Déclaration de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie, sur la recherche d'une solution à la crise irakienne, Paris le 27 janvier 2003.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conférence de presse conjointe avec M. Ahmed Maher El Sayed, ministre égyptien des affaires étrangères, à Paris le 27 janvier 2003

Texte intégral

C'est avec un immense plaisir qu'une nouvelle fois je rencontre mon ami Ahmed Maher. Nous menons ensemble entre l'Egypte et la France un dialogue confiant et, je le crois, très riche au service de la paix, de l'ambition commune que nous avons de contribuer à la paix et à la stabilité de l'ensemble du Moyen-Orient. Evidemment la concertation que nous poursuivons aujourd'hui se situe à un moment important puisque, comme vous le savez, s'est déroulée ce matin à New York la réunion du Conseil de sécurité où les inspecteurs ont fait rapport. Donc il était, pour nous, essentiel qu'une concertation très étroite puisse avoir lieu entre l'Egypte et la France et, comme vous le savez, mon ami Ahmed Maher a rencontré tout à l'heure le président de la République.
La France et l'Egypte ont la même approche vis-à-vis de l'Iraq. C'est le choix de la sécurité collective, c'est-à-dire le choix des Nations unies, le respect du droit et en conséquence la primauté donnée au Conseil de sécurité pour avancer dans la recherche d'une solution à la crise iraquienne.
C'est aussi la nécessité impérative pour l'Iraq de coopérer activement en vue d'un désarmement pacifique, tel est bien l'objectif de la communauté internationale. Cela doit permettre aux inspecteurs d'éclairer les zones d'ombre qui subsistent sur ces programmes d'armement en cours ou éventuels. Tout atermoiement joue évidemment en sa défaveur et nous souhaitons qu'une coopération active puisse être menée. Je salue, à cet égard, l'engagement de l'Egypte dans l'initiative régionale d'Istanbul qui a rassemblé les pays voisins de l'Iraq s'efforçant de convaincre Bagdad de s'acquitter pleinement de ses obligations.
C'est enfin la profonde conviction que nous avons que la force ne peut être qu'un dernier recours. La France se mobilise pleinement avec l'ensemble de ses partenaires pour donner toutes ses chances au processus en cours. A Bruxelles, nous nous sommes réjouis d'avoir pu, ce matin, trouver une position à Quinze qui marque clairement les principes qui sont les nôtres. Tout d'abord la primauté du Conseil de sécurité mais aussi l'objectif commun qui est celui du désarmement de l'Iraq et enfin le soutien au travail des inspecteurs, soutien à ce travail pour poursuivre et intensifier leurs inspections. Cette concertation se fait également avec l'ensemble des pays concernés et la présence d'Ahmed Maher à Paris aujourd'hui en témoigne ainsi que demain les entretiens que nous aurons avec le Prince Saoud d'Arabie saoudite. A New York, le rapport de MM. Blix et El Baradeï confirme le choix de la coopération qui est celui de la France. Les travaux de ce matin, les rapports de ce matin de MM. Blix et El Baradeï ont permis de faire le point sur le travail qui a déjà été effectué et sur le travail qu'il reste à faire. Le rapport délimite clairement les questions qui restent à résoudre. Cela confirme pour nous l'importance de poursuivre les inspections et le souhait que nous avons que ces inspections puissent être, chaque jour, davantage plus efficaces. Il est donc important que ces inspections puissent s'inscrire dans la durée nécessaire pour permettre la pleine efficacité de ce processus de coopération.
Q - Etes-vous favorable à une réunion le 15 février prochain pour qu'il y ait un nouveau rapport des inspecteurs de l'ONU ?
R - La résolution 1441 du Conseil de sécurité a clairement fixé les choses. Il est très important qu'à chaque étape, le Conseil de sécurité puisse être tenu informé de l'évolution des travaux des inspecteurs sur place. Nous l'avons dit à plusieurs reprises, ils sont à la fois l'il et la main du Conseil de sécurité. Donc, il est évident que, chaque fois que nécessaire, rapport peut être fait devant le Conseil de sécurité et, chaque fois que nécessaire, le Conseil de sécurité doit se réunir pour examiner la situation. Nous sommes mobilisés, sept jours sur sept et 24 heures sur 24, pour faire face à l'évolution de cette situation iraquienne, pour avancer dans le sens qu'à choisit la communauté internationale, c'est-à-dire le choix des inspecteurs et le choix de la coopération.
Q - Après le rapport plutôt sévère de M. Blix aujourd'hui, notamment concernant l'agent VX, l'anthrax, les interviews avec les scientifiques, les vols aériens, est-ce qu'il est encore possible d'affirmer que l'Iraq, 60 jours après le début des inspections, n'est pas en violation patente de la résolution 1441 ? Et deuxièmement, est-ce que la France accepterait éventuellement une date limite, une échéance au-delà de laquelle ces zones d'ombre, comme vous dîtes, doivent absolument être éclaircies ?
R - Restons-en, si vous le voulez bien, à la résolution 1441 qui fixe le cadre approprié pour la communauté internationale. La résolution ne fixe pas de date butoir. Elle fixe le cadre de la coopération, souligne la nécessité pour l'Iraq de coopérer pleinement avec les inspecteurs et avec le Conseil de sécurité et c'est bien dans cet esprit que nous travaillons. Le rapport que vous mentionnez indique à la fois le travail qui a été fait et le travail qu'il reste à faire. Il évalue donc la feuille de route de la communauté internationale. Il est donc essentiel que les inspecteurs puissent poursuivre et intensifier leurs travaux, c'est ce que nous avons dit ce matin entre Européens. Il est important que nous puissions aller jusqu'au bout de l'objectif que s'est fixé la communauté internationale, c'est-à-dire le plein désarmement de l'Iraq. Mais soyons cohérent avec l'engagement que nous avons pris : le choix de la sécurité collective, le choix de la coopération. Si à un moment donné, il s'avérait que les inspections étaient dans l'impasse, - la résolution 1441 le dit très clairement - il faudrait alors que le Conseil de sécurité puisse se réunir à nouveau, évalue les options et chacun prendra alors ses responsabilités. Ne sortons pas du texte de la résolution, restons mobilisés sur l'objectif qui est le nôtre, le seul objectif, le désarmement de l'Iraq. Il est très important que la communauté internationale reste unie et je me félicite de voir que les initiatives régionales qui ont été prises, ainsi à Istanbul, ce matin à Bruxelles pour ce qui est des Européens, marquent bien cette convergence. Ne nous divisons pas sur cette question alors que ce qui fait notre force, c'est justement la communauté de vues et la communauté d'actions.
Q - Les Américains sont déterminés à aller jusqu'à la guerre. Jusqu'où la France est prête à aller pour arrêter cela ?
R - Nous avons eu l'occasion de préciser la position de la France à maintes reprises et elle n'a pas changé : la France soutient la légitimité de l'action internationale telle qu'exprimée par les Nations unies et le Conseil de sécurité. Nous avons tous ensemble, à l'unanimité, marqué le chemin. C'est celui de la résolution 1441. Il y a là une légitimité claire et notre conviction, c'est que cette légitimité est la condition de l'efficacité. C'est pour cela que nous avons clairement dit que nous ne pourrions certainement pas nous associer à des initiatives unilatérales ou préventives. La position de la France est claire : nous respecterons les principes qui sont les nôtres. Il faut donner toutes les chances aux inspections, avec un objectif simple, le désarmement, avec la volonté d'aboutir et c'est pour cela que nous multiplions les propositions pour faire en sorte que, chaque jour davantage, les inspections puissent être plus efficaces, plus constructives. Il faut, partant de l'évaluation qui est faite aujourd'hui même par les inspecteurs, tirer les leçons et se donner les moyens d'obtenir les réponses aux questions qui sont posées, et auxquelles nous voulons avoir des réponses. Notre conviction aujourd'hui c'est que cela est possible par le biais des inspections, par un travail qui a vocation à s'intensifier. Compte tenu de l'effort déjà effectué - près de 300 sites visités par mois, s'il faut davantage d'inspecteurs, davantage d'inspections, que la communauté internationale se donne les moyens d'être plus efficace et plus rapidement -, nous pouvons, c'est notre conviction, dans ce cadre-là, espérer atteindre l'objectif du désarmement de l'Iraq. Et une fois de plus, si à un moment donné, nous nous retrouvons dans l'impasse, il faudra que la communauté internationale prenne ses responsabilités, ses membres tous ensemble. Il y a là, je crois, un chemin clairement écrit et l'essentiel, pour nous, c'est bien de rester unis face à cette crise, car l'unité de la communauté internationale que nous avons réussi à obtenir à l'occasion du vote de la résolution des Nations unies, cette unité est la condition de notre efficacité commune et de notre légitimité commune sur la scène internationale. Il y a là donc une exigence à laquelle nous aspirons bien évidemment très fortement et que nous souhaitons que l'ensemble des membres de la communauté internationale respecte.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 janvier 2003)