Interview de M. Renaud Donnedieu de Vabres, porte-parole de l'UMP, à France 2 le 16 avril 2003, sur la fin du conflit en Irak, les relations entre la France et les Etats-Unis et la réforme des retraites.

Prononcé le

Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

G. Leclerc-. Alors près d'un mois après le déclenchement de la guerre en Irak, S. Hussein est tombé, l'opposition irakienne s'est réunie pour la première fois. Le terroriste Abou Abbas a été arrêté. Est-ce que les Américains n'ont pas gagné le pari de leur intervention contre l'avis de la France ?
- "Vous savez, on ne peut que se réjouir de la destitution de S. Hussein. Que se réjouir qu'aucune arme de destruction massive chimique ou bactériologique n'ait été utilisée contre la population irakienne ou contre les forces britanniques ou américaines. "
n'ont même été trouvées d'ailleurs. Ca a été la cause de la guerre au départ. ?
- "On verra. Nous n'avons pas jamais dit s'il y en avait ou s'il n'y en avait pas. Il y a devant, j'allais dire, la communauté internationale aujourd'hui a transformé une victoire militaire en victoire politique. Et ça, ce n'est pas fait. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons, non pas par idéologie, non pas pour revenir dans le jeu de manière artificielle comme on pourrait le penser, que ce soit l'ensemble de la communauté internationale avec l'ONU qui s'engagent à la reconstruction politique de l'Irak. Parce qu'aujourd'hui, vous voyez bien, qu'il y a quand même une atmosphère de guerre civile. Il y a le problème que les troupes américaines et britanniques doivent apparaître comme des troupes de véritable libération, de construction d'une nouvelle démocratie politique. Et donc c'est la raison pour laquelle aujourd'hui, tout le monde doit se rassembler. Le problème n'est pas de savoir si par rapport à l'Irak nous avons eu tort ou raison. Le problème, c'est que le monde aujourd'hui est une poudrière et qu'il faut adopter une méthode applicable partout, pour qu'il n'y ait pas deux poids, deux mesures. C'est pour ça que d'une certaine manière nous continuons à penser aussi paradoxal que ça puisse paraître, que nous sommes les meilleurs alliés des Américains, parce que nous sommes préoccupés par une réalité : c'est le terrorisme. Et donc si on s'engage dans la spirale de la haine et du terrorisme, dans la région ou ailleurs. Qui sera le vainqueur ? "
Et quand vous voyez justement que les Américains ont l'air de dire un peu après l'Irak, la Syrie. Syrie qui est accusée d'être une menace, d'avoir des armes de destruction massive, de recueillir les terroristes etc, ça vous inquiète ? Ou c'est logique dans la logique des Américains ?
- "Non, mais attendez, la logique des Américains, elle doit correspondre à la logique de la sécurité internationale, je ne dis pas à la logique de l'ONU, à la logique de la sécurité internationale. "
Et là c'est le cas ?
- "A la logique des priorités. Alors la priorité dans la région, c'est la réouverture d'un processus de paix entre Israël et l'Etat palestinien. Ca c'est une vraie priorité. Et il faut si vous voulez qu'on interrompe cet engrenage de haine et de violence qui débouchent ensuite le terrorisme qui est à l'uvre et que l'on rentre dans une spirale, cette fois-ci vertueuse qui est celle de la paix raisonnablement construite. Et donc aujourd'hui, la priorité c'est une sorte de conférence internationale, de réunion de toutes les parties dans cette région pour que la menace terroriste disparaisse et que le processus de paix permettant à Israël et à l'Etat palestinien d'être viables avec des frontières reconnues, en sécurité pour chaque Etat, c'est ça la priorité et permettez-moi de vous dire que sur ce sujet, tous les pays de l'Union européenne sont d'accord. "
En attendant, la France " rame " entre guillemets. J. Chirac a appelé hier pour la première fois à nouveau à un entretien, un contact téléphonique avec G. Bush. Les Américains l'ont qualifié de professionnel.
- "Alors vous savez, il y a une grande méprise, aujourd'hui, entre les Américains et les Français et je crois qu'il faut la dissiper. Pourquoi est-ce qu'il y a une méprise ? Pourquoi est-ce qu'ils nous en veulent ? Pourquoi est-ce que d'une certaine manière ils considèrent que nous sommes des salauds et des traites ? C'est que pour le peuple américain, on a dit qu'il y avait un lien direct entre S. Hussein et Al Qaida ou Ben Laden. Et donc nous sommes pris à ce moment-là, si ce lien était vérifié, ce qui n'est pas le cas à l'heure ou je vous parle. Si ce lien était vérifié, alors effectivement les Français auraient manqué à leur devoir de solidarité par rapport au terrorisme. Ce lien aujourd'hui, aucun service de renseignements dans le monde ne peut établir qu'il y a un lien entre S. Hussein et Al Qaida. "
Oui, mais la
- "Et donc il faut qu'on le dise aux Américains, parce que sinon c'est pour ça qu'ils nous considèrent si vous voulez comme des alliés défaillants. "
Oui, mais la réalité c'est les appels au boycott. C'est un secrétaire américain adjoint à la Défense, qui dit que la France devra payer pour son opposition à l'intervention, enfin tout ça, il y a une fracture non entre la France et les Etats-Unis ?
- "Oui. Mais attendez, je suis en train de vous l'expliquer. C'est-à-dire que la fracture, elle est née au fond"
D'un malentendu.
- "On serait en défaut sur le plan du terrorisme parce qu'on leur a dit que S. Hussein, Al Qaida, Ben Laden c'était la même chose. Alors je suis heureux de constater que le dialogue renaît. Ce n'est pas la peine de se rassurer à bon compte, ça ne va pas être évident, ni facile, c'est nécessaire, parce que nous sommes des alliés voilà. Alors entre alliés on a le droit de se dire un certain nombre de choses, on a le droit d'exprimer des priorités politiques, de vouloir un pluralisme dans l'organisation internationale. Et pour autant, nous sommes des alliés et nous n'avons jamais été défaillants dès lors que l'intérêt vital des Etats-Unis était en cause. Jamais. "
Alors autre sujet, les retraites. On entre dans la phase finale, si on en croit un sondage, 66 % des Français sont plutôt inquiets, on observe un durcissement des syndicats. Est-ce que l'affaire n'est pas mal engagée ?
- "Non, je crois qu'elle est très bien engagée. C'est la raison pour laquelle d'ailleurs la gauche n'en parle pas parce qu'elle préfère maintenant parler des questions de santé. Parce qu'elle sent que le gouvernement de J.-P. Raffarin va réussir cette réforme. Cette réforme c'est quoi ? C'est garantir à chaque français la pérennité du système de retraites par répartition. Garantir. Parce que vous savez quand on parle d'une réforme, les Français se disent toujours : Qu'est-ce qu'on va me piquer ? Et c'est normal qu'ils se disent ça. Parce qu'on sait très bien qu'aujourd'hui, les chiffres ne sont pas bons, que si on veut garantir l'avenir, il va falloir bouger. Alors il faut bouger de manière équitable, le premier élément de l'équité que ce gouvernement va réussir, c'est d'accorder un minimum retraite à chaque français. Et ça c'est une grande révolution, parce que vous avez aujourd'hui, trop de Françaises et trop de Français, qui ont des retraites minables, en-deça d'un seuil absolument inacceptable. Donc notre premier objectif, c'est le minimum retraite que ce gouvernement va instituer pour la première fois. La deuxième chose, c'est évidemment un système équitable entre le privé et le public, non pas l'un contre l'autre, mais tous ensemble pour faire fonctionner le système. "
Et le rapport de la Cour des Comptes à propos de la retraite des fonctionnaires, qui parle d'opacité, de situation abusive, ça vous arrange, c'est une aubaine pour vous ?
- "Non écoutez, je ne sais pas si c'est une aubaine, c'est une réalité qui se pose. Et donc il faut que le système effectivement soit transparent. Parce que si les gens ont le sentiment qu'il y a des petits trucs cachés et qu'il y ait un système un système dissymétrique, alors à ce moment-là, il y aura des blocages. On doit avoir un système, non pas rigide, parce que les Français ont droit de vouloir faire leur propre programmation, mais un système applicable à chacun, c'est notre objectif. Je peux vous dire là-dessus, qu'il y a une osmose totale entre le Président de la République, J.-P. Raffarin, son gouvernement et la majorité présidentielle. Nous sommes absolument déterminés à aller jusqu'au bout et vous verrez qu'au 14 juillet quand on commentera cette réforme qui à ce moment-là sera intervenue, toutes celles et tous ceux qui aujourd'hui disent : " Oh ! lalala, il y a du flottement ça ne va pas assez vite ", seront obligés de constater qu'acte un, scène un, cette réforme est derrière nous. "
Alors justement, puisque vous en parlez, il y a effectivement un peu, un sentiment un peu de flottement. Les sondages qui sont un peu moins bons. Il y a les grosses inquiétudes sur la situation économique, sur le chômage. Est-ce qu'il n'y a pas un début d'essoufflement ? Certains ministres qui sont contestés. Est-ce qu'il n'y a pas un début d'essoufflement du gouvernement Raffarin ?
- "Non. Nous, nous parlons avec franchise. La réalité économique, elle est difficile, le chômage malheureusement, il avait déjà recommencé à augmenter du temps de Jospin"
Là il augmente depuis un an. Là maintenant.
- "Attendez, il continue à augmenter dans les 10 derniers mois du gouvernement de M. Jospin, il avait augmenté. Alors ce qui est un problème pour nous, c'est l'absence de croissance internationale suffisante. Parce que la croissance ça permet si vous voulez, de parvenir à des résultats, le plus important étant l'emploi. Donc la réalité, elle est difficile. On s'approche si vous voulez d'échéances d'anniversaire. D'un an de l'élection présidentielle et du gouvernement, nous ne sommes pas plein d'autosatisfaction, nous ne sommes pas les "lou ravis" du moment. La réalité, elle est difficile, nous avons des réformes que nous entreprenons, on ne fait pas ça pour avoir des résultats uniquement dans cinq ans, mais au jour le jour. La réalité est difficile, mais nous sommes des bosseurs. "
(Source http://www.rddv.com, le 16 avril 2003)