Texte intégral
A. Hausser-. Vous avez exprimé votre colère à l'annonce de la réforme des modes de scrutin. Qu'est-ce qui vous déplaît ? Le fait que vous ne puissiez pas faire des listes vous-mêmes, le Mouvement pour la France, ou le fait que vous vous sentiez éliminé ?
- "Non, c'est une question de principe."
Vous étiez pour la proportionnelle intégrale ?
- "Je suis pour qu'on ne touche pas aux règles du jeu. Je suis contre les manipulations génétiques des institutions. D'ailleurs, on sait, historiquement, que tous ceux qui ont fait cela ont reçu un effet boomerang. Là, il s'agit - c'est très clair, dans toute la presse - d'une réforme pour convenance personnelle. Par exemple, pour les européennes, un scrutin qui me concerne plus directement compte tenu des deux scores que j'ai faits en 1994 et 1999, il fait un temps à ne pas mettre un eurofédéraliste dehors et du coup, A. Juppé a demandé au Premier ministre de casser cette élection, de l'évacuer et d'évacuer le débat avec."
C'est quand même un débat qui est antérieur à la demande d'A. Juppé !
- "Oui, mais la régionalisation du mode de scrutin des élections européennes, cela veut dire que le député européen n'est plus représentant de la France dans l'Europe des Etats pour contrôler Bruxelles ; il devient un conseiller régional ès fonds structurels, placé auprès de la Commission de Bruxelles et des présidents de conseils régionaux. Il y a quelque chose que je voudrais dire aussi et qui est passé, jusqu'ici, inaperçu, c'est que non seulement il y a la régionalisation du mode de scrutin des européennes avec des grands Länder..."
Des grandes régions - parlons français !
- "C'est-à-dire qu'au moment où on explique aux Français qu'on va simplifier le vie administrative, on rajoute un échelon de plus pour les besoins d'A. Juppé et de l'UMP. Et, à l'intérieur, il n'y aura pas de têtes de listes. C'est-à-dire qu'il y aura une tête de liste par petite région. Mais cela va plus loin. Ensuite, on ne sait pas : c'est un tirage au sort - les Grecs, à la fin de la Grèce antique avait inventé, à la Boulè, le tirage au sort - ; on ne sait pas qui sera élu. (...) C'est simplement pour vous dire qu'un mode de scrutin qui n'est pas légitime et qui n'est pas lisible, cela fait magouille."
On a plutôt l'impression que ce sont les régionales et la modification du mode de scrutin pour les conseils régionaux qui font hurler les partis qui ne sont pas UMP. Là, qu'est-ce qui vous chagrine ?
- "J. Chirac + L. Jospin, cela fait 36 % à la présidentielle. Donc, c'est aux Français de dire ce qu'ils veulent, s'ils veulent le bipartisme ou le multipartisme. Je pense qu'un gouvernement qui change les modes de scrutin, cela veut dire qu'il est aux abois. Cela veut dire qu'il ne croit plus que, par son action, il va provoquer l'adhésion."
Est-ce que vous trouvez que les régions, dont les conseillers sont élus à la proportionnelle intégrale et qui n'ont pas de majorité, marchent bien ? Regardez ce qui s'est passé en 1998, avec des alliances plus ou moins avouées, honteuses, avec le Front national et des majorités impossibles, en région Ile-de-France où on gouverne à coups de 49.3 ?
- "Là, on avait un système qui était très simple, qui avait été accepté par tout le monde..."
Il n'était pas ancien !
- "Non, mais le système qui avait été prévu, par les socialistes d'ailleurs, pourquoi le change-t-on ? Pourquoi passe-t-on à 20 % de votants ? A 20 % de votants, J. Chirac n'aurait pas pu se présenter au deuxième tour."
Ce n'est pas 20 % de votants, c'est 10 % des inscrits. Ne déformez pas !
- "Mais compte tenu du taux habituel d'abstention aux élections régionales, avec ce système, J. Chirac n'était pas au deuxième tour de la présidentielle. Donc, quand on élimine de cette manière des courants de la vie politique - je ne parle pas spécialement pour moi, je parle pour tous ceux qui sont présents dans les grandes élections et qui représentent des vrais courants de la vie politique - par un interdit civique, par une loi qui est facile à faire voter, avec l'Union des moutons de Panurge, cela me paraît une indélicatesse par rapport à la démocratie."
"Je ne pense pas à moi ", dites-vous : à qui pensez-vous ?
- "A tous ceux qui ne pourront pas s'exprimer, quel que soit ..."
Vous vous faite le défenseur d'A. Laguiller, d'O. Besancenot ?
- "J'ai même fait un débat, hier matin, là dessus avec M.-G. Buffet. Il ne vous aura pas échappé que je n'avais rien à voir avec les communistes. Mais je trouve que ce n'est pas sain de chercher à éliminer - y compris le Front national - des adversaires sur le tapis vert. Et quand on change les règles du jeu, cela veut dire qu'on est défait dans sa tête. Et ça, c'est mauvais pour l'image du Premier ministre. Parce que, pourquoi les Français aiment-ils J.-P. Raffarin ? Parce que c'est l'anti-politicien, parce que c'est l'homme de terrain qui dit "je ne m'occupe pas des problèmes de Paris et du milieu politique. Je m'occupe des problèmes des Français". C'était son discours, sa posture. Et puis tout d'un coup, on passe de la France d'en bas à la France d'en haut, la France d'en haut qui s'occupe des problèmes de la France d'en haut, le milieu politique qui s'occupe du milieu politique. On est en train de parler de la réforme des modes de scrutins, mais il y a des problèmes beaucoup plus graves qui préoccupent les Français et dont on ne se préoccupe pas, comme par exemple le problème de l'immigration, de la vie économique, de la conjoncture économique qui est mauvaise, le problème de la Côte d'Ivoire qui met en jeu pour la diplomatie française."
Je crois qu'on s'en occupe beaucoup. Mais je voudrais vous poser une question sur l'Irak. Ce matin, le Times de Londres publie une lettre commune de huit Premiers ministres européens, qui appellent au soutien des Etats-Unis et qui montre donc l'isolement de la France et de l'Allemagne. Est-ce que vous pensez que la position de la France devrait évoluer ?
- "Pas du tout. Je pense que la position de la France est juste, elle est sage. La France est une puissance d'équilibre. C'est simplement la preuve que l'Europe, dont on nous dit qu'elle sera demain une puissance de contrepoids aux Etats-Unis, l'Europe telle qu'elle est, est une puissance additionnelle. Imaginez qu'on ait un ministre des Affaires étrangères, proposé d'ailleurs par la France et par l'Allemagne, par M. Giscard d'Estaing et sa Convention pour les futures institutions européennes. Ce ministre-là, les positions qu'il prend seront définies à la majorité qualifiée. J'ai fait le calcul moi-même et je vous invite à le faire. A ce moment-là, la France et l'Allemagne sont obligées d'accompagner les Etats-Unis à faire la guerre en Irak et le ministre des Affaires étrangères, sa position sera définie à la majorité qualifiée en fonction de cette pétition du Times."
Si les Etats-Unis apportent des preuves, est-ce qu'il faut évoluer ou non ?
- "Ils vont apporter un caillou en disant qu'en dessous, il y a une bombe atomique. Ce n'est pas sérieux. Moi, j'invite M. Bush à quitter la culture des cow-boys. Le guerre, ce n'est pas un jeu vidéo. En plus, ils sont loin, eux. Nous, nous sommes en première ligne. La France est une puissance mondiale ; elle a des amitiés en Méditerranée, dans le monde arabe. Nous n'avons pas, nous, à faire une guerre qui n'est pas la nôtre. On voit bien aujourd'hui que derrière les buts affichés par M. Bush, à haute dose éthique, c'est de la géopolitique, c'est pour contrôler le pétrole et, au nom même de la lutte contre le terrorisme islamique - qui est une cause commune avec nos amis américains - il faut dire à M. Bush : "Soyez raisonnable, soyez sage, ne faites pas cette guerre"."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 31 janvier 2003)
- "Non, c'est une question de principe."
Vous étiez pour la proportionnelle intégrale ?
- "Je suis pour qu'on ne touche pas aux règles du jeu. Je suis contre les manipulations génétiques des institutions. D'ailleurs, on sait, historiquement, que tous ceux qui ont fait cela ont reçu un effet boomerang. Là, il s'agit - c'est très clair, dans toute la presse - d'une réforme pour convenance personnelle. Par exemple, pour les européennes, un scrutin qui me concerne plus directement compte tenu des deux scores que j'ai faits en 1994 et 1999, il fait un temps à ne pas mettre un eurofédéraliste dehors et du coup, A. Juppé a demandé au Premier ministre de casser cette élection, de l'évacuer et d'évacuer le débat avec."
C'est quand même un débat qui est antérieur à la demande d'A. Juppé !
- "Oui, mais la régionalisation du mode de scrutin des élections européennes, cela veut dire que le député européen n'est plus représentant de la France dans l'Europe des Etats pour contrôler Bruxelles ; il devient un conseiller régional ès fonds structurels, placé auprès de la Commission de Bruxelles et des présidents de conseils régionaux. Il y a quelque chose que je voudrais dire aussi et qui est passé, jusqu'ici, inaperçu, c'est que non seulement il y a la régionalisation du mode de scrutin des européennes avec des grands Länder..."
Des grandes régions - parlons français !
- "C'est-à-dire qu'au moment où on explique aux Français qu'on va simplifier le vie administrative, on rajoute un échelon de plus pour les besoins d'A. Juppé et de l'UMP. Et, à l'intérieur, il n'y aura pas de têtes de listes. C'est-à-dire qu'il y aura une tête de liste par petite région. Mais cela va plus loin. Ensuite, on ne sait pas : c'est un tirage au sort - les Grecs, à la fin de la Grèce antique avait inventé, à la Boulè, le tirage au sort - ; on ne sait pas qui sera élu. (...) C'est simplement pour vous dire qu'un mode de scrutin qui n'est pas légitime et qui n'est pas lisible, cela fait magouille."
On a plutôt l'impression que ce sont les régionales et la modification du mode de scrutin pour les conseils régionaux qui font hurler les partis qui ne sont pas UMP. Là, qu'est-ce qui vous chagrine ?
- "J. Chirac + L. Jospin, cela fait 36 % à la présidentielle. Donc, c'est aux Français de dire ce qu'ils veulent, s'ils veulent le bipartisme ou le multipartisme. Je pense qu'un gouvernement qui change les modes de scrutin, cela veut dire qu'il est aux abois. Cela veut dire qu'il ne croit plus que, par son action, il va provoquer l'adhésion."
Est-ce que vous trouvez que les régions, dont les conseillers sont élus à la proportionnelle intégrale et qui n'ont pas de majorité, marchent bien ? Regardez ce qui s'est passé en 1998, avec des alliances plus ou moins avouées, honteuses, avec le Front national et des majorités impossibles, en région Ile-de-France où on gouverne à coups de 49.3 ?
- "Là, on avait un système qui était très simple, qui avait été accepté par tout le monde..."
Il n'était pas ancien !
- "Non, mais le système qui avait été prévu, par les socialistes d'ailleurs, pourquoi le change-t-on ? Pourquoi passe-t-on à 20 % de votants ? A 20 % de votants, J. Chirac n'aurait pas pu se présenter au deuxième tour."
Ce n'est pas 20 % de votants, c'est 10 % des inscrits. Ne déformez pas !
- "Mais compte tenu du taux habituel d'abstention aux élections régionales, avec ce système, J. Chirac n'était pas au deuxième tour de la présidentielle. Donc, quand on élimine de cette manière des courants de la vie politique - je ne parle pas spécialement pour moi, je parle pour tous ceux qui sont présents dans les grandes élections et qui représentent des vrais courants de la vie politique - par un interdit civique, par une loi qui est facile à faire voter, avec l'Union des moutons de Panurge, cela me paraît une indélicatesse par rapport à la démocratie."
"Je ne pense pas à moi ", dites-vous : à qui pensez-vous ?
- "A tous ceux qui ne pourront pas s'exprimer, quel que soit ..."
Vous vous faite le défenseur d'A. Laguiller, d'O. Besancenot ?
- "J'ai même fait un débat, hier matin, là dessus avec M.-G. Buffet. Il ne vous aura pas échappé que je n'avais rien à voir avec les communistes. Mais je trouve que ce n'est pas sain de chercher à éliminer - y compris le Front national - des adversaires sur le tapis vert. Et quand on change les règles du jeu, cela veut dire qu'on est défait dans sa tête. Et ça, c'est mauvais pour l'image du Premier ministre. Parce que, pourquoi les Français aiment-ils J.-P. Raffarin ? Parce que c'est l'anti-politicien, parce que c'est l'homme de terrain qui dit "je ne m'occupe pas des problèmes de Paris et du milieu politique. Je m'occupe des problèmes des Français". C'était son discours, sa posture. Et puis tout d'un coup, on passe de la France d'en bas à la France d'en haut, la France d'en haut qui s'occupe des problèmes de la France d'en haut, le milieu politique qui s'occupe du milieu politique. On est en train de parler de la réforme des modes de scrutins, mais il y a des problèmes beaucoup plus graves qui préoccupent les Français et dont on ne se préoccupe pas, comme par exemple le problème de l'immigration, de la vie économique, de la conjoncture économique qui est mauvaise, le problème de la Côte d'Ivoire qui met en jeu pour la diplomatie française."
Je crois qu'on s'en occupe beaucoup. Mais je voudrais vous poser une question sur l'Irak. Ce matin, le Times de Londres publie une lettre commune de huit Premiers ministres européens, qui appellent au soutien des Etats-Unis et qui montre donc l'isolement de la France et de l'Allemagne. Est-ce que vous pensez que la position de la France devrait évoluer ?
- "Pas du tout. Je pense que la position de la France est juste, elle est sage. La France est une puissance d'équilibre. C'est simplement la preuve que l'Europe, dont on nous dit qu'elle sera demain une puissance de contrepoids aux Etats-Unis, l'Europe telle qu'elle est, est une puissance additionnelle. Imaginez qu'on ait un ministre des Affaires étrangères, proposé d'ailleurs par la France et par l'Allemagne, par M. Giscard d'Estaing et sa Convention pour les futures institutions européennes. Ce ministre-là, les positions qu'il prend seront définies à la majorité qualifiée. J'ai fait le calcul moi-même et je vous invite à le faire. A ce moment-là, la France et l'Allemagne sont obligées d'accompagner les Etats-Unis à faire la guerre en Irak et le ministre des Affaires étrangères, sa position sera définie à la majorité qualifiée en fonction de cette pétition du Times."
Si les Etats-Unis apportent des preuves, est-ce qu'il faut évoluer ou non ?
- "Ils vont apporter un caillou en disant qu'en dessous, il y a une bombe atomique. Ce n'est pas sérieux. Moi, j'invite M. Bush à quitter la culture des cow-boys. Le guerre, ce n'est pas un jeu vidéo. En plus, ils sont loin, eux. Nous, nous sommes en première ligne. La France est une puissance mondiale ; elle a des amitiés en Méditerranée, dans le monde arabe. Nous n'avons pas, nous, à faire une guerre qui n'est pas la nôtre. On voit bien aujourd'hui que derrière les buts affichés par M. Bush, à haute dose éthique, c'est de la géopolitique, c'est pour contrôler le pétrole et, au nom même de la lutte contre le terrorisme islamique - qui est une cause commune avec nos amis américains - il faut dire à M. Bush : "Soyez raisonnable, soyez sage, ne faites pas cette guerre"."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 31 janvier 2003)