs les plus en contact avec le public sont fortement sollicités pour répondre aux demandes individuelles, à des situations encore trop souvent de grande désespérance. Le travail qu'ils effectuent est remarquable : je tiens à le saluer et vous demande de répercuter auprès d'eux toute ma reconnaissance pour la qualité de leurs interventions, l'attitude de service et le professionnalisme dont ils font preuve tous les jours.
J'ai pu constater aujourd'hui mais aussi au Mans au mois de mars dernier et plus généralement au cours de mes déplacements, que l'ensemble des textes de loi et programmes qui concernent la priorité accordée à l'emploi du Gouvernement sont opérationnels et ont déjà permis d'obtenir des résultats concrets et perceptibles par nos concitoyens.
Tout d'abord, c'est une satisfaction que d'effectuer cette rentrée sous le signe encourageant d'une baisse confirmée et accélérée du chômage.
La baisse du chômage est sans précédent tant par son ampleur, - 350 000 demandeurs d'emploi depuis juin 1997 (-367 000 avec effet ACA) que par sa durée de 25 mois.
Depuis le début de l'année, le chômage a reculé de 133 000 (l46 800 avec effet ACA), soit autant en 7 mois que pour toute l'année 1998 qui avait déjà été une bonne année. Autre point positif, les entrées à l'ANPE sont également en forte baisse, notamment celles pour licenciements économiques et celles liées aux emplois précaires, confirmant un marché du travail plus actif.
Cette baisse continue et rapide du chômage a été obtenue par une politique de croissance soutenue par une politique très volontariste de l'emploi.
La croissance, déjà forte, a été confortée par des mesures concrètes de soutien au revenu des ménages (coup de pouce SMIC, transfert de cotisations maladies sur la CSG, puis revalorisation des minima sociaux RMI et ASS, des allocations logement et de rentrée) La confiance des ménages a ainsi atteint en juillet son plus haut niveau historique et a permis à la France de sortir rapidement du " trou d'air "
Nous avons surtout réussi, grâce aux mesures prises dans le cadre des politiques de l'emploi à obtenir une croissance plus riche en emploi.
C'est ainsi que la France a créé, depuis juin 1997, 750 000 emplois. Les 210 000 emplois jeunes, les premiers effets des 120 000 emplois créés et préservés par des entreprises qui se sont engagées dans la réduction du temps de travail, ont fortement contribué à obtenir ce résultat sans précédent depuis 30 ans. La croissance française est aujourd'hui une des plus riches en emploi.
L'action de l'Agence s'inscrit donc aujourd'hui, et sur le long terme, dans un environnement favorable. Notre priorité, au moment où l'économie va mieux, et dans un souci de cohésion sociale, est d'offrir à tous l'aide et l'appui nécessaires pour qu'ils retrouvent une activité.
1- D'ABORD S'APPUYER SUR LES PROGRÈS RÉALISES
Depuis 10 ans, l'ANPE a réalisé des progrès importants en direction des entreprises, tant dans la collecte des offres d'emploi que dans leur satisfaction. J'avais moi-même souhaité en 1991-1992 des évolutions dans ce domaine, qui représente le socle d'intervention de l'Agence qui doit bien évidemment disposer d'offres d'emploi en nombre et en qualité pour satisfaire les demandeurs d'emploi. Les offres sont ainsi passées de 1,2 million en 1993 à plus de 2,8 millions en 1998, avec une qualité renforcée notamment pour le nombre d'offres en CDI et une diversité des emplois proposés. Nous approcherons les 3 millions d'offres cette année.
La forte confiance que placent désormais les entreprises dans l'Agence a été gagnée au prix de réorganisations internes, notamment par la création d'équipes professionnelles et d'une efficacité renforcée. Plus de 88 % des offres confiées à l'agence ont donné lieu à une embauche, soit 10 points de plus qu'il y a cinq ans et la part de marché a doublé dans le même temps en passant de 20 à 40 %.
Je me plais d'ailleurs à constater que je n'entends plus de critiques sur l'action de l'Agence, 84 % des entreprises interrogées dans l'enquête de satisfaction, recommandant même à leurs homologues de recourir aux services de l'Agence.
Enfin, à l'actif du bilan, je retiendrai le transfert des inscriptions aux ASSEDIC et également le développement du partenariat avec la création des espaces jeunes et l'ouverture de permanences dans les mairies qui permettent d'assurer un service de proximité.
Ces résultats très positifs n'ont cependant pas permis d'améliorer suffisamment le traitement de la demande, notamment les prestations d'accompagnement aux demandeurs d'emploi et plus particulièrement à ceux qui sont les plus fragilisés, comme l'avait d'ailleurs confirmé Marie-Thérèse JOIN-LAMBERT lors de l'évaluation du contrat de progrès précédent.
2 - MIEUX ACCOMPAGNER LES DEMANDEURS D'EMPLOI
C'est la raison pour laquelle j'avais souhaité, dès mon arrivée, replacer le demandeur d'emploi au cur des préoccupations de l'Agence, ce qui nécessite de conjuguer un traitement plus individualisé avec le traitement de masse.
Le Plan National d'Action pour l'Emploi et la préparation du 3ème contrat de progrès ont permis, dès octobre 1998, de traduire cette préoccupation dans le cadre du service personnalisé pour un " Nouveau Départ " vers l'emploi dans lequel vous êtes engagés avec vos partenaires.
C'est la première fois qu'est mis en place un service aussi complet qui repose sur le partenariat, qui permet de mieux coordonner les interventions de l'ANPE, de l'AFPA, des missions locales, mais aussi des services sociaux des communes, des Conseils généraux qui acceptent de jouer le jeu. Il permet aujourd'hui d'accompagner les demandeurs d'emploi dans la durée et de proposer un appui adapté à leurs situations.
- Un appui emploi, pour ceux qui sont les plus autonomes et en mesure d'intégrer directement un emploi,
- Un accès à la formation pour ceux qui ont besoin d'améliorer leur qualification, avec des relations renforcées avec l'AFPA dans le cadre d'un service intégré,
- Un accompagnement personnalisé avec des contacts réguliers avec un seul et même conseiller, pour travailler à un projet d'accès à l'emploi et avoir accès à des prestations de l'Agence,
- Enfin, un accompagnement plus lourd avec un appui social pour les demandeurs d'emploi plus fragilisés, les personnes en grande précarité, des allocataires de minima sociaux, des personnes de plus de 50 ans : c'est le cas du programme TRACE pour les jeunes en lien avec les missions locales, du dispositif de l'Appui Social Individualisé (ASI) ou de l'articulation avec l'insertion par l'activité économique.
Pour mettre en uvre ce programme, j'avais obtenu dès 1998, des moyens supplémentaires pour l'Agence : 500 emplois et une augmentation du budget des prestations. Ces moyens, j'y reviendrai, ont depuis été renforcés.
Ils ont permis d'assurer un bon démarrage de ce programme, puisque les objectifs fixés sont non seulement tenus mais dépassés avec déjà plus de 500 000 bénéficiaires depuis le début de l'année (630 000 depuis octobre 98) Je vous rappelle que les objectifs sont de 850 000 entrées en 1999 et de près de 2 millions en 2002. Je note aussi que l'Agence a fait des efforts particuliers pour les publics menacés d'exclusion (CLD > 2 ans, bénéficiaires du RMI) qui représentent plus de la moitié des bénéficiaires. C'est plus que les objectifs fixés qui étaient de 40 %.
Les résultats en terme de solutions d'insertion sont également positifs avec déjà plus de 50 % de bénéficiaires au bout seulement de 4 mois, qui sont sortis ou qui ont un travail de plus de 78 heures, 65 % pour les jeunes. Ces résultats sont en progression, avec un taux de 55 % pour la dernière cohorte connue de mars.
Parallèlement, nous avons mieux ciblé les mesures sur les demandeurs d'emploi les plus fragilisés en réservant une part plus importante des places aux publics prioritaires. Le recadrage des outils (57% de publics prioritaires dans les CES en 97, 75 % en 1999, objectif 80 % en 2000) conjugué à un meilleur accompagnement des demandeurs d'emploi, nous ont permis de nous attaquer au noyau dur du chômage structurel : nous avons pu enregistrer un recul de 105 000 du nombre de chômeurs de longue durée sur un an, soit 9,1%.
C'est la démonstration qu'avec une mobilisation sur des objectifs " clairs " et un meilleur ciblage budgétaire sur nos priorités, nous pouvons obtenir d'excellents résultats.
Mais beaucoup reste encore à faire pour réussir : renforcer les prestations d'accompagnement, mobiliser les partenaires et notamment les intervenants sociaux, adapter les formations, établir davantage de relations avec le secteur de l'insertion par l'économique, les PLIE et les structures d'insertion. L'agence a été fortement sollicitée dans le cadre de la réforme de l'insertion par l'activité économique. Globalement, vous avez su vous organiser pour assumer votre nouvelle mission d'agrément des personnes concernées. L'appréciation finalement positive portée par les structures d'insertion sur cet agrément montre la pertinence de la réforme que nous avons mise en uvre.
3 - POURSUIVRE LES EFFORTS DE MODERNISATION POUR AMELIORER LE SERVICE AUX USAGERS
Vous êtes également engagés dans la modernisation du fonctionnement de l'Agence et l'adaptation du réseau. Elles doivent être permanentes afin de rechercher toutes les voies pour améliorer le service aux usagers, mais beaucoup a déjà été fait dans ce domaine.
464 agences locales se sont vues délivrées le label " qualité ", soit 60 % d'entre elles. De même, la nouvelle offre de services, dont j'ai pu constater l'intérêt et qui permet de mieux traiter chaque demandeur d'emploi, sera généralisée d'ici la fin de l'année. Elle facilitera la montée en puissance du "Nouveau départ".
Nous avons également obtenu des moyens pour aménager les agences locales afin d'adapter, là où c'est nécessaire, l'espace à la nouvelle offre de services et surtout d'offrir davantage de confidentialité aux demandeurs d'emploi. Il me paraît en effet particulièrement important que les demandeurs d'emploi soient bien accueillis, dans la dignité, de façon à leur redonner confiance. De bonnes conditions d'accueil mais aussi les qualités humaines des agents sont absolument indispensables pour conforter les demandeurs d'emploi dans leurs parcours.
Leur relation avec l'agence et leur vie quotidienne se trouvera également améliorée par la mise à disposition d'équipements qui facilitent leur recherche d'emploi comme les photocopieuses, le Minitel, le téléphone... et par la généralisation du libre accès à de nouveaux outils informatiques, des services à distance comme la mise à disposition des offres sur Internet. Les 500 emplois jeunes, qui viennent d'être créés, permettront de mieux familiariser les demandeurs d'emplois à ces outils et de n'exclure personne de l'accès aux nouvelles technologies d'information et de communication.
Enfin, j'ai souhaité la mise en place de comités locaux de liaison avec les mouvements de chômeurs. Là où ils sont présents et actifs, des relations de travail sont établies et leurs propositions sont prises en compte. Ils sont, dès à présent, 130 à être actifs.
4 - RENFORCER LES PARTENARIATS
Je voudrais enfin insister sur le développement du partenariat, qui doit être au cur de votre action. Vous avez depuis toujours l'habitude de travailler avec des entreprises. Dans le domaine de l'insertion, aucune force vive, aucun acteur ne doit être négligé : les collectivités locales (villes, conseils généraux, conseils régionaux), les partenaires économiques et sociaux, je pense par exemple aux organismes paritaires pour les contrats en alternance et les contrats de qualification " adultes ", mais aussi tous les réseaux associatifs.
Je vous demande de veiller, dans le cadre du service public de l'emploi, à conforter ces partenariats. Les chefs d'agence et conseillers doivent être au service de ces acteurs, leur donner des conseils... La collaboration doit être optimale partout.
Ce partenariat, je le qualifierai de naturel avec les missions locales pour l'accueil des jeunes et plus spécifiquement ceux qui relèvent du programme TRACE dans le cadre des espaces jeunes, dont il faut poursuivre leur développement pour recouvrir l'ensemble du territoire, de façon à renforcer la synergie entre l'ANPE et les missions locales.
Enfin, le renforcement du partenariat avec les mairies et les collectivités locales, permettra d'offrir des services de proximité et de renforcer le maillage territorial notamment dans les quartiers en difficulté et les zones rurales fragilisées. Déjà plus de 1 500 partenariats sont opérationnels dont plus de 800 avec des mairies dans le cadre de la convention avec l'Association des Maires de France.
Je souhaiterais avant de laisser Claude BARTOLONE développer plus largement ce qu'il attend de vous en matière de politique de la ville, vous redire tout d'abord l'importance que nous attachons à votre action en faveur des publics des quartiers en difficultés.
Le chômage y est plus élevé, les conditions du retour à l'emploi sont plus difficiles à réunir... Plus qu'ailleurs, votre appui et vos conseils sont indispensables pour redonner espoir, à un moment où le pays va mieux, aux habitants de ces quartiers.
J'ai souhaité m'attaquer aux problèmes de discriminations à l'embauche, qui font naître chez beaucoup de jeunes qui vivent dans les quartiers en difficultés, un sentiment d'injustice.
Il est vital, à cet égard, que les collaborateurs de l'Agence se sentent " armés " face aux difficultés que certaines offres d'emploi peuvent leur poser. Je voudrais insister sur les cas de discrimination raciale auxquels, souvent, l'agence est confrontée. Vous savez que le Gouvernement a engagé une mobilisation sans précédent sur ce thème, notamment en ce qui concerne le monde du travail. Les partenaires sociaux se sont également mobilisés, ce qui permet d'envisager un fructueux travail en commun.
Pour revenir à l'Agence, j'ai indiqué dès octobre 1998 que les annonces discriminatoires ne doivent pas être tolérées et je sais qu'elles ne le sont pas. J'attache de l'importance à ce que les collaborateurs de l'agence reçoivent une formation adaptée sur ces questions. La meilleure manière de faire reculer les discriminations, c'est l'information, la pédagogie et la conviction. Les programmes de formation initiale et continue bâtis avec le FAS (Fond d'Action Sociale) y concourent et doivent encore être intensifiés conformément à la convention qui a été conclue au printemps dernier.
J'ai également demandé à Michel BERNARD de renforcer les moyens dans les Agences locales dont une part importante de l'activité s'exerce en direction des publics issus des ZUS et de mieux reconnaître le travail effectué par les agents. La qualité des prestations doit être au moins égale dans ces agences à celle des autres quartiers.
La direction générale a déjà fait un certain nombre de propositions allant des possibilités d'organiser des recrutements locaux en CDD, à la revalorisation des indemnités ZUS en passant par d'autres mesures de gestion du personnel. L'ensemble de ces mesures seront prochainement soumises aux organisations syndicales de l'Agence et je souhaite qu'elles soient rapidement mises en uvre.
Je vous demande enfin de vous appuyer fortement sur les dispositifs " Nouveau Départ " vers l'emploi et le programme TRACE en vous fixant des objectifs ambitieux pour ces quartiers, en donnant à tous accès aux offres d'emploi, en proposant des prestations d'accompagnement renforcées. Les habitants de ces quartiers ont moins que les autres accès aux opportunités d'emploi parce qu'ils " ne bénéficient pas de réseaux professionnels ou personnels " ou parce qu'ils développent souvent " une attitude de repli sur le quartier "
Les prochains contrats de ville, qui sont en cours de préparation, offriront l'opportunité de mieux coordonner l'action en faveur de l'emploi et du développement dans les quartiers en difficulté ; je vous demande d'être particulièrement actifs et, forts des expériences que vous avez pu développer, de contribuer à rechercher de nouvelles solutions, d'appuyer les démarches entreprises, de profiter de cette période de concertation pour nouer de nouveaux partenariats.
L'Agence dispose aujourd'hui d'orientations claires, de moyens supplémentaires importants et d'une lisibilité de son action sur le long terme (2003)
L'évolution est profonde dans la manière de traiter les demandeurs d'emploi. Le suivi dans la durée combiné à un accompagnement social, nécessite de nouvelles compétences et renforce la capacité de réponse de l'Agence à une partie du public qu'elle accueille depuis toujours mais qui ne trouvait pas les services lui permettant de renouer avec un parcours positif vers l'emploi.
Le renforcement des moyens de l'Agence lui permettra de mieux remplir sa mission. Ces moyens supplémentaires sont considérables : la création de 2 500 emplois et le triplement du budget " prestations " sur la période du contrat de progrès. Ils seront affectés directement au service des demandeurs d'emploi, ce qui permettra d'augmenter de 25 % le nombre d'agents à leur contact. Pour 2000, le projet de Loi de Finances prévoit une augmentation de la subvention de l'Agence de 10,3 % et le recrutement de 500 agents supplémentaires, qui s'ajouteront aux 1 000 déjà en poste. C'est un effort considérable, si on se réfère à la hausse générale du budget de l'Etat, arrêtés à 0,9 %.
Je souhaite très ardemment que vous poursuiviez votre action avec la même efficacité que celles dont vous avez su faire preuve au cours de ces derniers mois, de façon à ce que les personnes les plus exclues du marché du travail, parce qu'elles sont " cassées " par plusieurs années de chômage, parce qu'elles ont une adresse dans un quartier sensible ou sont victimes de discriminations, parce qu'elles n'ont pas de qualification ou sont sans expérience professionnelle, retrouvent espoir et soient mieux prises en charge.
Mais j'ai déjà le sentiment que les mentalités bougent (pour la première fois depuis qu'on leur demande, les Français sont redevenus optimistes sur l'évolution du chômage et pensent qu'il peut baisser), que la désespérance est moins forte et que les personnes les plus exclues ont un peu moins le sentiment d'être abandonnées, de ne pas avoir d'avenir.
(discours de Claude Bartolone)
Monsieur,
Madame la Ministre,
Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur Général,
Mesdames et Messieurs les membres du conseil d'administration,
Mesdames, Messieurs les directeurs régionaux,
Mesdames, Messieurs.
Je suis heureux de rencontrer aujourd'hui les responsables de l'ANPE à l'occasion de leur réunion de rentrée, pour rappeler l'importance que nous accordons Martine AUBRY et moi-même à l'emploi dans la politique de la ville.
Pour marquer notre volonté commune, nous sommes allés ce matin, sur le terrain symbolique d'une ville en contrat de ville, Nanterre, où les quartiers en difficulté totalisent plus de la moitié des habitants, où surtout (Martine AUBRY a cité ces chiffres) plus de 80% des demandeurs d'emploi accueillis à l'agence habitent dans ces quartiers.
C'est là en effet aujourd'hui que se doit se jouer plus qu'ailleurs la lutte contre l'exclusion et que doivent porter tous nos efforts.
Vous savez tous que le retour d'une croissance durable, et riche en emplois, ne réglera pas le problème du chômage de masse des habitants des quartiers en crise. Les demandeurs d'emploi y sont en moyenne, on le sait, deux fois plus nombreux qu'ailleurs. Et cette disparité de situation, est encore bien plus criante quand on ne regarde que les jeunes et en particulier les jeunes filles.
Si nous devons nous réjouir de la bouffée d'oxygène que connaît actuellement notre économie et de ses conséquences en terme d'emplois, il nous faut nous assurer que la croissance ne s'arrête pas à l'entrée des quartiers. C'est notre responsabilité d'accentuer nos efforts. C'est maintenant qu'il faut le faire.
On connaît en effet la sélectivité " naturelle " du marché du travail. Aujourd'hui ce sont d'abord les demandeurs d'emploi, les plus qualifiés, qui trouvent ou retrouvent un emploi.
Or, la situation de l'emploi dans les quartiers a ceci de préoccupant :
- A la fois le nombre de personnes sans diplôme y est plus élevé qu'ailleurs. Et ceci peut expliquer en partie le poids du chômage. Par exemple ce matin à Nanterre, il y a une différence de 10 points entre la situation des quartiers sensibles et le reste de la commune.
- Mais, même lorsque l'on dispose d'une qualification, d'un diplôme professionnel, l'accès à l'emploi y demeure difficile. Car les habitants des quartiers font souvent l'objet de discriminations plus ou moins ouvertes, en raison de leur adresse ou de la couleur de leur peau.
Le phénomène de ghettoïsation a ainsi fait son uvre. On est désormais interdit de séjour dans l'entreprise, interdit d'entrée dans le monde du travail, donc de l'indépendance économique et de la dignité, parce que l'on est de tel ou tel quartier. Désormais à la discrimination raciale vient s'ajouter la discrimination spatiale.
Pour l'ANPE, cela signifie précisément qu'en aucun cas l'éthique ne peut céder le pas au rendement. Les personnels de l'agence ont une responsabilité pour refuser d'entrer dans le jeu des offres sélectives en terme d'origine.
La tension du chômage dans les quartiers demeure ainsi plus que jamais d'actualité alimentant un sentiment d'injustice profond. A terme si ce sentiment d'une France à deux vitesses, devait perdurer c'est le Pacte républicain qui volerait en éclat ; n'en doutons pas. Les habitants des quartiers, confrontés aux plus grandes difficultés, doivent savoir, et constater concrètement, que lorsque la situation s'améliore, c'est pour tout le monde.
Les bons résultats de l'économie les concernent aussi. Ils ne sont pas abandonnés.
Aussi en cette période de rentrée, où chacun se donne des nouveaux objectifs, de nouvelles méthodes de travail, de nouvelles perspectives, je veux prendre le temps de voir avec vous : vous qui par vos équipes locales vivez au quotidien ces situations difficiles ; je veux voir, avec vous, comment vous pouvez agir pour accélérer le retour à l'emploi de tous, en particulier des gens des quartiers.
Période de rentrée, ai-je dit, et cela est encore plus vrai pour la politique de la ville, puisque avec les collectivités locales nous mettons la dernière main à la préparation des contrats de ville. Ces contrats forment le cadre de nos engagements communs pour les quartiers en difficulté pour les 7 années à venir.
C'est donc maintenant qu'il nous faut nous caler, nous mettre d'accord les uns et les autres, très concrètement sur ce que nous voulons faire ensemble pour l'emploi dans les quartiers.
Mon propos sera court et direct.
Un mot sur ce que nous avons fait jusqu'ici (1)
Un mot sur ce que nous devons faire ensemble demain (2)
1 Le Bilan de l'année
Je me suis efforcé depuis mon arrivée au gouvernement, de rappeler les priorités de la politique de la ville et surtout de donner à chacun les moyens de la mettre en uvre.
La question de l'emploi est une des trois priorités de la politique de la ville, annoncée comme telle dès le mois de juin 1998 par le Premier Ministre, lors du premier comité interministériel des villes qu'il ait présidé.
L'emploi, c'est à dire à la fois l'accès à l'emploi des habitants des quartiers mais aussi le développement de l'activité économique pour faire des villes des territoires équilibrés où l'on peut trouver cette diversité des fonctions qui permet de bien vivre ensemble au quotidien.
Ces deux axes d'une même priorité, ne génèrent pas les mêmes actions, ne mobilisent pas les mêmes acteurs, mais doivent être indissolublement liés. A l'ANPE, vous travaillez sur ces deux fronts et c'est pour cela que la politique de la ville a besoin de vous. Je vais y revenir.
En un an que s'est-il passé ?
Nous avons avancé en quatre étapes.
Nous avons lancé à l'automne dernier une expérimentation grandeur nature des nouveaux contrats de ville sur 15 sites pilotes. Cette expérimentation locale, nous a permis d'élaborer un nouveau guide pour l'action, diffusé dès le mois de mai à tous les acteurs des sites potentiels en contrats de ville. L'emploi y figurait en bonne place, et j'espère que vous avez pu avec vos partenaires, vous approprier ce document.
En matière de développement économique, le gouvernement précédent avait lancé un programme pour permettre l'installation d'entreprises dans un nombre limité de zones urbaines (les zones franches) Nous avons voulu mesurer objectivement les effets de ces mesures coûteuses pour le budget de la nation. Forts des constats des inspections générales sur les résultats décevants de cette politique et sur certaines dérives, nous avons engagé une réforme pour moraliser le dispositif et le rendre plus efficace socialement.
C'est à dire pour qu'il profite réellement aux habitants des quartiers.
Mais il fallait aller au-delà et proposer une politique globale pour tous les quartiers en crise. Aussi, prenant en compte la double approche nécessaire de l'accès à l'emploi et du développement de l'activité économique, le Premier Ministre a demandé à deux parlementaires d'élaborer des propositions d'actions à engager. C'est le rapport RODRIGO-BOURGUIGNON rendu au mois de juin dernier et dont le Gouvernement, lors du dernier CIV, tenu le 2 septembre dernier vient de se saisir, pour en étudier les conditions de mise en uvre avant la fin de cette année.
Enfin, juste avant l'été, je réunissais à Nantes près de 1 000 personnes, les acteurs engagés au quotidien en faveur de l'emploi dans les quartiers ; qu'il s'agisse du tissu associatif, des représentants du monde économique, du service public de l'emploi, du monde de l'insertion par l'économique. Dans le cadre d'ateliers de travail, des échanges ont eu lieu, sur les initiatives prises par les uns et les autres, sur les leçons à en tirer. L'ANPE a animé un des ateliers sur le rapprochement entre l'offre et la demande d'emploi et sur le partenariat, qui a été particulièrement apprécié.
2- Le rôle de l'ANPE dans la politique de la ville.
D'abord l'ANPE est dans la ville. Il faut le rappeler. Sur 750 agences locales pour l'emploi, plus de 160 sont installées dans les quartiers sensibles ou à proximité et comptent parmi les demandeurs d'emploi qu'elles accueillent (25% des habitants de ces quartiers).
L'ANPE connaît la réalité des quartiers. C'est une connaissance qui ne fait pas l'objet de statistiques ni d'études approfondies, et on peut le regretter. Mais c'est une connaissance de la vie quotidienne. Et je voudrais qu'en mon nom, quand vous aurez à rencontrer vos collègues des ALE, dans chacune des régions dont vous avez la charge, vous leur transmettiez ce message de reconnaissance par rapport au travail accompli.
L'ANPE est au centre d'un dispositif fouillé de mesures qui touchent très directement les demandeurs d'emploi les plus en difficulté de ces quartiers. Son rôle a été notablement renforcé à l'occasion de la loi sur l'exclusion l'an dernier.
C'est ainsi que vous êtes la porte d'entrée des dispositifs d'insertion par l'économique, en charge avec les missions locales de l'accompagnement des jeunes en TRACE, enfin porteur du nouveau défi de la prévention du chômage de longue durée, avec la mise en uvre du " Nouveau Départ " Martine AUBRY y a fait allusion tout à l'heure.
L'histoire des politiques de l'emploi, de leur mise en uvre montre enfin que progressivement ces politiques, bien que nationales, se sont progressivement rapprochées des territoires sur lesquelles elles s'appliquent. C'est ce que l'on appelle, d'un nom bien mal commode à prononcer, la territorialisation des politiques de l'emploi.
Vous êtes une pièce essentielle de cette dynamique. Et vous vous trouvez là très directement impliqués dans la politique de la ville.
En effet de quoi s'agit-il ? Tout simplement d'adapter des mesures standards, aux cadres fixés par la loi, à des situations locales qui sont forcément différentes les unes des autres. Différentes parce que chaque personne est unique, dans ses attentes, dans ses potentialités. Différentes parce que l'environnement, économique, social, institutionnel de chacune de vos interventions est lui aussi unique.
Pour faire face à ce changement de perspectives, vous êtes de plus en plus amenés à travailler à plusieurs, au sein même de l'Etat (en interministérialité) mais aussi, avec le tissu associatif et avec les collectivités locales.
Par ce double mouvement de traitement personnalisé et de partenariat, votre action relève de la politique de la ville.
Pour autant je ne suis pas là pour dresser un tableau idyllique de la réalité locale et des engagements des uns et des autres. D'abord le défi est difficile à relever (j'y ai suffisamment insisté au début de mon propos) et le parcours est long. Ce que je veux simplement dire, c'est que le mouvement est engagé.
Avec vous ce que je veux faire à l'occasion de la nouvelle génération des contrats de ville, c'est transformer l'essai.
Il ne s'agit plus d'engagement même généreux, de vux pieux, tels qu'on les a trop souvent trouvés dans les contrats de ville passés. Les habitants des quartiers et vos ministres attendent du concret.
Un contrat, c'est un contrat. Chacun vient avec quelque chose, dit pourquoi, dit comment.
Chaque contrat de ville devra comprendre un volet emploi.
Je veux y lire des orientations précises, résultats de choix stratégiques. Pas un catalogue à la PREVERT.
Chaque contrat devra se décliner annuellement dans un programme d'actions avec des objectifs de résultats, donc des objectifs de moyens. C'est déjà une habitude que vous avez prise depuis trois ans avec la politique de lutte contre le chômage de longue durée. Les mêmes méthodes doivent tout naturellement pouvoir s'appliquer pour la politique de la ville. Que l'on ne m'oppose pas la petitesse des territoires. Je ne vous demande pas de concentrer votre action à l'échelle des quartiers.
Je vous demande de vous fixer des objectifs concrets d'actions à mener pour les hommes et les femmes qui vivent dans ces quartiers. Je crois comme vous qu'une action efficace d'insertion professionnelle et d'accès à l'emploi, même par étape, a besoin de se concevoir à une échelle géographique plus large. Je ne suis pas favorable à l'enfermement dans les quartiers. Mais ce que j'attends de vous en revanche, c'est que vous puissiez vous rapprocher des habitants des quartiers, individuellement car ils ont besoin d'une écoute particulière pour répondre à leurs besoins.
C'est pourquoi en accord avec Martine AUBRY et avec l'appui de votre Directeur général, je souhaite que tous les contrats de ville disposent en 2000 d'une équipe emploi insertion dédiée aux publics des quartiers. Ces équipes se constitueront autour de l'ANPE, qui fournira au moins un agent, sa logistique informatique et des actions d'accompagnement. Un groupe de travail examine actuellement les conditions de faisabilité de cet engagement pris solennellement devant vous aujourd'hui. Tout ceci ne pourra bien sûr être mené qu'avec un engagement réciproque des collectivités locales concernées.
Grâce à ce réseau de proximité, je voudrais que progressivement dans tous les contrats de ville, vous soyez en capacité de vous donner des objectifs quantifiés de résultats et que vous puissiez en rendre compte, non tant au ministre que je suis, mais d'abord à ceux avec qui vous aurez contractés. Il n'est sans doute pas inutile en cette fin de siècle de remettre, les uns les autres, en perspective notre action.
Quelle est sa finalité ? Comment transformons-nous le réel ? C'est dans cet esprit que vous devez comprendre ces invitations à vous forger vous-mêmes des programmes d'actions, non pas pour " placer " des mesures, mais pour améliorer la situation de ceux à qui elles s'adressent. Tel est mon unique souci.
Avec Martine AUBRY, nous allons vous adresser prochainement ainsi qu'à l'ensemble des membres du SPE un document d'orientations sur la place des politiques de l'emploi dans la politique de la ville. Je vous demande d'y être attentifs et de ne pas hésiter à me faire part de vos réactions, de vos suggestions.
Les services de la Délégation Interministérielle à la Ville (vous avez ici son délégué adjoint, C. LANVERS) se tiennent à votre disposition pour tenir les réunions de travail au niveau local que vous pourriez souhaiter, pour rendre le plus opérationnel possible ces orientations.
Voilà, mesdames et messieurs, le message que je voulais vous adresser. La politique de la ville n'est pas une politique des zonages, c'est celle du travail au quotidien de milliers d'agents, comme ceux des agences locales pour l'emploi, qui ont le souci d'améliorer concrètement la vie de celles et ceux pour lesquels nos politiques ont été conçues.
Nous sommes en train de bâtir le cadre de ce qui doit, nous engager pour les 7 années à venir : ne ratez pas ce rendez-vous. Soyez présents dès maintenant dans les diagnostics, dans les analyses, dans les choix des priorités qui vont asseoir ces contrats. C'est de votre responsabilité.
Les collectivités locales ont besoin de vous.
Les demandeurs d'emploi de ces quartiers vous attendent. Avec Martine AUBRY, nous comptons sur vous.