Texte intégral
C'est un grand honneur que vous nous faites de venir au palais des Affaires étrangères, après avoir été reçu par le président de la République hier à l'Elysée. J'en suis à la fois fier et impressionné.
Je suis conscient en effet de poursuivre, après tant de personnages illustres, la longue histoire qui est celle des fortes relations qui, depuis bientôt 10 siècles, lient 1'Ordre de Malte et la France.
Le fondateur de l'Ordre souverain, militaire et hospitalier de St-Jean de Jérusalem, dit de Rhodes, dit de Malte, avait été un Français, Gérard Tunque. 48 des 70 Grands Maîtres qui se succédèrent jusqu'à la fin du XVIIIème siècle furent des Français.
Nos souverains firent régulièrement alliance avec votre Ordre, vigilant gardien des routes maritimes en Méditerranée. Le duc et cardinal de Richelieu lui fît appel pour réorganiser la Marine royale. Plusieurs de nos plus célèbres marins, je pense à Suffren, Tourville et Ternay notamment, furent, de ce fait, également chevaliers de Malte. Votre Ordre a aussi donné à la France un président de la République, M. Valéry Giscard d'Estaing.
Depuis le Traité de Vienne, votre Ordre, privé de sa fonction militaire, a déployé son énergie à développer son activité hospitalière, renforçant son rayonnement à travers un monde en constante évolution.
Aujourd'hui, vous pourriez, Altesse, avec une légitime fierté, énumérer vos 250 000 bénévoles, vos 80 hôpitaux, vos nombreux centres de soins, vos 200 postes de secours mobiles et les dizaines de milliers d'ambulanciers et secouristes passés par vos écoles de par le monde.
Cette véritable "armée humanitaire" qui joue un rôle essentiel et original dans le concert des associations de solidarité internationale (et je salue les médecins et les hauts responsables d'associations humanitaires qui nous font l'honneur d'être aussi des nôtres) contribue non seulement à l'apaisement des souffrances individuelles, notamment des malades de la lèpre et des handicapés, causes auxquelles vous vous consacrez par priorité, mais aussi à la construction d'un monde plus fraternel et généreux .
L'action de l'association des Oeuvres hospitalières françaises, dont je salue ici le président, M. de Dumast, et le vice-président, M. de Pierredon, est à cet égard exemplaire. Elle attribue 85 % des 17 millions de francs de dons privés perçus chaque année à des actions conduites dans les pays du tiers-monde au profit des populations défavorisées. Et une vingtaine de nos compatriotes se consacrent bénévolement à la mission d'ambassadeur de votre institution auprès de pays en voie de développement ou en cours de transition, relayant et coordonnant l'activité des oeuvres hospitalières. Je salue ceux d'entre eux qui nous font aujourd'hui l'amitié d'être présents au Quai d'Orsay.
La générosité que vous manifestez ainsi est un message de paix reçu comme tel en Afrique, où plus de la moitié de vos dons sont dirigés, tout comme en Palestine, au Liban et au Cambodge, pour ne citer que quelques pays qui sont aussi les partenaires privilégiés de la diplomatie française. L'on sait par ailleurs à quel point votre action, comme celle de l'Ordre dans son ensemble, se développe en Europe centrale et orientale - singulièrement dans la zone des Balkans - et en Amérique latine.
Tout en étant bien conscient de la spécificité de l'Ordre, je voudrais donc saisir cette occasion pour saluer l'action des associations de solidarité internationale, facteur de paix important dans notre monde instable. Elles sont 20 000 aujourd'hui et je suis très fier que près de 3 000, soit une sur sept, aient trouvé naissance dans notre pays. A côté de l'aide publique française au développement qui, aux alentours de 30 milliards de francs, nous place dans les tous premiers rangs mondiaux, la générosité de nos concitoyens se manifeste chaque année par une collecte de près de 2 milliards de francs à leur profit, sans compter les dizaines de milliers d'heures de bénévolat consacrées par tant de militants dévoués et dynamiques.
Par ces dons et au travers de l'engagement volontaire de nos coopérants, si généreux et si efficaces, que l'on désigne parfois sous le nom affectueux bien que non francophone de "french doctors", s'exprime en fait l'engagement sincère de tout un peuple, le nôtre, sous la bannière de la solidarité avec ceux qui souffrent.
Cet étendard, depuis des siècles et aujourd'hui encore, porte souvent la croix de Malte. C'est l'une des raisons pour lesquelles, en 1983 puis 1995 le gouvernement français a conclu avec la branche française de votre éminent Ordre des accords qui organisent des relations de travail privilégiées avec les institutions de la République française.
Enracinés dans une longue et belle tradition, nos liens sont forts et originaux. Soyez assurés, Altesse, Mesdames et Messieurs, que nous sommes décidés à faire valoir cette relation exceptionnelle et indispensable, et que je suis personnellement déterminé, comme l'ensemble de mes collaborateurs, à l'approfondir et à la développer.
Vous invitant donc, Altesse, Eminentissime, à considérer cette maison comme la vôtre, je propose de lever notre verre à la réussite de votre mission, au rayonnement de l'Ordre, au renforcement de sa collaboration avec la France.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 octobre 2001)