Conférence de presse de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie, sur la position de la France sur la crise irakienne, la volonté d'accroître les moyens mis à la disposition des inspecteurs de l'ONU, la destruction prochaine de missiles irakiens et sur les relations franco-américaines, Bruxelles le 24 février 2003.

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Circonstance : Conseil affaires générales à Bruxelles (Belgique) le 24 février 2003

Texte intégral

Je viens vous rencontrer brièvement, malheureusement, parce que je dois repartir pour Paris et rejoindre Berlin avec le président de la République car nous dînons dans le cadre de processus de Blaesheim avec le chancelier Schröder et Joschka Fischer. Mais je voulais faire un point rapide sur notre réunion d'aujourd'hui qui est une réunion importante, positive, puisqu'elle a permis aux Quinze de rencontrer à la fois le président en exercice de la Ligue arabe, le ministre des Affaires étrangères libanais et le Secrétaire général de la Ligue arabe qui nous ont exprimé leur inquiétude, leur préoccupation à la fois sur la crise iraquienne et sur l'immobilisme du processus de paix au Proche-Orient.
Sur l'Iraq, ils ont fait part de leur inquiétude parce que les divisions dans cette région sont déjà très nombreuses, du sentiment d'humiliation, - les grandes fractures qui se sont multipliées au cours des dernières années font qu'il y a une vulnérabilité particulière de cette région - et leurs craintes devant les risques et les conséquences d'une intervention militaire sont évidemment très grandes.
Sur le processus de paix, ils ont exprimé le sentiment que, année après année, les choses n'avancent pas et qu'il est temps que soit prise la mesure de cet enjeu et que puisse être apportée une réponse à ce conflit israélo-palestinien.
Vous me permettrez d'en profiter pour vous dire rapidement quelle est la position de la France, à ce stade, sur la crise iraquienne. Pour la France, nous nous situons résolument dans le temps des inspections dans le cadre qui a été défini par la résolution 1441. Il y a un temps pour les inspections avec l'objectif affirmé par l'ensemble de la communauté internationale qui est celui du désarmement de l'Iraq. Nous estimons que, sur la base du dernier rapport de M. Blix et de M. El Baradeï, il y a des progrès. Il y a donc toutes les raisons de poursuivre, d'encourager le travail des inspecteurs, concrètement sur le terrain. Donc nous sommes dans le temps des inspections mais pour que ces inspections soient plus efficaces, nous souhaitons adresser le message de plus grande fermeté possible vis-à-vis de Bagdad qui doit satisfaire pleinement à ses obligations. C'est pour cela que nous avons proposé dans un premier mémorandum remis à New York et remis aux inspecteurs de renforcer ces inspections, c'est-à-dire d'accroître les moyens à la disposition des inspecteurs, accroître les moyens en personnel, en effectifs, accroître les représentations dans les bureaux, accroître le nombre des inspecteurs, dans la mesure où cela est souhaité et nécessaire pour les inspecteurs, accroître aussi le matériel et les moyens des inspecteurs tels que, par exemple, la coordination du renseignement, la capacité d'observation - c'est la mise à disposition d'avions : vous savez que nous avons mis à disposition deux avions d'observation Mirage IV ; c'est aussi la proposition de création d'un corps de surveillance qui permettrait un déploiement sur les sites déjà inspectés et donc de garantir que ces sites ne soient pas réutilisés à des fins de programmes d'armes de destruction massive. Il y a là, pour nous, dans ce renforcement, un objectif très concret qui est de crédibiliser la qualité et la capacité des inspecteurs à travailler sur le terrain.
Mais nous voulons aller plus loin et c'est pour cela que nous allons déposer aujourd'hui à New York un deuxième mémorandum qui a deux objectifs essentiels : le premier c'est de fixer des échéanciers programme par programme. Il est important de crédibiliser, de concrétiser ce travail des inspecteurs. Et pour cela, dans les différents domaines que nous connaissons : le nucléaire, le chimique, le balistique, le biologique, il faut fixer des échéanciers concrets, programme par programme. Il faut par ailleurs, préciser des repères, préciser des critères qui, dans les mains des inspecteurs, leur permettront d'agir de façon plus rapide, plus efficace. Nous avons là aujourd'hui un certain nombre d'exemples sur la table qui vont dans ce sens. Si on n'en prend qu'un ou deux, d'abord dans le domaine des missiles balistiques, le fait que M. Blix ait demandé la destruction de ces missiles à partir du premier mars. Il y a là clairement un signal, une demande exigée vis-à-vis de Bagdad. Nous soutenons cette demande. Nous pensons qu'il est très important que, dès lors que ces missiles ne sont pas en conformité avec les obligations auxquelles doit satisfaire l'Iraq dans la mesure où ils dépassent les 150 km de portée, eh bien, ces missiles doivent être détruits et il est important que cette destruction s'engage rapidement.
Il est important que l'ensemble des étapes soit respecté par les Iraquiens. D'abord, au stade de l'information, que l'Iraq donne toutes les informations qui sont en sa possession. Il est important que la vérification par les inspecteurs puisse être faite concrètement, sur place. Et dans ce contexte, la liste fournie par l'Iraq des 83 experts qui ont assisté en 1991 à la destruction d'armes chimiques, est évidemment une liste importante. Il faut l'exploiter jusqu'au bout, remonter ainsi les programmes et la destruction de ces différents armements chimiques. Ceci est donc au stade de la vérification. Et le troisième stade, c'est celui de l'élimination et de la destruction des armements. Il faut le faire dans le balistique, il faut le faire dans les autres programmes, biologiques ou chimiques, dans la mesure où il y a des armes de destruction massive qui sont trouvées. Donc nous avons là véritablement devant nous un outil, celui des inspections, un moyen qui est offert à la communauté internationale et qu'il est très important de crédibiliser et de développer. Pourquoi ? Parce que, nous le savons tous, nous sommes confrontés à une crise de prolifération, la crise iraquienne, mais au-delà de l'Iraq, à bien d'autres menaces de prolifération.
Il faudra répondre, bien évidemment, à la situation de la Corée du Nord. Il y a d'autres pays sur la scène internationale qui sont possesseurs de grandes quantités d'armes de destruction massive. Nous ne pouvons pas l'ignorer. Et il est important que les Nations unies, le Conseil de sécurité, puissent, à travers la crise iraquienne, permettre à la communauté internationale de disposer d'un moyen pacifique d'aller jusqu'au bout de ces inspections. Nous avons connu dans le passé des inspections d'un autre ordre. C'était le cas de l'Ukraine ou de l'Afrique du Sud, avec des Etats qui, s'engageant résolument et clairement dans la voie de la démocratie, souhaitaient coopérer avec la communauté internationale. Là, nous sommes dans un cas un peu particulier. Nous sommes devant une dictature. Nul n'ignorait, lorsque nous avons rédigé la résolution 1441, que nous étions dans un cas original, une dictature. Mais il y en a d'autres, il y a d'autres Etats qui sont soumis à des dictatures, qui possèdent des armements de destruction massive. Il est donc d'autant plus important de trouver une voie pacifique pour inspecter et désarmer ces pays que nous aurons à faire face à d'autres crises du même type et la communauté internationale n'aura pas perdu son temps si elle est capable d'inventer avec ténacité, avec sang-froid, avec détermination, un chemin qui permette véritablement ce désarmement.
Alors, il y a certains Etats qui pensent aujourd'hui qu'il est important de déposer une deuxième résolution. Nous pensons, pour notre part, que ce n'est pas nécessaire. Nous pensons que ce n'est pas utile, se situant résolument dans le temps des inspections et qu'une deuxième résolution, aujourd'hui, n'est pas requise selon les termes de la résolution 1441. C'est pour cela que nous avons dit que nous ne pouvions pas accepter cette deuxième résolution qui s'inscrirait clairement dans le cadre de la préparation d'une intervention militaire, que cela ne nous semblait pas une option viable. Clairement, nous sommes prêts à prendre nos responsabilités si, selon les termes de la résolution 1441, nous devions être confrontés à une impasse, mais uniquement dans cette hypothèse là : si les inspecteurs nous disent qu'ils ne peuvent plus travailler sur le terrain, si les inspecteurs nous disent, dans un prochain rapport, qu'il y a une impasse, alors nous serons dans ce temps d'une éventuelle deuxième résolution, examinant toutes les options, y compris un recours à la force, - le président de la République l'a dit fortement -, en dernière extrémité. Pour nous, la force ne peut être qu'un dernier recours. Mais nous ne sommes pas dans ce temps-là, vous l'avez compris.
Q - Vous dites que vous prendrez clairement vos responsabilités, il y aura une deuxième résolution qui sera pour une intervention militaire en Iraq. Que fera la France ? Est-ce qu'elle sortira son carton de veto ?
R - A ce stade, il n'y a pas de deuxième résolution. Il y a un projet en blanc, qui va circuler à New York. Il n'est pas prévu que ce projet passe au vote avant plusieurs semaines. Il n'y a pas, à ma connaissance, clairement, de majorité pour une telle résolution aujourd'hui. Vous connaissez les prises de position qui se sont exprimées lors de la réunion du 14 février où nous avons rencontré les inspecteurs des Nations unies. Ils ont clairement exprimé qu'il y avait des progrès et je crois qu'il y a une très large majorité de la communauté internationale, comme d'ailleurs au Conseil de sécurité, qui souhaite encourager aujourd'hui cette voie des inspections. J'en prends pour témoignage la position qui s'est exprimée à l'unanimité dans le cadre de la réunion d'Addis Abeba, de l'organe central de l'Union africaine, la prise de position exprimée lors de la conférence Afrique-France, la prise de position exprimée par les Non-alignés comme celle, d'ailleurs, de la Ligue arabe. Il y aujourd'hui, une très large majorité sur la scène internationale pour souhaiter que les inspections puissent se poursuivre. Si nous devions être confrontés, une fois de plus, à une impasse, les choses pourraient changer. Pour le moment, nous avons tous le souhait de permettre et de donner toutes ses chances à un règlement pacifique par le biais des inspections.
Q - Pour le président américain, la destruction des missiles, c'est uniquement la pointe de l'iceberg. Alors, vous venez de dire le contraire. On a le sentiment, à travers la citation du président américain, que "les jeux sont faits". Est-ce que pour vous la destruction des missiles c'est vraiment quelque chose de positif ?
R - C'est, pour la France, une étape importante. On ne peut pas à la fois demander à Saddam Hussein de détruire ses armes de destruction massive et en particulier ses missiles comme le fait M. Hans Blix et ne pas tenir compte de ce que ferait l'Iraq dans ce sens. Nous l'avons dit depuis le début, dans le cadre de la résolution 1441, les inspecteurs, les représentants de la CCVINU comme de l'AIEA sont à la fois l'il et la main de la communauté internationale. Nous leur faisons confiance sur le terrain pour nous dire comment évoluent les choses. Ils nous font des propositions, devant le Conseil de sécurité qui prend ses responsabilités politiques. Dans la mesure où M. Blix nous dit qu'il exige la destruction de ces missiles, - puisque c'est bien là l'objectif de la résolution 1441, il n'y a pas d'autre objectif des Nations unies que le désarment de l'Iraq, je le précise -, à partir de là, nous soutenons, nous défendons la demande des inspecteurs et nous considérons bien évidemment que si l'Iraq s'engage dans un programme de destruction de ses missiles, nous ne pourrons pas ne pas en tenir compte, c'est une étape importante. C'est bien là l'objectif de la communauté internationale.
Q - M. Jack Straw, ce matin, a parlé d'un délai de 15 jours pour une éventuelle, peut-être, adoption de la deuxième résolution que vous avez évoquée. Est-ce que la position franco-allemande sera toujours maintenue ?
R - La résolution 1441, qui est la référence pour chacun de nous et pour tous les membres du Conseil de sécurité, n'indique pas de délai, n'indique pas de date butoir. Mais nous sommes tous conscients de la nécessité d'aller vite. Les chefs d'Etat et de gouvernement européens l'ont rappelé le 17 février, mais, en faisant du succès des inspections la priorité, et de la force, uniquement un dernier recours. Je crois qu'il faut en rester à ce que sont les principes, à ce que sont les règles que nous avons nous-mêmes fixés. Et, s'inscrire dans un délai, dans un calendrier qui n'est pas celui de la communauté internationale, nous paraît aujourd'hui une erreur, nous paraît de la précipitation. Nous l'avons dit clairement : nous ne soutenons pas ce projet de résolution, qui ne se situe pas aujourd'hui dans le cadre de la résolution 1441, comme une nécessité. Nous avons le cadre et les moyens pour agir. Nous verrons lors de la prochaine rencontre avec les inspecteurs qui est vraisemblablement fixée autour du 7 mars. J'avais proposé la date du 14 comme une réunion ministérielle, vraisemblablement l'échéance telle que prévue par les inspecteurs. Ils seront prêts autour du 7 mars. Il pourrait y avoir donc une réunion à New York autour de cette date. Mais il leur appartient de dire quand ils souhaiteront et quand ils pourront présenter leur rapport. Nous ferons alors l'évaluation, nous écouterons les inspecteurs nous dire où ils en sont. Et une fois de plus, le Conseil de sécurité prendra ses responsabilités sur la base de l'expertise donnée par les inspecteurs. C'est ce calendrier là qui s'impose à nous et non pas un calendrier unilatéral.
Q - L'une des conséquences possibles de cette crise, ce serait une profonde détérioration des relations franco-américaines. Est-ce que ce n'est pas une variable que vous prenez en compte à ce stade ?
R - Nous avons dit clairement qu'il ne fallait pas mélanger les choses. Il y a d'un côté la crise iraquienne, de l'autre côté la relation transatlantique et nous pensons que c'est une grande erreur que de vouloir mélanger les deux. L'ensemble des pays européens qui étaient réunis ici, ont clairement marqué leur souhait d'avoir les meilleures relations avec les Etats-Unis. Nous avons tous un héritage historique, culturel, politique de relations d'amitié avec les Etats-Unis, auquel nous sommes attachés. Il n'est pas question de remettre cela en cause. Mais il y a aujourd'hui une crise iraquienne à gérer, qui est une crise exemplaire de prolifération. Et nous avons, par ailleurs, de nombreuses autres crises à gérer. Reste donc à savoir quelle est la meilleure stratégie possible pour essayer, en réglant cette crise, d'avancer à la fois vers un Moyen-Orient et en même temps un monde plus juste et plus stable. Il faut donc essayer de répondre à cette question : les décisions que nous prenons, les propositions que nous faisons sont-elles susceptibles d'apporter plus de justice, plus de stabilité, plus de sécurité à la région, plus d'unité à l'Iraq, plus de stabilité au monde ou, au contraire, créent-elles un principe d'incertitude, d'instabilité dangereux ?
Nous pensons qu'une intervention prématurée, qu'une intervention unilatérale prématurée introduirait un principe d'incertitude qui ne contribuerait pas à l'objectif qui est le nôtre. Donc nous disons qu'il est important, dans ce contexte, de nous réunir, de maintenir l'unité et la cohésion de la communauté internationale. C'est ce que nous avons pu faire avec la résolution 1441, n'oublions pas : une résolution votée à l'unanimité et qui fixe clairement le cadre. L'enjeu est très important. Il s'agit de l'Iraq, bien sûr. Il s'agit du Moyen-Orient. Il s'agit de la façon dont nous voulons gérer le monde et gérer les crises. Car, au-delà de la prolifération, il y a le terrorisme. Au-delà du terrorisme, il y a les crises régionales. Nous ne pouvons pas oublier aujourd'hui les menaces qui pèsent sur le monde. Il est important donc de trouver la force au sein de cette communauté internationale, à travers l'organe qui est le plus légitime, c'est-à-dire les Nations unies, dépositaires de cette légitimité qui conditionne l'efficacité de l'action internationale. Il est donc important de prendre le chemin qui est le plus susceptible de donner des résultats. Pour la France, c'est celui des Nations unies. C'est le respect des résolutions des Nations unies. C'est la prise en compte de la complexité d'une situation. Nous ne pouvons pas ignorer la nécessité d'adapter à la menace les moyens que nous prenons. Le principe de proportionnalité entre une menace et le choix des moyens est important. Il y a donc là un principe de responsabilité.
Or nous nous réjouissons de constater aujourd'hui à travers le monde qu'il y a un principe très fort d'adhésion à la sécurité collective, à la responsabilité collective que représentent les Nations unies. On le voit en Afrique. On le voit en Amérique Latine. On le voit en Asie. On le voit au Moyen-Orient. Responsabilité collective où chaque région affirme sa vision du monde, son exigence pour le monde, où la communauté internationale veut véritablement prendre ses responsabilités. Il n'y a pas, d'un côté, quelques Etats qui voudraient agir par le biais d'une intervention militaire et d'autres qui refuseraient d'agir. Il y a plusieurs façons d'agir aujourd'hui et notre conviction c'est que la bonne façon c'est de choisir et de respecter le calendrier que s'est fixé la communauté internationale et de le faire ensemble.
Q - Et l'Europe, est-ce que vous avez pu convaincre vos collègues : l'Espagne, l'Italie. Que devient l'Europe dans tout ça ?
R - L'Europe a une grande responsabilité. Nous voyons bien que nous représentons aujourd'hui une diversité, une diversité de propositions, une diversité d'appréciations de la situation. Il est donc très important que chacun, en Europe, prenne ses responsabilités, c'est pour cela que nous sommes en contact très étroit à la fois avec nos amis britanniques, nos amis espagnols ou italiens, l'ensemble des pays européens. C'est pour cela qu'une rencontre comme celle d'aujourd'hui est extrêmement précieuse car elle fait toucher du doigt l'inquiétude des peuples dont on parle. C'est une chose que de parler de l'Iraq comme d'une construction ou d'une menace abstraite. C'est autre chose que de se convaincre qu'il y a derrière, des peuples, des peuples qui aspirent, des peuples qui attendent, des peuples qui souffrent, auxquels il faut répondre. Et je suis très heureux que l'Europe ait pu aujourd'hui rencontrer le monde arabe, toucher du doigt cette complexité du monde arabe, cette souffrance qui apparaît aujourd'hui dans le monde arabe qui aspire à la paix, qui aspire à un règlement pacifique. Et nous ne disons pas, alors, que c'est la paix à n'importe quel prix. Nous disons qu'il faut une paix responsable et c'est pour cela que nous choisissons à chaque étape de prendre nos responsabilités. Le temps des inspections, le temps d'une construction pacifique par les inspections. Et si cela devait échouer, nous serions alors dans un autre temps, celui d'une responsabilité collective encore où le Conseil de sécurité devrait examiner l'ensemble des options disponibles, y compris bien sûr le recours à la force. Mais le temps n'est pas venu.
Q - Sans les pressions américaines, vous n'auriez pas grand chose ?
R - Il est important, si l'on veut prendre en compte l'ensemble des paramètres qui font aujourd'hui que nous pouvons espérer que les choses bougent et en particulier pourquoi nous avons constaté, lors de la dernière rencontre du Conseil de sécurité, que les choses avaient bougé, de bien intégrer l'ensemble des paramètres qui font pression aujourd'hui sur l'Iraq. Il y a d'abord la pression diplomatique, la pression de tous les Etats qui ont des relations directes ou qui peuvent exercer une pression politique sur l'Iraq et sur Saddam Hussein, et, au premier chef, bien sûr, les pays du monde arabe, des pays comme la Russie. La visite de M. Primakov en est encore un témoignage tout à fait exemplaire et immédiat. N'oublions pas aussi, bien sûr, - j'en suis tout à fait conscient, le président de la République l'a dit très fortement dans une interview au Times -, la pression exercée militairement par la présence d'un fort déploiement, d'une forte armada américaine dans la région. Mais il y a aussi un point qu'il ne faut pas oublier : ce sont les rendez-vous réguliers que s'est donnés le Conseil de sécurité, rendez-vous réguliers avec les inspecteurs qui permettent de fixer des échéances. Ce qui veut dire que tous les 15 jours/trois semaines, la communauté internationale se donne rendez-vous pour faire le point du fonctionnement des inspections. C'est une formidable pression pour l'Iraq. Et si des progrès ont été établis la semaine dernière, c'est à cause du rapport du 14 février et c'est pour cela que nous maintenons la pression pour que les prochains rapports marquent bien le chemin. Et si la France fait des propositions concrètes pour renforcer les inspections, mieux préciser les critères et les échéanciers, c'est parce que nous savons que la pression du temps est importante. Encore faut-il qu'elle prenne en compte la réalité du travail des inspecteurs sur place, qu'elle soit adaptée à leurs besoins et c'est pour cela que le deuxième mémorandum français veut préciser les échéanciers, programme par programme, mieux définir les critères un par un, et c'est cette pression des rendez-vous qui permettra d'espérer une continuation au cours des prochaines semaines.
Q - Ce ne serait pas plus crédible, ce que vous dites, s'il y avait des troupes françaises sur place ?
R - Il y a actuellement près de 200.000 soldats dans la région, c'est une pression que nul ne peut ignorer, que tout le monde connaît et c'est pour cela que nous avons dit clairement : quel plus grand succès pour les Etats-Unis, pour le président Bush, que de pouvoir espérer que son armada revienne ayant atteint l'objectif visé par la communauté internationale, c'est-à-dire le désarmement de l'Iraq, qu'il puisse le faire sans un coup de fusil, sans un mort ? Ce serait un formidable succès. Quel meilleur exemple de la responsabilité politique ? Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 février 2003)