Texte intégral
Q - Monsieur le Ministre, tout au long de cette guerre, on a vu un certain nombre d'images et moi, en tant que personne sourde je n'ai pas accès à l'information sonore, et il y a une image qui m'a particulièrement marquée, c'est cette image de la statue de Saddam Hussein qui était jetée à terre et la population irakienne tout autour qui était visiblement en liesse et en voyant cela, je me disais finalement : les Américains n'avaient-ils pas raison d'intervenir ? Qu'en pensez-vous ?
R - C'est une bonne question. D'autant meilleure que nous nous sommes tous réjouis de la disparition du régime de Saddam Hussein. C'est toute la complexité de cette épreuve irakienne. Notez bien que je dis épreuve irakienne, car nous avions, je crois, un certain nombre d'objectifs communs dans la crise irakienne. Nous voulions tous, et c'est le sens de la mobilisation de la communauté internationale depuis la fin de la guerre du Golfe des années 1990-1991, obtenir le désarmement de l'Irak. S'agit-il simplement de désarmer l'Irak, pacifiquement si possible ? Faut-il au contraire aller plus loin et aller jusqu'à un changement de régime ? La question sur la scène internationale, c'est que la réponse à ces questions n'est pas neutre. Il y a d'importantes conséquences. Si l'on décide de s'attaquer aux dictatures, il faut prendre acte du fait qu'il y en a beaucoup sur la scène internationale. Et l'on rentre alors dans un principe d'incertitude, d'instabilité difficile à maîtriser. S'agit-il de se débarrasser de toutes les dictatures, de quelques-unes uniquement ? Selon quels critères ? Qui définit les critères ? La règle de la communauté internationale, c'est de respecter la légitimité de cette communauté.
Q - Monsieur le Ministre, les Américains ont affirmé, images et rapports à l'appui, que l'Irak possédait des armes de destruction massive. Aujourd'hui, cela pourrait être pareil pour la Syrie. Comment vous, en tant que ministre, en tant que responsable, en tant que décideur, vous pouvez voir le vrai du faux et vous faire votre propre opinion ?
R - C'est évidemment l'énorme difficulté du travail politique et diplomatique sur la scène internationale. Nous sommes, de ce point de vue, dans la même situation que beaucoup de ceux qui nous regardent. Il faut décrypter, déchiffrer, prendre des fragments des choses, et à partir de là recomposer, avec en permanence un double souci : d'abord, beaucoup d'humilité, car on se trompe parfois sur certaines des perceptions, on a des informations, il faut les recouper, parfois elles s'avèrent fausses, dans certains cas, elles sont confirmées. C'est donc un travail permanent de remise en cause, d'approfondissement, pour aller plus loin. Il faut déchiffrer la société, déchiffrer la politique, prendre en compte les facteurs historiques, l'expérience, se servir de l'intuition. Tout ceci compose peu à peu un paysage.
Lors de la fameuse réunion du 5 février, où les Américains ont voulu présenter un certain nombre de preuves de l'attitude irakienne répréhensible, ils avancent l'idée qu'il puisse y avoir un lien entre le terrorisme, Al Qaïda, et donc le 11 septembre, et le régime irakien, alors même que notre sentiment, c'est que ce lien là n'a jamais pu être prouvé. On voit donc que dans l'esprit, et c'est très fort aux Etats-Unis, d'un certain nombre de gens, l'Irak apparaît à la fois comme un pays où il y aurait des armes de destruction massive, un pays terroriste et donc un régime dictatorial, sur lequel nous sommes évidemment tous d'accord. Et donc le sentiment de devoir agir apparaît très fortement.
Aujourd'hui, le même type d'argumentation revient sur la Syrie : armes de destruction massive, terrorisme. Notre conviction, c'est qu'il faut éviter toute tentation d'amalgame.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 avril 2003)
R - C'est une bonne question. D'autant meilleure que nous nous sommes tous réjouis de la disparition du régime de Saddam Hussein. C'est toute la complexité de cette épreuve irakienne. Notez bien que je dis épreuve irakienne, car nous avions, je crois, un certain nombre d'objectifs communs dans la crise irakienne. Nous voulions tous, et c'est le sens de la mobilisation de la communauté internationale depuis la fin de la guerre du Golfe des années 1990-1991, obtenir le désarmement de l'Irak. S'agit-il simplement de désarmer l'Irak, pacifiquement si possible ? Faut-il au contraire aller plus loin et aller jusqu'à un changement de régime ? La question sur la scène internationale, c'est que la réponse à ces questions n'est pas neutre. Il y a d'importantes conséquences. Si l'on décide de s'attaquer aux dictatures, il faut prendre acte du fait qu'il y en a beaucoup sur la scène internationale. Et l'on rentre alors dans un principe d'incertitude, d'instabilité difficile à maîtriser. S'agit-il de se débarrasser de toutes les dictatures, de quelques-unes uniquement ? Selon quels critères ? Qui définit les critères ? La règle de la communauté internationale, c'est de respecter la légitimité de cette communauté.
Q - Monsieur le Ministre, les Américains ont affirmé, images et rapports à l'appui, que l'Irak possédait des armes de destruction massive. Aujourd'hui, cela pourrait être pareil pour la Syrie. Comment vous, en tant que ministre, en tant que responsable, en tant que décideur, vous pouvez voir le vrai du faux et vous faire votre propre opinion ?
R - C'est évidemment l'énorme difficulté du travail politique et diplomatique sur la scène internationale. Nous sommes, de ce point de vue, dans la même situation que beaucoup de ceux qui nous regardent. Il faut décrypter, déchiffrer, prendre des fragments des choses, et à partir de là recomposer, avec en permanence un double souci : d'abord, beaucoup d'humilité, car on se trompe parfois sur certaines des perceptions, on a des informations, il faut les recouper, parfois elles s'avèrent fausses, dans certains cas, elles sont confirmées. C'est donc un travail permanent de remise en cause, d'approfondissement, pour aller plus loin. Il faut déchiffrer la société, déchiffrer la politique, prendre en compte les facteurs historiques, l'expérience, se servir de l'intuition. Tout ceci compose peu à peu un paysage.
Lors de la fameuse réunion du 5 février, où les Américains ont voulu présenter un certain nombre de preuves de l'attitude irakienne répréhensible, ils avancent l'idée qu'il puisse y avoir un lien entre le terrorisme, Al Qaïda, et donc le 11 septembre, et le régime irakien, alors même que notre sentiment, c'est que ce lien là n'a jamais pu être prouvé. On voit donc que dans l'esprit, et c'est très fort aux Etats-Unis, d'un certain nombre de gens, l'Irak apparaît à la fois comme un pays où il y aurait des armes de destruction massive, un pays terroriste et donc un régime dictatorial, sur lequel nous sommes évidemment tous d'accord. Et donc le sentiment de devoir agir apparaît très fortement.
Aujourd'hui, le même type d'argumentation revient sur la Syrie : armes de destruction massive, terrorisme. Notre conviction, c'est qu'il faut éviter toute tentation d'amalgame.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 avril 2003)