Texte intégral
Monsieur le Directeur général
Mesdames et Messieurs les Ministres et chers collègues
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs
Mesdames et Messieurs
La table-ronde qui nous réunit aujourd'hui revêt une importance fondamentale. Des ministres de la culture du monde entier vont avoir l'occasion d'affirmer solennellement, et à un moment particulièrement opportun, leur attachement à la préservation de la diversité culturelle face à la mondialisation.
Et le fait que cette rencontre, sur ce thème, ait lieu ici, à l'Unesco me réjouit pleinement. Cette organisation internationale est en effet le lieu le plus approprié pour débattre de la diversité culturelle et des moyens de la préserver.
Les enjeux d'une affirmation de la diversité culturelle sont essentiels. Ils sont d'abord d'ordre culturel, mais ils sont aussi d'ordre économique et politique. Nous aurons l'occasion d'y revenir tout au long de cette matinée, mais je souhaiterais le rappeler à titre d'introduction à nos débats.
I - Des enjeux multiformes :
1.1. Le respect de la diversité culturelle est d'abord une exigence identitaire et culturelle.
Les biens culturels, il faudrait d'ailleurs parler de services pour ce qui concerne l'audiovisuel, sont essentiels à la préservation de l'identité des peuples et du lien social. Ils véhiculent des valeurs, des idées, du sens. Leur spécificité doit être clairement reconnue. Ce ne sont pas des marchandises comme les autres.
La mondialisation menace les identités culturelles et, si l'on n'y prend garde, elle engendrera une standardisation culturelle. La mondialisation pousse en effet à l'uniformisation des comportements et des modes de vie. Il importe certes de promouvoir des valeurs et des références communes à l'ensemble de l'humanité mais, sans oublier les spécificités léguées par le temps, sans oublier le respect des identités, sans négliger la richesse de la diversité des cultures. Banaliser le traitement de la culture ne permettrait pas de présenter les identités linguistiques et culturelles auxquelles nous tenons.
1.2. Affirmer l'importance de la diversité culturelle répond également à une exigence économique.
L'importance de ces enjeux économiques impose d'apporter des correctifs à la logique du Libre échange, qui impliquerait que la plupart des Etats renoncent à leurs industries culturelles et audiovisuelles, dès lors que des "produits" étrangers peuvent être importés à un moindre coût : les films hollywoodiens par exemple sont amortis sur un vaste marché avant d'être exportés à bas prix, sans subir l'obstacle de la langue.
Mais, les industries culturelles, les industries du savoir et de l'imaginaire sont des industries d'avenir, dont le poids est très important en terme d'emplois et de croissance économique. L'entrée dans la société de l'information, la prise en compte des nouvelles technologies mettent clairement en avant cette dimension économique étroitement imbriquée avec la dimension culturelle. Nous ne pouvons renoncer à ces activités.
1.3 La préservation et la promotion de la diversité culturelle correspond enfin à une exigence politique essentielle, puisqu'elle conditionne le pluralisme de l'expression artistique et des idées.
Préserver la possibilité pour tous les créateurs de s'exprimer, et celle des pouvoirs publics de les y aider m'apparaît comme un impératif. La culture et l'audiovisuel ne peuvent être régis par les seules lois du marché, abandonnés aux mains des techniciens et des financiers les mieux à même d'imposer leurs vues. La défense du pluralisme des idées et des expressions artistiques impose l'intervention régulatrice des Etats et des organisations internationales concernées.
Il est de notre responsabilité de prévenir l'avènement d'un monopole sur les images, de permettre l'accès de toutes les créations au marché, de manière équitable.
II - L'importance de ces enjeux impose donc la possibilité de pouvoir mener des politiques culturelles et audiovisuelles volontaristes
Ces enjeux nécessitent en effet la mise en place des politiques culturelles et audiovisuelles audacieuses, destinées notamment à compenser les déséquilibres constatés dans la production et le commerce de services culturels et audiovisuels. Ils imposent d'accroître les efforts en faveur du développement de la création et de la protection du patrimoine, par une action nationale et internationale déterminée.
Il sera en effet impossible de préserver les cultures nationales et les industries, parfois fragiles, qui en sont le vecteur, dans le contexte de mondialisation dont nous allons débattre, sans politiques volontaristes. Ces politiques, sur lesquelles nous reviendrons cette après midi, doivent créer un cadre favorable pour les créateurs, sans négliger les publics. L'élargissement de l'accès à la culture, sa démocratisation en d'autres termes, me semble en effet tout aussi nécessaire.
Il ne suffit pas de prendre conscience de la nécessité d'une intervention volontariste des pouvoirs publics. Encore faut-il préserver et développer la possibilité pour les gouvernements de définir et de mettre en uvre librement les instruments de leurs politiques culturelles et audiovisuelles.
Nous sommes désormais à quelques semaines de l'ouverture de la conférence de Seattle, qui marquera le début d'un nouveau cycle de négociations dans le cadre de l'OMC. Ces négociations ne doivent en aucun cas remettre en cause la capacité d'intervention des Etats dans la sphère culturelle. Il existe un moyen pour cela : la préservation de l'exception culturelle dans ces négociations, ce qui signifie le refus de prendre des engagements de libéralisation dans les négociations multilatérales.
Diversité culturelle et exception culturelle sont donc deux notions étroitement liées et complémentaires. L'exception culturelle est le moyen juridique, à mes yeux non négociable, d'atteindre l'objectif de diversité culturelle, concept plus récent fruit de réflexions dans le cadre de l'UNESCO, depuis la conférence de Stockholm en 1998. La diversité culturelle est un objectif positif, qui exprime bien notre souhait commun de préserver toutes les cultures du monde, et non seulement notre propre culture, contre les risques d'uniformisation.
Grâce à un régime d'exception pour la culture et l'audiovisuel dans les négociations OMC, il sera possible de préserver la marge de manoeuvre nécessaire pour mettre en place et gérer les instruments des politiques culturelles et audiovisuelles.
Des marges de manoeuvre devront être ménagées pour l'avenir. Demain, l'importance des échanges dématérialisés sera telle, qu'il importe de veiller à éviter qu'ils conduisent à une dénaturation des contenus que nous veillons par ailleurs à protéger. Quelle que soit son mode de diffusion, y compris par la voie du réseau internet, un service audiovisuel doit conserver cette nature. Ce principe de neutralité technologique est fondamental.
Il n'est pas certain que des négociations relatives au commerce électronique aient lieu pendant les prochaines négociations OMC. Mais, si tel était le cas, certains Etats seraient sans nul doute tentés d'exclure les services offerts via internet du régime des services, en soutenant que nous sommes en présence de biens virtuels, de marchandises immatérielles en quelque sorte. Les transactions relèveraient alors du GATT qui va plus loin dans la libéralisation que le GATS.
L'Union européenne défend au contraire l'idée que le mode de transmission d'un service ne modifie en rien la nature de ce dernier. Dès lors, ces transactions électroniques doivent être qualifiée de services. Ce principe de neutralité technologique a été consacré lors du précédent cycle de négociation, dès lors que l'ensemble des services audiovisuels, quel que soit leur mode de diffusion, et donc à priori via Internet, sont couverts. De même l'accord de 1997 sur les télécommunications de base distingue nettement le régime des contenus et celui des services.
Il me semble que l'intérêt de toutes les créations nationales est que cette qualification soit préservée. Il est compréhensible que les industries qui véhiculent les contenus se montrent plus favorables à la qualification la plus libérale, celles de biens. Mais, pour les industries de contenu, pour tous les auteurs que nous défendons ici, ne faut-il pas avant tout veiller scrupuleusement à la protection des oeuvres contre le piratage, au respect du droit de la propriété intellectuelle, qui garantissent l'intégrité et la valeur des oeuvres ?
Or, seule la qualification de services permet le respect des droits afférents aux oeuvres audiovisuelles. On ne saurait réclamer pour de simples marchandises le même degré de protection que pour des services audiovisuels.
III - Je voudrais, avant d'entamer nos débats, insister sur la responsabilité qui nous incombe, ainsi qu'à celle de l'UNESCO.
La prise de conscience de l'importance des enjeux liés à la préservation de la diversité culturelle a progressé sensiblement au cours des derniers mois. Je m'en réjouis et forme le voeu que nous poursuivions nos efforts en ce sens.
De nombreux forums ont en effet permis de débattre de ces questions. Je voudrais rappeler en premier lieu l'importance des travaux accomplis au sein de l'Unesco depuis la conférence de Stockholm sur la culture et le développement en 1998, et notamment à l'occasion de la table-ronde organisée en juin dernier sur le thème : "la culture : une marchandise pas comme les autres ?".
D'autres enceintes ont également pu être mobilisées pour rappeler l'importance de la protection et de la promotion de la diversité culturelle. C'est le cas du réseau de la francophonie qui s'est mobilisé. La cinquantaine de pays qui y participent ont notamment adopté à Moncton en septembre une déclaration qui reconnaît le droit des Etats d'établir librement leurs politiques culturelles.
Plus récemment à Oaxaca, au Mexique, 17 ministres de la culture appartenant au réseau informel sur les politiques culturelles ont adopté un rapport qui reconnaît lui aussi, sans ambiguïté, ce droit des Etats d'établir librement leurs politiques culturelles, ainsi que d'adopter les moyens et instruments nécessaires à leur mise en uvre.
La France ne mène pas un combat isolé. Elle a obtenu le soutien sans faille de l'Union européenne, puisque les quinze pays membres de l'Union se sont entendus il y a une dizaine de jours pour que le mandat donné à la Commission (chargée de négocier au nom et sous le contrôle des Etats membres de l'Union européenne) pour préparer les négociations commerciales multilatérales à venir, garantisse le maintien d'un régime d'exception pour la culture et l'audiovisuel.
Les conclusions du Conseil sont en effet très explicites, je cite : "l'Union veillera, pendant les prochaines négociations de l'OMC, à garantir, comme dans le cycle de l'Uruguay, la possibilité pour la Communauté et ses Etats-membres de préserver et de développer leur capacité à définir et mettre en uvre leurs politiques culturelles et audiovisuelles pour la préservation de leur diversité culturelle".
Il est sans précédent que les pays de l'Union européenne s'entendent ainsi, dès le début de négociations, sur une position aussi ferme. Nous abordons ainsi le cycle du millénaire dans une situation plus favorable que le cycle de l'Uruguay.
Je crois par ailleurs indispensable de rappeler que l'absence d'offre de libéralisation dans les secteurs de la culture et de l'audiovisuel est aujourd'hui la règle et non pas l'exception : sur les 134 Etats que compte l'OMC, seuls 19 Etats ont fait jusqu'ici des offres de libéralisation dans ce secteur, tandis que 113 n'en ont pas fait. Il me paraît important que ces 113 Etats membres de l'OMC restent sur cette position d'absence d'offre, et que les nouveaux adhérents à l'OMC sachent s'opposer aux pressions qu'ils pourraient subir pour qu'il en soit autrement.
Ce débat concerne tous les pays du monde, qu'ils appartiennent ou non au cercle des pays développés. Les pays en transition économique risquent particulièrement d'être soumis à des pressions pour qu'ils acceptent la libéralisation la plus absolue, mais leurs cultures et leurs identités méritent une protection d'autant plus forte qu'ils figurent au nombre des plus menacés.
Après la prise de position de l'Union européenne, après les différents débats organisés au cours de ces derniers mois, notre réunion d'aujourd'hui peut constituer une importante étape.
L'Unesco et les ministres de la culture qui s'y expriment aujourd'hui ont en effet un rôle central à jouer pour permettre la préservation de la diversité culturelle. L'Unesco doit faire entendre sa voix. Elle est l'instance la plus appropriée pour traiter de ces questions.
Ce débat auquel nous participons devra donc se poursuivre. L'Unesco constitue à mes yeux le cadre adéquat pour réfléchir ensemble sur les moyens de préserver la diversité culturelle face à la mondialisation, riche de potentialité notamment de diffusion des créations et des connaissances, mais aussi de menaces. Nous souhaitons probablement tous l'y encourager.
Notre réunion d'aujourd'hui constitue en tout cas une étape importante que je vous remercie, Monsieur le Directeur général, d'avoir organisé et à laquelle je vous remercie, Mesdames et Messieurs les ministres et chers collègues, d'avoir accepté de participer.
Notre rôle en tant que ministres de la culture est de montrer fermement notre détermination, d'affirmer clairement une prise de position politique forte en faveur de la diversité culturelle. Nous savons avoir besoin du soutien de la société civile, et de la solidarité de nos gouvernements, pour que notre position puisse avoir l'efficacité nécessaire. J'espère que notre débat nous permettra de donner un signal politique fort en faveur de la diversité culturelle, un signal que nul ne pourra ignorer.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 4 novembre 1999)
Mesdames et Messieurs les Ministres et chers collègues
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs
Mesdames et Messieurs
La table-ronde qui nous réunit aujourd'hui revêt une importance fondamentale. Des ministres de la culture du monde entier vont avoir l'occasion d'affirmer solennellement, et à un moment particulièrement opportun, leur attachement à la préservation de la diversité culturelle face à la mondialisation.
Et le fait que cette rencontre, sur ce thème, ait lieu ici, à l'Unesco me réjouit pleinement. Cette organisation internationale est en effet le lieu le plus approprié pour débattre de la diversité culturelle et des moyens de la préserver.
Les enjeux d'une affirmation de la diversité culturelle sont essentiels. Ils sont d'abord d'ordre culturel, mais ils sont aussi d'ordre économique et politique. Nous aurons l'occasion d'y revenir tout au long de cette matinée, mais je souhaiterais le rappeler à titre d'introduction à nos débats.
I - Des enjeux multiformes :
1.1. Le respect de la diversité culturelle est d'abord une exigence identitaire et culturelle.
Les biens culturels, il faudrait d'ailleurs parler de services pour ce qui concerne l'audiovisuel, sont essentiels à la préservation de l'identité des peuples et du lien social. Ils véhiculent des valeurs, des idées, du sens. Leur spécificité doit être clairement reconnue. Ce ne sont pas des marchandises comme les autres.
La mondialisation menace les identités culturelles et, si l'on n'y prend garde, elle engendrera une standardisation culturelle. La mondialisation pousse en effet à l'uniformisation des comportements et des modes de vie. Il importe certes de promouvoir des valeurs et des références communes à l'ensemble de l'humanité mais, sans oublier les spécificités léguées par le temps, sans oublier le respect des identités, sans négliger la richesse de la diversité des cultures. Banaliser le traitement de la culture ne permettrait pas de présenter les identités linguistiques et culturelles auxquelles nous tenons.
1.2. Affirmer l'importance de la diversité culturelle répond également à une exigence économique.
L'importance de ces enjeux économiques impose d'apporter des correctifs à la logique du Libre échange, qui impliquerait que la plupart des Etats renoncent à leurs industries culturelles et audiovisuelles, dès lors que des "produits" étrangers peuvent être importés à un moindre coût : les films hollywoodiens par exemple sont amortis sur un vaste marché avant d'être exportés à bas prix, sans subir l'obstacle de la langue.
Mais, les industries culturelles, les industries du savoir et de l'imaginaire sont des industries d'avenir, dont le poids est très important en terme d'emplois et de croissance économique. L'entrée dans la société de l'information, la prise en compte des nouvelles technologies mettent clairement en avant cette dimension économique étroitement imbriquée avec la dimension culturelle. Nous ne pouvons renoncer à ces activités.
1.3 La préservation et la promotion de la diversité culturelle correspond enfin à une exigence politique essentielle, puisqu'elle conditionne le pluralisme de l'expression artistique et des idées.
Préserver la possibilité pour tous les créateurs de s'exprimer, et celle des pouvoirs publics de les y aider m'apparaît comme un impératif. La culture et l'audiovisuel ne peuvent être régis par les seules lois du marché, abandonnés aux mains des techniciens et des financiers les mieux à même d'imposer leurs vues. La défense du pluralisme des idées et des expressions artistiques impose l'intervention régulatrice des Etats et des organisations internationales concernées.
Il est de notre responsabilité de prévenir l'avènement d'un monopole sur les images, de permettre l'accès de toutes les créations au marché, de manière équitable.
II - L'importance de ces enjeux impose donc la possibilité de pouvoir mener des politiques culturelles et audiovisuelles volontaristes
Ces enjeux nécessitent en effet la mise en place des politiques culturelles et audiovisuelles audacieuses, destinées notamment à compenser les déséquilibres constatés dans la production et le commerce de services culturels et audiovisuels. Ils imposent d'accroître les efforts en faveur du développement de la création et de la protection du patrimoine, par une action nationale et internationale déterminée.
Il sera en effet impossible de préserver les cultures nationales et les industries, parfois fragiles, qui en sont le vecteur, dans le contexte de mondialisation dont nous allons débattre, sans politiques volontaristes. Ces politiques, sur lesquelles nous reviendrons cette après midi, doivent créer un cadre favorable pour les créateurs, sans négliger les publics. L'élargissement de l'accès à la culture, sa démocratisation en d'autres termes, me semble en effet tout aussi nécessaire.
Il ne suffit pas de prendre conscience de la nécessité d'une intervention volontariste des pouvoirs publics. Encore faut-il préserver et développer la possibilité pour les gouvernements de définir et de mettre en uvre librement les instruments de leurs politiques culturelles et audiovisuelles.
Nous sommes désormais à quelques semaines de l'ouverture de la conférence de Seattle, qui marquera le début d'un nouveau cycle de négociations dans le cadre de l'OMC. Ces négociations ne doivent en aucun cas remettre en cause la capacité d'intervention des Etats dans la sphère culturelle. Il existe un moyen pour cela : la préservation de l'exception culturelle dans ces négociations, ce qui signifie le refus de prendre des engagements de libéralisation dans les négociations multilatérales.
Diversité culturelle et exception culturelle sont donc deux notions étroitement liées et complémentaires. L'exception culturelle est le moyen juridique, à mes yeux non négociable, d'atteindre l'objectif de diversité culturelle, concept plus récent fruit de réflexions dans le cadre de l'UNESCO, depuis la conférence de Stockholm en 1998. La diversité culturelle est un objectif positif, qui exprime bien notre souhait commun de préserver toutes les cultures du monde, et non seulement notre propre culture, contre les risques d'uniformisation.
Grâce à un régime d'exception pour la culture et l'audiovisuel dans les négociations OMC, il sera possible de préserver la marge de manoeuvre nécessaire pour mettre en place et gérer les instruments des politiques culturelles et audiovisuelles.
Des marges de manoeuvre devront être ménagées pour l'avenir. Demain, l'importance des échanges dématérialisés sera telle, qu'il importe de veiller à éviter qu'ils conduisent à une dénaturation des contenus que nous veillons par ailleurs à protéger. Quelle que soit son mode de diffusion, y compris par la voie du réseau internet, un service audiovisuel doit conserver cette nature. Ce principe de neutralité technologique est fondamental.
Il n'est pas certain que des négociations relatives au commerce électronique aient lieu pendant les prochaines négociations OMC. Mais, si tel était le cas, certains Etats seraient sans nul doute tentés d'exclure les services offerts via internet du régime des services, en soutenant que nous sommes en présence de biens virtuels, de marchandises immatérielles en quelque sorte. Les transactions relèveraient alors du GATT qui va plus loin dans la libéralisation que le GATS.
L'Union européenne défend au contraire l'idée que le mode de transmission d'un service ne modifie en rien la nature de ce dernier. Dès lors, ces transactions électroniques doivent être qualifiée de services. Ce principe de neutralité technologique a été consacré lors du précédent cycle de négociation, dès lors que l'ensemble des services audiovisuels, quel que soit leur mode de diffusion, et donc à priori via Internet, sont couverts. De même l'accord de 1997 sur les télécommunications de base distingue nettement le régime des contenus et celui des services.
Il me semble que l'intérêt de toutes les créations nationales est que cette qualification soit préservée. Il est compréhensible que les industries qui véhiculent les contenus se montrent plus favorables à la qualification la plus libérale, celles de biens. Mais, pour les industries de contenu, pour tous les auteurs que nous défendons ici, ne faut-il pas avant tout veiller scrupuleusement à la protection des oeuvres contre le piratage, au respect du droit de la propriété intellectuelle, qui garantissent l'intégrité et la valeur des oeuvres ?
Or, seule la qualification de services permet le respect des droits afférents aux oeuvres audiovisuelles. On ne saurait réclamer pour de simples marchandises le même degré de protection que pour des services audiovisuels.
III - Je voudrais, avant d'entamer nos débats, insister sur la responsabilité qui nous incombe, ainsi qu'à celle de l'UNESCO.
La prise de conscience de l'importance des enjeux liés à la préservation de la diversité culturelle a progressé sensiblement au cours des derniers mois. Je m'en réjouis et forme le voeu que nous poursuivions nos efforts en ce sens.
De nombreux forums ont en effet permis de débattre de ces questions. Je voudrais rappeler en premier lieu l'importance des travaux accomplis au sein de l'Unesco depuis la conférence de Stockholm sur la culture et le développement en 1998, et notamment à l'occasion de la table-ronde organisée en juin dernier sur le thème : "la culture : une marchandise pas comme les autres ?".
D'autres enceintes ont également pu être mobilisées pour rappeler l'importance de la protection et de la promotion de la diversité culturelle. C'est le cas du réseau de la francophonie qui s'est mobilisé. La cinquantaine de pays qui y participent ont notamment adopté à Moncton en septembre une déclaration qui reconnaît le droit des Etats d'établir librement leurs politiques culturelles.
Plus récemment à Oaxaca, au Mexique, 17 ministres de la culture appartenant au réseau informel sur les politiques culturelles ont adopté un rapport qui reconnaît lui aussi, sans ambiguïté, ce droit des Etats d'établir librement leurs politiques culturelles, ainsi que d'adopter les moyens et instruments nécessaires à leur mise en uvre.
La France ne mène pas un combat isolé. Elle a obtenu le soutien sans faille de l'Union européenne, puisque les quinze pays membres de l'Union se sont entendus il y a une dizaine de jours pour que le mandat donné à la Commission (chargée de négocier au nom et sous le contrôle des Etats membres de l'Union européenne) pour préparer les négociations commerciales multilatérales à venir, garantisse le maintien d'un régime d'exception pour la culture et l'audiovisuel.
Les conclusions du Conseil sont en effet très explicites, je cite : "l'Union veillera, pendant les prochaines négociations de l'OMC, à garantir, comme dans le cycle de l'Uruguay, la possibilité pour la Communauté et ses Etats-membres de préserver et de développer leur capacité à définir et mettre en uvre leurs politiques culturelles et audiovisuelles pour la préservation de leur diversité culturelle".
Il est sans précédent que les pays de l'Union européenne s'entendent ainsi, dès le début de négociations, sur une position aussi ferme. Nous abordons ainsi le cycle du millénaire dans une situation plus favorable que le cycle de l'Uruguay.
Je crois par ailleurs indispensable de rappeler que l'absence d'offre de libéralisation dans les secteurs de la culture et de l'audiovisuel est aujourd'hui la règle et non pas l'exception : sur les 134 Etats que compte l'OMC, seuls 19 Etats ont fait jusqu'ici des offres de libéralisation dans ce secteur, tandis que 113 n'en ont pas fait. Il me paraît important que ces 113 Etats membres de l'OMC restent sur cette position d'absence d'offre, et que les nouveaux adhérents à l'OMC sachent s'opposer aux pressions qu'ils pourraient subir pour qu'il en soit autrement.
Ce débat concerne tous les pays du monde, qu'ils appartiennent ou non au cercle des pays développés. Les pays en transition économique risquent particulièrement d'être soumis à des pressions pour qu'ils acceptent la libéralisation la plus absolue, mais leurs cultures et leurs identités méritent une protection d'autant plus forte qu'ils figurent au nombre des plus menacés.
Après la prise de position de l'Union européenne, après les différents débats organisés au cours de ces derniers mois, notre réunion d'aujourd'hui peut constituer une importante étape.
L'Unesco et les ministres de la culture qui s'y expriment aujourd'hui ont en effet un rôle central à jouer pour permettre la préservation de la diversité culturelle. L'Unesco doit faire entendre sa voix. Elle est l'instance la plus appropriée pour traiter de ces questions.
Ce débat auquel nous participons devra donc se poursuivre. L'Unesco constitue à mes yeux le cadre adéquat pour réfléchir ensemble sur les moyens de préserver la diversité culturelle face à la mondialisation, riche de potentialité notamment de diffusion des créations et des connaissances, mais aussi de menaces. Nous souhaitons probablement tous l'y encourager.
Notre réunion d'aujourd'hui constitue en tout cas une étape importante que je vous remercie, Monsieur le Directeur général, d'avoir organisé et à laquelle je vous remercie, Mesdames et Messieurs les ministres et chers collègues, d'avoir accepté de participer.
Notre rôle en tant que ministres de la culture est de montrer fermement notre détermination, d'affirmer clairement une prise de position politique forte en faveur de la diversité culturelle. Nous savons avoir besoin du soutien de la société civile, et de la solidarité de nos gouvernements, pour que notre position puisse avoir l'efficacité nécessaire. J'espère que notre débat nous permettra de donner un signal politique fort en faveur de la diversité culturelle, un signal que nul ne pourra ignorer.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 4 novembre 1999)