Déclaration de Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, sur l'égalité professionnelle et l'orientation professionnelle des filles, Paris le 9 octobre 2002.

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Circonstance : Colloque national "Lycéens et entreprises face à l'évolution des métiers" à Paris le 9 octobre 2002

Texte intégral

Pouvons-nous ignorer les valeurs fondatrices de la République ?
Pouvons-nous oublier que c'est par la liberté que naît l'égalité ?
Certainement pas.
C'est dans l'équilibre des forces et dans le respect des choix que nous pouvons créer les conditions nécessaires à une évolution sociale prometteuse.
Merci à vous, Monsieur le Président, d'avoir pris l'initiative de cette étude et de m'avoir associée à cette rencontre.
Merci aux acteurs de ce colloque d'avoir su ajuster les priorités et poser les termes du défi. Merci pour cette contribution à la réflexion sur la formation et sur l'orientation et par votre action en faveur de la démocratie paritaire.
Si, comme je le crois, nous devons être force de proposition auprès de la jeunesse, nous devons avant tout être à son écoute. Et je suis sensible à l'occasion que vous me donnez aujourd'hui d'entendre cette voix. Mettre en perspective ses aspirations dans le monde de l'entreprise est le moyen le plus sûr d'accélérer une démarche que je sens porteuse de fruits.
Rivarol disait : " La jeunesse, comme la verdure, pare la terre, mais l'éducation la couvre de moissons". La moisson est-elle à la hauteur de l'espérance ?
La jeunesse, celle des lycéennes et des lycéens, des jeunes en formation, des filles et des garçons qui feront le visage d'une France que nous voulons égalitaire, est au coeur de notre action. Et nous n'assumerions pas notre mission si nous ne cultivions ces forces vives.
Je dis d'autant plus aisément " notre mission " et " notre action " que j'interviens devant et avant Monsieur le Ministre de la Jeunesse, de l'Education nationale et de la Recherche et que nous nous exprimons, lui et moi, au nom du Gouvernement.
Les étapes franchies ces dernières années sont autant de victoires pour l'égalité professionnelle. Elles ne doivent cependant pas nous leurrer sur le travail qui reste à accomplir.
Que le nombre de femmes actives ait pratiquement doublé en l'espace de trente ans doit nous inciter à aller plus loin dans l'adaptation de ce monde en mutation aux besoins des femmes, c'est-à-dire aux besoins de la société toute entière.
Depuis le début des années 80, la féminisation des cadres et professions intellectuelles est passée du quart au tiers. Nous pouvons nous en féliciter. Mais nous ne devons pas nous en satisfaire car, malgré ces avancées, trop de contrastes persistent et trop d'inégalités professionnelles résistent.
Que 62 % des femmes qui travaillent soient ouvrières ou employées, sans que cet état de fait soit le fruit d'un choix délibéré, doit nous inviter à une plus grande écoute sociale.
Nous pouvons, encore aujourd'hui, nous faire l'écho de Stendhal, qui considérait que " l'admission des femmes à l'égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisation ".
L'information et l'orientation sont les vecteurs de l'égalité des chances, qui conditionne l'égalité professionnelle.
Or, l'orientation est encore trop souvent synonyme de rattrapage.
Elle ne doit pas seulement repêcher. Elle doit surtout accompagner les élève en amont. Elle doit renseigner sur les débouchés, guider les choix et appuyer les vocations.
Si, comme votre enquête le montre, les filles sont plus déterminées que les garçons, elles ne se trouvent malheureusement pas toujours orientées vers les filières les plus porteuses de débouchés. Il est donc primordial d'assurer un élargissement des choix d'orientation des filles.
Nouveaux métiers, jeunesse ambitieuse et structures adaptées sont les ferments d'une liberté fondée sur la parité et l'égalité des chances. Si nous ne savons orienter notre jeunesse et guider ses premiers pas, cette liberté restera un leurre.
Dans cet esprit de justice et de justesse dans les rapports entre les femmes et les hommes, au coeur du monde du travail, " la progression de l'égalité entre les hommes et les femmes constitue une préoccupation forte du gouvernement ", comme le rappelait récemment le Premier Ministre.
C'est en veillant à l'adaptation de l'offre de formation initiale que les perspectives d'emploi s'élargiront. Face à un choix plus large et grâce à une revalorisation des branches et des métiers mal-aimés parce que mal connus, la liberté des lycéennes pourra s'exercer pleinement.
C'est par cette voie qu'il sera possible d'obtenir une meilleure représentation féminine dans toutes les filières et d'en tirer richesse et équilibre.
C'est grâce à la mixité des filières scolaires et supérieures que nous parviendrons à réaliser cette égalité des chances, qui est signe de progrès et d'épanouissement social.
La mixité scolaire et universitaire est indispensable pour assurer la mixité professionnelle.
Aujourd'hui, 55.2 % des femmes travaillent et on ne peut pas considérer cette féminisation comme un effet de mode ou l'objet d'un débat d'idées. C'est une réalité économique, à laquelle le monde de l'entreprise doit savoir s'adapter et qu'il doit mieux utiliser.
C'est une chance pour l'entreprise et pour la société, car c'est un facteur de richesse pour la première et d'équilibre pour la seconde.
Que certains secteurs se soient déjà ouverts aux femmes et que cette ouverture soit un succès doit être un exemple pour le développement et la généralisation de la mixité.
L'égalité des salaires, une représentation plus forte des femmes dans les postes de responsabilité et une ouverture plus grande aux formations sont les conditions nécessaires à une meilleure adéquation entre le monde du travail et l'évolution de la place de la femme dans une société en mutation profonde, et à la recherche d'un progrès durable.
Il ne faut plus que le choix professionnel féminin se joue par élimination, par exclusion, par abandon.
Il faut que les choix des femmes trouvent leur résonance dans de vraies perspectives d'emploi et d'évolution professionnelle.
Il est donc essentiel de développer l'égalité face aux choix. Et si nous sommes ici, ce soir, c'est aussi pour nous rappeler que la liberté est un droit et qu'il est de notre devoir de la préserver.
L'enquête que vous avez menée auprès des jeunes et des entreprises permet de valider les efforts que le Gouvernement s'est engagé à entreprendre, en concertation et en coopération avec les acteurs de la vie économique et sociale, pour préparer la vie active de demain.
Le Président de la République a encore récemment déclaré que le principe de l'égalité professionnelle " simple dans la loi, devait passer dans les faits ".
Votre réflexion et votre action nous sont précieuses pour construire une politique adaptée aux besoins des jeunes et correspondant aux attentes des entreprises. La mise en adéquation de ces deux facteurs permettra de bâtir, dans le cadre d'un dialogue social fructueux, une égalité professionnelle qui traduise une véritable égalité des chances et qui porte une équité sociale qui soit force de cohésion.
Grâce aux éléments d'analyse que vous nous apportez et au dialogue entre les jeunes et l'entreprise face à l'évolution des métiers, nous voyons à quel point le chemin de l'école à l'entreprise, qui passe par la mixité et l'égalité, doit être facilité.
Ce projet s'inscrit en priorité dans les 25 propositions que j'ai présentées au Conseil des Ministres, le 24 juillet dernier, en faveur de l'égalité professionnelle et salariale.
Cinq de ces propositions concernent la formation initiale. Elles seront concertées avec Luc FERRY et ses collaborateurs, car c'est de cette étroite coopération que naîtra un regard nouveau sur la mixité dans les filières scolaires, supérieures et professionnelles.
Si nous savons être à l'écoute des jeunes et des partenaires sociaux, alors, l'égalité des chances d'aujourd'hui sera l'égalité professionnelle de demain.
Et nous aurons accompli un pas décisif dans la réalisation de notre idéal républicain de démocratie paritaire.
(Source http://www.social.gouv.fr, le 21 octobre 2002)