Conférence de presse de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, sur les relations de l'Union européenne avec le Liban et les pays méditerranéens, la stratégie à l'égard de la Russie, de la Tchétchénie et des Balkans et la situation au Proche-Orient, notamment la réunion de Camp David sur le processus de paix, Bruxelles le 10 juillet 2000.

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Circonstance : Conseil affaires générales à Bruxelles (Belgique) le 10 juillet 2000

Texte intégral

Nous avons commencé par un débat public sur les Balkans occidentaux. Nous avions choisi ce sujet pour trois raisons principales : montrer l'arrimage de ces pays à l'Union européenne, confirmer le rôle de l'Union européenne dans la région et lancer un message d'espoir aux peuples de l'ex-Yougoslavie à la veille de plusieurs échéances électorales.
Nous avons évoqué le prochain Sommet l'Union européenne/Balkans occidentaux, endossé par le Conseil européen de Feira et qui se tiendra à l'automne en Croatie.
Puis nous avons traité des suites du Conseil de Feira :
- La politique européenne de sécurité et défense avec l'adoption de trois documents sur les relations entre l'Union européenne et l'OTAN, la préparation de la conférence d'engagement des capacités, qui se tiendra en novembre à Bruxelles, et la mise en place des structures permanentes.
- Les relations extérieures en traitant en particulier du Liban et de la Méditerranée.
S'agissant du Liban, vous savez que le gouvernement libanais a annoncé son intention d'organiser à Beyrouth une conférence pour examiner un plan d'aide à la reconstruction du Sud-Liban. L'Union européenne, comme l'a indiqué le Conseil européen à Feira, est disposée à apporter son aide au Liban et à contribuer aux efforts de réconciliation et de redressement dans ce pays. Mais il est prématuré de prendre des décisions : la Conférence doit être soigneusement préparée et toutes les conditions, notamment politiques, doivent être réunies pour assurer le moment venu la réussite de ce plan de reconstruction. La Commission et M. Moratinos participeront à cette conférence pour disposer d'une évaluation des besoins. La Commission a annoncé une communication au Conseil prochainement, sans doute en septembre.
Pour la Méditerranée, une réunion ministérielle se tiendra en novembre à Marseille pour évaluer l'ensemble du processus de Barcelone et, si les négociations de paix l'autorisent, se tiendra un Sommet de chefs d'Etat et de gouvernement.
Enfin, les questions horizontales seront évoquées plus tard dans la journée, notamment la Charte des droits fondamentaux, l'élargissement, le suivi de Lisbonne quant à l'emploi des réformes structurelles et des nouvelles technologies et à l'Europe des citoyens (sécurité alimentaire, sécurité maritime).
D'autre part, la Présidence a présenté son plan de travail en vue de l'application de la stratégie commune à l'égard de la Russie. Il y a eu un débat sur le programme des réformes économiques et politiques annoncées par M. Poutine et les actions de l'Union européenne en accompagnement de ce processus de réforme et de modernisation. J'ai rappelé, dans l'esprit de la lettre que j'avais adressée avec le ministre français de l'Economie, la somme d'orientations qui ont été approuvées par les Etats membres concernant la concentration sur les domaines précis de coopération (consolidation d'un Etat moderne, qui doit être un Etat de droit, aide à la construction de cet Etat, réforme économique etc... ). C'est dans cet esprit que le Conseil a invité la Commission a relancer la préparation du programme TACIS, ce qui a d'ailleurs été décidé à Feira, mais en fonction de ces nouvelles priorités. Il s'agit donc d'une relance adaptée.
Nous avons rappelé notre préoccupation concernant la Tchétchénie. Notre volonté que la Russie tienne les engagements pris en matière d'enquête indépendante et d'aide humanitaire, nous avons rappelé notre attachement à l'intégrité de la Russie, notre condamnation du terrorisme mais aussi de toutes les violences indiscriminées et notre conviction que seule une solution politique permettra un règlement durable.
En ce qui concerne les bananes, la Commission a fait état des difficultés de la négociation au sein de l'Organisation mondiale du Commerce et a proposé un mécanisme en deux temps : contingent " premier arrivé, premier servi " et, en cas d'échec, menace d'un système exclusivement tarifaire. Cinq Etats membres ont exprimé de sérieuses réserves par rapport à ce passage systématique à la négociation d'un système exclusivement tarifaire. Après une discussion, nous sommes arrivés à un texte de compromis qui dit que le Conseil a pris acte du rapport présenté par la Commission et l'invite à examiner la possibilité de gérer le marché selon un système contingentaire selon la formule " premier arrivé, premier servi ". Le Conseil a demandé à la Commission de lui faire un rapport à la suite de ses démarches sur les solutions possibles, y compris les solutions tarifaires, et sur ses implications. Au vu de ce rapport, le Conseil se déterminera. Donc j'insiste : c'est au vu de ce nouveau rapport de la Commission que le Conseil se déterminera sur la suite à donner. Le Conseil a rappelé son souci de parvenir à un règlement le plus rapide possible de ce litige dans le respect des règles de l'Organisation mondiale du Commerce, des intérêts des producteurs communautaires et des engagements de l'Union européenne vis à vis des pays ACP, notamment des plus fragiles d'entre eux.
Au déjeuner nous avons parlé de la situation au Moyen-Orient. Nous avons traité des méthodes de travail du Conseil Affaires générales. Le document sur la préparation de l'Assemblée générale des Nations unies a été reporté à la deuxième partie de l'après-midi, faute de temps. Il y aura donc ensuite la séance de travail sur la Conférence intergouvernementale en présence de Mme Fontaine que nous écoutons puis nous aurons une session ministérielle sur la Conférence intergouvernementale qui sera suivie d'un dîner.
Voilà c'était un résumé rapide de ce Conseil Affaires générales.
(...)
Q - Je voudrais connaître la réaction de la Présidence à deux idées qui ont été avancées dans le débat public sur les Balkans : primo l'extension des invitations à 3 ou 4 autres pays, deuxièmement l'idée de tenir le Sommet avant les élections en Serbie, compte tenu du fait que la date des élections n'est pas connue.
R - Ce qui complique la réponse. La France a présenté son schéma quant à ce projet de Sommet qui a été adopté par le Conseil et qui consiste à inviter les Balkans occidentaux. Parce qu'il ne s'agit pas de faire double emploi, ni avec le pacte, ni avec toutes les procédures que nous avons. Par rapport à un ensemble de pays de la région il s'agit d'adresser un message politique à ceux qui ont fait partie de la Yougoslavie à un moment donné et qui sont devenus des pays indépendants, qui sont démocratiques ou en voie de démocratisation, donc c'est un message politique d'encouragement et d'espoir par rapport aux populations de l'actuelle République fédérale de Yougoslavie. Notre intention est donc de maintenir la liste initiale. Quant à faire le sommet avant, vous venez de répondre à la question, comme on ne sait pas avant quelle date, c'est difficile de la changer. D'autre part, le calendrier de la Présidence est déjà très lourd. Donc, c'est difficile de tirer des conséquences pratiques de cette remarque qui est apparemment logique mais qui est difficile à utiliser.
Q - Demain se tiendra le Sommet de Camp David aux Etats Unis. Est-ce que vous avez un sentiment d'inquiétude ? Est-ce que l'échec de ce Sommet est plus probable que sa réussite ? Les Palestiniens ont renouvelé leur détermination à déclarer l'indépendance le 13 septembre ou d'ici la fin de l'année ; quelle sera la position de l'Union européenne ?
R - Sur le second point, il est trop tôt pour l'indiquer. Beaucoup de choses peuvent se passer d'ici là. Donc, nous nous exprimerons le moment venu, en temps utile. Sur le premier point, je dirai simplement que nous souhaitons une pleine réussite à cette réunion de Camp David et nous souhaitons à tous les participants beaucoup de courage politique pour y parvenir. L'Union européenne sera évidemment toujours disponible pour aider la paix et la garantir et lui permettre de se développer quand elle sera là.
Q - Vous avez exprimé des doutes sur les sanctions lors du débat public sur les Balkans occidentaux ?
R - Le débat a en effet fait apparaître un vrai scepticisme de la part d'un nombre croissant de pays membres quant à l'efficacité de cette politique de sanctions au regard des objectifs qui sont les nôtres. Aujourd'hui, nous n'en avons pas tiré les conséquences opérationnelles. Mais ce débat devra avoir lieu d'une façon plus approfondie et plus pratique à un moment ou un autre.
Si j'en juge par les interventions, beaucoup d'explications étaient mises en avant. Certains les jugent peut-être pas assez bien appliquées d'autres trop bien appliquées, d'autres trop contournées, d'autres inefficaces dans leur principe même, d'autres absurdes, d'autres nécessaires et logiques. Le tour de table a simplement fait apparaître cette variété d'interrogations et de préoccupations parce que, jusqu'ici, et cela est incontestable, elles n'ont pas atteint leur objectif politique. En tant que Présidence, nous en tirons la conclusion qu'il ne faut pas laisser ce débat sans suite et que nous trouverons une occasion de l'approfondir et de l'amener à des conclusions politiques opérationnelles. Mais je ne peux pas préjuger les conclusions du débat qui aura lieu.
Q - Il paraît que l'Autriche a demandé l'inscription de la question de la centrale nucléaire tchèque de Temelin. Est-ce que vous allez discuter de cette question cet après-midi ? Comptez-vous tenir un débat sur ce sujet ? Les documents qui ont été mis sur la table au Conseil concernant la politique de la défense et les relations entre l'Otan et l'Union européenne seront-ils disponibles ?
R - Sur le premier point, oui, cela sera abordé, à la fin du Conseil à l'occasion des points divers.
Sur le second point, ils seront distribués rapidement.
Q - Je voudrais savoir si, sur les Balkans, vous avez parlé de financement et sinon, est-ce que l'on peut réentendre que le plan présenté par M. Patten est accepté ?
R - Nous n'avons pas parlé de cela aujourd'hui, donc il n'y a rien de neuf sur ce plan. Les discussions se poursuivent.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 juillet 2000).