Déclaration de M. Alain Bocquet, président du groupe parlementaire communiste et républicain à l'Assemblée nationale, sur les enjeux de la crise irakienne et la nécessité pour la France d'utiliser tous les moyens à sa disposition pour éviter la guerre, à Paris, Assemblée nationale, le 26 février 2003..

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Circonstance : Débat à l'Assemblée nationale à la suite de le déclaration du gouvernement sur la question de l'Irak, à Paris le 26 février 2003

Texte intégral

Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Président,
Mes chers collègues,
Le monde est plongé dans une crise internationale majeure. L'inquiétude est grande. L'opposition de l'immense majorité des citoyens de notre pays à la guerre, est à la fois profonde et légitime. Ces sentiments sont évidemment les nôtres.
Le moment est grave, les enjeux très élevés. Il s'agit de dire si nous voulons la guerre ou si nous ne la voulons pas. Il s'agit pour notre Parlement de contribuer à l'expression d'un choix crucial. Il s'agit de peser pour que les européens soient capables de s'engager ensemble, dans la voie d'une existence autonome réelle et - je dirais- d'une certaine dignité politique pour la construction européenne et sa crédibilité future.
C'est l'heure de vérité pour la France et pour l'Europe.
Le défi est considérable. La pression américaine est énorme. Il fallait y résister et nous prenons très favorablement acte de la position défendue jusqu'ici par la France. Nous nous en félicitons, comme nous nous félicitons du débat d'aujourd'hui que nous avions demandé. Nous souhaitons d'ailleurs que la concertation prenne un caractère permanent en liaison avec la gravité et l'urgence de la situation, et qu'elle intervienne en amont des décisions les plus essentielles de l'exécutif que pourrait appeler l'évolution de cette affaire.
Nous souhaitons également que notre pays, jusqu'au bout, agisse avec courage ; agisse avec la plus totale détermination pour éviter la guerre. Ce qui est encore possible.
Et dans cet objectif nous demandons, s'il le faut, un veto français à toute démarche qui chercherait à légitimer, ainsi que s'y entend la résolution anglo-américaine déposée à l'O.N.U., cette guerre injustifiable de George Bush. Injustifiable comme l'est définitivement l'idée même de guerre préventive à laquelle des millions de gens s'opposent en Europe et dans le monde, y compris aux Etats-Unis.
Monsieur le Premier Ministre,
Le groupe des député-e-s communistes et républicains plaide, vous le voyez, pour un NON catégorique à la guerre en Irak. Ce NON constitue pour nous le meilleur choix positif que la France puisse faire. Pour son rôle au sein de la Communauté internationale ; pour les valeurs auxquelles notre République se réfère ; et pour conserver à l'Union européenne une vraie chance :
- parce que les européens doivent occuper une place originale et forte dans un monde de crises multiples, d'instabilité et d'incertitudes ;
- et parce qu'un monde unipolaire, nous le savons, ne peut qu'attiser les tensions et les rejets.
Il y a un besoin et une attente d'un rôle résolu de la France et de l'Europe. Car c'est aussi parce que notre pays, avec plusieurs autres et conjointement à l'intervention des peuples, a su freiner les pressions bellicistes et montrer que la guerre n'est pas inévitable, qu'une situation exceptionnelle a pu se créer.
Certains s'en inquiètent et appellent à resserrer les rangs autour de Washington dans une alliance atlantique, il est vrai en crise et singulièrement divisée. Mais quand les peuples et la quasi totalité du monde se rassemblent pour rejeter la guerre, faut-il souhaiter que l'OTAN s'unisse pour la faire ? Est-ce légitime ? Où est la cause de la division, sinon dans l'acharnement de quelques gouvernements à vouloir imposer une politique de puissance pour des intérêts particuliers ?
Naturellement, pour nous, l'absence totale de légitimité d'une guerre américaine ne rend pas plus respectable la dictature criminelle de Saddam Hussein. Celui-ci n'a-t-il pas massacré les kurdes et détruit leurs villages? N'a-t-il pas réprimé de façon barbare les populations chiites ? N'a-t-il pas vidé les prisons en fusillant par centaines les opposants incarcérés pour délits d'opinion?
Nombreux sont les rapports et les témoignages qui décrivent l'horreur d'un système de tortures, d'exécutions sommaires et d'arbitraire total. A la terreur, on voudrait, aujourd'hui, ajouter les malheurs d'une guerre et les dizaines, les centaines de milliers de vies brisées ou de morts qui en résulteront. Enfants innocents, femmes et mères, population civile sacrifiés, frappés aveuglément et cruellement meurtris.
Le peuple irakien a déjà trop souffert de ce régime machiavélique infréquentable qui fut, pourtant, il n'y a pas si longtemps, le destinataire de bien des complaisances économiques et politiques occidentales. Ce peuple n'est-il pas aussi, depuis plus de dix ans, la première victime d'un embargo meurtrier et désastreux dont Saddam Hussein s'est servi pour conforter son pouvoir et justifier son régime ?
Si le mépris attesté des droits de l'homme, et l'absence de démocratie en Irak constituaient les vraies raisons de la politique des Etats-Unis, alors pourquoi pendant tant d'années terribles, n'a-t-on pas voulu entendre les souffrances du peuple irakien ? Pourquoi la voix des démocrates, des progressistes, des communistes irakiens fut-elle si peu écoutée ?
Monsieur le Premier Ministre, vous le savez, les crimes intolérables et barbares de cette dictature, ne servent ici que de prétexte pour justifier la guerre.
Personne, en effet, ne peut sérieusement croire aux justifications que George Bush a construit de bout en bout. Les inspecteurs de l'O.N.U. affirment d'ailleurs un manque de preuves patent, concernant des liens supposés du régime irakien avec l'organisation terroriste Al Quaida.
Quant aux armes de destruction massive, on a peine à croire et à admettre que l'indigence manifeste des infractions réellement constatées puisse fonder le déclenchement d'une entreprise militaire de vaste envergure aux risques démesurés. Le processus d'inspection de l'ONU conforte donc logiquement ceux qui refusent de céder à la politique de force américaine. Il faut le poursuivre, sachant en outre que l'action conduite sur le terrain, de 1991 à 1998, par les émissaires de l'O.N.U., a plus fait pour le désarmement, que la guerre précédemment déclenchée sur le territoire irakien, et au détriment de son peuple.
Monsieur le Premier Ministre,
Le degré des pressions exercées par les Etats-Unis sur l'ONU, sur les pays d'Europe, y compris la Turquie, montre que nous sommes dans un moment politique crucial, un nouveau palier dans la crise et la tension. Mais la formidable mobilisation des opinions publiques et des mouvements anti-guerre a introduit une nouvelle donne politique qui se nourrit de plusieurs facteurs.
D'abord, il y a ce sentiment latent que la guerre n'est pas la solution mais qu'elle constitue la politique du pire. Les réticences devant une logique de force brute sont d'autant plus fortes dans l'opinion publique que celle-ci, en général, perçoit bien - c'est vrai aussi de la Tchétchénie -, les mauvais prétextes et les fausses raisons invoquées pour allumer le feu de la guerre. Le 20ème siècle et deux guerres mondiales ont conduit à bannir celle-ci, et l'Organisation des Nations Unies, dans sa Charte, condamne le recours unilatéral à la force.
Notre histoire aura beaucoup fait pour condamner la guerre en soi, et surtout un type de guerre qui ne cache pas son caractère éminemment impérialiste. C'est notamment pour ces raisons que la politique belliciste de l'administration américaine ne passe pas et se voit rejetée par une véritable opinion publique mondiale plus sensible à l'anti-hégémonisme qu'à l'anti-américanisme.
Beaucoup perçoivent avec lucidité à quel point la guerre, et l'obsession de lui trouver des justifications, sont productrices de régressions.
Si il était tellement vrai que l'Irak était surarmé pourquoi les américains n'ont-ils pas saisi l'ONU avec plus d'insistance et de promptitude ?
Comment faut-il comprendre le fait qu'en 2001 et 2002 aucune des 105 résolutions examinées par l'O.N.U. n'ait porté sur ces enjeux ? Et que seulement 4 d'entre elles aient traité de l'Irak, à propos des seuls effets de l'embargo et des nécessités de l'aide alimentaire.
Il est, évidemment, profondément affligeant de constater combien les dérisoires polémiques d'aujourd'hui font perdre à certains le sens des valeurs fondatrices de notre civilisation. Mais il est réconfortant de voir un nouveau contexte, dans lequel George Bush, politiquement isolé, peut difficilement convaincre en invoquant l'argument moral. Comme a pu l'écrire André Malraux " la vérité d'un homme, c'est d'abord ce qu'il cache. ". Les imprécations de George Bush sur le "bien et sur le mal" n'ont pas levé les doutes et les lourdes suspicions sur la vraie nature de ses objectifs.
Je veux souligner ensuite l'apport décisif des mouvements anti-guerre parce qu'ils ont aussi contribué à éclairer les enjeux du débat politique. Ce que de très nombreux responsables politiques admettent, des millions de personnes en France notamment, le partagent aussi. Et c'est pourquoi il est indispensable que la Représentation nationale tout entière demeure à l'unisson de l'exigence de solutions, fermes mais politiques et négociées, dont notre peuple est porteur.
Nos concitoyens ne comprendraient pas, et certaines prises de position récentes au sein de la majorité doivent, Monsieur le Premier ministre vous alerter, un fléchissement devant l'imminence du danger.
La guerre de George Bush est lourde d'immenses dangers. Pour le peuple irakien. Nous le savons.
Pour le peuple kurde qui redoute, à juste titre, une intervention militaire de la Turquie qui vient de céder à l'injonction américaine en acceptant d'accueillir sur son sol 62.000 GI'S.
Pour l'ensemble du Moyen-Orient et pour le monde musulman. Celui-ci vivrait une guerre américaine comme une provocation, comme une humiliation supplémentaire, comme une blessure, une injustice qui s'ajouterait aux autres et notamment à celle que subit si durement le peuple palestinien. Nous ne sommes pas à l'abri dans nos cités populaires, des conséquences difficiles d'une telle hypothèse.
En embrasant toute une partie du monde, l'entreprise guerrière américaine ne ferait que nourrir les intégrismes, la flambée des terrorismes, et ce qu'il est convenu d'appeler prétendument un "choc des civilisations". Je crois que notre responsabilité est de refuser ce que Mohamed Arkoun nomme avec justesse "une tragédie historiquement programmée".
L'illégitimité d'une entreprise militaire serait ressentie d'autant plus vivement que l'Administration américaine pousse à la militarisation de l'économie et à la guerre pour asseoir sa domination, et préserver ses propres intérêts géopolitiques et pétroliers, dans une région d'importance stratégique pour l'avenir, y compris sur le plan énergétique. N'oublions pas que l'Irak constitue la seconde puissance pétrolière du monde et représente à ce titre, l'objet des plus cyniques convoitises.
Certes le budget militaire des Etats-Unis équivaut à la somme des budgets militaires de tous les pays du monde. Mais l'extrémisme militariste américain n'en traduit que plus l'état de crise de ce pays. En choisissant l'épreuve de force avec l'Irak, les Etats-Unis feraient preuve, en fin de compte, d'une grande faiblesse.
En s'obstinant à vouloir démontrer sa toute-puissance au monde, l'Amérique n'aboutira qu'à lui révéler son impuissance.
Les Etats-Unis ne peuvent enfin ajouter l'illégalité à l'illégitimité, en décidant la guerre sans l'aval du Conseil de Sécurité. Car un tel choix les situerait délibérément hors du droit et des institutions internationales. Et cette régression créerait, là aussi, une situation lourde de périls.
Ayons la conscience claire qu'une telle évolution serait un danger pour l'avenir même des relations internationales. L'enjeu n'est donc rien moins qu'une vision du monde : ou la loi du plus fort, ou un monde plus civilisé.
Monsieur le Premier ministre, je voudrais enfin insister sur le caractère exceptionnel de la situation politique internationale, ouverte par l'émergence d'un front contre la guerre dont l'ampleur est inédite. Ce qui s'est passé au Conseil de Sécurité, au sommet franco-africain, au sommet des Non alignés en a témoigné en montrant l'hostilité de l'immense majorité des pays du monde, à la guerre.
Nous avons constaté aussi, combien l'opportunité d'offrir des facilités militaires aux Etats-Unis, et la guerre elle-même, ont suscité de réticences et de vives critiques au sein des pays de la Ligue arabe. On sait d'ailleurs à quelles pressions, voire à quels chantages non avoués, ces pays sont directement soumis.
En Europe, les Quinze ont pu élaborer une laborieuse position commune qui, si elle n'exclut pas l'usage de la force, est obligée de tenir compte du puissant mouvement d'opinion.
Les gouvernements italien et espagnol n'ont pas osé présenter à leur Parlement des motions de soutien à la politique de George Bush. Ils ont été contraints de reprendre l'esprit de la position commune des Quinze. Quant au gouvernement britannique il devra compter avec des dizaines de députés travaillistes et libéraux démocrates opposés à la politique de Tony Blair.
Enfin, le 15 février dernier, des manifestations monstres, à l'échelle de la planète, ont rassemblé des millions de gens pour la paix. Et rarement, dans l'histoire française récente, l'exigence de paix aura fait converger autant d'énergies.
Si vous me permettez ce raccourci, je dirais donc, Monsieur le Premier Ministre, que le monde est contre la guerre. Et que nous avons là un levier formidable pour empêcher celle-ci.
La légitimité est du côté de la paix, du refus de la logique de guerre. Ce dont témoigne l'engagement actif du pape, des Eglises mais aussi celui d'autorités intellectuelles et morales très diverses, des prix Nobel, des scientifiques, des écrivains La société civile, les peuples, sont du côté de la paix, du droit, de la démocratie. Et je veux d'ailleurs saluer les prises de position résolues, courageuses de nombreux citoyens américains, d'universitaires, de créateurs, d'artistes qui, à leur manière, font aujourd'hui écho aux protestations et aux luttes que suscita voici plus de trente ans aux Etats-Unis, la guerre du Vietnam.
Ce contexte de convergences sociales remarquable redonne de l'espoir. Il aide aussi à voir plus loin.
Un des enjeux fondamentaux de cette crise internationale majeure est de savoir, en effet, si la France et les européens auront la capacité de définir, ensemble, les politiques susceptibles de contribuer à des solutions durables et justes, aux grands problèmes du monde d'aujourd'hui. Sauront-ils construire une véritable communauté politique solidaire ?
Pour certains, le choix serait celui d'un grand marché ultra-libéral lié à la puissance capitaliste américaine. Pour d'autres, il faudrait penser l'avenir en termes de puissance de l'Europe, sur le modèle du "leadership" américain que les Quinze ne seraient d'ailleurs pas près d'atteindre. Mais dans un cas comme dans l'autre, la dépendance et la fragilité sont au bout de la route.
Aujourd'hui, l'alternative est tout à fait claire. Ou bien l'option atlantiste conduira l'Europe à une forme d'inexistence, ou bien les Quinze s'attacheront à construire, dans la durée, une vraie capacité de réponse aux attentes politiques et sociales qui s'expriment en Europe même et, dans l'urgence, en Méditerranée, au Moyen-Orient, ou encore en Afrique Cette urgence est d'ailleurs d'autant plus pressante que des logiques de guerre et des budgets militaires exorbitants approfondissent des crises économiques et des difficultés aiguës. Nous avions souligné, après le 11 septembre 2001, l'attente d'un grand plan euro-méditerranéen d'aide et de coopération. Cette ambition se justifie d'autant plus aujourd'hui .
Les Européens sauront-ils, voudront-ils, répondre concrètement aux exigences du développement dans toutes ses dimensions, à celles de la sécurité et de la démocratie, avec des politiques et des moyens adaptés ? Ou bien adopteront-ils, eux aussi, comme priorité, les politiques de force et les choix sécuritaires qui ne traitent jamais les causes profondes des crises et de leur multiplication ?
Nous sommes bien dans un moment de vérité pour la France et pour l'Europe et l'on voit aisément, par exemple, à quel défi existentiel immédiat serait confrontée la politique de partenariat euro-méditerranéen des Quinze si, du fait de la guerre, les extrémismes et le terrorisme venaient déstabiliser davantage encore cette région.
Quelle crédibilité ce partenariat pourrait-il acquérir si les Quinze ne montraient pas une vraie capacité d'initiative pour contribuer à résoudre les conflits? En particulier celui du Proche-Orient, dans le respect des résolutions de l'ONU, dans la garantie de la sécurité pour tous, dans la justice -enfin !- pour le peuple palestinien qui a droit à un Etat souverain au même titre que le peuple voisin d'Israël. Un peuple palestinien qui peut au contraire légitimement redouter que le déclenchement d'un conflit irakien soit mis brutalement à profit par le gouvernement d'Ariel Sharon, pour tenter de rayer de la carte son territoire. C'est pourquoi, tant que ce conflit ne sera pas en voie d'être résolu, le Moyen-Orient restera la zone d'instabilité et de violences qu'il ne cesse d'être depuis des dizaines d'années.
Il y a donc des choix fondamentaux à effectuer pour notre pays et pour les européens. Des choix sans lesquels, du fait de l'excessive et brutale pression américaine à l'alignement, c'est l'avenir même du projet européen qui serait en cause.
La menace de guerre impose donc de poser plus globalement des problèmes cruciaux. Celui d'abord de la démilitarisation, de la dénucléarisation pour l'ensemble de la Méditerranée et du Moyen-Orient qui nous conduit à proposer que la France prenne l'initiative d'une conférence mondiale contre la prolifération et pour le désarmement.
Celui, ensuite, du besoin d'institutions internationales, en particulier de l'ONU : une ONU revalorisée et démocratisée, pour mettre en cause le primat de la force dans les relations internationales, au profit des solutions politiques et d'une conception, préventive et collective, de la sécurité. Dans cet esprit, le défi des dirigeants américains à l'ONU -"ou vous votez la guerre, ou vous vous marginalisez"- constitue un inacceptable chantage.
A ce propos, rien n'est plus faux que d'accréditer l'idée que l'utilisation par la France de son droit de véto ouvrirait une crise et casserait l'ONU. En effet depuis 1945, les Etats-Unis ont utilisé 71 fois leur véto, la Grande-Bretagne 30 fois ; la France seulement 18 et l'ONU est toujours vivante. Oui, la France, si nécessaire, doit utiliser son droit de véto pour empêcher la guerre !
L'enjeu de l'alternative à la guerre, c'est-à-dire d'une solution qui contribue à la réintégration, demain, d'un Irak démocratique, pacifique et fédéral au sein de la Communauté internationale est considérable. La convocation d'une Conférence internationale, sous l'égide de l'ONU, avec la participation des forces démocratiques irakiennes et kurdes - qui ont besoin de notre solidarité - nous paraît être une proposition à la hauteur. La France qui n'est pas isolée dans cette affaire, et qui a les moyens de rassembler en faveur de la paix, pourrait se faire porteuse de cette idée.
Si on laissait faire l'administration américaine dans son unilatéralisme irresponsable et arrogant, c'est en effet toute l'architecture institutionnelle internationale mise en place à l'issue de la deuxième guerre mondiale qui serait en péril, et en particulier l'Organisation des Nations Unies elle-même.
Les Etats-Unis déclarent vouloir la guerre avec ou sans résolution de l'ONU. Ils annoncent aussi d'inquiétants projets de gouvernement militaire américain en Irak. Mais ce dont l'Irak a besoin c'est d'un changement démocratique, pas d'une destruction, pas d'une occupation par un commandement militaire. Même l'opposition irakienne pro-américaine qui sait que la démocratisation de l'Irak n'a rien à espérer d'un conflit armé, a qualifié ce plan "d'irréalisable et mal avisé". Ce serait un précédent très préoccupant pour la région et pour les relations internationales. Cela montre combien le droit international, les principes de l'ONU et l'Organisation elle-même doivent être préservés pour l'avenir, si l'on ne veut pas qu'une seule puissance, fut-elle dominante, dicte sa loi au mépris du droit et des pratiques les plus communément admises dans la Communauté internationale.
Et le sort de l'Irak, et les conséquences d'une guerre, et l'avenir des relations internationales concernent l'ensemble de la collectivité mondiale.
C'est, jusqu'au bout, au sein des Nations Unies, que la recherche d'une solution multilatérale non militaire à la crise doit être entreprise.
Lors de notre précédent débat sur la question, ma collègue Marie-George Buffet, avait souligné l'importance pour notre Assemblée de se considérer comme saisie en permanence.
Je crois, Monsieur le Premier Ministre, que cela s'impose plus que jamais dans les circonstances actuelles. Les député-e-s communistes et républicains veulent que la voix de la France contre la guerre, pour une issue politique et pacifique, se fasse entendre avec force et clarté jusqu'au bout.
J'emprunterai ma conclusion à Aristide Briand : "Tant que la guerre n'a pas lieu, il faut en parler comme si elle pourrait ne pas avoir lieu".
(source http://www.pcf.fr, le 3 mars 2003)