Texte intégral
Cher John Hume,
Messieurs les Ambassadeurs.
Mesdames et Messieurs.
Chers Amis,
Je suis particulièrement heureux et honoré de vous recevoir ce soir au ministère des Affaires étrangères. Les insignes d'Officier de la Légion d'honneur que je vais vous remettre dans quelques instants sont le juste hommage de la République française à l'un des grands militants de la paix de ce siècle.
En vous distinguant, la France salue votre combat pour la justice, pour la tolérance mutuelle entre les communautés de l'Irlande du nord et la part décisive que vous avez prise à la conclusion pacifique d'un conflit sanglant. Mais elle salue aussi votre humanisme, votre confiance dans la capacité de la raison à triompher des passions aveugles qui conduisent à la violence meurtrière.
Cet engagement de toute une vie au service de la paix, de la justice sociale et du peuple irlandais trouve d'abord ses racines dans la force de l'enseignement que vous avez reçu de votre famille. Vous avez confié que votre père, chômeur de longue durée, vous voyant gagné par l'excitation communicative d'une manifestation nationaliste, prononça des mots qui ne devaient jamais s'effacer de votre mémoire : "ne te laisse pas prendre à tout cela, John. On ne se nourrit pas avec; un drapeau". De ce jour, vous avez compris que le plus grand courage ne consistait pas à mourir pour une Irlande dévoreuse de vies humaines et que l'histoire n'exigeait pas son tribut de sang à chaque génération.
Cette conviction profonde qui va marquer tout votre combat politique trouve sa force dans un enracinement profond et multiple: l'Irlande et son peuple, l'exigence sociale, la foi catholique et le pacifisme.
Irlandais, vous l'êtes par vos origines, mais vous l'êtes, plus fondamentalement encore, par vos racines qui vous lient à cette ville de Derry, entre Irlande du Nord et Donegal, où vous êtes né. Cité symbolique s'il en est, divisée entre les quartiers riches du Waterside, où réside la bourgeoisie protestante, et les quartiers pauvres du Bogside, où se pressent les catholiques victimes, pendant trop longtemps, du mépris et de l'exploitation de la société industrielle. Cité symbolique où tombèrent, en 1972, les victimes du "bloody sunday". Lieu de toutes les révoltes et de tous les espoirs, vous y faites l'expérience de la guerre civile, tapie au fond de mots qui ne sont jamais innocents.
C'est également là que se forme votre engagement politique en faveur du socialisme démocratique, qu'incarne le SDLP, le Parti Social-Démocrate et Travailliste d'Irlande du nord, que vous avez fondé, avec vos amis, il y a trente ans et qui représente, depuis lors, l'Irlande du nord au sein de l'Internationale socialiste, ce qui vous amène cette semaine à Paris.
Vous avez toujours considéré que militer pour la paix, c'était aussi militer pour une société plus juste, plus humaine, pour une émancipation des plus faibles, qu'ils soient paysans ou ouvriers, dans un pays trop longtemps marqué par la pauvreté et les inégalités sociales.
Votre combat s'enracine également, bien sûr, dans votre appartenance à la communauté catholique, tant il est vrai que, dans cette Irlande du Nord déchirée entre géographie et histoire, c'est encore par la religion que se définissent les clivages entre deux communautés diverses par leurs choix mais réunies par le destin.
Après des études supérieures à l'université de Maynooth, en République d'Irlande, où vous découvrez la France en la personne d'un professeur, lorrain, qui vous enseigne notre langue avec une passion communicative, vous prenez conscience des limites de votre vocation et vous choisirez, plutôt que la prêtrise, la voie de l'enseignement, autre forme de sacerdoce. Vous revenez alors à Derry où vous serez professeur de Français, tout en poursuivant des recherches universitaires sur votre ville et son histoire.
Pacifiste, enfin, vous l'êtes au sens le plus noble du terme, celui qui signifie à la fois refus de la violence et de l'intolérance, sources de toutes les incompréhensions et de tous les conflits, et attachement inébranlable aux grands principes des Droits de l'Homme et du citoyen dont vous vous faites le propagandiste infatigable. Votre engagement est constamment marqué par la volonté de faire en sorte que "l'histoire ne soit pas le produit le plus dangereux que la chimie de l'intellect ait jamais élaboré", pour reprendre la fameuse phrase de Paul Valéry.
Tout au long de votre action de militant de la paix, dès votre participation, à la fin des années soixante, au mouvement pour les droits civiques, vous refuserez et condamnerez toujours la violence. Face à l'injustice, face à la répression, face aux haines de tout bord, votre force, votre grandeur est de ne jamais cesser de croire à l'unique nécessité d'une voie politique et pacifique.
Depuis plus de trente ans, vous êtes, sans relâche, celui qui fait de la réconciliation entre les deux communautés antagonistes la source de toute solution politique durable en Irlande du Nord, combattant, bien sûr, la violence des irréductibles défenseurs de l'appartenance au Royaume Uni, loyalistes et orangistes butés, mais aussi celle de vos frères catholiques qui, au sein de l'IRA et d'autres groupes, sombrent dans le terrorisme pour "bouter l'Anglais" hors du territoire. Pendant toutes ces années, vous serez l'artisan inlassable de la recherche du compromis, seule solution capable de ramener la paix dans ce pays déchiré par l'intolérance.
Au fil de votre combat, vous participerez aux différentes tentatives de solutions qui émaillent l'histoire des trente dernières années de l'Irlande du Nord : élu au Stormont, le Parlement d'Irlande du Nord, en 1969 puis, après sa dissolution en 1972, à une nouvelle assemblée, vous êtes ministre en 1974 d'un éphémère gouvernement nord-irlandais issu des accords de Sunningdale.
Après leur échec, vous choisissez de sensibiliser l'opinion européenne et internationale à la situation en Irlande du nord. Aux Etats-Unis d'abord, où vous contribuez à susciter l'engagement des responsables américains, au plus haut niveau, en faveur d'une solution négociée en Ulster, facteur essentiel des accords à venir. Puis en Europe où, aux côtés du commissaire Richard Burke, vous découvrez les vertus d'une Union à la fois centre de pouvoir, modèle de résolution des conflits et source d'inspiration pour la réconciliation des peuples. C'est cette même conviction européenne qui vous conduit à vous présenter, avec succès, aux premières élections au suffrage direct au Parlement européen, en 1979, pour aller porter la voix de l'Irlande du nord et de la paix à Strasbourg. Vous y siégez depuis lors, au sein du groupe des Socialistes européens, où nous nous croisâmes voici quelques années.
Mais votre action doit avant tout s'inscrire sur le terrain. En 1983, vous êtes élu député dans votre ville de Derry - la première fois, depuis 300 ans, qu'un catholique représente cette circonscription aux Communes - et vous avez été constamment réélu depuis. Devenu président du Parti travailliste et social-démocrate en 1979, vous poursuivez votre action inlassable, en Irlande du nord, à Londres comme à Dublin, en faveur d'un règlement politique.
En 1985, les accords anglo-irlandais d'Hillsborough, qui reconnaissent pour la première fois à la République d'Irlande un droit de regard sur les affaires d'Irlande du nord, vous doivent beaucoup.
Mais vous êtes convaincu, depuis le début, que la solution durable du conflit ne peut passer que par la réintégration dans le champ politique et dans la négociation de l'IRA et du Sinn Fein. Vous menez donc, avec détermination, avec courage, ce travail capital de conviction, de pédagogie politique, oserais-je dire, afin d'amener ces groupes à faire taire les armes et à laisser place à la négociation.
C'est en parvenant à contrecarrer cette spirale de la violence, c'est en réussissant, progressivement, à convaincre l'IRA de rejoindre la voie politique, puis à convaincre ensuite les dirigeants britanniques et irlandais d'alors qu'une telle évolution était possible que vous avez tranché le noeud gordien de la guerre. C'est ainsi que vous avez permis l'enclenchement d'une dynamique de règlement politique et de paix, symbolisée, par la déclaration de Downing Street de 1993, suivie de l'annonce par l'IRA, puis par les groupes paramilitaires loyalistes de la cessation de leurs opérations militaires.
L'élan était donné. Le processus politique pouvait commencer. L'espoir pouvait renaître au sein d'une population exténuée par plus de 20 années de luttes fratricides, de terreur et de sang. Pour paraphraser Winston Churchill, le destin de tant d'hommes venait de basculer grâce au courage d'une poignée d'entre eux.
Vos efforts ont ensuite été déterminants pour mettre au point les principes d'un règlement de paix et dessiner peu à peu les contours des futures institutions. En dépit des attentats, des provocations et des blocages, vous avez fait en sorte que les fils du dialogue ainsi noués ne soient pas brutalement rompus. Et votre obstination, celle de David Trimble, ainsi que l'engagement décisif, à partir de 1997, de Tony Blair et Bertie Ahern, ont finalement abouti à l'accord historique du "Vendredi saint", signé le 10 avril 1998.
Très largement ratifié par référendum au Nord comme au Sud, cet accord doit ouvrir la voie à une ère nouvelle où, à l'abri de ses institutions, l'Irlande du Nord prendra en main son destin et décidera, enfin, dans une communauté réconciliée, de son avenir.
Rien n'est définitivement acquis. Les difficultés actuelles montrent que la vigilance reste nécessaire et que votre présence est, plus que jamais, cruciale afin que la violence ne reprenne pas le pas sur la négociation.
Cher John Hume, c'est votre obstination sans faille, votre lucidité aiguë, votre solide courage, votre immense intelligence politique que le Jury Nobel a voulu honorer en vous attribuant en 1998, ainsi qu'à David Trimble, votre inséparable "comparse", le Prix Nobel de la Paix.
Les électeurs nord-irlandais ont ensuite exprimé avec force leur reconnaissance et leur confiance en vous accordant, à vous et à votre parti, le meilleur résultat de son histoire lors du scrutin européen de juin dernier: c'est là le juste hommage rendu par son peuple à un homme, à un engagement politique, qui témoignent du lien indissoluble entre la défense de la paix et le combat pour le progrès social.
Aujourd'hui, la République française vous rend hommage, à son tour. J'y vois une juste reconnaissance, ainsi que le salut fidèle à un ami de la France. Aux deux extrémités d'un siècle qui fut celui de deux guerres mondiales, d'un long cortège de conflits et de souffrances, votre combat pour la paix répond à celui d'un autre grand homme de paix, de justice et de progrès, Jean Jaurès. Grâce à vous, cher John, chaque citoyen du monde dispose d'une parcelle d'humanité en plus. Soyez en infiniment remercié.
John Hume, au nom du président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Officier de la Légion d'Honneur./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 novembre 1999)
Messieurs les Ambassadeurs.
Mesdames et Messieurs.
Chers Amis,
Je suis particulièrement heureux et honoré de vous recevoir ce soir au ministère des Affaires étrangères. Les insignes d'Officier de la Légion d'honneur que je vais vous remettre dans quelques instants sont le juste hommage de la République française à l'un des grands militants de la paix de ce siècle.
En vous distinguant, la France salue votre combat pour la justice, pour la tolérance mutuelle entre les communautés de l'Irlande du nord et la part décisive que vous avez prise à la conclusion pacifique d'un conflit sanglant. Mais elle salue aussi votre humanisme, votre confiance dans la capacité de la raison à triompher des passions aveugles qui conduisent à la violence meurtrière.
Cet engagement de toute une vie au service de la paix, de la justice sociale et du peuple irlandais trouve d'abord ses racines dans la force de l'enseignement que vous avez reçu de votre famille. Vous avez confié que votre père, chômeur de longue durée, vous voyant gagné par l'excitation communicative d'une manifestation nationaliste, prononça des mots qui ne devaient jamais s'effacer de votre mémoire : "ne te laisse pas prendre à tout cela, John. On ne se nourrit pas avec; un drapeau". De ce jour, vous avez compris que le plus grand courage ne consistait pas à mourir pour une Irlande dévoreuse de vies humaines et que l'histoire n'exigeait pas son tribut de sang à chaque génération.
Cette conviction profonde qui va marquer tout votre combat politique trouve sa force dans un enracinement profond et multiple: l'Irlande et son peuple, l'exigence sociale, la foi catholique et le pacifisme.
Irlandais, vous l'êtes par vos origines, mais vous l'êtes, plus fondamentalement encore, par vos racines qui vous lient à cette ville de Derry, entre Irlande du Nord et Donegal, où vous êtes né. Cité symbolique s'il en est, divisée entre les quartiers riches du Waterside, où réside la bourgeoisie protestante, et les quartiers pauvres du Bogside, où se pressent les catholiques victimes, pendant trop longtemps, du mépris et de l'exploitation de la société industrielle. Cité symbolique où tombèrent, en 1972, les victimes du "bloody sunday". Lieu de toutes les révoltes et de tous les espoirs, vous y faites l'expérience de la guerre civile, tapie au fond de mots qui ne sont jamais innocents.
C'est également là que se forme votre engagement politique en faveur du socialisme démocratique, qu'incarne le SDLP, le Parti Social-Démocrate et Travailliste d'Irlande du nord, que vous avez fondé, avec vos amis, il y a trente ans et qui représente, depuis lors, l'Irlande du nord au sein de l'Internationale socialiste, ce qui vous amène cette semaine à Paris.
Vous avez toujours considéré que militer pour la paix, c'était aussi militer pour une société plus juste, plus humaine, pour une émancipation des plus faibles, qu'ils soient paysans ou ouvriers, dans un pays trop longtemps marqué par la pauvreté et les inégalités sociales.
Votre combat s'enracine également, bien sûr, dans votre appartenance à la communauté catholique, tant il est vrai que, dans cette Irlande du Nord déchirée entre géographie et histoire, c'est encore par la religion que se définissent les clivages entre deux communautés diverses par leurs choix mais réunies par le destin.
Après des études supérieures à l'université de Maynooth, en République d'Irlande, où vous découvrez la France en la personne d'un professeur, lorrain, qui vous enseigne notre langue avec une passion communicative, vous prenez conscience des limites de votre vocation et vous choisirez, plutôt que la prêtrise, la voie de l'enseignement, autre forme de sacerdoce. Vous revenez alors à Derry où vous serez professeur de Français, tout en poursuivant des recherches universitaires sur votre ville et son histoire.
Pacifiste, enfin, vous l'êtes au sens le plus noble du terme, celui qui signifie à la fois refus de la violence et de l'intolérance, sources de toutes les incompréhensions et de tous les conflits, et attachement inébranlable aux grands principes des Droits de l'Homme et du citoyen dont vous vous faites le propagandiste infatigable. Votre engagement est constamment marqué par la volonté de faire en sorte que "l'histoire ne soit pas le produit le plus dangereux que la chimie de l'intellect ait jamais élaboré", pour reprendre la fameuse phrase de Paul Valéry.
Tout au long de votre action de militant de la paix, dès votre participation, à la fin des années soixante, au mouvement pour les droits civiques, vous refuserez et condamnerez toujours la violence. Face à l'injustice, face à la répression, face aux haines de tout bord, votre force, votre grandeur est de ne jamais cesser de croire à l'unique nécessité d'une voie politique et pacifique.
Depuis plus de trente ans, vous êtes, sans relâche, celui qui fait de la réconciliation entre les deux communautés antagonistes la source de toute solution politique durable en Irlande du Nord, combattant, bien sûr, la violence des irréductibles défenseurs de l'appartenance au Royaume Uni, loyalistes et orangistes butés, mais aussi celle de vos frères catholiques qui, au sein de l'IRA et d'autres groupes, sombrent dans le terrorisme pour "bouter l'Anglais" hors du territoire. Pendant toutes ces années, vous serez l'artisan inlassable de la recherche du compromis, seule solution capable de ramener la paix dans ce pays déchiré par l'intolérance.
Au fil de votre combat, vous participerez aux différentes tentatives de solutions qui émaillent l'histoire des trente dernières années de l'Irlande du Nord : élu au Stormont, le Parlement d'Irlande du Nord, en 1969 puis, après sa dissolution en 1972, à une nouvelle assemblée, vous êtes ministre en 1974 d'un éphémère gouvernement nord-irlandais issu des accords de Sunningdale.
Après leur échec, vous choisissez de sensibiliser l'opinion européenne et internationale à la situation en Irlande du nord. Aux Etats-Unis d'abord, où vous contribuez à susciter l'engagement des responsables américains, au plus haut niveau, en faveur d'une solution négociée en Ulster, facteur essentiel des accords à venir. Puis en Europe où, aux côtés du commissaire Richard Burke, vous découvrez les vertus d'une Union à la fois centre de pouvoir, modèle de résolution des conflits et source d'inspiration pour la réconciliation des peuples. C'est cette même conviction européenne qui vous conduit à vous présenter, avec succès, aux premières élections au suffrage direct au Parlement européen, en 1979, pour aller porter la voix de l'Irlande du nord et de la paix à Strasbourg. Vous y siégez depuis lors, au sein du groupe des Socialistes européens, où nous nous croisâmes voici quelques années.
Mais votre action doit avant tout s'inscrire sur le terrain. En 1983, vous êtes élu député dans votre ville de Derry - la première fois, depuis 300 ans, qu'un catholique représente cette circonscription aux Communes - et vous avez été constamment réélu depuis. Devenu président du Parti travailliste et social-démocrate en 1979, vous poursuivez votre action inlassable, en Irlande du nord, à Londres comme à Dublin, en faveur d'un règlement politique.
En 1985, les accords anglo-irlandais d'Hillsborough, qui reconnaissent pour la première fois à la République d'Irlande un droit de regard sur les affaires d'Irlande du nord, vous doivent beaucoup.
Mais vous êtes convaincu, depuis le début, que la solution durable du conflit ne peut passer que par la réintégration dans le champ politique et dans la négociation de l'IRA et du Sinn Fein. Vous menez donc, avec détermination, avec courage, ce travail capital de conviction, de pédagogie politique, oserais-je dire, afin d'amener ces groupes à faire taire les armes et à laisser place à la négociation.
C'est en parvenant à contrecarrer cette spirale de la violence, c'est en réussissant, progressivement, à convaincre l'IRA de rejoindre la voie politique, puis à convaincre ensuite les dirigeants britanniques et irlandais d'alors qu'une telle évolution était possible que vous avez tranché le noeud gordien de la guerre. C'est ainsi que vous avez permis l'enclenchement d'une dynamique de règlement politique et de paix, symbolisée, par la déclaration de Downing Street de 1993, suivie de l'annonce par l'IRA, puis par les groupes paramilitaires loyalistes de la cessation de leurs opérations militaires.
L'élan était donné. Le processus politique pouvait commencer. L'espoir pouvait renaître au sein d'une population exténuée par plus de 20 années de luttes fratricides, de terreur et de sang. Pour paraphraser Winston Churchill, le destin de tant d'hommes venait de basculer grâce au courage d'une poignée d'entre eux.
Vos efforts ont ensuite été déterminants pour mettre au point les principes d'un règlement de paix et dessiner peu à peu les contours des futures institutions. En dépit des attentats, des provocations et des blocages, vous avez fait en sorte que les fils du dialogue ainsi noués ne soient pas brutalement rompus. Et votre obstination, celle de David Trimble, ainsi que l'engagement décisif, à partir de 1997, de Tony Blair et Bertie Ahern, ont finalement abouti à l'accord historique du "Vendredi saint", signé le 10 avril 1998.
Très largement ratifié par référendum au Nord comme au Sud, cet accord doit ouvrir la voie à une ère nouvelle où, à l'abri de ses institutions, l'Irlande du Nord prendra en main son destin et décidera, enfin, dans une communauté réconciliée, de son avenir.
Rien n'est définitivement acquis. Les difficultés actuelles montrent que la vigilance reste nécessaire et que votre présence est, plus que jamais, cruciale afin que la violence ne reprenne pas le pas sur la négociation.
Cher John Hume, c'est votre obstination sans faille, votre lucidité aiguë, votre solide courage, votre immense intelligence politique que le Jury Nobel a voulu honorer en vous attribuant en 1998, ainsi qu'à David Trimble, votre inséparable "comparse", le Prix Nobel de la Paix.
Les électeurs nord-irlandais ont ensuite exprimé avec force leur reconnaissance et leur confiance en vous accordant, à vous et à votre parti, le meilleur résultat de son histoire lors du scrutin européen de juin dernier: c'est là le juste hommage rendu par son peuple à un homme, à un engagement politique, qui témoignent du lien indissoluble entre la défense de la paix et le combat pour le progrès social.
Aujourd'hui, la République française vous rend hommage, à son tour. J'y vois une juste reconnaissance, ainsi que le salut fidèle à un ami de la France. Aux deux extrémités d'un siècle qui fut celui de deux guerres mondiales, d'un long cortège de conflits et de souffrances, votre combat pour la paix répond à celui d'un autre grand homme de paix, de justice et de progrès, Jean Jaurès. Grâce à vous, cher John, chaque citoyen du monde dispose d'une parcelle d'humanité en plus. Soyez en infiniment remercié.
John Hume, au nom du président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Officier de la Légion d'Honneur./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 novembre 1999)