Texte intégral
J.-J. Bourdin -. Hier, le Medef a annoncé avoir invité les organisations syndicales à participer, le 3 mars prochain, à une première réunion consacrée à la question du traitement social des restructurations. Vous irez ?
- "Oui, bien entendu, parce que par principe, [nous allons à] tout ce qui est négociation. La conduite d'une organisation syndicale qui veut privilégier l'indépendance syndicale, le moyen de résoudre les problèmes, c'est la négociation avec nos interlocuteurs, en l'occurrence, les patrons du privé. Nous irons mais sans nous faire d'illusion, parce qu'en définitive, qu'est-ce que cela cache, qu'est-ce que cela veut dire les restructurations ? Tout simplement que le Gouvernement a levé les dispositions de la loi de modernisation sociale, les délais de prévenance, etc., et que maintenant, on va dire : "Discutez avec les patrons pour essayer de remettre debout quelque chose". Je ne me fais guère d'illusion, ils ne nous feront pas de propositions qui seront au niveau de ce qu'il y avait dans la loi. Ce sera très difficile comme discussions. Néanmoins, il y a une question d'opportunité. Le patronat ne peut quand même pas être insensible à la fermeture de Metaleurop, de Daewoo, d'ACT-Manufacturing, etc. On n'a jamais vu une hécatombe aussi importante de licenciements collectifs dus, justement, au comportement quelque peu particulier, non pas des patrons...."
Ce sont les chefs d'entreprise qui sont responsables ?
- "Non, ce sont les holdings financières, c'est tout le problème. Il faudra d'ailleurs qu'un jour on puisse en discuter avec le Gouvernement et avec le patronat. Maintenant, il y a de moins en moins d'entrepreneurs qui sont des entrepreneurs personnels, qui travaillent avec leur argent ou l'argent de leurs familles. C'est de plus en plus des holdings financières qui s'en foutent complètement. Mon grand-père disait que l'argent n'avait pas d'odeur ni de patrie, eh bien c'est exactement cela ! C'est un type qui, un matin, regarde et dit : "Comment se fait-il qu'à Noyelle-Godault ça ne rapporte que tant ? C'est insuffisant, on ferme !" Hop ! et puis on va se mettre ailleurs, et même, il change de métier. J'oserais presque dire, un jour, celui qui fabrique des automobiles, si cela ne lui rapporte pas assez, eh bien le marché va le conduire à vendre des cacahuètes, alors, il va vendre des cacahuètes. Alors, il va licencier."
Vous croyez le Gouvernement quand il dit : on va sanctionner, on va conduire des enquêtes...
- "Cela, je m'en fous. Moi, je ne suis pas de ceux qui disent que les patrons sont des voyous, etc. Cela ne sert rigoureusement à rien ! Ce n'est pas une question de morale, c'est une question économique, c'est tout à fait autre chose. Et le problème qu'il se pose et je le pose d'ailleurs à ce Gouvernement comme je le posais aux précédents, c'est, j'oserais presque dire, qu'il y a plus de vingt ans qu'on dit cela, il y a plus de vingt ans qu'on commence à dire : "Eh bien, le Gouvernement n'y peut rien". Si, le Gouvernement peut quelque chose ! Le Gouvernement peut faire que les entreprises restent en France. Il faut qu'il pose ce problème sinon nous allons vers la désindustrialisation. Croyez-moi, cela va vite, la désindustrialisation à l'heure actuelle. Il y a toute une série de gens qui voient leur emploi disparaître et ce n'est pas simplement leur emploi qui disparaît et le fait qu'ils vont être au chômage, c'est aussi leurs enfants. Cela veut dire que, demain, notamment devant l'ouverture européenne à 25, c'est bien gentil, allons-y, marions-nous Folleville, sauf que moi, je sais très bien qu'on va pouvoir transférer encore des usines françaises dans les anciens pays de l'Est, où il y a des gens qualifiés, aussi qualifiés qu'en France. C'est manifestement encore de l'emploi qui va foutre le camp. Cela mérite d'être raisonné."
La Direction des constructions navales annonce des suppressions de postes de travail, Giat annonce un nouveau plan social de 3.000 des 6.500 salariés - ça, c'est l'Etat. L'Etat paiera là ?
- "Permettez-moi, pour une fois, d'utiliser l'argument qu'on me présente généralement : l'Etat c'est vous et c'est moi, ce sont nos impôts. Alors, c'est quand même beaucoup pousser de se rendre compte que les entreprises ferment les portes et qu'elles transfèrent la charge à l'Etat."
Ce sont des entreprises publiques.
- "Ce sont des entreprises nationales mais la démarche est de même nature. Cela mérite quand même réflexion. Vous croyez - je ne veux pas ici déclarer la guerre à quiconque - que c'est relativement normal, par exemple, que nous ayons fait un effort considérable pour que la Pologne rentre dans les pays européens, et qu'elle achète des avions aux Etats-Unis ? Vous ne pensez pas qu'il y avait à renvoyer la balle, quand même, pour qu'au moins cela fasse travailler l'industrie européenne ? Cela mérite quand même quelques réflexions."
Air Lib est une entreprise privée et les salariés seront licenciés d'ici le 3 mars. L'Etat doit-il payer pour une entreprise privée ?
- "Bien entendu, l'Etat est dans l'obligation de payer. Le problème est de savoir si on veut foutre le feu à la maison ou si on veut essayer d'amener une allocation de subsistance aux gens. Le problème d'Air Lib, c'est autre chose. A mon sens, il faut se poser la question de savoir si un pays comme la France, y compris géographiquement intégré dans le centre de l'Europe, doit avoir plusieurs compagnies de navigation aérienne ou si une seule suffit. Je crois qu'il y a eu, là, une erreur de jugement. Je le dis tout de suite : je suis comme les autres, je me suis battu pour qu'Air Lib subsiste, je me suis battu pour que les camarades gardent du travail, etc, et qu'on permette aussi peut-être une relative concurrence. Néanmoins, je pose la question, maintenant : est-ce qu'un pays comme la France peut, effectivement, y compris géographiquement - les Anglais passent sur le territoire français, tous les pays qui nous entourent, etc. - encore avoir plusieurs compagnies aériennes ? Ou alors on se pose la question : pourquoi a-t-on fait disparaître Air Inter ?"
Air France s'engage à prendre en charge 1.000 salariés d'Air Lib. Vous y croyez ?
- "Oui, j'y crois parce que les départs en retraite d'Air France sont acceptés maintenant, malgré les grandes affirmations de principe "il faut que les gens travaillent jusqu'à 65, voire 70 ans..."
On va parler de cela.
- "Donc, cela va dégager des postes. Monsieur Spinetta va pouvoir embaucher. Le véritable problème, c'est qu'à Air France avant c'était une période d'essai maintenant, ce sont des contrats à durée déterminée ; on fait deux contrats à durée déterminée et après, on espère devenir permanent d'Air France. Cela veut tout simplement dire que ceux qui sont sous contrat à durée déterminée, ils vont peut-être faire un troisième contrat à durée déterminée, tout simplement, parce que monsieur Spinetta va embaucher deux fois 500 personnes d'Air Lib. On n'y peut rien, en matière d'emploi, c'est comme cela, quand c'est pris par un, ça ne peut pas être pris par l'autre."
Il y a chez Giat, France Télécom, Air France des mises en préretraites massives alors que le Gouvernement nous dit, dans le cadre de la réforme des retraites, qu'il faut arrêter les mises en préretraites. Comment contraindre les entreprises à garder des salariés après 55 ans ?
- "Vous ne contraindrez pas les entreprises, parce qu'au nom de la liberté d'entreprendre, justement, ils vont quand même licencier. C'est le grand discours du Medef qui est un discours de fou. Cela ne tient pas. On ne peut pas à la fois licencier les gens, passé 55 ans et, en même temps dire qu'il faut qu'ils travaillent au-delà de 60 ans. C'est la raison pour laquelle, moi, j'ai raison quand je dis qu'il faut maintenir [la retraite] à 37,5 ans pour tout le monde. Je peux même donner encore plus de précisions."
Mais il faut augmenter les cotisations si on reste à 37,5 ans.
- "Dans tous les cas, il faudra augmenter les cotisations. Qu'on arrête de dire des bêtises !"
Ah bon ?!
- "Ecoutez, ce n'est pas difficile : si on n'augmente pas les cotisations en matière de retraite, on va les augmenter en matière d'Unedic. Ou alors, vous ne sortirez plus dans la rue. Les gens, ils veulent vivre et s'ils n'ont pas un minimum pour subsister, ils vont vous agresser dans la rue, c'est réglé ! Ou ils seront [dans l'] allocation chômage ou ils seront effectivement retraités. C'est aussi simple que cela. Ou alors, on accepte qu'il y ait des mendiants dans la rue, non seulement des mendiants, et puis qu'il y en ait quelques-uns qui meurent quand il fait froid, par exemple. On le fait avec cynisme, on s'en fout quand ce n'est pas soi, mais quand ce sont les autres... Ou alors, on va être agressés. Les gens vont organiser un système : ils vont vous voler, etc."
Est-ce que la réforme des retraites est bien partie ?
- "Il n'y a pas de réforme ! ".
On commence à discuter maintenant.
- "Où ?"
Je ne sais pas moi... F. Fillon fait le tour de la France ; vous vous réunissez avec d'autres syndicats. Dans les réunions régionales des Conseils économiques et sociaux, je sais que vous quittez les salles. C'est vrai ou pas ?
- "Bien sûr que c'est vrai. Il faut quand même remettre les choses..."
Mais pourquoi ?
- "Pourquoi ?! Parce que vous allez traiter au niveau régional des retraites ? Est-ce qu'on va faire une retraite différente pour le nord et puis pour le sud ?"
Dès que J.-P. Delevoye prend la parole, vous partez.
- "Non, là, vous vous méprenez. Je vais vous expliquer. Monsieur Delevoye vient présenter la réforme des retraites. Premièrement, il la présente au niveau des CESR. Pourquoi ? Les CESR, c'est certes les syndicats, certes les patrons, mais c'est aussi les associations, toute une série de gens qui en définitive n'ont pas à traiter du problème des retraites. Ce n'est pas de leurs fonctions ni de leurs compétences. Deuxièmement, au niveau régional, les retraites, par définition, ça doit être une péréquation nationale. On ne va pas faire une retraite différente à Poitiers pour faire plaisir au Premier ministre, et puis, [pour faire plaisir] à monsieur Delevoye, à Bapaume. Donc, c'est bien clair que c'est un débat qui doit être national Troisièmement, qu'est-ce qu'ils amènent en plus que le discours de monsieur Raffarin au Conseil économique et social ? Il a fait son discours, nous l'avons tous. Que fait monsieur Delevoye ? Il répète le discours 22 fois et 22 fois, nous lui répétons les observations que nous avons faites au Conseil économique et social. Cela ne sert à rien. Et ceci étant dans des endroits [tels] Metz, Longwy, Daewoo, et consorts. Le jour où ils vont faire le Nord-Pas-de-Calais, vous croyez que les gens de Metaleurop, qui vont être licenciés à 52 ou 53 ans - ils auraient bien voulu travailler à 60 ans, eux -, vous croyez qu'ils ne vont pas en profiter pour aller dire à Delevoye : "Et nous, et nous, et nous ?". C'est quand même normal, c'est la démocratie. Donc, cela veut dire qu'effectivement, quand monsieur Delevoye se présente et fait cette messe au CESR, les organisations syndicales, dont la mienne, on fait une déclaration, on se lève et on fout le camp. C'est pour dire que ce n'est pas le lieu de la discussion et que ce n'est pas là qu'on résoudra le problème. Nous avons été reçus par monsieur Fillon, avec monsieur Delevoye et les seules conclusions des entretiens que nous avons eus, c'est que nous allons faire une réunion qu'il appelle "confédérale", c'est-à-dire avec l'ensemble des organisations syndicales et le patronat, où on va lister les sujets, c'est-à-dire qu'on recommence en définitive... on a un peu le sentiment que le Gouvernement s'est mis lui-même une pomme de terre chaude entre les mains et qu'il la refilerait volontiers aux voisins. On ne sait toujours pas si le Gouvernement veut négocier avec les organisations syndicales ou, au contraire, décider lui. J'ai le sentiment que derrière ça, il y a une campagne de communication pour essayer de conditionner les gens. En fin de course, le Gouvernement va dire qu'il a été de faire ça, il sait que ce n'est pas populaire, que ce n'est pas bien mais qu'il est obligé de le faire et que ce sont les vilains syndicats qui ne veulent pas. Je pense que c'est incorrect comme raisonnement."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 20 février 2003)
- "Oui, bien entendu, parce que par principe, [nous allons à] tout ce qui est négociation. La conduite d'une organisation syndicale qui veut privilégier l'indépendance syndicale, le moyen de résoudre les problèmes, c'est la négociation avec nos interlocuteurs, en l'occurrence, les patrons du privé. Nous irons mais sans nous faire d'illusion, parce qu'en définitive, qu'est-ce que cela cache, qu'est-ce que cela veut dire les restructurations ? Tout simplement que le Gouvernement a levé les dispositions de la loi de modernisation sociale, les délais de prévenance, etc., et que maintenant, on va dire : "Discutez avec les patrons pour essayer de remettre debout quelque chose". Je ne me fais guère d'illusion, ils ne nous feront pas de propositions qui seront au niveau de ce qu'il y avait dans la loi. Ce sera très difficile comme discussions. Néanmoins, il y a une question d'opportunité. Le patronat ne peut quand même pas être insensible à la fermeture de Metaleurop, de Daewoo, d'ACT-Manufacturing, etc. On n'a jamais vu une hécatombe aussi importante de licenciements collectifs dus, justement, au comportement quelque peu particulier, non pas des patrons...."
Ce sont les chefs d'entreprise qui sont responsables ?
- "Non, ce sont les holdings financières, c'est tout le problème. Il faudra d'ailleurs qu'un jour on puisse en discuter avec le Gouvernement et avec le patronat. Maintenant, il y a de moins en moins d'entrepreneurs qui sont des entrepreneurs personnels, qui travaillent avec leur argent ou l'argent de leurs familles. C'est de plus en plus des holdings financières qui s'en foutent complètement. Mon grand-père disait que l'argent n'avait pas d'odeur ni de patrie, eh bien c'est exactement cela ! C'est un type qui, un matin, regarde et dit : "Comment se fait-il qu'à Noyelle-Godault ça ne rapporte que tant ? C'est insuffisant, on ferme !" Hop ! et puis on va se mettre ailleurs, et même, il change de métier. J'oserais presque dire, un jour, celui qui fabrique des automobiles, si cela ne lui rapporte pas assez, eh bien le marché va le conduire à vendre des cacahuètes, alors, il va vendre des cacahuètes. Alors, il va licencier."
Vous croyez le Gouvernement quand il dit : on va sanctionner, on va conduire des enquêtes...
- "Cela, je m'en fous. Moi, je ne suis pas de ceux qui disent que les patrons sont des voyous, etc. Cela ne sert rigoureusement à rien ! Ce n'est pas une question de morale, c'est une question économique, c'est tout à fait autre chose. Et le problème qu'il se pose et je le pose d'ailleurs à ce Gouvernement comme je le posais aux précédents, c'est, j'oserais presque dire, qu'il y a plus de vingt ans qu'on dit cela, il y a plus de vingt ans qu'on commence à dire : "Eh bien, le Gouvernement n'y peut rien". Si, le Gouvernement peut quelque chose ! Le Gouvernement peut faire que les entreprises restent en France. Il faut qu'il pose ce problème sinon nous allons vers la désindustrialisation. Croyez-moi, cela va vite, la désindustrialisation à l'heure actuelle. Il y a toute une série de gens qui voient leur emploi disparaître et ce n'est pas simplement leur emploi qui disparaît et le fait qu'ils vont être au chômage, c'est aussi leurs enfants. Cela veut dire que, demain, notamment devant l'ouverture européenne à 25, c'est bien gentil, allons-y, marions-nous Folleville, sauf que moi, je sais très bien qu'on va pouvoir transférer encore des usines françaises dans les anciens pays de l'Est, où il y a des gens qualifiés, aussi qualifiés qu'en France. C'est manifestement encore de l'emploi qui va foutre le camp. Cela mérite d'être raisonné."
La Direction des constructions navales annonce des suppressions de postes de travail, Giat annonce un nouveau plan social de 3.000 des 6.500 salariés - ça, c'est l'Etat. L'Etat paiera là ?
- "Permettez-moi, pour une fois, d'utiliser l'argument qu'on me présente généralement : l'Etat c'est vous et c'est moi, ce sont nos impôts. Alors, c'est quand même beaucoup pousser de se rendre compte que les entreprises ferment les portes et qu'elles transfèrent la charge à l'Etat."
Ce sont des entreprises publiques.
- "Ce sont des entreprises nationales mais la démarche est de même nature. Cela mérite quand même réflexion. Vous croyez - je ne veux pas ici déclarer la guerre à quiconque - que c'est relativement normal, par exemple, que nous ayons fait un effort considérable pour que la Pologne rentre dans les pays européens, et qu'elle achète des avions aux Etats-Unis ? Vous ne pensez pas qu'il y avait à renvoyer la balle, quand même, pour qu'au moins cela fasse travailler l'industrie européenne ? Cela mérite quand même quelques réflexions."
Air Lib est une entreprise privée et les salariés seront licenciés d'ici le 3 mars. L'Etat doit-il payer pour une entreprise privée ?
- "Bien entendu, l'Etat est dans l'obligation de payer. Le problème est de savoir si on veut foutre le feu à la maison ou si on veut essayer d'amener une allocation de subsistance aux gens. Le problème d'Air Lib, c'est autre chose. A mon sens, il faut se poser la question de savoir si un pays comme la France, y compris géographiquement intégré dans le centre de l'Europe, doit avoir plusieurs compagnies de navigation aérienne ou si une seule suffit. Je crois qu'il y a eu, là, une erreur de jugement. Je le dis tout de suite : je suis comme les autres, je me suis battu pour qu'Air Lib subsiste, je me suis battu pour que les camarades gardent du travail, etc, et qu'on permette aussi peut-être une relative concurrence. Néanmoins, je pose la question, maintenant : est-ce qu'un pays comme la France peut, effectivement, y compris géographiquement - les Anglais passent sur le territoire français, tous les pays qui nous entourent, etc. - encore avoir plusieurs compagnies aériennes ? Ou alors on se pose la question : pourquoi a-t-on fait disparaître Air Inter ?"
Air France s'engage à prendre en charge 1.000 salariés d'Air Lib. Vous y croyez ?
- "Oui, j'y crois parce que les départs en retraite d'Air France sont acceptés maintenant, malgré les grandes affirmations de principe "il faut que les gens travaillent jusqu'à 65, voire 70 ans..."
On va parler de cela.
- "Donc, cela va dégager des postes. Monsieur Spinetta va pouvoir embaucher. Le véritable problème, c'est qu'à Air France avant c'était une période d'essai maintenant, ce sont des contrats à durée déterminée ; on fait deux contrats à durée déterminée et après, on espère devenir permanent d'Air France. Cela veut tout simplement dire que ceux qui sont sous contrat à durée déterminée, ils vont peut-être faire un troisième contrat à durée déterminée, tout simplement, parce que monsieur Spinetta va embaucher deux fois 500 personnes d'Air Lib. On n'y peut rien, en matière d'emploi, c'est comme cela, quand c'est pris par un, ça ne peut pas être pris par l'autre."
Il y a chez Giat, France Télécom, Air France des mises en préretraites massives alors que le Gouvernement nous dit, dans le cadre de la réforme des retraites, qu'il faut arrêter les mises en préretraites. Comment contraindre les entreprises à garder des salariés après 55 ans ?
- "Vous ne contraindrez pas les entreprises, parce qu'au nom de la liberté d'entreprendre, justement, ils vont quand même licencier. C'est le grand discours du Medef qui est un discours de fou. Cela ne tient pas. On ne peut pas à la fois licencier les gens, passé 55 ans et, en même temps dire qu'il faut qu'ils travaillent au-delà de 60 ans. C'est la raison pour laquelle, moi, j'ai raison quand je dis qu'il faut maintenir [la retraite] à 37,5 ans pour tout le monde. Je peux même donner encore plus de précisions."
Mais il faut augmenter les cotisations si on reste à 37,5 ans.
- "Dans tous les cas, il faudra augmenter les cotisations. Qu'on arrête de dire des bêtises !"
Ah bon ?!
- "Ecoutez, ce n'est pas difficile : si on n'augmente pas les cotisations en matière de retraite, on va les augmenter en matière d'Unedic. Ou alors, vous ne sortirez plus dans la rue. Les gens, ils veulent vivre et s'ils n'ont pas un minimum pour subsister, ils vont vous agresser dans la rue, c'est réglé ! Ou ils seront [dans l'] allocation chômage ou ils seront effectivement retraités. C'est aussi simple que cela. Ou alors, on accepte qu'il y ait des mendiants dans la rue, non seulement des mendiants, et puis qu'il y en ait quelques-uns qui meurent quand il fait froid, par exemple. On le fait avec cynisme, on s'en fout quand ce n'est pas soi, mais quand ce sont les autres... Ou alors, on va être agressés. Les gens vont organiser un système : ils vont vous voler, etc."
Est-ce que la réforme des retraites est bien partie ?
- "Il n'y a pas de réforme ! ".
On commence à discuter maintenant.
- "Où ?"
Je ne sais pas moi... F. Fillon fait le tour de la France ; vous vous réunissez avec d'autres syndicats. Dans les réunions régionales des Conseils économiques et sociaux, je sais que vous quittez les salles. C'est vrai ou pas ?
- "Bien sûr que c'est vrai. Il faut quand même remettre les choses..."
Mais pourquoi ?
- "Pourquoi ?! Parce que vous allez traiter au niveau régional des retraites ? Est-ce qu'on va faire une retraite différente pour le nord et puis pour le sud ?"
Dès que J.-P. Delevoye prend la parole, vous partez.
- "Non, là, vous vous méprenez. Je vais vous expliquer. Monsieur Delevoye vient présenter la réforme des retraites. Premièrement, il la présente au niveau des CESR. Pourquoi ? Les CESR, c'est certes les syndicats, certes les patrons, mais c'est aussi les associations, toute une série de gens qui en définitive n'ont pas à traiter du problème des retraites. Ce n'est pas de leurs fonctions ni de leurs compétences. Deuxièmement, au niveau régional, les retraites, par définition, ça doit être une péréquation nationale. On ne va pas faire une retraite différente à Poitiers pour faire plaisir au Premier ministre, et puis, [pour faire plaisir] à monsieur Delevoye, à Bapaume. Donc, c'est bien clair que c'est un débat qui doit être national Troisièmement, qu'est-ce qu'ils amènent en plus que le discours de monsieur Raffarin au Conseil économique et social ? Il a fait son discours, nous l'avons tous. Que fait monsieur Delevoye ? Il répète le discours 22 fois et 22 fois, nous lui répétons les observations que nous avons faites au Conseil économique et social. Cela ne sert à rien. Et ceci étant dans des endroits [tels] Metz, Longwy, Daewoo, et consorts. Le jour où ils vont faire le Nord-Pas-de-Calais, vous croyez que les gens de Metaleurop, qui vont être licenciés à 52 ou 53 ans - ils auraient bien voulu travailler à 60 ans, eux -, vous croyez qu'ils ne vont pas en profiter pour aller dire à Delevoye : "Et nous, et nous, et nous ?". C'est quand même normal, c'est la démocratie. Donc, cela veut dire qu'effectivement, quand monsieur Delevoye se présente et fait cette messe au CESR, les organisations syndicales, dont la mienne, on fait une déclaration, on se lève et on fout le camp. C'est pour dire que ce n'est pas le lieu de la discussion et que ce n'est pas là qu'on résoudra le problème. Nous avons été reçus par monsieur Fillon, avec monsieur Delevoye et les seules conclusions des entretiens que nous avons eus, c'est que nous allons faire une réunion qu'il appelle "confédérale", c'est-à-dire avec l'ensemble des organisations syndicales et le patronat, où on va lister les sujets, c'est-à-dire qu'on recommence en définitive... on a un peu le sentiment que le Gouvernement s'est mis lui-même une pomme de terre chaude entre les mains et qu'il la refilerait volontiers aux voisins. On ne sait toujours pas si le Gouvernement veut négocier avec les organisations syndicales ou, au contraire, décider lui. J'ai le sentiment que derrière ça, il y a une campagne de communication pour essayer de conditionner les gens. En fin de course, le Gouvernement va dire qu'il a été de faire ça, il sait que ce n'est pas populaire, que ce n'est pas bien mais qu'il est obligé de le faire et que ce sont les vilains syndicats qui ne veulent pas. Je pense que c'est incorrect comme raisonnement."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 20 février 2003)