Texte intégral
Mesdames,
Messieurs,
Je suis très heureux de me trouver parmi vous aujourd'hui. Comme vous pouvez le supposer, ma visite ne constitue pas simplement une étape parmi d'autres sur le tour de France que tout ministre soucieux de rester proche des acteurs et des réalités du terrain se doit d'effectuer.
Plus de cinq ans après le plan de relance des zones d'éducation prioritaire et surtout au moment où les contrats de réussite que celui-ci avait mis en place arrivent à leur terme, il m'a paru nécessaire d'indiquer clairement les perspectives que nous souhaitons donner à la politique d'éducation prioritaire qui, depuis vingt ans, a pour objectif de renforcer l'action éducative dans les zones où les conditions sociales sont telles qu'elles constituent un facteur de risque, voire un obstacle pour la réussite scolaire des jeunes qui y vivent. Cette mise au point me paraît d'autant plus indispensable que le précédent ministre de l'éducation nationale ne s'est jamais exprimé sur ce sujet.
A cet égard, il m'a paru que l'académie de Montpellier offrait un cadre particulièrement approprié parce qu'elle mène depuis longtemps en ce domaine une action exemplaire. Je tiens donc à saluer la qualité du travail que vous accomplissez avec beaucoup de détermination et d'implication, sachant combien il peut avoir d'impact sur la réussite et l'épanouissement des jeunes les plus défavorisés.
Le cadre général de l'éducation prioritaire aujourd'hui demeure régi par la circulaire du 31 octobre 1997, qui a mis en place les réseaux d'éducation prioritaire, instauré les contrats de réussite et défini un certain nombre d'orientations dont beaucoup me semblent toujours actuelles et adaptées. Je pense notamment à la réaffirmation d'exigences communes pour assurer un égal accès de tous au savoir, à la volonté d'assurer la maîtrise de la lecture et des langages, de renforcer l'éducation à la morale civique ou d'encore d'encourager la scolarisation précoce, qui continuent d'être pour moi des priorités.
Parallèlement à la redéfinition des objectifs, la relance de l'éducation prioritaire avait pour objectif de réviser la carte des ZEP REP. Mais alors qu'elle devait répondre à un souci d'allégement, la nouvelle carte mise en place en 1999 s'est traduite en fait, comme vous le savez, par une extension de plus de 40% du "territoire" de l'éducation prioritaire entre les rentrées scolaires 1997 et 1999. On est ainsi passé de 363 ZEP à 784 et le nombre d'élèves concernés a quasiment doublé : 15% des écoliers au lieu de 8%, 18% des collégiens au lieu de 10%.
Du fait de cette extension de la carte, les réseaux d'éducation prioritaire comptaient, à la rentrée 2001, 1291 écoles, 1083 collèges auxquels il faut ajouter 47 lycées généraux et technologiques ainsi que 212 lycées professionnels. Etaient concernés plus d'un million d'écoliers et près de 580 000 collégiens, soit un collégien sur cinq.
Cette carte ne devrait pas évoluer de façon sensible au cours des prochaines années.
Quant aux moyens mis en uvre, je les résumerai à quelques faits simples, mais éloquents :
- aujourd'hui, près d'un enseignant sur cinq exerce sur le territoire de l'éducation prioritaire,
- tous les personnels en fonction sur ce territoire bénéficient de mesures spécifiques,
- un élève de l'éducation prioritaire coûte entre 10 et 15% de plus qu'un élève scolarisé hors éducation prioritaire,
- les classes des écoles et des collèges de ZEP ou de REP comptent en moyenne deux élèves de moins que les autres.
Telles sont, Mesdames et Messieurs, les grandes données que je souhaitais rappeler en introduction.
Je tiens à vous dire que cette politique qui vise à concentrer les moyens sur les zones les plus défavorisées de notre pays, à porter notre effort sur les établissements qui connaissent le plus de difficultés, à donner plus aux jeunes qui ont moins, cette politique sera poursuivie. Mais il me paraît essentiel qu'elle s'intègre dans une gestion beaucoup plus souple de l'ensemble des établissements. Notre système éducatif, ce n'est pas simplement les ZEP, les REP et les autres. C'est une multitude d'établissements qui tous doivent faire l'objet d'une attention particulière et d'un traitement différencié. C'est l'une des raisons pour lesquelles la notion de zone n'est pas le seul outil qui permette de gérer chaque établissement de façon différenciée.
Mais il me paraît tout aussi essentiel que les objectifs et les méthodes de cette politique soient clairement réaffirmés, afin de lutter efficacement contre la fracture scolaire. A cet égard, je voudrais faire un certain nombre de propositions.
Tout d'abord, il importe d'établir un bilan précis des contrats de réussite mis en place par la circulaire du 31 octobre 1997, qui viennent d'arriver à leur terme. Ce bilan doit en effet permettre d'apporter des éléments de réponse à une question qui nous concerne tous : les résultats de l'éducation prioritaire sont-ils à la hauteur des investissements que la Nation lui accorde ?
L'enquête que mène sur ce sujet la direction de l'enseignement scolaire est actuellement en cours. Toutefois nous avons d'ores et déjà en notre possession un certain nombre d'éléments qui fournissent une vue assez contrastée des réalités.
Si l'étude des évaluations à l'entrée en 6ème montre que les élèves de ZEP réussissent moins bien que les autres, il faut tenir compte du fait que la déperdition des savoirs pendant les vacances est plus importante en ZEP qu'ailleurs. Aussi les écarts sont-ils moins importants à la fin du CM2 lorsque les tests sont passés en juin.
Il faut également souligner que 10 % des élèves de ZEP appartiennent à la catégorie des élèves dont les résultats sont supérieurs à 80 %.
Si l'on examine le détail de certains items, on constate que, en ce qui concerne les mathématiques, les élèves de ZEP rencontrent des difficultés dans le traitement des nombres décimaux, les fractions décimales, le calcul mental et les problèmes numériques.
Les raisons de ces écarts sont dues à un vocabulaire et une présentation des énoncés mal compris des élèves, mais aussi par une tentation d'aller vers une trop grande simplification des situations qui leur sont proposées.
Il convient donc d'apporter une attention particulière à l'utilisation de la langue française dans l'enseignement de toutes les disciplines.
Pour ce qui est du français, on constate que les élèves ont des difficultés à maîtriser les outils de la langue. Ceci les handicape non seulement dans la lecture, mais aussi dans la perception de la structure d'un texte et la maîtrise des liens qui permettent d'en saisir la logique. Cette mauvaise perception globale du texte est peut-être due à une trop grande lenteur qui les empêcherait de capitaliser l'information fournie et entraverait l'élaboration du sens.
Ce que l'on peut dire en tout cas, c'est que les écarts de réussite entre les élèves de ZEP et les élèves hors ZEP ne se sont pas comblés. Nous devons donc impérativement prendre en compte ce constat dans la rédaction des futurs projets de zone ainsi que des contrats de réussite.
Mais ce qu'il faut dire aussi, c'est que ces écarts ne se sont pas creusés et que l'investissement de tous les personnels qui travaillent sur le territoire de l'éducation prioritaire a empêché la situation de se dégrader là où les populations connaissaient des difficultés souvent accrues. Est-il besoin de souligner que l'école demeure souvent le dernier des services publics dans les quartiers les plus sensibles.
Par ailleurs, il faut noter qu'à la fin du collège, les élèves de ZEP ont, à résultats identiques, moins d'ambition pour leur orientation que leurs camarades. Ceci ne s'explique pas toujours par les résultats scolaires. Les choix d'orientation apparaissent également fortement influencés par le milieu social des familles. Le niveau de diplôme des parents influe en effet beaucoup sur le choix des enfants. Certes, cette attitude se rencontre partout et pas seulement en ZEP mais il faut continuer à tenter de remédier à ce problème, en nous inspirant peut être de l'expérience menée par l'institut d'études politiques de Paris. Je crois qu'il est important qu'il y ait en ce domaine quelques symboles forts.
Enfin, il est intéressant de noter que 82% des collégiens de ZEP parvenus en 2nde générale ou technologique obtiennent le baccalauréat, même s'ils réussissent moins souvent que les autres à la première tentative et redoublent plus souvent la terminale.
J'ai voulu m'attarder sur l'ensemble de ces points afin de bien faire comprendre à quel point est nécessaire que les contrats de réussite mettent la question des savoirs au cur de leur action.
Cette question doit être traitée avec rigueur, car notre mission est de tirer aussi haut que possible les élèves qui nous sont confiés. La maîtrise de la langue est bien évidemment le premier des objectifs à retenir.
Pour y parvenir, il est indispensable qu'un climat favorable à l'étude puisse être garanti. C'est là bien sûr tout le sens de la politique de prévention de la violence à l'école que j'ai entrepris de conduire et dont l'objectif est avant tout de mettre l'école en mesure d'accomplir sa mission première qui est la transmission des savoirs et des savoir-faire. Ceci nécessite qu'y soient pleinement rétablies l'autorité et la discipline, en rappelant le respect de l'obligation scolaire et du règlement intérieur en mettant clairement les élèves et leurs parents devant leur responsabilité et en accordant des pouvoirs plus étendus au chef d'établissement.
Mais un effort pour garantir aux élèves de bonnes conditions de vie et d'études s'avère tout aussi nécessaire, notamment en ce qui concerne la santé et l'éducation à la santé. C'est ainsi qu'il faudra mettre en place un dispositif spécifique d'accompagnement à la santé, chargé d'assurer la liaison entre la famille de l'enfant, l'école et le réseau de soins et d'action sociale. Sur l'ensemble de ce sujet, j'aurai l'occasion de revenir longuement lors de la communication que je ferai en Conseil des Ministres le mois prochain.
Par ailleurs, il me paraît nécessaire que les projets de zone s'intègrent parfaitement dans la politique de la ville et trouvent notamment une meilleure liaison avec les contrats de ville et les contrats éducatifs locaux. Certes, je sais bien que le paysage administratif est devenu fort complexe et qu'il conviendrait de le simplifier. Mais dans l'attente, les équipes pédagogiques doivent être fortement présentes dans des différents dispositifs. On évitera ainsi les incohérences constatées entre les projets d'école ou d'établissement d'une part et les projets de ville d'autre part. L'excellente coopération qui s'est instaurée entre l'éducation nationale et le ministère délégué à la ville et à la rénovation urbaine devrait d'ailleurs y contribuer.
Un autre point que je voudrais souligner, c'est que, comme le mettent en évidence les évaluations, il existe des différences notables entre les zones d'éducation prioritaire. C'est ainsi notamment que les zones rurales classées en ZEP n'ont pas les mêmes besoins que les ZEP urbaines. Il conviendra donc de réfléchir à un traitement plus spécifique des zones rurales, d'autant que la mise en réseau des écoles devrait se généraliser pour répondre à l'isolement des élèves et des maîtres.
Quant aux zones urbaines, celles-ci connaissent une forte hétérogénéïté. Certains quartiers sensibles sont proches de la rupture sociale. Nous demanderons aux recteurs et aux inspecteurs d'académie de concentrer les moyens de l'éducation prioritaire sur ces zones les plus difficiles.
Enfin, Mesdames et Messieurs, il importe de relancer le pilotage académique de l'éducation prioritaire.
A l'occasion de l'évaluation des contrats de réussite, les recteurs et les inspecteurs d'académie devront redonner force au dispositif académique, relayé au niveau départemental, notamment :
- par l'utilisation systématique de tableaux de bord harmonisés et d'exploitation facile. A cet égard le dispositif ICOTEP (Indicateurs communs pour un tableau de bord de l'éducation prioritaire) doit être soutenu ;
- par la désignation d'équipes de coordination stables et dynamiques, composées d'un responsable de ZEP ainsi que d'un ou des coordonnateurs compétents et reconnus, ayant effectivement reçu la lettre de mission qui doit définir leur tâche ;
- par la tenue régulière du conseil de réseau ;
- par des actions de formation spécifiques au travail en équipe ;
- par le souci de stabiliser les équipes. A cet égard, l'implantation de postes de type PEP IV est à encourager et peut s'inspirer des réussites de certains départements de la région parisienne. Une attention forte sera portée à l'accompagnement des professeurs débutants.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je tenais à dire aujourd'hui sans attendre qu'un texte officiel soit publié ; il le sera sans aucun doute au mois d'avril, dès que l'étude approfondie des contrats de réussite sera achevée. Nous encouragerons par ailleurs la réalisation d'un observatoire international qui nous permettra d'échanger avec profit avec nos partenaires européens qui connaissent les mêmes problèmes que notre pays.
En tout état de cause, il est nécessaire de reprendre les projets :
- pour leur redonner un dynamisme pédagogique plus affirmé,
- pour mieux fédérer le travail en réseau. Les projets d'école notamment doivent reprendre les axes essentiels du projet du réseau d'éducation prioritaire et le rôle des responsables et des coordonnateurs est à cet égard essentiel,
- pour utiliser les nombreux moyens supplémentaires essentiellement au profit des actions pédagogiques,
- pour instaurer une articulation plus étroite avec la politique de la ville.
Ce sont là les objectifs auxquels ils nous faut parvenir afin que des progrès puissent être enregistrés à la sortie de l'école, du collège et du lycée et que les résultats soient à la hauteur des efforts fournis.
Bien évidemment, rien de tout cela ne pourra être accompli sans l'engagement de tous les personnels - personnels administratifs, personnels ouvriers et de service, personnels enseignants et d'éducation, personnels d'inspection et de direction - qui s'investissent avec cur et générosité dans cette grande action. Depuis longtemps, ils accomplissent une tâche admirable pour lutter contre les inégalités sociales et offrir de meilleures chances de réussite aux jeunes les plus défavorisés. A toutes et à tous, je tiens à leur rendre hommage et à leur dire toute mon estime.
5Source http://www.education.gouv.fr, le 21 janvier 2003)
Messieurs,
Je suis très heureux de me trouver parmi vous aujourd'hui. Comme vous pouvez le supposer, ma visite ne constitue pas simplement une étape parmi d'autres sur le tour de France que tout ministre soucieux de rester proche des acteurs et des réalités du terrain se doit d'effectuer.
Plus de cinq ans après le plan de relance des zones d'éducation prioritaire et surtout au moment où les contrats de réussite que celui-ci avait mis en place arrivent à leur terme, il m'a paru nécessaire d'indiquer clairement les perspectives que nous souhaitons donner à la politique d'éducation prioritaire qui, depuis vingt ans, a pour objectif de renforcer l'action éducative dans les zones où les conditions sociales sont telles qu'elles constituent un facteur de risque, voire un obstacle pour la réussite scolaire des jeunes qui y vivent. Cette mise au point me paraît d'autant plus indispensable que le précédent ministre de l'éducation nationale ne s'est jamais exprimé sur ce sujet.
A cet égard, il m'a paru que l'académie de Montpellier offrait un cadre particulièrement approprié parce qu'elle mène depuis longtemps en ce domaine une action exemplaire. Je tiens donc à saluer la qualité du travail que vous accomplissez avec beaucoup de détermination et d'implication, sachant combien il peut avoir d'impact sur la réussite et l'épanouissement des jeunes les plus défavorisés.
Le cadre général de l'éducation prioritaire aujourd'hui demeure régi par la circulaire du 31 octobre 1997, qui a mis en place les réseaux d'éducation prioritaire, instauré les contrats de réussite et défini un certain nombre d'orientations dont beaucoup me semblent toujours actuelles et adaptées. Je pense notamment à la réaffirmation d'exigences communes pour assurer un égal accès de tous au savoir, à la volonté d'assurer la maîtrise de la lecture et des langages, de renforcer l'éducation à la morale civique ou d'encore d'encourager la scolarisation précoce, qui continuent d'être pour moi des priorités.
Parallèlement à la redéfinition des objectifs, la relance de l'éducation prioritaire avait pour objectif de réviser la carte des ZEP REP. Mais alors qu'elle devait répondre à un souci d'allégement, la nouvelle carte mise en place en 1999 s'est traduite en fait, comme vous le savez, par une extension de plus de 40% du "territoire" de l'éducation prioritaire entre les rentrées scolaires 1997 et 1999. On est ainsi passé de 363 ZEP à 784 et le nombre d'élèves concernés a quasiment doublé : 15% des écoliers au lieu de 8%, 18% des collégiens au lieu de 10%.
Du fait de cette extension de la carte, les réseaux d'éducation prioritaire comptaient, à la rentrée 2001, 1291 écoles, 1083 collèges auxquels il faut ajouter 47 lycées généraux et technologiques ainsi que 212 lycées professionnels. Etaient concernés plus d'un million d'écoliers et près de 580 000 collégiens, soit un collégien sur cinq.
Cette carte ne devrait pas évoluer de façon sensible au cours des prochaines années.
Quant aux moyens mis en uvre, je les résumerai à quelques faits simples, mais éloquents :
- aujourd'hui, près d'un enseignant sur cinq exerce sur le territoire de l'éducation prioritaire,
- tous les personnels en fonction sur ce territoire bénéficient de mesures spécifiques,
- un élève de l'éducation prioritaire coûte entre 10 et 15% de plus qu'un élève scolarisé hors éducation prioritaire,
- les classes des écoles et des collèges de ZEP ou de REP comptent en moyenne deux élèves de moins que les autres.
Telles sont, Mesdames et Messieurs, les grandes données que je souhaitais rappeler en introduction.
Je tiens à vous dire que cette politique qui vise à concentrer les moyens sur les zones les plus défavorisées de notre pays, à porter notre effort sur les établissements qui connaissent le plus de difficultés, à donner plus aux jeunes qui ont moins, cette politique sera poursuivie. Mais il me paraît essentiel qu'elle s'intègre dans une gestion beaucoup plus souple de l'ensemble des établissements. Notre système éducatif, ce n'est pas simplement les ZEP, les REP et les autres. C'est une multitude d'établissements qui tous doivent faire l'objet d'une attention particulière et d'un traitement différencié. C'est l'une des raisons pour lesquelles la notion de zone n'est pas le seul outil qui permette de gérer chaque établissement de façon différenciée.
Mais il me paraît tout aussi essentiel que les objectifs et les méthodes de cette politique soient clairement réaffirmés, afin de lutter efficacement contre la fracture scolaire. A cet égard, je voudrais faire un certain nombre de propositions.
Tout d'abord, il importe d'établir un bilan précis des contrats de réussite mis en place par la circulaire du 31 octobre 1997, qui viennent d'arriver à leur terme. Ce bilan doit en effet permettre d'apporter des éléments de réponse à une question qui nous concerne tous : les résultats de l'éducation prioritaire sont-ils à la hauteur des investissements que la Nation lui accorde ?
L'enquête que mène sur ce sujet la direction de l'enseignement scolaire est actuellement en cours. Toutefois nous avons d'ores et déjà en notre possession un certain nombre d'éléments qui fournissent une vue assez contrastée des réalités.
Si l'étude des évaluations à l'entrée en 6ème montre que les élèves de ZEP réussissent moins bien que les autres, il faut tenir compte du fait que la déperdition des savoirs pendant les vacances est plus importante en ZEP qu'ailleurs. Aussi les écarts sont-ils moins importants à la fin du CM2 lorsque les tests sont passés en juin.
Il faut également souligner que 10 % des élèves de ZEP appartiennent à la catégorie des élèves dont les résultats sont supérieurs à 80 %.
Si l'on examine le détail de certains items, on constate que, en ce qui concerne les mathématiques, les élèves de ZEP rencontrent des difficultés dans le traitement des nombres décimaux, les fractions décimales, le calcul mental et les problèmes numériques.
Les raisons de ces écarts sont dues à un vocabulaire et une présentation des énoncés mal compris des élèves, mais aussi par une tentation d'aller vers une trop grande simplification des situations qui leur sont proposées.
Il convient donc d'apporter une attention particulière à l'utilisation de la langue française dans l'enseignement de toutes les disciplines.
Pour ce qui est du français, on constate que les élèves ont des difficultés à maîtriser les outils de la langue. Ceci les handicape non seulement dans la lecture, mais aussi dans la perception de la structure d'un texte et la maîtrise des liens qui permettent d'en saisir la logique. Cette mauvaise perception globale du texte est peut-être due à une trop grande lenteur qui les empêcherait de capitaliser l'information fournie et entraverait l'élaboration du sens.
Ce que l'on peut dire en tout cas, c'est que les écarts de réussite entre les élèves de ZEP et les élèves hors ZEP ne se sont pas comblés. Nous devons donc impérativement prendre en compte ce constat dans la rédaction des futurs projets de zone ainsi que des contrats de réussite.
Mais ce qu'il faut dire aussi, c'est que ces écarts ne se sont pas creusés et que l'investissement de tous les personnels qui travaillent sur le territoire de l'éducation prioritaire a empêché la situation de se dégrader là où les populations connaissaient des difficultés souvent accrues. Est-il besoin de souligner que l'école demeure souvent le dernier des services publics dans les quartiers les plus sensibles.
Par ailleurs, il faut noter qu'à la fin du collège, les élèves de ZEP ont, à résultats identiques, moins d'ambition pour leur orientation que leurs camarades. Ceci ne s'explique pas toujours par les résultats scolaires. Les choix d'orientation apparaissent également fortement influencés par le milieu social des familles. Le niveau de diplôme des parents influe en effet beaucoup sur le choix des enfants. Certes, cette attitude se rencontre partout et pas seulement en ZEP mais il faut continuer à tenter de remédier à ce problème, en nous inspirant peut être de l'expérience menée par l'institut d'études politiques de Paris. Je crois qu'il est important qu'il y ait en ce domaine quelques symboles forts.
Enfin, il est intéressant de noter que 82% des collégiens de ZEP parvenus en 2nde générale ou technologique obtiennent le baccalauréat, même s'ils réussissent moins souvent que les autres à la première tentative et redoublent plus souvent la terminale.
J'ai voulu m'attarder sur l'ensemble de ces points afin de bien faire comprendre à quel point est nécessaire que les contrats de réussite mettent la question des savoirs au cur de leur action.
Cette question doit être traitée avec rigueur, car notre mission est de tirer aussi haut que possible les élèves qui nous sont confiés. La maîtrise de la langue est bien évidemment le premier des objectifs à retenir.
Pour y parvenir, il est indispensable qu'un climat favorable à l'étude puisse être garanti. C'est là bien sûr tout le sens de la politique de prévention de la violence à l'école que j'ai entrepris de conduire et dont l'objectif est avant tout de mettre l'école en mesure d'accomplir sa mission première qui est la transmission des savoirs et des savoir-faire. Ceci nécessite qu'y soient pleinement rétablies l'autorité et la discipline, en rappelant le respect de l'obligation scolaire et du règlement intérieur en mettant clairement les élèves et leurs parents devant leur responsabilité et en accordant des pouvoirs plus étendus au chef d'établissement.
Mais un effort pour garantir aux élèves de bonnes conditions de vie et d'études s'avère tout aussi nécessaire, notamment en ce qui concerne la santé et l'éducation à la santé. C'est ainsi qu'il faudra mettre en place un dispositif spécifique d'accompagnement à la santé, chargé d'assurer la liaison entre la famille de l'enfant, l'école et le réseau de soins et d'action sociale. Sur l'ensemble de ce sujet, j'aurai l'occasion de revenir longuement lors de la communication que je ferai en Conseil des Ministres le mois prochain.
Par ailleurs, il me paraît nécessaire que les projets de zone s'intègrent parfaitement dans la politique de la ville et trouvent notamment une meilleure liaison avec les contrats de ville et les contrats éducatifs locaux. Certes, je sais bien que le paysage administratif est devenu fort complexe et qu'il conviendrait de le simplifier. Mais dans l'attente, les équipes pédagogiques doivent être fortement présentes dans des différents dispositifs. On évitera ainsi les incohérences constatées entre les projets d'école ou d'établissement d'une part et les projets de ville d'autre part. L'excellente coopération qui s'est instaurée entre l'éducation nationale et le ministère délégué à la ville et à la rénovation urbaine devrait d'ailleurs y contribuer.
Un autre point que je voudrais souligner, c'est que, comme le mettent en évidence les évaluations, il existe des différences notables entre les zones d'éducation prioritaire. C'est ainsi notamment que les zones rurales classées en ZEP n'ont pas les mêmes besoins que les ZEP urbaines. Il conviendra donc de réfléchir à un traitement plus spécifique des zones rurales, d'autant que la mise en réseau des écoles devrait se généraliser pour répondre à l'isolement des élèves et des maîtres.
Quant aux zones urbaines, celles-ci connaissent une forte hétérogénéïté. Certains quartiers sensibles sont proches de la rupture sociale. Nous demanderons aux recteurs et aux inspecteurs d'académie de concentrer les moyens de l'éducation prioritaire sur ces zones les plus difficiles.
Enfin, Mesdames et Messieurs, il importe de relancer le pilotage académique de l'éducation prioritaire.
A l'occasion de l'évaluation des contrats de réussite, les recteurs et les inspecteurs d'académie devront redonner force au dispositif académique, relayé au niveau départemental, notamment :
- par l'utilisation systématique de tableaux de bord harmonisés et d'exploitation facile. A cet égard le dispositif ICOTEP (Indicateurs communs pour un tableau de bord de l'éducation prioritaire) doit être soutenu ;
- par la désignation d'équipes de coordination stables et dynamiques, composées d'un responsable de ZEP ainsi que d'un ou des coordonnateurs compétents et reconnus, ayant effectivement reçu la lettre de mission qui doit définir leur tâche ;
- par la tenue régulière du conseil de réseau ;
- par des actions de formation spécifiques au travail en équipe ;
- par le souci de stabiliser les équipes. A cet égard, l'implantation de postes de type PEP IV est à encourager et peut s'inspirer des réussites de certains départements de la région parisienne. Une attention forte sera portée à l'accompagnement des professeurs débutants.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je tenais à dire aujourd'hui sans attendre qu'un texte officiel soit publié ; il le sera sans aucun doute au mois d'avril, dès que l'étude approfondie des contrats de réussite sera achevée. Nous encouragerons par ailleurs la réalisation d'un observatoire international qui nous permettra d'échanger avec profit avec nos partenaires européens qui connaissent les mêmes problèmes que notre pays.
En tout état de cause, il est nécessaire de reprendre les projets :
- pour leur redonner un dynamisme pédagogique plus affirmé,
- pour mieux fédérer le travail en réseau. Les projets d'école notamment doivent reprendre les axes essentiels du projet du réseau d'éducation prioritaire et le rôle des responsables et des coordonnateurs est à cet égard essentiel,
- pour utiliser les nombreux moyens supplémentaires essentiellement au profit des actions pédagogiques,
- pour instaurer une articulation plus étroite avec la politique de la ville.
Ce sont là les objectifs auxquels ils nous faut parvenir afin que des progrès puissent être enregistrés à la sortie de l'école, du collège et du lycée et que les résultats soient à la hauteur des efforts fournis.
Bien évidemment, rien de tout cela ne pourra être accompli sans l'engagement de tous les personnels - personnels administratifs, personnels ouvriers et de service, personnels enseignants et d'éducation, personnels d'inspection et de direction - qui s'investissent avec cur et générosité dans cette grande action. Depuis longtemps, ils accomplissent une tâche admirable pour lutter contre les inégalités sociales et offrir de meilleures chances de réussite aux jeunes les plus défavorisés. A toutes et à tous, je tiens à leur rendre hommage et à leur dire toute mon estime.
5Source http://www.education.gouv.fr, le 21 janvier 2003)