Texte intégral
Monsieur le secrétaire général de l'Union de l'Europe occidentale (UEO),
Messieurs les officiers généraux,
Monsieur le Professeur Grosser
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais d'abord me réjouir de la tenue de ce colloque, correspondant au 50e anniversaire de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), centré sur l'esprit de défense et placé dans une perspective européenne. C'était un excellent choix, car la mission de l'Institut est de réfléchir au monde en transition et à une société en mutation, de chercher, dans le cadre des nouvelles solidarités, nationales et européennes, ce qui peut rendre la défense aussi crédible, voire plus crédible que par le passé, et créer un dynamisme dans nos sociétés. Je constate avec satisfaction que le thème de ce colloque a attiré des participants nombreux parmi lesquels je reconnais avec plaisir des hauts responsables de l'Etat.
Notre système de défense se transforme, nos forces armées se professionnalisent, pour répondre aux défis des prochaines décennies. Parallèlement, la construction européenne devient une réalité de plus en plus présente. La défense commence à y prendre sa place, elle ne peut rester en dehors de cette évolution alors même que, dans toute notre histoire, la défense est traditionnellement associée à l'idée de nation, opposée à ses voisines. Depuis plusieurs années, la dimension européenne entre dans l'ensemble de notre politique de défense, qu'il s'agisse de la définition des missions, des moyens et des forces, de la politique d'équipement comme de la politique industrielle et technologique qui conditionne les capacités de défense.
D'une certaine façon, la notion d'esprit de défense est au confluent de ces choix - l'Europe et la professionnalisation - qui viennent tous les deux modifier l'acception traditionnelle de la défense qu'avait notre pays. C'est un enjeu difficile, face auquel la réussite n'est pas assurée, mais c'est une évolution que nous avons maintenant choisi d'engager et où nous devons mettre toutes les chances de notre côté.
Un mot sur l'esprit de défense. S'il fallait tenter une définition, je pense qu'il faut le caractériser comme le sentiment collectif qu'il nous incombe, ensemble, de défendre une population, un territoire, des valeurs, des intérêts, y compris par des moyens militaires et au péril des vies des citoyens et des soldats.
Ce sentiment renvoie, pour nous Français mais aussi dans de très nombreux pays, à la citoyenneté et à l'esprit civique qui sont le socle de la liberté et sont associés à des obligations. Ce sentiment exige de la générosité, jusqu'au don de soi. L'Etat ne peut pas l'imposer. Il est par contre de son rôle, à travers ses multiples missions, notamment la mission éducative, de favoriser l'épanouissement et la mise en pratique de l'esprit de défense. Ceux qui servent l'Etat ont, à cet égard, un rôle d'exemple.
Le Gouvernement approfondit la politique de réforme et de modernisation de nos forces engagée à partir du choix, il y a deux ans, de la professionnalisation. Les restructurations très importantes, massives, qui accompagnent cette réforme, se déroulent aujourd'hui correctement. Nous avons par ailleurs, voici deux mois, consolidé le cadre financier de notre effort d'équipement au terme d'une revue de programmes approfondie. Dans ce contexte, le renouvellement du lien entre la nation et ses forces armées est une priorité politique majeure pour le gouvernement au moment où est suspendu l'appel sous les drapeaux et alors que doit se redéfinir un ensemble complexe de relations entre la défense et son environnement, social, économique et politique.
Il est utile, au terme de votre réunion, que j'évoque brièvement les grands axes d'effort du ministère, du gouvernement, en matière de défense, auxquels les responsables civils et militaires du ministère sont aujourd'hui attachés.
D'abord, mener à bien la réforme du service national, dont vous vous rappelez qu'elle va s'étaler sur plusieurs années. Grâce au comportement indiscutable des jeunes Français face au service national, y compris depuis que la réforme a été votée en octobre dernier, la transition complexe vers l'armée professionnelle s'engage de façon positive. Les besoins définis pour les appelés pendant cette phase sont couverts de façon satisfaisante, quantitativement, et le comportement des jeune appelés, dans leurs missions, appelle également la louange.
Nous veillons tout particulièrement à ce que les dispositifs futurs mis en place par la loi d'octobre 1997 créent de nouveaux liens indispensables entre l'ensemble de la jeunesse et les forces armées. Et par ensemble de la jeunesse, j'implique également les jeunes filles, qui n'étaient pas concernées antérieurement. Le recensement militaire, la participation à la journée d'appel de préparation à la défense et l'enseignement de défense dans le système éducatif sont applicables à tous, jeunes femmes et jeunes hommes.
L'enseignement de défense qui sera dispensé dans les établissements scolaires est décisif pour sensibiliser les élèves et leurs enseignants. Je n'ai pas besoin d'insister sur l'intérêt du dialogue nouveau qui sera créé autour d'un objectif commun entre la communauté militaire et le monde enseignant. Je pense d'ailleurs que le sentiment d'une perte, assez répandu dans le monde enseignant, à l'égard du service national, peut être générateur d'une prise de conscience du rôle nouveau qui incombe aux formateurs, aux éducateurs, dans la phase éducative de la jeunesse, pour suppléer une partie des notions qui pouvaient passer, en tous cas vers les jeunes hommes, à l'occasion du service national.
L'introduction à l'esprit de défense, qui va incomber à partir de cette année au système éducatif et dont Claude Allègre a dû vous parler hier, trouvera son prolongement direct dans le contact que sera, entre l'armée et les jeunes, la journée d'appel de préparation à la défense. Cette journée est évidemment un élément essentiel du nouveau dispositif, la première journée nationale est fixée au 3 octobre prochain, et va constituer une étape significative dans le parcours d'accès à la citoyenneté des jeunes.
Je souligne que le recensement militaire, que nous avons maintenu et réformé en l'anticipant puisqu'il doit à l'avenir se dérouler à seize ans, devient en même temps le support technique indispensable de l'inscription d'office des jeunes sur les listes électorales puisque ce sera à partir du dénombrement de population des jeunes, et de la liste qui sera ainsi établie, que les jeunes seront appelés ensuite à être inscrits comme électeurs.
Les jeunes recensés vont participer à l'appel de préparation à la défense, à partir de l'année qui vient. Cet engagement concerne 800 000 jeunes par an, qui seront reçus dans chaque département, sur 300 sites, en grande majorité des sites militaires. Bien sûr, de la qualité des échanges qui s'instaureront, dans ce cadre bref mais sur lequel, je crois, les armées engageront vraiment le maximum de leur professionnalisme, dépendra pour beaucoup l'intégration par les jeunes de ce que peut être l'esprit de défense et en tous cas une connaissance plus directe, plus concrète et humaine, de ce à quoi s'emploient aujourd'hui les hommes et les femmes de la défense.
Les choix que les jeunes auront à faire juste après, notamment pour s'intéresser au volontariat dans les armées, pour entrer dans les préparations militaires, le cas échéant pour s'engager dans l'armée active ou prévoir de s'inscrire dans les réserves, ces choix seront largement déterminés par ce qu'ils auront vu, perçu, échangé lors de l'appel de préparation à la défense. Ce sera aussi, malgré la brièveté du contact, un moyen de contribuer à la lutte contre l'exclusion - puisque c'était une des dimensions traditionnelles de l'intervention de la défense vis-à-vis de la jeunesse, à laquelle beaucoup de Français sont attachés, et à laquelle aussi beaucoup de militaires continuent à souhaiter pouvoir faire uvre utile.
Au-delà de ces actions qui sont l'application de la loi votée, j'attache un prix particulier à tout ce qui peut moderniser et revitaliser les liens entre la défense et la nation. Cet Institut, avec d'autres en Europe, comme l'institut d'études de sécurité (IES) de l'UEO, est un lieu de débat et de réflexion privilégié entre responsables civils et militaires. Je tiens à le dire devant ses responsables, le parcours de ces dernières années de l'IHEDN a été particulièrement fructueux et productif. Il faut que ces échanges s'ouvrent encore davantage, ce sera une des missions à venir de l'IHEDN, mais sans doute aussi d'autres supports. Il nous faut encourager des initiatives variées pour animer la recherche et les études de défense, notamment dans leur dimension européenne. Je souhaite également favoriser les échanges entre les universités, les écoles supérieures et l'appareil de formation spécifiquement militaire. Compte tenu des perspectives d'emploi, des affectations et des missions à venir des jeunes sous-officiers et officiers, l'élargissement de leur formation, notamment internationale, est une nécessité.
Le renforcement des rapports entre les responsables de la défense et la représentation nationale est un second facteur d'approfondissement des liens entre l'armée et la nation et c'est un canal important pour l'esprit de défense. Le Gouvernement est déterminé à instaurer une information plus complète et plus fréquente du Parlement, quant aux activités de la défense, notamment quant aux engagements où elle est appelée à l'extérieur.
Un tel développement est de nature à accroître le soutien des élus de la nation en direction des acteurs du système de défense et à développer un sentiment de responsabilité réciproque. L'état de la professionnalisation et de la programmation financière, nos opérations extérieures, la politique du renseignement, la stratégie d'exportation de matériels de défense, la coopération en matière de défense, devront faire l'objet d'échanges renforcés avec les parlementaires, permettant une plus grande prise d'intérêt du public le plus large.
Troisième axe de travail, un concept de réserves modernisées et intégrées aux forces professionnelles. Nous y travaillons depuis quelques mois. Pour élargir tout ce travail préparatoire, nous venons de créer au sein du ministère un Conseil Supérieur d'étude des Réserves où j'ai eu la satisfaction de voir que les plus hauts responsables du ministère s'engageaient personnellement. Hier, notre concept des réserves était celui d'un fort volume humain, susceptible d'appuyer les forces en cas de crise majeure, avec des missions spécifiques, mais pas seulement, en matière de défense civile. Désormais, le cadre et le concept d'emploi des réserves vont s'adapter à un contexte où les engagements ont très largement changé de nature. Nous allons définir un cadre permettant d'intégrer effectivement les réservistes, comme le prévoit le modèle d'armée dans le cadre duquel nous travaillons, aux unités opérationnelles et de pouvoir faire appel à eux pour l'ensemble des tâches incombant aux forces de manière beaucoup plus régulière, plus fréquente que ce n'était le cas dans le concept traditionnel.
Il nous faut un projet de loi qui fournisse les bases de cette nouvelle politique puisque, en particulier du fait de l'exigence de disponibilité, le statut personnel et professionnel des réservistes devra être beaucoup plus précis. Cette loi sera l'occasion d'exprimer devant le Parlement et devant l'opinion publique quelle est la nouvelle place des réserves et leur responsabilité accrue. Mais l'emploi de ces réserves ne se limitera pas à l'aspect opérationnel. Il y a un autre rôle important des réserves qui est précisément, et là on peut faire appel à une conception plus large, que les réservistes sont un des pivots du renouvellement du lien entre la Nation et son armée. Etre réserviste, c'est une façon d'être un intermédiaire, d'être un transmetteur d'informations et de réflexions, ou d'aspirations, entre la communauté militaire et la société tout entière. C'est pour cela que nous allons faire participer les réservistes aux journées d'appel de préparation à la défense, ils seront aussi une ressource très utile dans ce cadre-là. Il faut que nous pensions à d'autres actions encore qui permettront aux réservistes d'être un trait d'union avec la société civile.
La communication du système de défense, enfin, doit être adaptée à ce nouveau concept. La nation ne peut se reconnaître dans une politique de défense, en partager les grands choix, si ceux-ci ne lui sont pas connus et présentés, par les formes efficaces de communication dont le développement saisit chacun. Aussi ai-je choisi de mettre en place un instrument nouveau d'harmonisation et de diffusion de la communication de l'ensemble des instances de la défense, sous la forme d'une délégation à l'information et à la communication de la défense qui fédérera l'action des différents services actuellement en charge et qui ont, je crois, bien réussi mais auxquels il faut ajouter une vision plus globale de ce à quoi sert la défense vis-à-vis du reste de la société.
Ces réflexions sur l'esprit de défense amènent à vous présenter des chantiers très concrets qui sont ceux de la transformation de notre système de défense, et dans lesquels nous sommes profondément engagés. Ils n'auraient pas de sens s'ils n'étaient portés par un projet collectif choisi et compris par le pays. Ce projet comprend la défense de nos valeurs et de nos intérêts dans le monde comme dans notre continent. Nos forces armées, notre Gendarmerie nationale, les médecins, les ingénieurs, les entreprises, les citoyens de ce pays s'engagent dans des opérations de maintien de la paix avec une composante humanitaire importante.
Dans ces opérations, on retrouve souvent les Européens, pas tous, mais on trouve souvent les Européens associés, au coude à coude, et c'est en ce sens que l'esprit de défense, traditionnellement national, devient de plus en plus européen, comme d'ailleurs nous le voyons dans la décision récente d'engager dans la nouvelle force de Bosnie-Herzégovine, à partir du mois de juillet, des éléments de l'état-major du Corps européen ; ce sera la première fois qu'il sera dans une mission de terrain. De même, nous développons la coopération franco-italienne, comme dans l'opération Alba, ou la coopération entre nos amis allemands et nous mêmes pour soutenir et pour former le nouveau bataillon de maintien de la paix qu'ont créé ensemble les Hongrois et les Roumains.
A travers toutes ces opérations se développe une identité européenne de défense, qui s'exprime aussi par la volonté régulièrement exprimée par les Européens au sein de l'UEO, comme l'a très bien expliqué à l'instant le secrétaire général José Cutileiro, mais aussi dans d'autres enceintes, pour assumer des responsabilités politiques et de défense à hauteur de notre puissance collective en matière économique, financière et monétaire. Et je partage la conviction du professeur Grosser, que le sentiment d'appartenance commune et la volonté d'exercer des choix partagés, des choix dans lesquels il y a un partage de souveraineté, progresseront de façon très vraisemblable à partir du moment où l'Union monétaire sera entrée dans la vie quotidienne des trois cents millions d'Européens.
Si l'Europe se construit de façon plus lente en matière de défense qu'en matière économique et monétaire, c'est qu'elle a commencé plus tard, tout simplement Cela fait 47 ans qu'on construit l'Europe économique, et les institutions de défense européenne - à part le vaste mérite de l'UEO , en grande partie neutralisée pendant la guerre froide - la volonté politique des Européens de mener des actions communes en matière de défense, c'est quelque chose de plus récent. Je ne crois pas qu'on ait aujourd'hui à dire que nous soyons en train de piétiner. J'ai au contraire la conviction que des progrès concrets se font tous les ans.
C'est en tous cas pour ce pays, pour l'ensemble des ses autorités publiques, une priorité, et nous savons que cette réalisation se concrétise sur le long terme. Mais quand nous regardons la situation de 1998 et que nous la comparons à celle d'il y a dix ans ou vingt ans, il n'y a aucun doute que nous sommes en train d'avancer. Nous cherchons à faire partager ce sentiment de progrès, cette volonté constructive, à nos principaux alliés, et il est vrai qu'elle ne se conçoit pas au détriment d'une solidarité euro-atlantique qui a historiquement fait ses preuves.
Je souhaite souligner ici combien le gouvernement est attaché à la place de l'UEO dans l'architecture européenne. Cela a été l'un des thèmes de l'expression de la France dans toutes les négociations sur le renforcement de l'Union européenne au cours des quatre ou cinq dernières années, depuis la négociation du traité de Maastricht, et notre vision est donc bien l'intégration-fusion, à terme, de l'UEO dans l'Union européenne, élément de l'émergence d'une Europe politique assumant son rôle dans les affaires internationales. Il nous faut pour cela engager les travaux pour adopter les mesures de renforcement des relations entre les deux institutions européennes.
Le choix a été douloureux, laborieux, d'un système d'abstention constructive en matière de politique extérieure commune, au sein de l'Union européenne, système qui permet à un pays d'avoir une position de retrait qui n'est pas un veto et qui n'empêche pas les autres d'avancer. Compte tenu du nombre que nous sommes maintenant à l'UEO, ce qui sollicite encore plus la conciliation que les quinze membres actuels de l'Union européenne, je pense que l'extension de ce mécanisme de l'abstention constructive au sein de l'UEO est une des méthodes auxquelles on peut songer pour faire que l'UEO puisse choisir de s'engager lors des prochaines crises, comme il aurait été souhaitable qu'elle le fasse lors de la crise albanaise l'année dernière. Il est très important que l'UEO ait choisi de doter sa structure militaire d'une nouvelle organisation qui permette aux Européens d'avoir un outil politico-militaire capable d'assumer des responsabilités pour la gestion de crises, telles qu'approuvées à Petersberg dès 1992.
Les coopérations opérationnelles mais aussi industrielles se nouent également, en bilatéral ou en multilatéral, hors des cadres institutionnels. C'est le cas en Bosnie, puisque la Force de Réaction Rapide avait été créée au départ en association franco-britannico-néerlandaise. C'est le cas avec le développement du rôle de la Brigade franco-allemande, qui est maintenant une des composantes de la force internationale en Bosnie. C'est le cas avec l'entrée en lice de l'état-major du Corps européen dans le nouvel état-major de la SFOR. Des coopérations opérationnelles européennes ont démontré qu'on n'était plus dans la défense commune virtuelle et que nous savions être présents, dans des organisations communes, sur des théâtres de crise.
L'Europe n'est déjà plus, contrairement à une espèce de caricature un peu archaïque, un espace marchand. Dans les armées, dans les coopérations technologiques, sans parler de nos diplomaties, des solidarités se forment, et je suis témoin tous les jours de la qualité de dialogue et du sentiment de volonté de travail en commun qui règne aujourd'hui dans les commandements de nos armées européennes. De plus, ces volontés de travail en commun sortent renforcées par les enjeux de terrain où nous sommes engagés ensemble. L'UEO doit être capable de gérer les crises, elle en a pris les moyens. Il nous faut dès lors prendre date politiquement et nous déclarer prêts à utiliser l'UEO. C'est un point sur lequel nous sommes pleinement d'accord avec le Secrétaire général, lorsque une opération militaire peut se révéler nécessaire dans les conditions sur lesquelles nous nous sommes préalablement mis d'accord.
L'esprit de défense doit embrasser toute cette dimension européenne aussi variée que large dans ses applications : qu'il s'agisse de favoriser les échanges entre les instituts et les organismes de réflexion ou de formation, de continuer à développer les forces multinationales européennes, de contribuer à la synergie des efforts de recherche, de développer des coopérations concrètes, notamment avec les pays membres du Partenariat pour la paix, c'est à l'échelle du continent tout entier, et non plus simplement avec une vision -de la petite Europe, qui a réussi mais est déjà un peu périmée, qu'il faut progresser.
Cet esprit de défense ne doit pas rester une notion abstraite, un grand principe que l'on évoque dans quelques occasions officielles mais qu'on ne met pas en pratique. Cet esprit de défense doit se forger aujourd'hui dans un espace, celui de notre vie quotidienne, celui de nos échanges européens, qui est en paix, ou presque puisque nous avons tout de même une zone de tension au sud-est de l'Europe. Si nous voulons assumer pleinement notre responsabilité de grande puissance en devenir, celle de l'Europe, nous avons devant nous plus d'interventions effectives de nos forces sur le terrain, que cela a été le cas depuis bien longtemps. Ces engagements ne seraient pas possibles sans le plein soutien des citoyens de notre pays. Nous avons, collectivement, la responsabilité de faire que ce soutien non seulement ne cesse pas mais se développe, et qu'un esprit de défense renouvelé et élargi à la dimension des enjeux de l'Europe continue à être partagé par tous les membres de notre communauté nationale.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 19 septembre 2001)
Messieurs les officiers généraux,
Monsieur le Professeur Grosser
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais d'abord me réjouir de la tenue de ce colloque, correspondant au 50e anniversaire de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), centré sur l'esprit de défense et placé dans une perspective européenne. C'était un excellent choix, car la mission de l'Institut est de réfléchir au monde en transition et à une société en mutation, de chercher, dans le cadre des nouvelles solidarités, nationales et européennes, ce qui peut rendre la défense aussi crédible, voire plus crédible que par le passé, et créer un dynamisme dans nos sociétés. Je constate avec satisfaction que le thème de ce colloque a attiré des participants nombreux parmi lesquels je reconnais avec plaisir des hauts responsables de l'Etat.
Notre système de défense se transforme, nos forces armées se professionnalisent, pour répondre aux défis des prochaines décennies. Parallèlement, la construction européenne devient une réalité de plus en plus présente. La défense commence à y prendre sa place, elle ne peut rester en dehors de cette évolution alors même que, dans toute notre histoire, la défense est traditionnellement associée à l'idée de nation, opposée à ses voisines. Depuis plusieurs années, la dimension européenne entre dans l'ensemble de notre politique de défense, qu'il s'agisse de la définition des missions, des moyens et des forces, de la politique d'équipement comme de la politique industrielle et technologique qui conditionne les capacités de défense.
D'une certaine façon, la notion d'esprit de défense est au confluent de ces choix - l'Europe et la professionnalisation - qui viennent tous les deux modifier l'acception traditionnelle de la défense qu'avait notre pays. C'est un enjeu difficile, face auquel la réussite n'est pas assurée, mais c'est une évolution que nous avons maintenant choisi d'engager et où nous devons mettre toutes les chances de notre côté.
Un mot sur l'esprit de défense. S'il fallait tenter une définition, je pense qu'il faut le caractériser comme le sentiment collectif qu'il nous incombe, ensemble, de défendre une population, un territoire, des valeurs, des intérêts, y compris par des moyens militaires et au péril des vies des citoyens et des soldats.
Ce sentiment renvoie, pour nous Français mais aussi dans de très nombreux pays, à la citoyenneté et à l'esprit civique qui sont le socle de la liberté et sont associés à des obligations. Ce sentiment exige de la générosité, jusqu'au don de soi. L'Etat ne peut pas l'imposer. Il est par contre de son rôle, à travers ses multiples missions, notamment la mission éducative, de favoriser l'épanouissement et la mise en pratique de l'esprit de défense. Ceux qui servent l'Etat ont, à cet égard, un rôle d'exemple.
Le Gouvernement approfondit la politique de réforme et de modernisation de nos forces engagée à partir du choix, il y a deux ans, de la professionnalisation. Les restructurations très importantes, massives, qui accompagnent cette réforme, se déroulent aujourd'hui correctement. Nous avons par ailleurs, voici deux mois, consolidé le cadre financier de notre effort d'équipement au terme d'une revue de programmes approfondie. Dans ce contexte, le renouvellement du lien entre la nation et ses forces armées est une priorité politique majeure pour le gouvernement au moment où est suspendu l'appel sous les drapeaux et alors que doit se redéfinir un ensemble complexe de relations entre la défense et son environnement, social, économique et politique.
Il est utile, au terme de votre réunion, que j'évoque brièvement les grands axes d'effort du ministère, du gouvernement, en matière de défense, auxquels les responsables civils et militaires du ministère sont aujourd'hui attachés.
D'abord, mener à bien la réforme du service national, dont vous vous rappelez qu'elle va s'étaler sur plusieurs années. Grâce au comportement indiscutable des jeunes Français face au service national, y compris depuis que la réforme a été votée en octobre dernier, la transition complexe vers l'armée professionnelle s'engage de façon positive. Les besoins définis pour les appelés pendant cette phase sont couverts de façon satisfaisante, quantitativement, et le comportement des jeune appelés, dans leurs missions, appelle également la louange.
Nous veillons tout particulièrement à ce que les dispositifs futurs mis en place par la loi d'octobre 1997 créent de nouveaux liens indispensables entre l'ensemble de la jeunesse et les forces armées. Et par ensemble de la jeunesse, j'implique également les jeunes filles, qui n'étaient pas concernées antérieurement. Le recensement militaire, la participation à la journée d'appel de préparation à la défense et l'enseignement de défense dans le système éducatif sont applicables à tous, jeunes femmes et jeunes hommes.
L'enseignement de défense qui sera dispensé dans les établissements scolaires est décisif pour sensibiliser les élèves et leurs enseignants. Je n'ai pas besoin d'insister sur l'intérêt du dialogue nouveau qui sera créé autour d'un objectif commun entre la communauté militaire et le monde enseignant. Je pense d'ailleurs que le sentiment d'une perte, assez répandu dans le monde enseignant, à l'égard du service national, peut être générateur d'une prise de conscience du rôle nouveau qui incombe aux formateurs, aux éducateurs, dans la phase éducative de la jeunesse, pour suppléer une partie des notions qui pouvaient passer, en tous cas vers les jeunes hommes, à l'occasion du service national.
L'introduction à l'esprit de défense, qui va incomber à partir de cette année au système éducatif et dont Claude Allègre a dû vous parler hier, trouvera son prolongement direct dans le contact que sera, entre l'armée et les jeunes, la journée d'appel de préparation à la défense. Cette journée est évidemment un élément essentiel du nouveau dispositif, la première journée nationale est fixée au 3 octobre prochain, et va constituer une étape significative dans le parcours d'accès à la citoyenneté des jeunes.
Je souligne que le recensement militaire, que nous avons maintenu et réformé en l'anticipant puisqu'il doit à l'avenir se dérouler à seize ans, devient en même temps le support technique indispensable de l'inscription d'office des jeunes sur les listes électorales puisque ce sera à partir du dénombrement de population des jeunes, et de la liste qui sera ainsi établie, que les jeunes seront appelés ensuite à être inscrits comme électeurs.
Les jeunes recensés vont participer à l'appel de préparation à la défense, à partir de l'année qui vient. Cet engagement concerne 800 000 jeunes par an, qui seront reçus dans chaque département, sur 300 sites, en grande majorité des sites militaires. Bien sûr, de la qualité des échanges qui s'instaureront, dans ce cadre bref mais sur lequel, je crois, les armées engageront vraiment le maximum de leur professionnalisme, dépendra pour beaucoup l'intégration par les jeunes de ce que peut être l'esprit de défense et en tous cas une connaissance plus directe, plus concrète et humaine, de ce à quoi s'emploient aujourd'hui les hommes et les femmes de la défense.
Les choix que les jeunes auront à faire juste après, notamment pour s'intéresser au volontariat dans les armées, pour entrer dans les préparations militaires, le cas échéant pour s'engager dans l'armée active ou prévoir de s'inscrire dans les réserves, ces choix seront largement déterminés par ce qu'ils auront vu, perçu, échangé lors de l'appel de préparation à la défense. Ce sera aussi, malgré la brièveté du contact, un moyen de contribuer à la lutte contre l'exclusion - puisque c'était une des dimensions traditionnelles de l'intervention de la défense vis-à-vis de la jeunesse, à laquelle beaucoup de Français sont attachés, et à laquelle aussi beaucoup de militaires continuent à souhaiter pouvoir faire uvre utile.
Au-delà de ces actions qui sont l'application de la loi votée, j'attache un prix particulier à tout ce qui peut moderniser et revitaliser les liens entre la défense et la nation. Cet Institut, avec d'autres en Europe, comme l'institut d'études de sécurité (IES) de l'UEO, est un lieu de débat et de réflexion privilégié entre responsables civils et militaires. Je tiens à le dire devant ses responsables, le parcours de ces dernières années de l'IHEDN a été particulièrement fructueux et productif. Il faut que ces échanges s'ouvrent encore davantage, ce sera une des missions à venir de l'IHEDN, mais sans doute aussi d'autres supports. Il nous faut encourager des initiatives variées pour animer la recherche et les études de défense, notamment dans leur dimension européenne. Je souhaite également favoriser les échanges entre les universités, les écoles supérieures et l'appareil de formation spécifiquement militaire. Compte tenu des perspectives d'emploi, des affectations et des missions à venir des jeunes sous-officiers et officiers, l'élargissement de leur formation, notamment internationale, est une nécessité.
Le renforcement des rapports entre les responsables de la défense et la représentation nationale est un second facteur d'approfondissement des liens entre l'armée et la nation et c'est un canal important pour l'esprit de défense. Le Gouvernement est déterminé à instaurer une information plus complète et plus fréquente du Parlement, quant aux activités de la défense, notamment quant aux engagements où elle est appelée à l'extérieur.
Un tel développement est de nature à accroître le soutien des élus de la nation en direction des acteurs du système de défense et à développer un sentiment de responsabilité réciproque. L'état de la professionnalisation et de la programmation financière, nos opérations extérieures, la politique du renseignement, la stratégie d'exportation de matériels de défense, la coopération en matière de défense, devront faire l'objet d'échanges renforcés avec les parlementaires, permettant une plus grande prise d'intérêt du public le plus large.
Troisième axe de travail, un concept de réserves modernisées et intégrées aux forces professionnelles. Nous y travaillons depuis quelques mois. Pour élargir tout ce travail préparatoire, nous venons de créer au sein du ministère un Conseil Supérieur d'étude des Réserves où j'ai eu la satisfaction de voir que les plus hauts responsables du ministère s'engageaient personnellement. Hier, notre concept des réserves était celui d'un fort volume humain, susceptible d'appuyer les forces en cas de crise majeure, avec des missions spécifiques, mais pas seulement, en matière de défense civile. Désormais, le cadre et le concept d'emploi des réserves vont s'adapter à un contexte où les engagements ont très largement changé de nature. Nous allons définir un cadre permettant d'intégrer effectivement les réservistes, comme le prévoit le modèle d'armée dans le cadre duquel nous travaillons, aux unités opérationnelles et de pouvoir faire appel à eux pour l'ensemble des tâches incombant aux forces de manière beaucoup plus régulière, plus fréquente que ce n'était le cas dans le concept traditionnel.
Il nous faut un projet de loi qui fournisse les bases de cette nouvelle politique puisque, en particulier du fait de l'exigence de disponibilité, le statut personnel et professionnel des réservistes devra être beaucoup plus précis. Cette loi sera l'occasion d'exprimer devant le Parlement et devant l'opinion publique quelle est la nouvelle place des réserves et leur responsabilité accrue. Mais l'emploi de ces réserves ne se limitera pas à l'aspect opérationnel. Il y a un autre rôle important des réserves qui est précisément, et là on peut faire appel à une conception plus large, que les réservistes sont un des pivots du renouvellement du lien entre la Nation et son armée. Etre réserviste, c'est une façon d'être un intermédiaire, d'être un transmetteur d'informations et de réflexions, ou d'aspirations, entre la communauté militaire et la société tout entière. C'est pour cela que nous allons faire participer les réservistes aux journées d'appel de préparation à la défense, ils seront aussi une ressource très utile dans ce cadre-là. Il faut que nous pensions à d'autres actions encore qui permettront aux réservistes d'être un trait d'union avec la société civile.
La communication du système de défense, enfin, doit être adaptée à ce nouveau concept. La nation ne peut se reconnaître dans une politique de défense, en partager les grands choix, si ceux-ci ne lui sont pas connus et présentés, par les formes efficaces de communication dont le développement saisit chacun. Aussi ai-je choisi de mettre en place un instrument nouveau d'harmonisation et de diffusion de la communication de l'ensemble des instances de la défense, sous la forme d'une délégation à l'information et à la communication de la défense qui fédérera l'action des différents services actuellement en charge et qui ont, je crois, bien réussi mais auxquels il faut ajouter une vision plus globale de ce à quoi sert la défense vis-à-vis du reste de la société.
Ces réflexions sur l'esprit de défense amènent à vous présenter des chantiers très concrets qui sont ceux de la transformation de notre système de défense, et dans lesquels nous sommes profondément engagés. Ils n'auraient pas de sens s'ils n'étaient portés par un projet collectif choisi et compris par le pays. Ce projet comprend la défense de nos valeurs et de nos intérêts dans le monde comme dans notre continent. Nos forces armées, notre Gendarmerie nationale, les médecins, les ingénieurs, les entreprises, les citoyens de ce pays s'engagent dans des opérations de maintien de la paix avec une composante humanitaire importante.
Dans ces opérations, on retrouve souvent les Européens, pas tous, mais on trouve souvent les Européens associés, au coude à coude, et c'est en ce sens que l'esprit de défense, traditionnellement national, devient de plus en plus européen, comme d'ailleurs nous le voyons dans la décision récente d'engager dans la nouvelle force de Bosnie-Herzégovine, à partir du mois de juillet, des éléments de l'état-major du Corps européen ; ce sera la première fois qu'il sera dans une mission de terrain. De même, nous développons la coopération franco-italienne, comme dans l'opération Alba, ou la coopération entre nos amis allemands et nous mêmes pour soutenir et pour former le nouveau bataillon de maintien de la paix qu'ont créé ensemble les Hongrois et les Roumains.
A travers toutes ces opérations se développe une identité européenne de défense, qui s'exprime aussi par la volonté régulièrement exprimée par les Européens au sein de l'UEO, comme l'a très bien expliqué à l'instant le secrétaire général José Cutileiro, mais aussi dans d'autres enceintes, pour assumer des responsabilités politiques et de défense à hauteur de notre puissance collective en matière économique, financière et monétaire. Et je partage la conviction du professeur Grosser, que le sentiment d'appartenance commune et la volonté d'exercer des choix partagés, des choix dans lesquels il y a un partage de souveraineté, progresseront de façon très vraisemblable à partir du moment où l'Union monétaire sera entrée dans la vie quotidienne des trois cents millions d'Européens.
Si l'Europe se construit de façon plus lente en matière de défense qu'en matière économique et monétaire, c'est qu'elle a commencé plus tard, tout simplement Cela fait 47 ans qu'on construit l'Europe économique, et les institutions de défense européenne - à part le vaste mérite de l'UEO , en grande partie neutralisée pendant la guerre froide - la volonté politique des Européens de mener des actions communes en matière de défense, c'est quelque chose de plus récent. Je ne crois pas qu'on ait aujourd'hui à dire que nous soyons en train de piétiner. J'ai au contraire la conviction que des progrès concrets se font tous les ans.
C'est en tous cas pour ce pays, pour l'ensemble des ses autorités publiques, une priorité, et nous savons que cette réalisation se concrétise sur le long terme. Mais quand nous regardons la situation de 1998 et que nous la comparons à celle d'il y a dix ans ou vingt ans, il n'y a aucun doute que nous sommes en train d'avancer. Nous cherchons à faire partager ce sentiment de progrès, cette volonté constructive, à nos principaux alliés, et il est vrai qu'elle ne se conçoit pas au détriment d'une solidarité euro-atlantique qui a historiquement fait ses preuves.
Je souhaite souligner ici combien le gouvernement est attaché à la place de l'UEO dans l'architecture européenne. Cela a été l'un des thèmes de l'expression de la France dans toutes les négociations sur le renforcement de l'Union européenne au cours des quatre ou cinq dernières années, depuis la négociation du traité de Maastricht, et notre vision est donc bien l'intégration-fusion, à terme, de l'UEO dans l'Union européenne, élément de l'émergence d'une Europe politique assumant son rôle dans les affaires internationales. Il nous faut pour cela engager les travaux pour adopter les mesures de renforcement des relations entre les deux institutions européennes.
Le choix a été douloureux, laborieux, d'un système d'abstention constructive en matière de politique extérieure commune, au sein de l'Union européenne, système qui permet à un pays d'avoir une position de retrait qui n'est pas un veto et qui n'empêche pas les autres d'avancer. Compte tenu du nombre que nous sommes maintenant à l'UEO, ce qui sollicite encore plus la conciliation que les quinze membres actuels de l'Union européenne, je pense que l'extension de ce mécanisme de l'abstention constructive au sein de l'UEO est une des méthodes auxquelles on peut songer pour faire que l'UEO puisse choisir de s'engager lors des prochaines crises, comme il aurait été souhaitable qu'elle le fasse lors de la crise albanaise l'année dernière. Il est très important que l'UEO ait choisi de doter sa structure militaire d'une nouvelle organisation qui permette aux Européens d'avoir un outil politico-militaire capable d'assumer des responsabilités pour la gestion de crises, telles qu'approuvées à Petersberg dès 1992.
Les coopérations opérationnelles mais aussi industrielles se nouent également, en bilatéral ou en multilatéral, hors des cadres institutionnels. C'est le cas en Bosnie, puisque la Force de Réaction Rapide avait été créée au départ en association franco-britannico-néerlandaise. C'est le cas avec le développement du rôle de la Brigade franco-allemande, qui est maintenant une des composantes de la force internationale en Bosnie. C'est le cas avec l'entrée en lice de l'état-major du Corps européen dans le nouvel état-major de la SFOR. Des coopérations opérationnelles européennes ont démontré qu'on n'était plus dans la défense commune virtuelle et que nous savions être présents, dans des organisations communes, sur des théâtres de crise.
L'Europe n'est déjà plus, contrairement à une espèce de caricature un peu archaïque, un espace marchand. Dans les armées, dans les coopérations technologiques, sans parler de nos diplomaties, des solidarités se forment, et je suis témoin tous les jours de la qualité de dialogue et du sentiment de volonté de travail en commun qui règne aujourd'hui dans les commandements de nos armées européennes. De plus, ces volontés de travail en commun sortent renforcées par les enjeux de terrain où nous sommes engagés ensemble. L'UEO doit être capable de gérer les crises, elle en a pris les moyens. Il nous faut dès lors prendre date politiquement et nous déclarer prêts à utiliser l'UEO. C'est un point sur lequel nous sommes pleinement d'accord avec le Secrétaire général, lorsque une opération militaire peut se révéler nécessaire dans les conditions sur lesquelles nous nous sommes préalablement mis d'accord.
L'esprit de défense doit embrasser toute cette dimension européenne aussi variée que large dans ses applications : qu'il s'agisse de favoriser les échanges entre les instituts et les organismes de réflexion ou de formation, de continuer à développer les forces multinationales européennes, de contribuer à la synergie des efforts de recherche, de développer des coopérations concrètes, notamment avec les pays membres du Partenariat pour la paix, c'est à l'échelle du continent tout entier, et non plus simplement avec une vision -de la petite Europe, qui a réussi mais est déjà un peu périmée, qu'il faut progresser.
Cet esprit de défense ne doit pas rester une notion abstraite, un grand principe que l'on évoque dans quelques occasions officielles mais qu'on ne met pas en pratique. Cet esprit de défense doit se forger aujourd'hui dans un espace, celui de notre vie quotidienne, celui de nos échanges européens, qui est en paix, ou presque puisque nous avons tout de même une zone de tension au sud-est de l'Europe. Si nous voulons assumer pleinement notre responsabilité de grande puissance en devenir, celle de l'Europe, nous avons devant nous plus d'interventions effectives de nos forces sur le terrain, que cela a été le cas depuis bien longtemps. Ces engagements ne seraient pas possibles sans le plein soutien des citoyens de notre pays. Nous avons, collectivement, la responsabilité de faire que ce soutien non seulement ne cesse pas mais se développe, et qu'un esprit de défense renouvelé et élargi à la dimension des enjeux de l'Europe continue à être partagé par tous les membres de notre communauté nationale.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 19 septembre 2001)