Conférence de presse de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie, sur la crise irakienne, Luxembourg le 14 avril 2003.

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Circonstance : Réunion du Conseil affaires générales-Relations extérieures à Luxembourg le 14 avril 2003

Texte intégral

Un point rapide au terme de ce déjeuner qui, en ce qui me concerne fut consacré pour l'essentiel aux délicates questions du Proche-Orient et de l'Irak.
Avec la chute du régime de Saddam Hussein c'est une page sombre qui se tourne. Nous nous réjouissons de la fin d'une dictature, Il nous faut maintenant relever le nouveau défi : celui de l'unité de l'Irak, celui de l'intégrité territoriale de l'Irak et, bien sûr, la restauration d'une pleine souveraineté de ce pays. Nous pensons qu'il faut le faire dans un esprit pragmatique, d'ouverture avec la volonté de trouver des solutions constructives. Aujourd'hui nous sommes, chacun le voit sur la scène internationale, confrontés à un problème de méthode. Comment faire pour avancer, résolument ? Comment faire pour nous tourner résolument vers l'action ? D'abord il faut se tourner vers l'avenir.
La situation actuelle où chacun peut avancer les principes ne suffit pas. Nous devons définir le chemin pour une action collective et pragmatique, avec des solutions concrètes. Je crois qu'il faut d'abord, pour nous entendre tous, partir des problèmes concrets auxquels est confronté aujourd'hui l'Irak et trouver des solutions à chacune des étapes. Cela justifie que nous distinguions les problèmes de l'Irak aujourd'hui : d'abord la situation humanitaire, c'est évidemment la donnée d'urgence, les questions de sécurité, le désarmement, la question des sanctions, le fonctionnement des services publics, le rétablissement des institutions et de la souveraineté de l'Irak. Sur chacun de ces points, la communauté internationale comme, d'ailleurs, chacun d'entre nous, a des contributions à apporter. Il est important de faire en sorte que chacun puisse le faire. Voyons ce que les forces sur le terrain, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, peuvent apporter. Voyons ce que les Nations unies peuvent apporter à ce processus. Voyons ce que l'Europe peut apporter, ce que chacun de ses Etats peut apporter. Voyons ce que les Etats de la région, qui sont directement concernés, peuvent apporter. Créons à la fois le cadre du dialogue et en même temps déterminons les procédures pour avancer. Les forces engagées sur le terrain ont une responsabilité immédiate face à l'urgence humanitaire, face aux difficiles questions de sécurité. L'Europe a à la fois des capacités, une expérience, une volonté d'apporter sa contribution. Nous pensons qu'il est essentiel qu'elle puisse le faire vite et Athènes est un rendez-vous qui, dans ce contexte, doit être mis à profit. Les Nations unies, dont nous pensons qu'elles ont un rôle central à jouer, doivent intervenir pour apporter la légitimité dont elles sont dépositaires, à la fois nationale et internationale. Nous souhaitons donc que le Conseil de sécurité, que les agences spécialisées des Nations unies soient mobilisés pour appuyer notre réponse. Il y a un double registre sur lequel les Nations unies peuvent travailler. D'abord sur la base d'une nécessité, la coordination, la nomination d'un représentant spécial du Secrétaire général dont la première mission serait la coordination, sur le terrain, de l'action humanitaire. Ensuite, le travail lui-même du Conseil de sécurité pour avancer, tant sur les principes généraux qui doivent guider la reconstruction que pour définir les modalités d'action de la communauté internationale au cas par cas, sur les dossiers particuliers que j'ai énumérés. A chacune de ces étapes, je tiens à dire solennellement que la France souhaite contribuer à apporter des solutions utiles et efficaces.
Nous devons parallèlement, puisqu'il s'agit de problèmes indivisibles, de problèmes douloureux - le problème de la justice, le problème de la liberté - nous pencher sur tous les problèmes de cette région et tout particulièrement sur le processus de paix au Proche-Orient. Et ma conviction, c'est que pour avancer efficacement dans la recherche d'une solution en Irak, nous devons prendre en compte le sentiment des peuples de la région et nous atteler à des recherches concrètes pour faire avancer le règlement du conflit israélo-palestinien. Nous avons des atouts : un nouveau gouvernement israélien, la nomination d'un Premier ministre palestinien. Nous avons la feuille de route. Nous sommes tous d'accord pour la publier. Nous sommes tous d'accord pour la mettre en uvre. Nous sommes tous d'accord pour rechercher le même objectif : la création d'un Etat palestinien vivant en paix et en sécurité aux côtés d'Israël. A nous de trouver les moyens, de définir les étapes, de définir les moyens concrets qui nous permettent véritablement d'avancer rapidement.
Nous devons également nous pencher sur la situation des pays de la région. Je rentre d'un voyage au Moyen-Orient convaincu de l'importance du dialogue avec chacun d'eux. Il y a un sentiment d'inquiétude qui s'exprime actuellement dans cette région, dans le monde arabe particulièrement et il faut évidemment entretenir, développer le dialogue avec cette région et chacun des Etats.
Nous devons aborder aussi l'ensemble des questions qui touchent la communauté internationale. Les grands problèmes n'ont pas disparu : le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive, nous le voyons avec la situation ouverte avec la Corée du Nord, la criminalité organisée, autant de raisons pour rester mobilisés et pour privilégier tout ce qui nous unit, pour privilégier l'action sur toute autre considération. Plus que jamais la communauté internationale a besoin d'unité et cette unité est une condition centrale de l'efficacité. Je suis prêt à répondre à vos questions.
Q - Finalement les Européens n'arrêtent pas de dire : il faut que l'ONU ait un rôle central en Irak. Les Américains, manifestement, ne sont pas tout à fait d'accord. A partir de là, est ce qu'il y a un blocage ? Est-ce qu'on peut encore travailler ? Et, d'autre part, est-ce que vous êtes inquiet du ton de plus en plus belliqueux de responsables américains vis à vis de la Syrie ?
R - Sur le premier point, dans la présentation liminaire que j'ai essayée de faire, c'est bien cet obstacle que j'ai voulu contourner. Il y a évidemment des positions de principe qui peuvent marquer les différences mais il y a une nécessité. Nous voyons tous qu'il y a une situation difficile en Irak. L'Irak a été une épreuve pour la communauté internationale tout au long des dernières décennies et il y a fort à parier que l'Irak reste un défi, restera un défi encore longtemps. Il est essentiel que nous unissions nos capacités, nos forces, que nous conjuguions nos efforts pour essayer de trouver une réponse à ces questions. Je l'ai dit : il faut le faire de façon pragmatique, définir chacun des problèmes et nous voyons à la fois les aspects humanitaires, les aspects de sécurité, les aspects de désarmement, les questions de sanctions, la question de la légitimité d'un processus pour fonder une autorité irakienne. Sur chacun de ces points, je crois qu'il est important de marquer des résultats. Nous pouvons le faire ensemble. Bien évidemment, la France l'a dit et redit : pour nous les Nations unies doivent jouer un rôle central, mais partons de la réalité des problèmes de l'Irak et essayons à partir de là de voir ce que chacun peut apporter : les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, sur place, l'Europe, pour sa part, l'ensemble des Etats de la région. Voyons concrètement ce que chacun peut apporter au processus. Notre but c'est l'efficacité. Notre but c'est la reconstruction de l'Irak. Est-ce que nous ne sommes pas davantage capables de répondre aux questions du peuple irakien, et nous voyons les attentes, tous les jours, si nous travaillons ensemble ? Ou est ce que un pays ou quelques pays peuvent espérer seuls répondre à toutes les questions de la paix ? Nous pensons qu'il est essentiel d'être unis. Il est inutile de revenir sur ce qui nous a divisé : la guerre ou la paix. Aujourd'hui il faut se tourner vers l'avenir et donner toutes ses chances à cette reconstruction parce qu'il y a une exigence : c'est aujourd'hui les demandes, l'attente du peuple irakien et des peuples de la région.
Sur la question de la Syrie, je crois qu'il est important, là encore, de faire preuve de pragmatisme, d'essayer d'avancer, de régler les questions et de le faire avec les atouts qui sont les nôtres : le dialogue, la concertation. J'étais en Syrie hier. J'ai parlé avec le président syrien. J'ai bien vu l'envie qui existe, le désir qui existe d'avancer dans la voie de la communauté internationale, dans la voie du dialogue, dans la voie des réformes. Il y a là, manifestement, un capital sur lequel la communauté internationale doit s'appuyer : la concertation, le dialogue, se parler, se dire ce que nous attendons les uns des autres, le faire de façon constructive. Quand j'ai quitté la Syrie, je suis parti à Riyad et j'ai rencontré le Prince Saoud. Et le Prince Saoud, en me quittant, partait lui-même pour Damas. Voilà, je crois, ce qui doit être fait : se parler, se concerter, avancer. Je crois qu'il y a aujourd'hui suffisamment de problèmes sur la scène internationale pour que nous soyons d'abord soucieux de trouver des solutions. Et pour le faire, pour le faire efficacement, il faut naturellement le faire ensemble.
Q - Monsieur le Ministre, je me demandais si vous pouviez nous aider un tout petit peu du point de vue du "timing", comment est-ce que vous voyez tous ces grands acteurs, les Etats-Unis sur le terrain, le Conseil de sécurité, l'Union européenne, quand est-ce que vous voyez l'ONU intervenir, quel est le "timing" ?
R - L'ONU, d'abord, intervient déjà. Chacun voit bien que l'ONU a été au rendez-vous d'une situation humanitaire difficile et, rappelons le, la résolution 1472 sur le plan humanitaire a été votée à l'unanimité. Il y a donc une communauté internationale qui répond au rendez-vous de l'Irak et qui répond à l'urgence. Cela, c'est un atout formidable. Faisons en sorte d'anticiper les difficultés, il y a aujourd'hui des problèmes immédiats de sécurité qui se posent sur le terrain. La responsabilité des forces présentes est naturelle. C'est le droit international. Il faut donc que les forces de la coalition répondent à cela, mais il y a bien d'autres problèmes qui se posent et je les ai énumérés : le désarmement, les sanctions, le problème d'un processus de légitimité d'une autorité irakienne. Tout cela peut être fait avec l'appui de tous et les Nations unies, évidemment, qui ont une capacité particulière - c'est l'organe de la communauté internationale -, doivent appuyer ces processus. Je l'ai dit, la nomination d'un représentant du Secrétaire général, la capacité que nous avons à travers un travail sur des résolutions de répondre, à chacune des étapes, à ces besoins, tout ceci doit nous mobiliser dès maintenant. Ne perdons pas de temps. Nous voyons bien l'urgence. Nous voyons bien l'attente. L'effondrement du régime de Saddam Hussein crée une situation où le peuple irakien attend que la communauté internationale réponde à ses besoins. Nous devons être comptables de cette attente. Nous devons être soucieux de répondre à cette demande et c'est bien évidemment ce qui doit nous mobiliser dès maintenant. Je crois que le calendrier c'est d'essayer de tout faire pour, le plus rapidement possible, régler ces questions, sachant que, évidemment, la question humanitaire, la question de la sécurité sont des préalables indispensables. Il est important de maintenir cette sécurité, de maintenir cette unité de l'Irak et donc d'engager ce processus à partir duquel nous pourrons d'autant plus efficacement parler de reconstruction politique, économique, sociale mais la mobilisation doit commencer tout de suite.
Q - Lorsque vous dites qu'il est naturel que la coalition assure la sécurité sur le terrain, combien de temps pensez-vous que les forces de la coalition doivent rester en place ? Combien de mois ? Combien de semaines ? Et est-ce que ce n'est pas paradoxal que l'Union Européenne et ses Etats membres financent une reconstruction après une guerre qu'ils n'ont pas voulue ?
R - Vous touchez à une question qui est évidemment très importante. Il ne faut jamais oublier que le principe de responsabilité sur la scène internationale est essentiel. L'Irak, cela concerne toute la sécurité du Moyen-Orient. Cela concerne la sécurité du monde aujourd'hui. Nous sommes tous concernés par la sécurité de l'Irak. On a un peu tendance parfois à oublier à quel point les enjeux de cette région nous touchent directement. Et nous, Français, sommes bien placés pour vous dire que les lois de la géographie, les lois de l'histoire, les lois de la culture font que les problèmes de cette région sont très souvent aussi nos propres problèmes. Et je pense que ce qui est vrai pour la France est vrai pour la plupart des Etats européens. Donc il faut le faire avec la conscience de l'efficacité, de la solidarité de la scène internationale et avec le souci de contribuer à renforcer la stabilité, renforcer la capacité de cette région du Moyen-Orient à faire face elle-même à ces difficultés. Donc il y a là un élément central pour notre propre stabilité, pour la stabilité de cette région et pour la stabilité de l'ordre international et c'est pour cela que je suis convaincu que toute la communauté internationale doit être à ce rendez-vous, au rendez-vous des difficultés, comme nous devons être au rendez-vous du terrorisme, de la prolifération, des crises régionales - la crise du Proche-Orient, le règlement de la situation de la Corée du Nord. Tout ceci nous concerne tous. Nous vivons dans un monde global qui est marqué à la fois par les lois de l'urgence et de l'interdépendance. On ne peut pas se cacher, se voiler la face devant ces difficultés. Nous avons besoin d'une communauté internationale unie, soudée, qui parle ensemble d'une seule voix pour essayer de régler ces difficultés.
Q - Combien de temps ?
R - Le temps ! Nous n'en sommes pas maîtres Nous sommes maîtres de la volonté qui est la nôtre d'apporter des solutions. Bien évidemment, ce que nous souhaitons, c'est que la sécurité puisse être rapidement assurée. Ce que je sais c'est que plus la communauté internationale sera unie, plus nous appuierons ensemble la recherche d'une légitimité nationale et internationale, plus l'Irak pourra rapidement se tourner vers l'avenir, c'est-à-dire vers sa propre reconstruction. Donc je pense que de ce point de vue l'unité est véritablement une condition de l'efficacité et la France le dit fortement, solennellement : elle apportera tout son appui à ce processus de reconstruction.
Q - Monsieur le Ministre, puisque vous avez rencontré le président syrien, est-ce que vous avez donné quelques conseils au président syrien vis-à-vis des menaces américaines ? Et est-ce que, pour la France, la Syrie doit faire quelque chose ? Qu'est ce que vous demandez à la Syrie ?
R - Dans le contexte actuel de la région, et c'est vrai pour tous les Etats de cette région, c'est vrai pour chacun, la retenue, la modération, le rôle constructif à l'appui de la recherche de règlement - et je parle du processus de paix comme de l'Irak -, c'est évidemment une nécessité, cela va sans dire. Et dans le dialogue que nous entretenons, dans le dialogue que j'ai eu avec les autorités syriennes, il est évident qu'il faut trouver les moyens, et c'est le sens du dialogue de la France avec la Syrie comme avec l'ensemble des pays de la région, trouver les moyens d'avancer, de rechercher des solutions aux problèmes, d'avancer, dans le cas de la Syrie dans le processus qui a été engagé d'ouverture, de réforme. Il faut consolider des processus. Il faut donner confiance dans la capacité de la communauté internationale, de l'Europe, d'appuyer les efforts de ces pays pour s'ouvrir, pour trouver leur place dans le concert régional et dans le concert international. Je crois que le dialogue est aujourd'hui une des grandes clefs. Ne sous-estimons pas le fait que cette région éprouve aujourd'hui, à travers ses gouvernements, à travers les peuples arabes, un sentiment très profond d'inquiétude, de frustration, parfois même d'humiliation. Eh bien, dans ces cas-là il faut se parler, il faut travailler, il faut avancer. Car si nous ne regardons pas vers l'avenir et bien nous risquons de reculer, d'accroître les tensions et je pense que c'est quelque chose qui a été très profondément ressenti dans la région. Le fait que l'idée de paix était poursuivie jusqu'au bout, était défendue jusqu'au bout, a contribué à donner le sentiment très fort dans cette région qu'il n'y avait pas de risque possible, de choc, de confrontation entre les cultures, les religions, les civilisations. Et les prises de position qui ont été celles d'un certain nombre d'Etats ont été ressenties comme la marque de cette volonté de travailler ensemble. Les prises de position de Sa Sainteté le Pape, par exemple, tout cela contribue à éviter cette confrontation. Nous devons être comptables de cet objectif d'un dialogue permanent entre les Etats, entre les cultures, entre les sociétés. Il y a là un enjeu essentiel pour le monde et vous savez que c'est au cur, comme cela est depuis longtemps défendu par le président de la République Jacques Chirac, de la diplomatie française.
Q - Monsieur le Ministre, qu'est ce que vous pensez de la proposition du gouvernement italien d'envoyer une force de l'ordre en Irak sans l'approbation de l'ONU, sans l'accord de l'Europe ?
R - J'attends de voir quelle est la nature de cette contribution. Ce que je pense, c'est que dans cette période il est très important que nous nous concertions sur la meilleure façon d'aborder les difficultés, d'aborder les sujets, de régler et de contribuer aux solutions. Je crois que l'Irak a aujourd'hui besoin de l'appui de toute cette communauté, de cette solidarité, de cette unité de la communauté internationale et que la concertation entre Européens, en tout état de cause, est essentielle. Et je vais vous dire, je suis confiant parce que je vois que les positions, aujourd'hui, à l'intérieur de l'Europe sont extrêmement proches. Nous poursuivons le même objectif. Nous avons les mêmes principes et nous avons la conviction que tout ceci doit se faire dans le respect, bien évidemment, de la légalité internationale. Donc je crois que, par la concertation, avec le souci de maintenir ce dialogue entre nous, nous arriverons à franchir les obstacles qui sont devant nous.
Q - Monsieur le Ministre, est ce qu'une crise chasse l'autre ? Est-ce que l'Irak a chassé la Corée du Nord à midi ?
R - C'est au menu des conversations et bien évidemment la Corée du Nord a été, est et reste au cur de nos préoccupations. La recherche d'une solution, la concertation avec les Etats de la région, avec, bien évidemment, les plus concernés, avec des pays comme la Chine, comme la Corée du Sud, comme le Japon, est tout à fait indispensable. L'approche multilatérale que nous défendons ensemble est une nécessité. Les questions de prolifération, nous le savons depuis longtemps, dépassent le cadre de l'Irak. C'est pour cela que la France a poursuivi avec tant de force l'objectif de développement des inspections, parce que nous pensons qu'il y a là un outil qui est indispensable si l'on veut essayer de régler ces questions de prolifération. Donc nous sommes mobilisés bien évidemment tous ensemble pour unir nos efforts pour répondre à la question spécifique de la Corée du Nord.
Q - Vous avez parlé du besoin d'avoir un esprit constructif et pragmatique. Pour la France, comment peut-on avoir cet esprit par rapport au rôle de l'ONU ? De quelle façon l'ONU peut légitimer l'autorité civile provisoire de l'Irak ?
R - De la façon la plus simple du monde. Quand vous avez une autorité qui se constitue sur place, elle doit bien évidemment recevoir le soutien de la population, des différentes parties qui sont constitutives de cette population irakienne. Et vous savez bien évidemment à quel point la situation est complexe en Irak : à la fois le jeu des tribus, le jeu des groupes, le jeu des confessions, le jeu des différents groupes géographiques. Il y a là un ensemble compliqué. Il faut que, entre ces différentes parties puissent émerger des éléments représentatifs capables de travailler ensemble. A partir de là, si l'on veut que cette capacité puisse être affirmée, puisse être confirmée, il est important qu'elle soit appuyée par tous ceux qui ont vocation à travailler avec elle : la région, la communauté internationale. Et, dans ce processus de légitimité, il est naturel que la communauté internationale, à travers les Nations unies, puisse jouer tout son rôle. L'idée qu'une autorité irakienne puisse ne dialoguer qu'avec quelques-uns n'est pas l'intérêt ni de l'Irak ni de la communauté internationale. L'idée c'est de bâtir un processus de légitimité qui puisse se conforter, s'amplifier et permettre de faire face à des décisions et des échéances difficiles. Donc il faut que cette légitimité ne puisse pas être contestée par quiconque. Si l'on veut qu'elle ne soit pas contestée, qu'elle soit appuyée à un moment aussi délicat que la reconstruction d'un pays, il est important que chacun puisse jouer son rôle et l'appuyer. C'est le souci de la France, c'est le souci d'une très grande majorité d'Etats de la communauté internationale, faire en sorte que chacun puisse contribuer sur le plan politique, sur le plan économique, que l'Union Européenne, que l'ensemble des institutions financières puissent apporter leur contribution. Pour cela, il faut que le processus qui soit créé ait le soutien de tous. C'est, je crois, le bon sens.
Q - Monsieur le Ministre, est-ce que vous envisagez une rencontre formelle des Quinze à Athènes avec le Secrétaire général de l'ONU, M. Annan, rencontre que la Présidence grecque ne paraît pas envisager pour le moment ? Et est-ce que, pour la France, le gouvernement, l'autorité militaire en Irak conduit par le général Garner, avec ou sans M. Chalabi, sera légitime ?
R - Sur le premier point, il y aura évidemment beaucoup de rencontres à Athènes. Nous souhaitons qu'elles soient le plus large possible, qu'elles puissent inclure l'ensemble des pays de l'Union européenne. Cela concerne chacun de nos Etats, donc, que nous soyons associés tous à ce processus, que nous puissions tous appuyer les efforts qui sont engagés, cela me paraît tout à fait naturel et, une fois de plus, je suis convaincu que l'Europe a une responsabilité à prendre, un rôle à jouer et Athènes me parait devoir être un rendez-vous important à cet égard.
Concernant l'administration américaine, il est évident que l'administration américaine a un rôle important à jouer, qu'elle le fasse en liaison avec l'ensemble des parties, tous ceux qui veulent contribuer à ce processus, me paraît tout à fait naturel. Une fois de plus, soyons pragmatiques : partons de la réalité des problèmes de l'Irak. Répondons à l'inquiétude du peuple irakien et l'on verra très vite que, non seulement chacun peut y trouver sa place, mais que chacun doit y trouver sa place pour que ce processus puisse être efficace, et puisse conduire très rapidement à redonner au peuple irakien la capacité de reprendre en main son propre destin. C'est l'intérêt de l'Irak, c'est l'intérêt de la région, c'est l'intérêt de la communauté internationale. Et pour cela, j'ai la conviction qu'il y a une clef. Cette clef c'est le dialogue. Parlons, voyons-nous, travaillons. Il y a évidemment aujourd'hui un enjeu politique et diplomatique qui redonne tout son rôle à la volonté de nos Etats, à la vision de nos Etats, à l'énergie de nos Etats. Et je vais vous dire une fois de plus que pour l'Europe c'est un rendez-vous essentiel et que pour la France nous aurons à coeur d'y apporter toute notre contribution. Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 avril 2003)