Déclaration de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, sur les thèmes retenus pour la préparation de la charte de l'environnement : qualité de l'eau, inondations, protection du littoral, Nantes le 29 janvier 2003.

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Circonstance : 1ères assises territoriales de préparation de la Charte de l'environnement, à Nantes (Loire-Atlantique) le 29 janvier 2003

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Il y a vraiment un mot qui me vient à l'esprit pour conclure ces premières assises territoriales de préparation de la charte de l'environnement, c'est merci.
Merci d'abord à tous ceux qui ont permis, cette assise territoriale Bretagne-pays de la Loire.
Au premier rang, nos deux préfets de région et là, le principe de parité est observé, un homme et une femme préfets de région. Les DIREN, directeurs régionaux de l'environnement des deux régions qui ont vraiment préparé ces assises de mains de maîtres - ou de maîtresses. Là aussi un homme et une femme.
Merci à tous ceux qui ont participé aux débats départementaux. Car vous savez que ces assises inter-régionales ont été préparées par des ateliers départementaux animés aussi par nos préfets de départements que je remercie, comme les animateurs de cette assise, avec les experts, les responsables associatifs, les grands témoins. Et vraiment je salue la qualité des intervenants, des interventions, le foisonnement, l'attente.
Je l'ai mesuré. Je mesure aussi l'insatisfaction qu'a pu générer l'exercice. Il y en a beaucoup qui auraient souhaité s'exprimer plus longuement, certains même ne l'ont pas pu du tout. Je veux vous dire que la consultation continue dans le mois qui vient. La consultation continue sur le site internet de la charte de l'environnement et vous pouvez aussi envoyer vos contributions dans les deux préfectures de région. N'est-ce pas madame et monsieur le préfet de région ? Et bien entendu, ces contributions seront analysées et participeront à notre débat.
Nous avions ensemble choisi trois thèmes : qualité de l'eau, inondation, protection du littoral.
Ces trois thèmes montrent bien que l'exercice de la charte de l'environnement n'est pas un exercice purement intellectuel, mais à travers les thèmes évoqués ce sont bien les thèmes de notre vie quotidienne dans nos deux régions qui imprègnent cette réflexion. Alors, comment est-ce que nous allons faire vivre cette charte de l'environnement ? Un certain nombre de journalistes qui erraient dans les couloirs et qui interviewaient les uns et les autres se demandaient si ce n'était pas justement un exercice pour rien. D'abord, nous l'avons bien vu, cette charte est un succès dans sa préparation elle-même. Les citoyens de nos deux régions se sont appropriés le débat.
Ensuite, la méthodologie a permis, et les deux rapporteurs sur chaque atelier en sont le témoignage, de mêler utilement l'approche scientifique et l'approche juridique. C'est bien cette méthodologie qui nous sort des querelles politiciennes stériles. Nous abordons l'écologie, l'environnement, d'une manière plus professionnelle. J'ai remarqué que de façon récurrente au cours des trois ateliers où je me suis rendue successivement revenait sans arrêt le terme d'évaluation. C'est sans doute la nouvelle démarche à laquelle nous sommes invités et qui nous sortira des cénacles fermés qu'ils soient les cénacles des experts ou les cénacles des politiques. Et puis bien sûr, à terme, ce ne sera pas un chantier pour rien car les six rapporteurs nous l'ont dit, ont insisté sur l'importance et sur l'influence qu'auraient dans notre vie publique une charte de l'environnement.
Je ne vais pas refaire les synthèses brillantes qui viennent d'être faites devant vous. Mais, nous voyons bien que le débat qui va nous occuper pendant les deux mois n'est pas un débat en trompe l'il dont les solutions sont d'ores et déjà trouvées. Je ne suis pas venue devant vous faire la synthèse avec un discours écrit. Certains m'ont vue prendre des notes pendant les ateliers et pendant le compte-rendu. Le débat est ouvert. Il commence. Nous voyons bien que les principes contenus par ailleurs de façon dispersée dans notre droit méritent d'être enrichis, d'être expliqués, d'être complétés, d'être officialisés, d'être institutionnalisés.
Certains font l'unanimité sans même qu'on ait besoin d'ouvrir le débat. J'ai l'impression, j'ai le sentiment que le principe de prévention, par exemple, a fait une assez large unanimité dans l'ensemble de nos travaux.
Le principe de précaution déjà ouvre plus le débat. Selon certains le principe de précaution, s'il n'est pas vu d'une façon dynamique, ouverte, peut être l'occasion d'une vision passéiste, d'un repli sur soi-même. On voit bien qu'il ne doit pas, ce principe de précaution, être une sorte de refus de la science et du progrès. Le progrès qui, par ailleurs comme l'a dit le Président de la République, pourra nous permettre justement d'avoir cette démarche de développement durable que nous appelons de nos vux et qui est tout a fait cohérente avec une démarche de protection.
Un exemple : tout le monde condamne à juste titre les américains pour leur refus de signer le protocole de Kyoto. Mais en même temps, ne vous y trompez pas, les industriels et les scientifiques américains se mobilisent sur les procédés et les processus qui nous permettent et nous permettront de mettre en oeuvre l'accord de Kyoto. Il serait quand même tout à fait extraordinaire que les américains d'un côté ne signe pas le protocole de Kyoto et d'un autre viennent en Europe nous vendre les procédés scientifiques qui nous permettraient de le respecter.
Il y a des principes qui sont carrément et profondément contestés et qui ouvrent le débat et qui mériteront, à n'en pas douter, que notre commission de la charte se penche dessus de façon plus active, plus approfondie, plus acérée qu'elle ne l'a fait jusqu'ici dans ses travaux. C'est à l'évidence, le cas du principe pollueur-payeur.
Tout le monde dans les ateliers a stigmatisé le risque des effets pervers d'une sorte de droit à polluer que pourrait constituer l'énoncé sec du principe au plus haut niveau de notre Constitution.
On ouvre, par exemple, le débat sur la fiscalité écologique. Il est vrai que la fiscalité écologique a été de la part de nos financiers considérée plutôt comme une pompe à argent public. Donc dont le but était d'avoir des contributions les plus faibles et les plus étendues possibles pour constituer une source d'argent pour l'Etat ou les collectivités territoriales, mais en aucun cas pour constituer un empêchement à polluer. Alors qu'à terme la fiscalité écologique doit avoir pour but de ne pas rapporter d'argent à l'Etat ou aux collectivités territoriales puisqu'à ce moment là, les pollueurs auront rempli leurs obligations et ils ne paieront plus.
Vous voyez donc que c'est à une révolution culturelle de l'Etat et des décideurs publics que nous invite l'application du principe pollueur-payeur. Et bien entendu aussi, il nous invite à réviser ou à mettre en cohérence le principe pollueur- payeur et le principe d'équité, qui irrigue l'ensemble de la solidarité nationale.
Un pollueur peut-être un payeur, bien entendu. Mais, il peut aussi être un pollueur qui a besoin d'être aidé à remplir ses obligations parce qu'il est dans une situation sociale extrêmement difficile.
Et puis, il y a des principes qui font l'unanimité mais qui ont sans doute besoin d'être complétés et d'être expliqués.
La responsabilité est un principe qui a irrigué l'ensemble de vos travaux. Mais un principe de responsabilité implique que les gens qui sont appelés à l'exercer aient reçu les moyens de l'exercer en vérité c'est à dire que le principe de responsabilité doit absolument être complété par le droit, l'exigence d'éducation, l'exigence d'information - on a même parlé je crois d'ardente obligation.
Ce principe d'éducation est évidemment fondamental car on se demande souvent quel monde nous allons laisser à nos enfants, mais moi je me demande souvent quels enfants nous allons laisser à notre monde et je pense que cette question est au moins aussi importante.
On voit bien à travers le thème des inondations par exemple, que cette culture, ou plus exactement cette conscience du risque, participe d'une démarche novatrice, d'une véritable révolution culturelle pour aborder de façon pragmatique et de façon durable ces problématiques environnementales complexes.
Alors, mesdames, messieurs, finalement ce débat sur la charte, ici à Nantes avec nos deux régions Pays de la Loire - Bretagne, vous l'avez abordé de la bonne façon. C'est à dire vous l'avez abordé comme un débat en soi, un débat qui nous appelait à transcender nos clivages.
Entre les experts scientifiques et les responsables associatifs, que je veux saluer car ils ont été les premiers à être les artisans de la protection de l'environnement.
A surmonter nos clivages politiciens. Je salue tous les élus de toutes tendances politiques qui sont là.
Et puis même à surmonter certains clivages entre nos régions. Le professeur Coppens a tenu des propos dont je lui laisse au début de son introduction l'entière responsabilité.
Mais vous avez ouvert en surmontant ces clivages, des perspectives fortes à cette charte de l'environnement. D'abord, vous avez dit que la charte nous invitait à proclamer des droits, certes, mais d'abord des devoirs. Et elle nous renvoie à notre responsabilité individuelle. Un texte ne saurait, en aucune façon, être le cache-misère de cette responsabilité environnementale que nous devons exercer chacun et chacune.
Le thème de l'eau a sans doute été le plus porteur en ce domaine. Une présidente d'association disait "mais nous sommes tous des pollueurs".
Ensuite, et pour remonter la chaîne de responsabilité, certes l'Etat est producteur de normes et en édictant une charte de l'environnement il remplit bien ce rôle majeur, régalien de l'édiction des normes qu'il a. Mais ce n'est pas pour capter le pouvoir à lui tout seul et ce serait incohérent avec la démarche voulue par le Premier ministre d'une nouvelle étape de la décentralisation, mais cette charte édictant des normes irriguera aussi les politiques territoriales. Et certainement que des choses qui ont été faites par le passé ne pourront plus se faire. Je sors d'une réunion très dure, très émouvante, qui nous appelait à l'action avec mes autres collègues ministres sur Metaleurop, drame social bien sûr, mais drame écologique aussi. On est tout à fait stupéfaits de voir qu'un certain nombre d'élus de toutes tendances ont pensé que l'on pouvait choisir l'emploi en abandonnant la santé et que maintenant il y a des gens qui ont perdu, et leur emploi et la santé, et que chaque fois que l'on fera ce genre de choix, on ira dans le mur.
Ensuite, cette charte nous appelle à l'action au sein du gouvernement à l'échelon national. Notamment par des lois qui devront enrichir à chaque pas cette charte de l'environnement. Et puis nos plans d'action, notre action gouvernementale et je remercie Monsieur Romi d'avoir dit que le plan inondation que j'avais présenté et la loi sur les risques avaient tout simplement anticipés le débat que nous menons aujourd'hui.
Et puis à travers l'ensemble des ateliers et plus précisément dans l'atelier sur la protection du littoral est ressorti parfois un sentiment d'impuissance. Car nous allons faire une charte de l'environnement mais on voit tellement que cette problématique est au moins au niveau européen, sinon au niveau mondial et le Président de la République en a largement parlé dans son propos de lancement de nos assises territoriales de la charte. Oui c'est vrai qu'un sentiment de découragement venait. Je le sentais poindre. Une charte, mais uniquement nationale, est-ce que cela sert à quelque chose ? Et bien, oui. Bien entendu. Parce qu'il faut réformer l'organisation maritime internationale, il faut renforcer la législation européenne, il faut nous ouvrir vers une gouvernance mondiale de l'environnement comme il existe une gouvernance mondiale du commerce et dans ce domaine, la France doit être un précurseur.
Rappelez-vous en 1789, nous avons inscrit les droits du citoyen, nous les avons lancés dans le monde et il n'y a pas une démocratie actuellement qui ne se réfère à cette déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.
Et bien, de la même façon, nous avons lancé aujourd'hui à Nantes, un chantier qui n'est pas seulement national, mais qui est un chantier mondial, car nos devoirs seront les droits de nos enfants.
Merci d'y avoir participé.
(Source http://www.charte.environnement.gouv.fr, le 19 mars 2003)