Texte intégral
Q - Dans la décision sur le boeuf, qu'est-ce qui a été le plus difficile, hier soir, à Matignon ?
R - Cela n'a pas été difficile parce que tous les ministres interrogés par le Premier ministre et lui-même sont arrivés à la même conclusion qui est que la France n'est pas en mesure aujourd'hui de lever l'embargo sur la viande bovine britannique parce qu'il n'y a pas assez d'assurances, pas assez de garanties. C'est un problème objectif avec un pays qui est aussi proche de nous et qui est un partenaire avec lequel nous faisons des choses importantes qu'en ce moment, mais nous allons tout faire pour circonscrire cette crise, c'est une crise du boeuf, c'est un problème objectif de l'exportation du boeuf britannique et pas uniquement par rapport à la France d'ailleurs
Q - Mais c'est bien de reconnaître que c'est une crise ?
R - Que cela concerne les relations franco-britanniques.
Q - Que c'est une crise.
R - C'est une crise sur ce point. Parce qu'il y a contradiction, - mais nous la vivons, nous la découvrons ensemble et nous la gérons le mieux possible -, il y a une contradiction entre ce nécessaire principe de précaution et la santé publique avec laquelle on ne peut pas jouer et un certain nombre de mécanismes communautaires et puis l'aspiration des britanniques à pouvoir exporter leur boeuf.
Q - Cela veut-il dire que les Français passent avant l'Europe ?
R - Cela concerne la santé des consommateurs et nous pensons que ce que nous faisons est très important pour l'avenir et pour les consommateurs européens, pas seulement les consommateurs français.
Q - Tony Blair a lancé tout de suite une action en justice contre Paris.
R - C'est une procédure mécanique en quelque sorte, mais elle ne règle pas le problème sur le fond, elle ne fait pas disparaître le risque de maladie et ça ne répond pas pour autant assez précisément à ce dont nous avons besoin, c'est-à-dire de tests plus rigoureux et surtout d'un étiquetage parfaitement clair qui permettra à tous les consommateurs d'Europe d'être parfaitement informés.
Q - Une vague de francophobie va déferler sur la Grande-Bretagne, vous dites aussi tant pis, on n'y peut rien. C'est cela ?
R - C'est tout à fait regrettable, cela traduirait une mauvaise connaissance du dossier parce qu'il y a un problème objectif, il n'y a aucune espèce d'intention de la part de la France d'avoir une crise avec la Grande-Bretagne, au contraire nous sommes arrivés à cette conclusion à regret. Mais les britanniques comprendront bien que ce n'est pas une intention française.
Q - Ils mettront du temps à comprendre parce que la colère des Britanniques a commencé dès hier soir. Et s'il y a des représailles sur les produits français ?
R - Cela serait totalement injustifié et déraisonnable de leur part, mais nous considérons que c'est une pure hypothèse. De toute façon, ils ont un problème d'exportation, parce qu'il y a d'autres pays qui n'ont pas levé, l'Allemagne par exemple, il y a une quarantaine de pays dans le monde qui n'ont pas levé l'embargo.
Q - Et cela retombe sur la France.
R - Bien sûr, et d'autre part il y a d'autres pays qui n'appliquent pas l'embargo mais où personne n'achète du boeuf britannique, ils ont donc un problème global d'exportation. Ils savent très bien qu'ils devront apporter plus de garanties. Ils ont d'ailleurs pris des engagements mais qui ne sont pas encore concrétisés. Nous avons besoin de concret.
Q - Mais alors donnez-vous un délai aux Anglais ?
R - Mais on se voit tout le temps. Nous travaillons ensemble sur la défense européenne, nous allons être ensemble à Helsinki. Nous travaillons ensemble sur le Proche-Orient, sur la Tchétchénie, sur l'élargissement de l'Europe, sur la réforme institutionnelle. Nous sommes au coude à coude, nous participons au même projet. Nous n'avons donc pas besoin de nous fixer des dates pour nous revoir. Sur l'affaire de la vache folle, on avancera au fur et à mesure que les garanties concrètes que nous avons demandées seront là.
Q - Le président de la République a été je suppose constamment informer ?
R - Naturellement.
Q - Est-ce qu'il approuve les décisions du gouvernement Jospin, dans ce domaine ?
R - Je suis convaincu qu'il y a unanimité en France derrière la décision du gouvernement.
Q - Cela veut-il dire aussi que la France ne craint pas les sanctions promises par la Commission Prodi ?
R - C'est la Commission en tant que telle, ce n'est pas M. Prodi.
Q - Mais c'est la Commission de Bruxelles. Et d'autre part, est-ce que vous voulez qu'elle modifie ses règles au nom du principe de précaution ? Qu'il y ait des règles européennes désormais
R - D'abord la procédure prendra un certain temps et nous aurons à faire valoir nos arguments qui sont sérieux. Au bout du compte, il faudra certainement tirer les leçons de cette affaire pour améliorer les mécanismes notamment en matière de protection du consommateur et de santé publique. Et de façon à ce que l'Europe ait une approche cohérente par la suite. Il faudra qu'au bout du compte, de ce mal, sorte un bien, mais on en n'est pas encore là.
Q - Quand je vous avais invité, c'était pour parler du Sommet européen d'Helsinki, est-ce qu'il va être retardé, est-ce qu'il aura lieu ?
R - Bien sûr.
Q - Vous pensez que Tony Blair ira ?
R - Bien sûr.
Q - Il n'a aucune raison de ne pas y aller ?
R - Nous devons fixer lors du Conseil européen une politique générale de l'Europe quant à son élargissement. Les Européens, qui ont été relativement en désaccord entre eux depuis une dizaine d'années sur l'élargissement qu'il fallait accélérer ou au contraire ralentir pour mieux le maîtriser, sont maintenant d'accord, il y a une synthèse dans la vision de l'Europe, c'est une date très importante, ça n'a aucun rapport avec cette affaire pénible de la vache folle. Nous avons à prendre des décisions en matière de défense qui sont importantes, nous allons parler de la Tchétchénie...
Q - Seront-elles prises ? Helsinki devait marquer un progrès décisif pour une vraie défense européenne indépendante, est-ce encore possible ?
R - Je crois que le processus qui a commencé précisément grâce aux Français et aux Britanniques qui se sont rapprochés, Saint-Malo, et qui a permis aux Quinze d'avancer avec les déclarations de Cologne, ce qui a permis de préparer le Conseil d'Helsinki, tout cela va déboucher sur des décisions à la fois sur les engagements des Européens pour renforcer leurs capacités et de nouveaux mécanismes de décisions pour aller vers une Europe plus autonome dans le cadre de l'Alliance. La défense européenne a été depuis très longtemps une chimère, sympathique pour les discours et pour les colloques, elle est en train de devenir réalité. Helsinki va marquer une vraie étape sur ce plan.
Q - Vous avez parlé tout à l'heure de l'élargissement qui est un deuxième thème avec la reforme des institutions européennes, troisième thème. L'élargissement est-ce qu'il ne menace pas le dessein ou le projet européen ?
R - C'est pour cela qu'il faut le maîtriser, il faut que la négociation soit rigoureuse et il faut faire avant les élargissements qui sont en perspectives, des réformes institutionnelles pour que l'Union européenne puisse continuer à fonctionner après. D'ailleurs c'est dans l'intérêt de tout le monde y compris des candidats, s'ils veulent venir avec nous c'est parce que cela marche bien, il faut donc que cela continu à marcher bien après. C'est pour cela que nous allons faire ce qu'on appelle une Conférence intergouvernementale pour réformer les institutions et pour pouvoir être prêts à accueillir ceux des pays candidats qui seront prêts eux-mêmes, à partir disons de 2003.
Q - Mais la vache folle va s'inviter aussi à Helsinki, de même que les chars et les criminels Russes. La Russie pour sa campagne électorale prend les Tchétchènes en otages et les assassine y compris, dit-on, avec des armes chimiques. Est-ce qu'une action militaire de dissuasion est possible ?
R - Il y a un vrai problème tchétchène que nous ne nions pas dans les deux sens. Il y a un vrai problème de terrorisme dans le Caucase du Nord, cela dure depuis des années, il y a un véritable problème d'industrie du kidnapping, des otages, beaucoup d'entre eux ont été assassinés, des Russes mais aussi des Caucasiens, des Occidentaux, personne au monde n'a contesté le fait que la Russie ait le droit de lutter contre le terrorisme comme tous les gouvernements le font, et personne ne conteste la souveraineté russe sur cette région du Caucase du nord. Ce que nous contestons de façon claire et de plus en plus forte, et de plus en plus pressante par rapport aux Russes, ce sont les méthodes employées et cette action militaire disproportionnée, démesurée, indiscriminée.
Q - Alors comment les Européens réunis à Helsinki en sommet vont-ils réagir ? Est-ce qu'une mise en quarantaine économique, financière, politique de la Russie est possible ou est suffisante ?
R - Le président Clinton vient d'exclure les sanctions contre Moscou en faisant remarquer et en faisant remarquer par ses porte-parole que la plupart des mécanismes d'aides de l'occident par rapport à la Russie visent à servir notre intérêt, par exemple à aider la Russie à mieux contrôler ses matières nucléaires, par exemple aider la Russie à mieux payer sa dette.
Q - Donc vous êtes d'accord avec, ce matin vous nous dites que la France est d'accord avec Clinton. Pas de sanctions contre les Russes.
R - C'est important dans l'analyse parce que quand nous agissons globalement entre Occidentaux, il est certain que nous avons plus de poids. Je voudrais dire que, sur ce point, nous sommes absolument déterminés à faire plier les Russes, c'est-à-dire à les faire changer de politique, à les ramener sur le terrain politique, parce qu'au Caucase une solution purement militaire ne marchera pas, nous le disons très fortement depuis des semaines.
Q - Mais ils continuent.
R - Pour le moment ils continuent, c'est pour cela que le Sommet d'Helsinki va se saisir de cette question de la Tchétchénie dès le début. Nous allons proposer que l'ordre du jour soit modifié, pour commencer par ce sujet dès vendredi matin. Nous ne pouvons pas délibérer des autres sujets qui sont très importants mais dans le long terme, sans traiter de cette crise. Nous voulons donc traiter la crise tchétchène, revenir sur le terrain de la solution politique, sans remettre en cause toute la politique que nous avons entamé par rapport à la Russie depuis 10 ans qui consiste à accompagner ce pays dans la construction d'un grand pays moderne, cela va prendre 20 ou 30 ans et il faut garder le sens de la durée et le sens de la stratégie. Même dans cette crise aiguë et même au moment où nous jugeons absolument détestables les méthodes de l'armée russe, je note d'ailleurs que les Russes sont en train de reculer sur l'ultimatum.
Q - Ils ont donné trois jours de plus mais ils continuent les massacres. Ville après ville la Tchétchénie tombe.
R - Naturellement, mais nous ne sommes pas en train de contester les faits puisque nous en parlons depuis des semaines et je dois dire que nous avons commencé à en parler à une époque où les médias ne nous posaient pas la question. On a même eu du mal à faire entendre ce que nous disions. Avant qu'on commence à nous dire, mais pourquoi vous ne parlez pas du sujet, cela faisait déjà plusieurs semaines qu'on essayait de faire comprendre ce que nous avions à dire. L'objectif est que les Russes arrêtent cette politique militaire aveugle qui prend en otage l'ensemble des populations, ce qui est intolérable et qu'ils reviennent à une solution politique.
Q - Et s'ils continuent malgré la rationalité de vos propos ?
R -Eh bien nous ne pourrons pas continuer à coopérer avec eux comme si de rien n'était, s'il n'y a pas les changements que nous exigeons dans la façon dont ils gèrent cette crise tchétchène./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 décembre 1999)
R - Cela n'a pas été difficile parce que tous les ministres interrogés par le Premier ministre et lui-même sont arrivés à la même conclusion qui est que la France n'est pas en mesure aujourd'hui de lever l'embargo sur la viande bovine britannique parce qu'il n'y a pas assez d'assurances, pas assez de garanties. C'est un problème objectif avec un pays qui est aussi proche de nous et qui est un partenaire avec lequel nous faisons des choses importantes qu'en ce moment, mais nous allons tout faire pour circonscrire cette crise, c'est une crise du boeuf, c'est un problème objectif de l'exportation du boeuf britannique et pas uniquement par rapport à la France d'ailleurs
Q - Mais c'est bien de reconnaître que c'est une crise ?
R - Que cela concerne les relations franco-britanniques.
Q - Que c'est une crise.
R - C'est une crise sur ce point. Parce qu'il y a contradiction, - mais nous la vivons, nous la découvrons ensemble et nous la gérons le mieux possible -, il y a une contradiction entre ce nécessaire principe de précaution et la santé publique avec laquelle on ne peut pas jouer et un certain nombre de mécanismes communautaires et puis l'aspiration des britanniques à pouvoir exporter leur boeuf.
Q - Cela veut-il dire que les Français passent avant l'Europe ?
R - Cela concerne la santé des consommateurs et nous pensons que ce que nous faisons est très important pour l'avenir et pour les consommateurs européens, pas seulement les consommateurs français.
Q - Tony Blair a lancé tout de suite une action en justice contre Paris.
R - C'est une procédure mécanique en quelque sorte, mais elle ne règle pas le problème sur le fond, elle ne fait pas disparaître le risque de maladie et ça ne répond pas pour autant assez précisément à ce dont nous avons besoin, c'est-à-dire de tests plus rigoureux et surtout d'un étiquetage parfaitement clair qui permettra à tous les consommateurs d'Europe d'être parfaitement informés.
Q - Une vague de francophobie va déferler sur la Grande-Bretagne, vous dites aussi tant pis, on n'y peut rien. C'est cela ?
R - C'est tout à fait regrettable, cela traduirait une mauvaise connaissance du dossier parce qu'il y a un problème objectif, il n'y a aucune espèce d'intention de la part de la France d'avoir une crise avec la Grande-Bretagne, au contraire nous sommes arrivés à cette conclusion à regret. Mais les britanniques comprendront bien que ce n'est pas une intention française.
Q - Ils mettront du temps à comprendre parce que la colère des Britanniques a commencé dès hier soir. Et s'il y a des représailles sur les produits français ?
R - Cela serait totalement injustifié et déraisonnable de leur part, mais nous considérons que c'est une pure hypothèse. De toute façon, ils ont un problème d'exportation, parce qu'il y a d'autres pays qui n'ont pas levé, l'Allemagne par exemple, il y a une quarantaine de pays dans le monde qui n'ont pas levé l'embargo.
Q - Et cela retombe sur la France.
R - Bien sûr, et d'autre part il y a d'autres pays qui n'appliquent pas l'embargo mais où personne n'achète du boeuf britannique, ils ont donc un problème global d'exportation. Ils savent très bien qu'ils devront apporter plus de garanties. Ils ont d'ailleurs pris des engagements mais qui ne sont pas encore concrétisés. Nous avons besoin de concret.
Q - Mais alors donnez-vous un délai aux Anglais ?
R - Mais on se voit tout le temps. Nous travaillons ensemble sur la défense européenne, nous allons être ensemble à Helsinki. Nous travaillons ensemble sur le Proche-Orient, sur la Tchétchénie, sur l'élargissement de l'Europe, sur la réforme institutionnelle. Nous sommes au coude à coude, nous participons au même projet. Nous n'avons donc pas besoin de nous fixer des dates pour nous revoir. Sur l'affaire de la vache folle, on avancera au fur et à mesure que les garanties concrètes que nous avons demandées seront là.
Q - Le président de la République a été je suppose constamment informer ?
R - Naturellement.
Q - Est-ce qu'il approuve les décisions du gouvernement Jospin, dans ce domaine ?
R - Je suis convaincu qu'il y a unanimité en France derrière la décision du gouvernement.
Q - Cela veut-il dire aussi que la France ne craint pas les sanctions promises par la Commission Prodi ?
R - C'est la Commission en tant que telle, ce n'est pas M. Prodi.
Q - Mais c'est la Commission de Bruxelles. Et d'autre part, est-ce que vous voulez qu'elle modifie ses règles au nom du principe de précaution ? Qu'il y ait des règles européennes désormais
R - D'abord la procédure prendra un certain temps et nous aurons à faire valoir nos arguments qui sont sérieux. Au bout du compte, il faudra certainement tirer les leçons de cette affaire pour améliorer les mécanismes notamment en matière de protection du consommateur et de santé publique. Et de façon à ce que l'Europe ait une approche cohérente par la suite. Il faudra qu'au bout du compte, de ce mal, sorte un bien, mais on en n'est pas encore là.
Q - Quand je vous avais invité, c'était pour parler du Sommet européen d'Helsinki, est-ce qu'il va être retardé, est-ce qu'il aura lieu ?
R - Bien sûr.
Q - Vous pensez que Tony Blair ira ?
R - Bien sûr.
Q - Il n'a aucune raison de ne pas y aller ?
R - Nous devons fixer lors du Conseil européen une politique générale de l'Europe quant à son élargissement. Les Européens, qui ont été relativement en désaccord entre eux depuis une dizaine d'années sur l'élargissement qu'il fallait accélérer ou au contraire ralentir pour mieux le maîtriser, sont maintenant d'accord, il y a une synthèse dans la vision de l'Europe, c'est une date très importante, ça n'a aucun rapport avec cette affaire pénible de la vache folle. Nous avons à prendre des décisions en matière de défense qui sont importantes, nous allons parler de la Tchétchénie...
Q - Seront-elles prises ? Helsinki devait marquer un progrès décisif pour une vraie défense européenne indépendante, est-ce encore possible ?
R - Je crois que le processus qui a commencé précisément grâce aux Français et aux Britanniques qui se sont rapprochés, Saint-Malo, et qui a permis aux Quinze d'avancer avec les déclarations de Cologne, ce qui a permis de préparer le Conseil d'Helsinki, tout cela va déboucher sur des décisions à la fois sur les engagements des Européens pour renforcer leurs capacités et de nouveaux mécanismes de décisions pour aller vers une Europe plus autonome dans le cadre de l'Alliance. La défense européenne a été depuis très longtemps une chimère, sympathique pour les discours et pour les colloques, elle est en train de devenir réalité. Helsinki va marquer une vraie étape sur ce plan.
Q - Vous avez parlé tout à l'heure de l'élargissement qui est un deuxième thème avec la reforme des institutions européennes, troisième thème. L'élargissement est-ce qu'il ne menace pas le dessein ou le projet européen ?
R - C'est pour cela qu'il faut le maîtriser, il faut que la négociation soit rigoureuse et il faut faire avant les élargissements qui sont en perspectives, des réformes institutionnelles pour que l'Union européenne puisse continuer à fonctionner après. D'ailleurs c'est dans l'intérêt de tout le monde y compris des candidats, s'ils veulent venir avec nous c'est parce que cela marche bien, il faut donc que cela continu à marcher bien après. C'est pour cela que nous allons faire ce qu'on appelle une Conférence intergouvernementale pour réformer les institutions et pour pouvoir être prêts à accueillir ceux des pays candidats qui seront prêts eux-mêmes, à partir disons de 2003.
Q - Mais la vache folle va s'inviter aussi à Helsinki, de même que les chars et les criminels Russes. La Russie pour sa campagne électorale prend les Tchétchènes en otages et les assassine y compris, dit-on, avec des armes chimiques. Est-ce qu'une action militaire de dissuasion est possible ?
R - Il y a un vrai problème tchétchène que nous ne nions pas dans les deux sens. Il y a un vrai problème de terrorisme dans le Caucase du Nord, cela dure depuis des années, il y a un véritable problème d'industrie du kidnapping, des otages, beaucoup d'entre eux ont été assassinés, des Russes mais aussi des Caucasiens, des Occidentaux, personne au monde n'a contesté le fait que la Russie ait le droit de lutter contre le terrorisme comme tous les gouvernements le font, et personne ne conteste la souveraineté russe sur cette région du Caucase du nord. Ce que nous contestons de façon claire et de plus en plus forte, et de plus en plus pressante par rapport aux Russes, ce sont les méthodes employées et cette action militaire disproportionnée, démesurée, indiscriminée.
Q - Alors comment les Européens réunis à Helsinki en sommet vont-ils réagir ? Est-ce qu'une mise en quarantaine économique, financière, politique de la Russie est possible ou est suffisante ?
R - Le président Clinton vient d'exclure les sanctions contre Moscou en faisant remarquer et en faisant remarquer par ses porte-parole que la plupart des mécanismes d'aides de l'occident par rapport à la Russie visent à servir notre intérêt, par exemple à aider la Russie à mieux contrôler ses matières nucléaires, par exemple aider la Russie à mieux payer sa dette.
Q - Donc vous êtes d'accord avec, ce matin vous nous dites que la France est d'accord avec Clinton. Pas de sanctions contre les Russes.
R - C'est important dans l'analyse parce que quand nous agissons globalement entre Occidentaux, il est certain que nous avons plus de poids. Je voudrais dire que, sur ce point, nous sommes absolument déterminés à faire plier les Russes, c'est-à-dire à les faire changer de politique, à les ramener sur le terrain politique, parce qu'au Caucase une solution purement militaire ne marchera pas, nous le disons très fortement depuis des semaines.
Q - Mais ils continuent.
R - Pour le moment ils continuent, c'est pour cela que le Sommet d'Helsinki va se saisir de cette question de la Tchétchénie dès le début. Nous allons proposer que l'ordre du jour soit modifié, pour commencer par ce sujet dès vendredi matin. Nous ne pouvons pas délibérer des autres sujets qui sont très importants mais dans le long terme, sans traiter de cette crise. Nous voulons donc traiter la crise tchétchène, revenir sur le terrain de la solution politique, sans remettre en cause toute la politique que nous avons entamé par rapport à la Russie depuis 10 ans qui consiste à accompagner ce pays dans la construction d'un grand pays moderne, cela va prendre 20 ou 30 ans et il faut garder le sens de la durée et le sens de la stratégie. Même dans cette crise aiguë et même au moment où nous jugeons absolument détestables les méthodes de l'armée russe, je note d'ailleurs que les Russes sont en train de reculer sur l'ultimatum.
Q - Ils ont donné trois jours de plus mais ils continuent les massacres. Ville après ville la Tchétchénie tombe.
R - Naturellement, mais nous ne sommes pas en train de contester les faits puisque nous en parlons depuis des semaines et je dois dire que nous avons commencé à en parler à une époque où les médias ne nous posaient pas la question. On a même eu du mal à faire entendre ce que nous disions. Avant qu'on commence à nous dire, mais pourquoi vous ne parlez pas du sujet, cela faisait déjà plusieurs semaines qu'on essayait de faire comprendre ce que nous avions à dire. L'objectif est que les Russes arrêtent cette politique militaire aveugle qui prend en otage l'ensemble des populations, ce qui est intolérable et qu'ils reviennent à une solution politique.
Q - Et s'ils continuent malgré la rationalité de vos propos ?
R -Eh bien nous ne pourrons pas continuer à coopérer avec eux comme si de rien n'était, s'il n'y a pas les changements que nous exigeons dans la façon dont ils gèrent cette crise tchétchène./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 décembre 1999)