Déclaration de Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme, sur les perspectives du développement du tourisme, Paris le 12 mai 1998.

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Circonstance : Présentation du rapport de prospective de M. Jean Viard sur "La demande touristique à l'horizon 2010"

Texte intégral

Monsieur le Commissaire général au Plan,
Monsieur le Président,
Madame, Monsieur les rapporteurs,
Mesdames, Messieurs les journalistes,

Merci de nous avoir rejoints, aujourd'hui, à l'occasion de la présentation de ce rapport de prospective sur " la demande touristique à l'horizon 2010 ".

Avant d'apporter une première appréciation sur ce travail de réflexion, je souhaiterais remercier, le Commissariat Général au Plan, d'avoir répondu favorablement à la demande de notre Direction du Tourisme, en se penchant avec elle, pour la première fois, sur les avenirs possibles du tourisme français.

Ce travail marquera, à n'en point douter, une étape importante dans la reconnaissance de ce secteur d'activité et du poids qu'il représente désormais dans la vie sociale et économique de notre pays.

Je tiens également à remercier, le groupe d'experts et ses deux dynamiques rapporteurs, qui ont travaillé, sans relâche, durant un an, discutant, auditionnant, visitant, réfléchissant, sous la houlette particulièrement efficace de Jean Viard.

Je me félicite que le jeu des circonstances m'ait permis de bénéficier de ce rapport, au moment même où je définis la nouvelle politique du tourisme national et les outils de sa mise en uvre; je pense en particulier aux futurs contrats de plan Etat-Région et aux fonds structurels européens qui les accompagneront.

Ce travail constitue une première contribution à la réflexion que j'ai engagée au sein de mon ministère et à la stratégie que j'entends mettre en uvre au cours de cette législature.

Ce document a un premier grand mérite, celui de porter un regard nouveau non seulement sur le secteur d'activité touristique mais aussi sur les mutations de notre société tout entière, son rapport au temps et à l'espace et les conséquences que ses évolutions entraînent sur le comportement des touristes.

C'est sans aucun doute le fait d'avoir appliqué pour la première fois au tourisme, vous l'avez rappelé, des méthodes d'investigation et d'analyse prospectives réservées habituellement aux secteurs industriels ou des services qui confère à ce rapport son originalité et sa richesse.

Il lui permet surtout de sortir des schémas traditionnels de réflexions pour prendre de la hauteur et engager le débat du développement touristique national sur de nouvelles bases, moins conventionnelles et plus proches des attentes de nos populations.

Votre approche de la demande en premier lieu, qui a privilégié le regard au quotidien sur le touriste, pour mieux apprécier ses attentes, ses désirs, ses manques, en refusant d'isoler les comportements touristiques de ceux plus généraux de la vie en société, me semble tout à fait intéressante.

Nos professionnels publics, privés ou associatifs, devront, de plus en plus, tenir compte des motivations premières, réelles et multiformes, des vacanciers et des touristes dans la conception de leur offre : désir de rupture avec le quotidien, de dépaysement, de retrouvailles en famille, en couple, entre amis, envie de soleil, d'échange et d'apprentissage de nouvelles connaissances...

De même devront-ils apprendre à anticiper les éléments modificateurs du comportement touristique, liés aux phénomènes de générations, aux évolutions démographiques, économiques ou aux innovations technologiques.

Si pour beaucoup de nos concitoyens, les vacances sont devenues un droit fondamental qui ne saurait être remis en cause, une part encore trop importante de notre population n'y a pas accès régulièrement ou en est totalement exclue.

Votre rapport s'interroge, d'ailleurs, avec raison, sur les risques de voir ce nombre d'exclus augmenter si le contexte économique et surtout de l'emploi restait en l'état.

Notre ministère a proposé, dans le cadre du programme et de la loi de prévention et de lutte contre les exclusions, un certain nombre de mesures qui favoriseront le départ des plus démunis.

Il a également à cur de ne pas oublier la frange de notre population qui, pour de multiples raisons, qui ne sont pas toutes nécessairement financières, renonce, temporairement, à exercer son droit aux vacances.

Aussi les politiques qui seront menées demain, par le secteur public comme par le secteur privé, devront-elles intégrer les contraintes, préoccupations et attentes de ces non partants.

Celles-ci sont bien souvent identiques aux nôtres, en termes de dépaysement, de diversité de l'offre, de qualité d'accueil et de service.

Il nous faudra sans doute redéfinir notre conception du tourisme social, nos interventions publiques dans ce secteur pour répondre au plus près à ces nouvelles aspirations.

A niveau de l'offre, ce rapport met en exergue sa nécessaire adaptation aux mutations de société et aux évolutions des modes de consommation.

Les décisions de départ en vacances sont prises certes, en fonction du travail et des moyens des touristes, mais aussi en fonction de leur " stratégie touristique " et de leur " histoire touristique " tout au long de leur vie.

Tel week-end en complète un autre. Tel voyage touristique compense un séjour ennuyeux, parfois un autre plus " nécessaire " en famille, ou un simple déplacement touristique de proximité. Le tout forme bien cette galaxie que le rapport mentionne.

La mise en désir de nos territoires dépendra donc, de notre capacité à intégrer, dans notre offre en équipement comme en activités, l'ensemble des demandes, dans toute leur diversité, qui nous seront formulées tant par notre population que par nos visiteurs étrangers.

Il nous faudra, c'est certain, bien articuler le travail des pouvoirs publics et des professionnels, pour renforcer l'attractivité de nos territoires et favoriser leur mise en économie touristique.

Et même si, comme ce rapport l'affirme, la légitimité touristique des territoires ne se décrète pas, je reste convaincue que la France peut offrir, par la richesse et la diversité de ses terroirs, et le potentiel encore inexploité de ses pays, une multitude de réponses aux attentes nouvelles de ses visiteurs et touristes nationaux et internationaux.

C'est à cet objectif ambitieux que je m'attacherai dans les années à venir.

Comme l'ont dit ses fondateurs, Pierre Massé et Bertrand de Jouvenel, la prospective est " un outil de lutte contre la fatalité " et " un outil de lutte contre le hasard ".

C'est avec cette conviction que j'ai abordé la lecture de ce rapport. L'avenir touristique de notre pays ne peut en effet être une fatalité.

Il appartient aux hommes qui participent à sa construction; et ceci d'autant mieux qu'ils sont bien informés. Or ce rapport contribue à notre information et alimente des pistes nouvelles de réflexions.

On ne peut néanmoins, à sa seule lecture, formuler de conclusions trop hâtives. Il nous faut auparavant mener une vaste concertation avec l'ensemble de la grande famille du tourisme pour valider certaines pistes intéressantes et pour mobiliser l'ensemble des acteurs autour d'un scénario de développement défini en commun.

Ce rapport présente également le mérite de s'être attaché à regarder " les touristes vivre au quotidien ".

Aucun document administratif de ce type n'avait, jusqu'à présent, adopté cet angle de vue plus sociologique que statistique. Or il est clair que le touriste en tant qu'homme, est la résultante indissociable, d'une société et d'une économie.

Nous avons parfois tendance à l'oublier et à le considérer en tant que tel, hors de son contexte et de l'environnement qu'il le crée et le caractérise, voire de l'enfermer dans des concepts trop caricaturaux (socio-styles).

Il est aussi vrai, que nous avons souvent la tentation de construire demain à l'image d'aujourd'hui, de prolonger des tendances.

Or, ni l'économie, ni la démographie, ni le travail, ni le temps libre, ni le contexte social de demain ne seront exactement semblables à ceux d'aujourd'hui.

Dans une société qui s'urbanise et qui continuera de s'urbaniser, où la concurrence fait rage, les besoins de décompression et de recomposition de la cellule familiale comme de la personnalité vont continuer à se développer et à se diversifier.

Aussi, m'apparaît-il inéluctable que les 145 jours de non travail du salarié dans l'année, déjà occupés aujourd'hui de façons diverses et complémentaires, le soit encore plus si ce chiffre s'accroît. Surtout si ces nouveaux temps libérés le sont de manière différente et individualisée.

Les élus et les professionnels du tourisme et des loisirs devront en tenir compte.

" Il n'y a de bon vent que pour celui qui sait où il va " (Senèque).

En nous montrant les avenirs possibles, ce rapport nous engage à savoir où nous voulons et où nous ne voulons pas aller. En d'autres termes il nous aide à identifier l'avenir que nous souhaitons le plus favorable, jamais évidemment tout à fait semblable à l'un de ceux que nous dessinent les spécialistes de la prospectives.

Il nous aide également à choisir ou construire les outils de gouvernement qui nous conduiront le plus près de la voie que nous aurons ainsi cherché à privilégier. C'est l'objet de toute ma politique.
(Source http://www.tourisme.gouv.fr, le 25 septembre 2001)