Déclaration de M. Alain Richard, ministre de la défense, en réponse à une question sur la possibilité de report d'incorporation pour des jeunes appelés bénéficiant de contrats de travail, à l'Assemblée nationale le 27 janvier 1998.

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Texte intégral

Q.-La loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national donne la possibilité aux jeunes titulaires d'un contrat à durée déterminée ou indéterminée de bénéficier d'une mesure de suspension du service national. Cette loi était très attendue par des jeunes qui, entrant, bien souvent pour la première fois, dans le monde du travail, pouvaient ainsi espérer poursuivre leur activité. Or cette loi ne peut être appliquée faute de parution des décrets. Les jeunes doivent donc interrompre leur contrat à durée déterminée ou indéterminée pour accomplir leur service national. Et ils ne quittent pas leur premier emploi sans un grand désarroi. La parution rapide de ces décrets - aussi rapide que pour ceux concernant les emplois-jeunes - permettrait de les rassurer.
J'ai reçu, samedi, accompagné par des parents d'élèves, un jeune de ma circonscription qui est instituteur remplaçant. Le 3 février prochain, il devra quitter son emploi pour rejoindre le 43e RI à Lille, où l'activité est si réduite qu'il rentrera certainement tous les soirs chez lui. Comme lui-même, les parents d'élèves auraient souhaité qu'il continue d'assurer son remplacement, au moins jusqu'à la fin de l'année scolaire. Monsieur le ministre, quand les décrets d'application seront-ils publiés ? Quand les commissions de report pourront-elles commencer à fonctionner ?
R.- Monsieur le député, pour avoir voté la loi du 28 octobre 1997, vous en connaissez les principes: le service national, dans son ancienne formule, reste la loi pour tous les jeunes nés avant le 1er janvier 1979. Il ne s'agit pas d'une rigidité bureaucratique - le Parlement ne l'aurait pas accepté - mais d'une nécessité pour le fonctionnement de notre défense. En 1998, 140 000 jeunes appelés sont prévus dans les effectifs de l'ensemble de nos formations de défense, et ils y sont nécessaires. Je n'ai pas les moyens, et personne ne me les a proposés, de priver les armées de 140 000 jeunes qui exercent des responsabilités soit opérationnelles - en Bosnie, par exemple -, soit dans le fonctionnement des unités. Qu'adviendrait-il de notre flotte si on la privait des techniciens appelés embarqués sur les bâtiments ?
La mesure que nous avons prise avec l'assentiment du Parlement prévoit une possibilité supplémentaire de report - non de dispense - pour les jeunes ayant des contrats de travail. Il ne s'agit que d'une exception à la règle générale. Nous nous sommes entendus pour que cette exception soit clairement cadrée, parce que, monsieur Dehoux, vous comme moi avons déjà une longue expérience parlementaire et nous savons que le problème des appelés pourvus d'un emploi s'est toujours posé. Bien entendu, au moment d'une réforme, d'un changement de perspective, il est logique que certains jeunes, ou certains parents, fassent preuve d'une certaine insistance. Mais, dans le passé, et même avec un niveau de chômage important, des jeunes ont dû interrompre leur activité professionnelle pour partir au service militaire. Cela étant, vous avez voté, et j'y attache beaucoup d'importance, une disposition réformant le code du travail, qui est d'ores et déjà en vigueur et qui donne aux jeunes la garantie que leur contrat de travail est seulement suspendu, leur employeur étant tenu, sauf cas de force majeure, de les réintégrer à l'issue de leur service.
Quant au décret mettant en place la procédure de demande de report pour les jeunes bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée, j'avais annoncé, devant l'Assemblée et le Sénat, sa parution pour le début de l'année 1998. Il ne sera publié qu'en mars. Nous ne pouvons pas aller plus vite car le législateur a prévu, non sans de bonnes raisons, la consultation préalable du Conseil supérieur des Français de l'étranger. Nous attendons donc la prochaine réunion du bureau de ce conseil pour connaître son appréciation sur les conditions dans lesquelles les nouvelles obligations du service national peuvent s'appliquer à nos jeunes compatriotes vivant à l'étranger.
Dans les jours qui suivront, le projet de décret, qui est déjà prêt et sur lequel je suis tout à fait disposé à ouvrir une concertation, sera présenté au Conseil d'Etat. Le décret sera ensuite signé par le Premier ministre et les membres concernés du Gouvernement, dans les premiers jours du mois de mars. Il s'agira d'un décret unique portant application de l'ensemble des dispositions de la loi du 28 octobre 1997, et notamment de celles qui régissent les conditions de report applicables aux jeunes titulaires d'un contrat à durée indéterminée. Ceux-ci, vous le savez sans doute, représentent environ 10 % des incorporables. Le rôle des commissions sera d'apprécier si l'incorporation du jeune, son appel sous les drapeaux, est de nature à compromettre son insertion professionnelle.
Le jeune disposant d'un contrat à durée indéterminée bénéficie, je le rappelle, de la garantie que nous avons introduite dans le code du travail. Si son entreprise paraît en mesure de le réintégrer conformément à ses obligations légales, il n'y aura pas automaticité du report. Celui-ci ne sera prononcé que s'il apparaît que l'incorporation peut compromettre les débuts professionnels du jeune.
Quant à la possibilité de report pour les jeunes titulaires d'un contrat à durée déterminée, nous avions prévu, en accord avec la majorité de l'Assemblée, que cette disposition entrerait en vigueur à la fin de l'année 1998. Notre objectif est de la rendre applicable le 1er décembre prochain.
Pourquoi procédons-nous en deux fois ? D'une part, parce qu'il faudra que les commissions régionales de report, dont vous connaissez le fonctionnement, puissent absorber les dossiers et répondre aux jeunes dans un délai raisonnable. D'autre part, parce que le nombre de jeunes bénéficiaires d'un contrat à durée déterminée, et donc susceptibles de manquer à nos unités, est important: un peu plus de 20 % des incorporables. En 1999, la professionnalisation aura progressé; nous aurons besoin de moins d'appelés. Il sera alors possible de faire bénéficier les jeunes titulaires de CDD de cette possibilité de report pour la durée de leur contrat.
Voilà comment ces dispositions entreront en vigueur. Je crois que nous avons, d'un commun accord avec l'Assemblée et le Sénat, établi un système équilibré entre les perspectives professionnelles des jeunes, et les responsabilités des employeurs, d'un côté, et de l'autre, le besoin vital pour la défense d'incorporer de jeunes appelés jusqu'à la fin de la période de transition, c'est-à-dire jusqu'en 2002.
(Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 14 novembre 2001)