Texte intégral
J.-J. Bourdin-. Franchement, avez-vous été convaincu par C. Powell ?
- "D'abord, permettez-moi de vous dire qu'il ne faut jamais faire la guerre. Il faut toujours rechercher les voies de la paix. J'ai écouté le secrétaire d'Etat américain et je trouve qu'il n'a pas apporté de preuves formelles incontestables. Cependant, la réunion du Conseil de sécurité a été importante au niveau de la prise de conscience. Il s'agit maintenant de permettre aux inspecteurs des Nations unies, qui travaillent sous le contrôle du Conseil de sécurité, d'être plus efficaces. L'Irak doit se plier aux demandes des autorités internationales et il faut renforcer le régime de l'efficacité de ces inspections. La journée d'hier a apporté trois éléments, et c'est en cela qu'elle a été importante. Premier élément - c'est incontestable maintenant, c'est reconnu par tout le monde, cela a toujours été la position de la France -, c'est bien l'ONU qui doit être au coeur de la résolution de la crise."
Donc, on ne fait pas la guerre sans l'ONU ?
- "Non, c'est bien admis maintenant. Cela a toujours été la position de J. Chirac et de la France, nous n'avons pas varié. Mais il me semble qu'aujourd'hui, cette position a fait son chemin, et j'en veux pour preuve que le secrétaire d'Etat américain vient se justifier ou montrer aux Nations unies, au Conseil de sécurité, les éléments qu'il a en sa possession. C'est donc un point important de la journée d'hier. La présence du secrétaire d'Etat américain est là pour en témoigner. Deuxième point important de la journée d'hier, c'est qu'il est clair que le choix d'un règlement politique du conflit ne signifie pas la tentation du pacifisme. Le choix de la France n'est pas celui du pacifisme, c'est celui du désarmement, sous la pression internationale."
Il faut donc donner du temps aux inspecteurs de l'ONU - c'est ce que dit la France. Mais D. de Villepin a aussi dit que la France n'exclut pas le recours à la force. Y a-t-il une évolution ?
- "Non, il n'y a pas d'évolution. Nous sommes toujours dans notre logique . Premièrement, la logique du Conseil de sécurité et la deuxième logique : nous ne tombons pas dans l'angélisme et dans cette tentation du pacifisme. Nous disons qu'il y a un problème, qu'il y a un risque. Nous ne pouvons pas accepter que l'Irak ait des armes de destruction massive. Mais ce conflit doit être réglé par le Conseil de sécurité et par des voies pacifiques. Et il doit être réglé conformément à la résolution 1441 de l'ONU. Que dit-elle ? Elle dit que les inspecteurs, les Nations unies doivent aboutir au désarmement de l'Irak par des voies pacifistes, par les voies de l'inspection, de la pression de la communauté internationale."
Faut-il une nouvelle résolution des Nations unies ?
- "Permettez-moi de terminer mon raisonnement. Il ne s'agit pas de se voiler la face. Il ne s'agit pas de dire "circulez, y'a rien à voir", il s'agit simplement de regarder la réalité en face. Cette affaire ne se réglera pas par la guerre, elle se réglera par la force de la pression internationale et par la force de la pression internationale de nations qui sont unies. Ne cherchons pas à nous diviser, cherchons à nous rassembler pour faire pression sur l'Irak, au cas où elle aurait des armes de destruction massive, pour qu'elle soit obligée de les détruire. Et c'est pour cela que la France a offert une collaboration plus forte - car il faut, aujourd'hui -, que les inspecteurs des Nations unies aient les moyens d'agir. Et je regrette un peu qu'il ait fallu attendre aujourd'hui pour que les Américains fournissent à la communauté internationale les éléments qu'ils ont présentés hier. Pourquoi avoir attendu ? Nous devons tous collaborer à la paix et nous devons tous avoir comme obsession d'éviter la guerre. Et la communauté internationale l'évitera en étant unie et en faisant pression sur l'Irak."
S'il y a une nouvelle résolution, la France doit-elle exercer son droit de veto ?
- "Mais le problème ne se pose pas dans ces termes !"
Mais peut-on imaginer, un jour, que la France... Ce serait un geste fort, gaullien.
- "Non ! Ce ne serait pas un geste gaullien, ne disons pas n'importe quoi ! L'attitude gaullienne, c'est la recherche de la paix et c'est la recherche d'une France qui fait entendre sa voix de façon indépendante. C'est ce que nous avons fait, c'est ce que J. Chirac a fait. Il y a quelques mois, on voulait tous partir en guerre, toutes les nations partaient en guerre et on considérait qu'il fallait se plier à la pression américaine, que les Américains décidaient pour le monde !"
Vous n'aimez pas que les Américains décident pour le monde ?!
- "Non, la France est une nation souveraine et elle doit exprimer les intérêts de la France et sa vision du monde."
Nous sommes "capricieux", disent les Anglais...
- "Nous sommes sourcilleux sur l'indépendance nationale. J. Chirac s'est placé dans une continuité historique : ceux qui défendent l'indépendance de la Nation. Il ne s'agit pas de remettre en cause nos alliés, de tourner le dos à ceux qui nous ont, dans le passé, aidés ; il s'agit de dire qu'on ne peut pas se résoudre à la guerre. L'intérêt du monde et de cette région n'est pas la guerre mais c'est la recherche de la paix. Et cette recherche de la paix ne passe pas par la guerre, elle passe par la pression sur l'Irak, notamment pour qu'elle choisisse une autre voie."
Imaginons que les Américains partent en guerre - et c'est fort probable - en mars, sans l'aval des Nations unies. Que doit faire la France ? Participer militairement ?
- "Ma réponse est personnelle : si les Etats-Unis s'engagent dans un rapport de force militaire avec l'Irak sans résolution et sans l'aval du Conseil de sécurité, la France doit dire "non" à cette orientation."
Non à une participation ?
- "Non à une participation qui ne serait pas décidée par le Conseil de sécurité et qui serait le fait des Américains seuls."
Un sénateur républicain américain - et pas n'importe qui -, J. McCain, ancien candidat à la présidence des Etats-Unis, a accusé hier la France de prendre position dans la crise irakienne, pour décrocher un maximum de contrats pétroliers ?
- "Passons aux choses sérieuses !"
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 février 2003)
- "D'abord, permettez-moi de vous dire qu'il ne faut jamais faire la guerre. Il faut toujours rechercher les voies de la paix. J'ai écouté le secrétaire d'Etat américain et je trouve qu'il n'a pas apporté de preuves formelles incontestables. Cependant, la réunion du Conseil de sécurité a été importante au niveau de la prise de conscience. Il s'agit maintenant de permettre aux inspecteurs des Nations unies, qui travaillent sous le contrôle du Conseil de sécurité, d'être plus efficaces. L'Irak doit se plier aux demandes des autorités internationales et il faut renforcer le régime de l'efficacité de ces inspections. La journée d'hier a apporté trois éléments, et c'est en cela qu'elle a été importante. Premier élément - c'est incontestable maintenant, c'est reconnu par tout le monde, cela a toujours été la position de la France -, c'est bien l'ONU qui doit être au coeur de la résolution de la crise."
Donc, on ne fait pas la guerre sans l'ONU ?
- "Non, c'est bien admis maintenant. Cela a toujours été la position de J. Chirac et de la France, nous n'avons pas varié. Mais il me semble qu'aujourd'hui, cette position a fait son chemin, et j'en veux pour preuve que le secrétaire d'Etat américain vient se justifier ou montrer aux Nations unies, au Conseil de sécurité, les éléments qu'il a en sa possession. C'est donc un point important de la journée d'hier. La présence du secrétaire d'Etat américain est là pour en témoigner. Deuxième point important de la journée d'hier, c'est qu'il est clair que le choix d'un règlement politique du conflit ne signifie pas la tentation du pacifisme. Le choix de la France n'est pas celui du pacifisme, c'est celui du désarmement, sous la pression internationale."
Il faut donc donner du temps aux inspecteurs de l'ONU - c'est ce que dit la France. Mais D. de Villepin a aussi dit que la France n'exclut pas le recours à la force. Y a-t-il une évolution ?
- "Non, il n'y a pas d'évolution. Nous sommes toujours dans notre logique . Premièrement, la logique du Conseil de sécurité et la deuxième logique : nous ne tombons pas dans l'angélisme et dans cette tentation du pacifisme. Nous disons qu'il y a un problème, qu'il y a un risque. Nous ne pouvons pas accepter que l'Irak ait des armes de destruction massive. Mais ce conflit doit être réglé par le Conseil de sécurité et par des voies pacifiques. Et il doit être réglé conformément à la résolution 1441 de l'ONU. Que dit-elle ? Elle dit que les inspecteurs, les Nations unies doivent aboutir au désarmement de l'Irak par des voies pacifistes, par les voies de l'inspection, de la pression de la communauté internationale."
Faut-il une nouvelle résolution des Nations unies ?
- "Permettez-moi de terminer mon raisonnement. Il ne s'agit pas de se voiler la face. Il ne s'agit pas de dire "circulez, y'a rien à voir", il s'agit simplement de regarder la réalité en face. Cette affaire ne se réglera pas par la guerre, elle se réglera par la force de la pression internationale et par la force de la pression internationale de nations qui sont unies. Ne cherchons pas à nous diviser, cherchons à nous rassembler pour faire pression sur l'Irak, au cas où elle aurait des armes de destruction massive, pour qu'elle soit obligée de les détruire. Et c'est pour cela que la France a offert une collaboration plus forte - car il faut, aujourd'hui -, que les inspecteurs des Nations unies aient les moyens d'agir. Et je regrette un peu qu'il ait fallu attendre aujourd'hui pour que les Américains fournissent à la communauté internationale les éléments qu'ils ont présentés hier. Pourquoi avoir attendu ? Nous devons tous collaborer à la paix et nous devons tous avoir comme obsession d'éviter la guerre. Et la communauté internationale l'évitera en étant unie et en faisant pression sur l'Irak."
S'il y a une nouvelle résolution, la France doit-elle exercer son droit de veto ?
- "Mais le problème ne se pose pas dans ces termes !"
Mais peut-on imaginer, un jour, que la France... Ce serait un geste fort, gaullien.
- "Non ! Ce ne serait pas un geste gaullien, ne disons pas n'importe quoi ! L'attitude gaullienne, c'est la recherche de la paix et c'est la recherche d'une France qui fait entendre sa voix de façon indépendante. C'est ce que nous avons fait, c'est ce que J. Chirac a fait. Il y a quelques mois, on voulait tous partir en guerre, toutes les nations partaient en guerre et on considérait qu'il fallait se plier à la pression américaine, que les Américains décidaient pour le monde !"
Vous n'aimez pas que les Américains décident pour le monde ?!
- "Non, la France est une nation souveraine et elle doit exprimer les intérêts de la France et sa vision du monde."
Nous sommes "capricieux", disent les Anglais...
- "Nous sommes sourcilleux sur l'indépendance nationale. J. Chirac s'est placé dans une continuité historique : ceux qui défendent l'indépendance de la Nation. Il ne s'agit pas de remettre en cause nos alliés, de tourner le dos à ceux qui nous ont, dans le passé, aidés ; il s'agit de dire qu'on ne peut pas se résoudre à la guerre. L'intérêt du monde et de cette région n'est pas la guerre mais c'est la recherche de la paix. Et cette recherche de la paix ne passe pas par la guerre, elle passe par la pression sur l'Irak, notamment pour qu'elle choisisse une autre voie."
Imaginons que les Américains partent en guerre - et c'est fort probable - en mars, sans l'aval des Nations unies. Que doit faire la France ? Participer militairement ?
- "Ma réponse est personnelle : si les Etats-Unis s'engagent dans un rapport de force militaire avec l'Irak sans résolution et sans l'aval du Conseil de sécurité, la France doit dire "non" à cette orientation."
Non à une participation ?
- "Non à une participation qui ne serait pas décidée par le Conseil de sécurité et qui serait le fait des Américains seuls."
Un sénateur républicain américain - et pas n'importe qui -, J. McCain, ancien candidat à la présidence des Etats-Unis, a accusé hier la France de prendre position dans la crise irakienne, pour décrocher un maximum de contrats pétroliers ?
- "Passons aux choses sérieuses !"
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 février 2003)