Déclaration commune CFDT, CGT, FO, CFE CGC, CFTC sur leur position sur les enjeux du prochain cycle de négociations de l'OMC, Paris le 13 octobre 1999.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Lors de la réunion du Comité du Dialogue social pour les questions européennes et internationales (CSEI), les organisations syndicales CFDT, CGT, FO, CGC, CFTC, dans une déclaration, ont fait part de leur position commune sur les enjeux du prochain cycle de négociations de l'OMC.
Le quart des échanges commerciaux a désormais un caractère international. Cette proportion ne va cesser de croître, en particulier avec l'adhésion envisagée de nouveaux pays à l'OMC et avec l'extension des négociations, qui concernaient initialement l'industrie, à de nouveaux secteurs : agriculture, services, technologies de l'information et de la communication, produits pharmaceutiques, investissements étrangers directs, la politique de concurrence, la propriété intellectuelle Ces nouveaux thèmes et le nouveau cycle ne font pas l'objet d'un accord unanime au sein de l'OMC. A l'heure où se creusent les inégalités de développement entre pays et dans les pays, une approche qui se réduirait au libre-échange n'est pas acceptable pour le mouvement syndical qui demande que la négociation prenne en compte les intérêts des populations, le respect de la dimension sociale et l'impact à long terme des politiques commerciales.
La libéralisation des échanges et les règles de l'OMC conditionnent l'emploi, les conditions de travail et de vie d'un nombre toujours croissant de travailleurs dans le monde. La négociation qui va s'ouvrir rassemble des pays aux niveaux de développement et aux systèmes sociaux très différents, ce qui rend plus impérieux la prise en compte des garanties fondamentales d'exercice des droits humains au travail, des droits à un environnement sain, à un développement durable, à des produits sûrs qui ne font pour l'instant pas partie intégrante des règles de l'OMC, et n'y bénéficient donc pas d'une protection adéquate.
Dans ce débat, la capacité des Etats à exercer leur souveraineté économique et sociale, à décider de la maîtrise de leurs ressources naturelles et de leurs richesses humaines et culturelles se trouve interpellée, en particulier face à l'influence grandissante des firmes transnationales et des investissements étrangers directs.
Aussi, devient-il essentiel de progresser sur des règles commerciales multilatérales au service d'un développement durable et équitable, qui réponde aux préoccupations croissantes en matière d'environnement et de satisfaction des besoins sociaux, au moyen d'une négociation globale.
A l'heure où l'OMC s'affirme comme l'instrument international principal des échanges mondiaux, et où ses moyens d'intervention se renforcent, elle doit réformer et rendre transparent son mécanisme de règlement des différends, et s'ouvrir au dialogue avec les organisations compétentes du système des Nations-Unies, en matière de travail, d'environnement, de développement, de santé, de culture et d'assistance, ainsi qu'avec les ONGs et les syndicats concernés au premier chef.
Dans cette négociation, l'Europe doit parler d'une seule voix et peser de tout son poids. Pour le mouvement syndical, il est essentiel qu'elle y valorise son modèle social et de développement, fondé sur la reconnaissance des droits sociaux des travailleurs et du rôle des syndicats, l'accès à la protection sociale collective et à des services publics, sa diversité culturelle et le respect des droits humains.
Nous nous inscrivons, avec le mouvement syndical international et la CES, dans l'exigence d'une régulation des échanges mondiaux qui nécessite de faire avancer certaines priorités et revendications fondamentales. Cela concerne particulièrement :
o La dimension sociale des échanges : les droits fondamentaux des travailleurs définis dans l'Agenda de Copenhague (1995) et dans la déclaration de principes de l'OIT de 1998 sur les droits fondamentaux de l'homme au travail doivent être progressivement reconnus et appliqués dans tous les pays, et inscrits dans les clauses de l'OMC, car la violation des droits humains ne peut en aucun cas être assimilée à un avantage comparatif ni constituer un terrain admissible de compétitivité.
o Il est indispensable que la coopération prévue à Singapour entre l'OMC et l'OIT s'instaure. Cela suppose, dans le cadre de la négociation du cycle, la création à l'OMC d'un groupe de travail "Normes sociales et échanges" s'appuyant sur l'expertise de l'OIT. Son mandat serait de faire des propositions pour améliorer les règles de procédures sur la base d'une analyse des déficiences relatives au traitement de l'ensemble des droits des travailleurs dans le système commercial international. De même, une coopération réelle et efficace entre l'OMC et l'OIT devrait trouver une traduction concrète lors de l'examen régulier par l'OMC des politiques commerciales de chaque pays prenant en compte l'état des normes sociales fondamentales.
o La nécessité de réussir le développement et l'insertion des pays en développement, en particulier les PMA, est un enjeu fondamental. Ils doivent être partie prenante de la négociation, ce qui suppose une augmentation du budget de coopération de l'OMC. Ils doivent bénéficier de règles préférentielles et d'un rythme différencié pour réduire les inégalités, par exemple en référence aux systèmes de préférences généralisées pratiqués par l'Union européenne.
o Des clauses environnementales et le droit au développement durable doivent faire partie des règles applicables. Le principe de précaution doit être privilégié en matière de sécurité des produits et des consommateurs. Le caractère multifonctionnel de l'agriculture doit être reconnu. La création culturelle et intellectuelle ne peut être assimilée à une marchandise.
o La transparence et la démocratisation doivent devenir la règle en ce qui concerne les négociations, les études menées par l'OMC, le travail des comités et commissions mis en place, et le règlement des différends, à l'intention du public (publications, information à la presse, site internet), mais aussi en associant les organisations syndicales internationales et les grandes ONGs universelles concernées au processus de négociation et aux mécanismes d'évaluation ou de contrôle afin qu'elles puissent y promouvoir la dimension humaine qui fait actuellement défaut.
Enfin, les organisations syndicales demandent que la concertation soit permanente tout au long du processus de négociation. Ce processus doit se dérouler dans la transparence et la concertation à chacune de ses étapes.
(Source http://www.cfdt.fr, le 2 janvier 2003)