Déclaration de M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, sur le développement des échanges économiques et commerciaux entre la France et les pays de l'ASEAN, Paris, le 24 mai 2000.

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Circonstance : Séminaire de l'ASEAN sur le développement d'une nouvelle économie régionale, à Paris, le 24 mai 2000

Texte intégral

Messieurs les ministres, Messieurs les ambassadeurs, Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi de vous dire, en préambule, le plaisir que j'ai à me retrouver aujourd'hui devant cette éminente et importante assemblée, pour ouvrir, avec mon collègue M. Abhisit Vejjajiva, ce séminaire sur l'ASEAN et ses projets de coopération régionale, qui est de nature me semble-t-il à donner aux entrepreneurs français des raisons supplémentaires d'investir dans cette zone.
Le rééquilibrage de l'économie mondiale au profit du continent asiatique est l'un des principaux faits marquants du siècle. Au cours de ces quarante dernières années, la part de l'Asie dans le PIB mondial est passée de 10 à 25%. C'est une évolution considérable, probablement sans précédent. Mais la crise macro-économique et financière qui a balayé la région en 1997 et 1998 a pu donner l'impression que l'Asie de l'Est avait atteint ses limites. En réalité, la reprise que connaissent la plupart des pays de la région vient rappeler que le continent asiatique conserve une marge de progression parmi les plus importantes du monde.
La rapidité de cette reprise doit beaucoup aux politiques macro-économiques mises en oeuvre dans de nombreux pays, mais aussi au dynamisme et aux qualités des hommes : offre de travail abondante, et de qualité croissante épargne élevée et bon potentiel de productivité sont toujours les caractéristiques de l'Asie émergente. Par ailleurs, les concours financiers substantiels apportés par la communauté internationale ont contribué de façon cruciale au retour de la stabilité et de la confiance, dans un contexte international porteur. La crise a toutefois rouvert l'éventail des économies de la zone qui tendait à se resserrer, mais ce phénomène n'est probablement que temporaire, je l'espère.
Avec une croissance annuelle moyenne comprise entre 5 et 6%, l'Asie devrait rester au cours de la prochaine décennie l'une des premières zones d'expansion dans de nombreux domaines, notamment le transport aérien, l'automobile, la grande distribution, l'énergie, les services liés à l'environnement, l'électronique et les NTIC.
Au sein de ce continent riche de promesses, l'ASEAN est aujourd'hui, avec une population de plus de 500 millions d'habitants, le quatrième marché mondial, après l'Union Européenne, les Etats-Unis et le Japon. C'est un formidable potentiel que les entreprises françaises ne peuvent ignorer.
Mais je crois qu'il y a aujourd'hui un besoin d'Europe en Asie comme il y a un besoin d'Asie en Europe : la crise et le rebond soulignent l'importance d'un partenaire européen au-delà des Etats-Unis incontournables et des géants asiatiques que sont le Japon et la Chine. Les entreprises européennes, et en particulier françaises, ont bien perçu cette attente et n'ont pas quitté l'Asie pendant la tempête mais au contraire accentué leurs efforts. Ce séminaire, organisé par MEDEF-International et le Bureau des Investissements Thaïlandais vient donc très à propos nous apporter de nouveaux éclairages sur l'ASEAN et ses opportunités.
Pris ensemble, les pays de l'ASEAN sont notre premier partenaire partenaire commercial en Asie. En 1999, nos échanges avec eux n'ont cependant représenté que 21% de nos exportations et 22% de nos importations avec le continent asiatique. Sans être négligeable, le commerce extérieur de la France avec cette zone reste donc modeste et ne me semble pas à la hauteur de l'importance de nos économies respectives, malgré les progrès qui ont été enregistrés depuis le début de la décennie.
Naturellement, la crise traversée à des degrés divers en 1997-98 a eu un impact important sur nos exportations : la contraction de la demande régionale a entraîné une baisse de plus de 45% de nos exportations, qui sont passées de 50 milliards de francs en 1997 à 27 milliards de francs en 1999.
Par contre et contrairement à nos exportations, nos importations, notamment de biens d'équipement et de biens intermédiaires, ont continué d'augmenter d'environ 5% par an, pour atteindre 46 milliards de francs en 1999.
Ainsi la France, comme l'ensemble de l'Union Européenne, a contribué activement au redressement des pays de l'ASEAN, qui doit beaucoup à la vigueur de la demande occidentale pendant cette période. C'est ainsi que la progression de nos importations, étroitement liée au niveau d'industrialisation des économies de la région, en particulier dans le secteur électronique, a entraîné une dégradation de notre déficit commercial avec l'ASEAN qui s'est creusé pour atteindre 18 milliards de francs en 1999, après avoir enregistré un excédent historique de 9 milliards de francs en 1997.
Je suis loin d'adhérer aux thèses mercantilistes ni de prôner un quelconque fétichisme à l'égard des chiffres de notre commerce extérieur, mais je crois que cette situation n'est satisfaisante pour personne à long terme, et en particulier pour les pays de l'ASEAN, car elle reflète un moindre recours aux biens d'équipement dont ils ont besoin pour bâtir un développement durable.
Au-delà de l'augmentation souhaitable de nos échanges commerciaux, les investissements de nos entreprises constituent aujourd'hui le point principal de nos relations économiques avec l'ASEAN. La crise asiatique a montré que l'investissement direct étranger restait le moyen le plus efficace et le plus rapide d'apporter l'expertise, l'expérience et le savoir-faire nécessaires aux restructurations et aux assainissements engagés dans la région. A cet égard, nos entreprises ont poursuivi leur développement dans les pays de cette zone qui accueillent aujourd'hui près de 1 000 filiales françaises employant environ 90 000 personnes.
Elles montrent un intérêt croissant pour les pays de l'ASEAN comme l'illustre le développement des flux d'investissements français qui sont passés de 2,5 milliards de francs en 1996 à près de 8 milliards de francs en 1998, alors que les investissements directs étrangers avaient reculé, selon la CNUCED, de plus de 21% dans les pays de la région au cours de cette période. La France s'est ainsi hissée au rang de onzième investisseur étranger et de troisième investisseur européen, derrière les Pays-Bas et l'Allemagne, avec une part de 6% des flux d'investissements directs étrangers entrants dans la zone. La présence française se distingue notamment dans les hydrocarbures, les services liés à l'environnement, l'électronique et les télécommunications, le matériel électrique, l'industrie agro-alimentaire, la grande distribution, la chimie, le BTP, les services informatiques, l'industrie du ciment, le tourisme, la banque et l'assurance.
Dans la plupart de ces domaines, la présence française s'est renforcée pendant et après la crise ; permettez-moi d'en donner quelques exemples récents, bien entendu sans prétention d'exhaustivité :
- TotalFinaElf a annoncé en décembre 1999 la mise en production du champ de Peciko, situé au large de l'île de Bornéo.
- Sita, filiale du groupe Suez Lyonnaise des Eaux, et le groupe singapourien SembCorp Industries ont signé en septembre 1999 un accord de partenariat pour regrouper leurs activités dans la collecte et le traitement des déchets.
- Vivendi Water a remporté au mois d'avril dernier aux Philippines la concession du service d'eau potable et d'assainissement de la zone économique de Clark.
- Thomson-CSF est devenu en septembre 1999 le premier actionnaire industriel de la société singapourienne Avimo.
- Alcatel construit en Malaisie, à Cyberjaya, au sein du Multimedia Super Corridor, un centre régional sur les technologies mobiles, la commutation et l'accès.
- Schneider Electric a décidé en 1998 d'implanter une usine de production au Vietnam, près de Saigon.
- Danone a pris le contrôle en 1998 de la société Aqua, leader des eaux minérales en Indonésie.
- Casino a racheté en 1999 en Thaïlande les hypermarchés Big C.
- Carrefour prévoit d'ouvrir cette année en Indonésie son septième magasin.
- Rhône-Poulenc a inauguré à Singapour un centre régional de nutrition animale.
- Bouygues a pris une participation dans la société thaïlandaise Tipco Asphalt.
- Team Partner Group, implanté de longue date en Malaisie y développe depuis peu des systèmes pour les établissements hospitaliers de la région.
- le groupe BNP-Paribas fait partie depuis 1999 des 4 Qualifying Full Banks autorisées à développer à Singapour leurs activités de banque de détail.
- Publicis a pris une participation dans le groupe malais de publicité et de communication Wet Desert.
Sur cette base déjà solide, l'amélioration de la conjoncture régionale, conjuguée à la mise en uvre de réformes structurelles telles que la restructuration du secteur financier, les privatisations et l'assouplissement des règles relatives à l'investissement étranger devraient permettre à nos entreprises de poursuivre leur développement dans les pays de l'ASEAN, en particulier dans le cadre de l'AFTA (ASEAN Free Trade Area), future zone de libre échange, et de l'AIA (ASEAN Investment Area), zone d'investissement privilégiée. La coordination des politiques macro-économiques, notamment dans le cadre de l'ASEAN, a un rôle important à jouer pour promouvoir le dynamisme de la région et réduire le risque de crise à l'avenir. A cet égard, des réformes encore plus profondes seront nécessaires pour permettre à l'Asie de retrouver son rythme de croissance antérieur. Les efforts d'assainissement des bilans et de restructuration des banques et des entreprises restent en effet indispensables pour renforcer l'investissement étranger, même si la France ne méconnaît pas la nécessité d'une démarche progressive pour préserver la cohésion du tissu économique et social.
Je ne peux donc qu'inciter les entreprises présentes ici aujourd'hui à tourner davantage leurs regards vers l'ASEAN.
Je voudrais, avant de conclure rappeler brièvement les outils que nous avons mis en place pour appuyer leur action, et qui sont particulièrement adaptés à ce contexte.
- les PME auxquelles j'attache une très grande importance comme vous le savez, ont la possibilité de bénéficier de l'assurance-prospection, destinée à encourager les entreprises exportatrices dans la recherche de nouveaux marchés en allégeant leur charge de trésorerie et en les indemnisant en cas d'échec de leurs actions de prospection à l'étranger. Les dépenses liées à la création d'une filiale commerciale à l'étranger peuvent notamment être prises en compte, afin de faciliter une véritable implantation dans la zone.
- par l'intermédiaire du Partenariat Industriel et Technologique piloté par le CFME ACTIM, les entreprises peuvent rencontrer des partenaires potentiels pour des transferts de technologie ou des joint-ventures. Ce programme est d'ores et déjà opérationnel avec la Thaïlande, la Malaisie, et l'Indonésie.
Les entreprises françaises peuvent bénéficier par ailleurs de deux types de garanties pour leurs implantations à l'étranger :
- la garantie COFACE contre le risque politique :
La procédure de garantie publique des investissements directs à l'étranger permet aux entreprises françaises de protéger leurs investissements contre les risques politiques sur une longue durée. Les entreprises éligibles sont celles qui réalisent un investissement nouveau à l'étranger supérieur à 100 MF, quelque soit le secteur d'activité concerné.
De nombreux projets ont ainsi été pris en garantie dans les pays de l'ASEAN, qui représentent 25% de l'encours total.
- le FASEP-Garantie : garantie contre le risque économique pour les PME :
Les PME françaises peuvent solliciter depuis juillet 1999 une nouvelle aide destinée à favoriser leurs investissements et à encourager leurs implantations à l'étranger.
Le FASEP-Garantie couvre le risque économique. Il est exclusif de toute autre garantie publique contre les mêmes risques, mais peut se cumuler avec la garantie des investissements contre le risque politique gérée par la COFACE, qu'il complète pour les PME.
Par ailleurs, la France a signé avec la plupart des pays de l'ASEAN des conventions bilatérales de protection et d'encouragement des investissements, ainsi que des conventions fiscales de non double imposition.
Je souhaiterais saisir l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui devant des responsables politiques ou administratifs des pays de l'ASEAN ayant à connaître de ces outils pour dire l'importance que j'y attache, pour la sécurité, la transparence et donc le développement des investissements.
Cette importance justifie leur conclusion (ou leur ratification rapide) là où ce n'est pas encore le cas, ainsi que leur adaptation progressive aux nouveaux enjeux des investissements internationaux.
Je pense en particulier à l'élimination des pratiques restrictives et discriminatoires déguisées, aux dispositions sur l'accueil du personnel étranger nécessaire au moins dans une première étape, aux problèmes posés par l'existence des entités régionales ne s'estimant pas toujours liées par ces accords, ou à la nécessité de dispositifs efficaces de juridiction et d'arbitrage en cas de contentieux.
Messieurs les Ministres, Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames, Messieurs, c'est sur cette perspective concrète d'amélioration que je souhaite clore mon intervention. Voyez-y le signe à la fois ma confiance dans l'avenir de l'ASEAN et dans celui de nos relations économiques avec elle, ainsi que d'uvrer avec vous tous à leur service.
Je vous remercie.
(Source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr, le 29 mai 2000)