Texte intégral
Jean-Pierre Elkabbach.- Il y a encore des festivals, même à Paris, qui ont été annulés ou menacés. Le Medef qui a poussé à l'accord sur l'intermittence, admet-il sa part de responsabilité dans ce gâchis de l'été 2003 ?
Ernest-Antoine Seillière.- "Je crois que la vraie question c'est "qu'est-ce que le Medef est venu faire dans cette galère ?". Pourquoi les garagistes, les peintres en bâtiment, tous les salariés de notre pays, toutes les entreprises de notre pays payent-elles la politique de la culture dans notre pays ? Je crois que cette prise de conscience était nouvelle et qu'elle a en effet provoqué beaucoup d'ondes de choc. Mais le chef de l'Etat l'a dit : ce n'est pas aux salariés - 60 euros par salariés -, sur les 15 millions de salariés français, chacun paie une demi-redevance télévision occulte pour le spectacle dans notre pays. On a dit que ce n'était pas aux salariés et aux entreprises de le faire, c'est à l'Etat. Donc, la réforme que le Medef a proposé avec la CFDT et d'autres syndicats, a engagé le chemin de la réforme dans ce pays. Bien entendu, il y a eu énormément de conséquences d'annulations de festivals, de réactions émotionnelles et passionnelles que l'on peut comprendre. Mais on voit aussi actuellement la population, les citoyens défendre leurs festivals contre les excès de la CGT en guerre contre la CFDT. Il y a un règlement de compte général dans tout ceci et le Medef a fait son devoir de gestionnaire de l'assurance-chômage et a rétabli un peu d'ordre dans cette espèce de triangle du silence, qui fait qu'avec les abus des uns - les employeurs, les profitables, les salariés qui exploitent un peu en racket un système trop facile et le ministre de la Culture qui, enfin, a attaqué un sujet que son prédécesseur, pendant dix ans, n'avait pas traité et dont il était complice... Voilà pourquoi le Medef s'est engagé là-dedans. Nous ne pensons qu'à une seule chose : c'est bien entendu de nous retirer et de laisser le ministre de la Culture en charge des festivals."
Vous auriez plutôt été favorable à la suppression de l'intermittence ?
- "Non, pas du tout. Nous avons toujours pensé qu'il fallait corriger le système. Mais nous avons dit que s'il ne veut pas se corriger et si l'on veut le protéger tel qu'il est, entretenir ces 800 millions de déficits au profit de 100.000 personnes - dont beaucoup, d'ailleurs, n'y ont pas droit, on le sait -, nous avons dit qu'il valait mieux réformer en profondeur. Je pense que l'accord qui a été fait est un bon accord. Il sauve le système des intermittents."
Est-ce qu'il peut être amélioré, complété ou ce qui est fait est fait ?
- "Ce qui est fait est fait. Les négociations ont eu lieu, elles ont recommencé à la demande de monsieur Aillagon qui, dans tout ceci a fait preuve d'un sang froid que je salue parce que c'était très difficile pour lui. Il a rétabli les choses. L'accord a été renégocié ; ceux qui voudront bien le lire au lieu de protester avec violence et casser, sauront que le système des intermittents est sauvegardé pour l'essentiel. Simplement, ces abus, ces excès ont été [inaud.]."
On va lutter contre les abus. On vous entend et on sent encore la véhémence. Même dans la majorité, des voix comme celle de J.-L. Debré, ont trouvé que le Medef ne pratiquait pas le dialogue social. Mais c'est surtout à J. Lang que vous avez répondu : "Personne n'a proféré à mon égard des insultes publiques, avez-vous écrit. Le mensonge le dispute à la bassesse" ; "C'est un langage de fasciste", avez-vous dit, après quelques mots qu'il avait tenus à ce micro. Fasciste, Lang ? En quoi ?
- "Ce monsieur qui, pendant dix ans, n'a rien fait et qui sort avec des mots extrêmement brutaux vis-à-vis du responsable des entreprises, qui n'a jamais mérité cela - même madame Aubry, au pire de nos différends, a toujours été respectueuse des personnes. Et donc, j'ai trouvé, qu'en sortant de son rôle et de son personnage, monsieur Lang méritait un propos un peu vif, qui l'a touché j'espère."
Mais vous le retirez, parce que Lang, ce n'est pas Le Pen...
- "Je ne rentre pas dans ces considérations. Ceux qui sont excessifs prennent le risque de se faire tenir en réponse des propos excessifs. Ce n'est pas moi qui ai commencé dans cette affaire. Le Medef n'est jamais extrémiste. Il contient ses poujadistes, ses extrêmes. Nous aimerions que tous ceux qui, dans d'autres métiers que le nôtre - chef d'entreprise - sont responsables de la société française, sachent faire la même chose."
Au passage, J. Lang n'était pas ministre de la Culture dans les dix dernières années. C'étaient d'autres, de droite, de gauche. Lui avait été ministre avant et je pense que le problème des intermittents ne se posait pas de cette façon. C'est un détail, mais c'est pour être précis. Quand la croissance est si basse - elle ne va pas faire 1 % cette année - et que la priorité est l'emploi, faut-il, même si on en a fait la promesse, baisser les impôts ou décider, au contraire, une pose aujourd'hui ?
- "C'est évidemment une affaire importante pour le Gouvernement. Il tient à sa ligne et je crois que c'est là où il est fort. C'est-à-dire qu'il a dit "je réformerai", il réforme ; "je dialoguerai", il dialogue ; "je baisserai les impôts", il baisse les impôts ; "je réduirai la dépense publique"... Nous espérons qu'il réduira la dépense publique."
Est-ce qu'il va assez vite ? Est-ce qu'il en fait assez ?
- "Il va à son rythme, il en est responsable. C'est ce que l'on appelle la responsabilité politique. Mais il tient sa ligne. C'est parce qu'il la tient que la confiance en lui se maintient ou se renforce."
Le président de la République disait, le 14 Juillet, qu'il faut recommander "l'esprit de réforme et d'adaptation". La réforme des retraites va être votée ; vous pensez qu'à la rentrée, on souffle un peu ou on continue ?
- "Toujours dans cet esprit de dialogue et de concertation, il faut bien entendu continuer. Notre pays est dans une situation économique qui ne lui permet pas de s'arrêter. Il faut le savoir. Il faut que la réforme qui souffle partout en Europe - nous avons beaucoup de retard à cet égard - se mette en oeuvre pour que notre pays conserve sa chance, pour que les jeunes de notre pays conserve, à l'avenir, la chance d'un emploi et la chance, si possible, d'une croissance dans leur niveau de vie."
Prenons quelques exemples : le Gouvernement dérembourse quelques médicaments jugés moins utiles ; 40 millions d'euros d'économie. Où va-t-il trouver les 12 milliards d'euros qui lui manque pour la Sécurité sociale ?
- "Comme disent les proverbes chinois, quand on a 10 kilomètres à faire, c'est le premier pas qui compte. Donc les premières mesures de réforme de l'assurance-maladie se mettent en place. C'est un sujet extrêmement difficile, sur lequel, les entrepreneurs ne sont pas particulièrement compétents. Ils sont prêts à participer puissamment à la réforme, à condition qu'on la mette en oeuvre. Et si on la met en oeuvre..."
La vraie réforme, celle qui est douloureuse ? Ou on la diffère ?
- "Elle n'est pas forcément douloureuse. Elle amène à beaucoup de modifications dans la gestion, elle amène également à mettre un terme à beaucoup d'abus dans la manière dont on conduit la politique de santé dans notre pays. Nous y croyons et nous pensons que le Gouvernement, à son rythme, le fera."
Que ferez-vous, avec le Medef, pour que la rentrée que l'on annonce menaçante soit sereine et apaisée ? Est-ce que vous allez signer l'accord sur la formation tout au long de la vie, comme un droit individuel à l'assurance-emploi ? Pensez-vous que cela peut être par une loi, avant le printemps 2004 ?
- "Nous apprécierons beaucoup à la rentrée de rentrer dans notre domaine qui est celui de l'entreprise. De quoi s'agit-il ? Comment organiser le travail des seniors, à partir du moment où l'on va travailler plus longtemps dans les entreprises ? Comment accueillir plus de jeunes - nous lançons une très grande campagne sur l'entreprise et les jeunes - et comment faire en sorte que la formation, qui est au coeur de la réussite des entreprises, prenne une expansion dans notre pays que tout le monde souhaite ? Des négociations ont eu lieu ces derniers jours, elles sont très encourageantes. Nous prenons ce problème très au sérieux, les syndicats aussi. Nous espérons beaucoup pouvoir, à la rentrée, faire un grand accord sur la formation professionnelle dans notre pays, qui changera les choses. Et ceci est un travail qui vraiment appartient au Medef. C'est là-dessus que nous voulons, à la rentrée, nous retrouver pour la réforme et le progrès des entreprises dans notre pays."
Est-ce que vous croyez possible de ramener la CGT vers un réformisme syndical à la manière de la CFDT de J. Chérèque, que Valeurs actuelles appelle aujourd'hui "le réformiste, le pionnier d'un nouveau syndicalisme français" ?
- "Nous avons beaucoup travaillé toutes ces dernières années avec le syndicalisme réformiste et nous avons senti dans la CGT des tendances dans ce sens. Nous espérons beaucoup qu'elles progresseront et qu'elles finiront pas l'emporter. Evidemment, le spectacle donné ces jours-ci par la CGT Spectacle n'est pas tout à fait dans cet axe. Mais j'ai noté quand même le silence de monsieur Thibault sur toutes ces questions pendant ces dernières semaines."
Est-ce que le Medef est prêt à accepter une réforme de la représentation syndicale, qui permettrait peut-être à la CGT de signer les accords ?
- "C'est le grand chantier de la rentrée que d'ailleurs, F. Fillon, veut saisir, celui de la réforme de la manière dont on conduit la négociation pour parvenir à des accords dans les entreprises, les branches et dans l'interprofessionnel. C'est un sujet majeur ; je crois que c'est un sujet d'espoir."
L'acceptez-vous ?
- "Nous avons signé, avec 4 syndicats sur 5, (...) un accord à cet égard, dont nous demandons la mise en oeuvre."
Dernier thème : cette nuit, les députés ont voté la loi de sécurité financière qui va mieux protéger les épargnants et assurer ou garantir la transparence. Des députés UMP, dont A. Marsaud, ici-même, s'en prennent au salaire excessif que s'accordent quelques patrons renommés, avec la complicité de leur conseil d'administration. Vous, président du Medef, êtes-vous choqué ?
- "C'est un scandale ! Il y a quelques entrepreneurs dans notre pays qui se comportent de manière scandaleuse ! Nous le pensons dans nos rangs puissamment. Nous sommes 700.000 patrons au Medef et je préfère vous dire que nous ne sommes pas en appui des quelques-uns qui créent le scandale. D'ailleurs, le Medef ne se comporte pas comme certains du CAC 40. Ce sont des entrepreneurs responsables - qui sont souvent d'ailleurs en dehors des média. Donc, nous comprenons parfaitement l'émotion créée par ces cas scandaleux."
Vous les connaissez d'ailleurs personnellement souvent...
- "Je les connais. Ils ne sont pas nombreux mais par leur comportement, ils entraînent un jugement général sur les entreprises dans notre pays, qu'exploitent bien entendu tous ceux qui sont contre les entreprises, ce qui est pour nous inacceptable."
Qui doit mettre de l'ordre ? Est-ce que c'est la nouvelle autorité des marchés financiers, l'AMF ? La justice, la loi, vous le Medef ?
- "Non. dans chaque entreprise, comme dans chaque famille, il faut mettre de l'ordre entre actionnaires, conseil d'administration bien entendu. Si on n'en est pas capable, la transparence que nous avons nous-mêmes lancée et le débat qui met sur la place publique les cas scandaleux se chargeront de faire rentrer tout ceci dans l'ordre. Nous ne croyons pas que la loi, dans ce domaine, et d'ailleurs, ceux qui s'en occupe sur le plan politique, non plus..."
Faites-le donc entre vous le plus vite possible...
- "Voilà. Il faut que l'éthique accompagne la réussite des entreprises."
Le Medef déménage ; c'est un signe de ce que vous appelez "la grande transformation" que vous promettez pour l'été et vos universités d'été de la fin août ?
- "C'est notre réforme à nous. (...) C'est en effet en accompagnement de notre université, la manière dont l'entreprise française veut contribuer à la grande transformation de la société française pour sa réussite. Il n'y a pas de raison que la France ne réussisse pas. La réforme par le dialogue, voilà la manière de le faire."
Les patrons deviennent révolutionnaires : la "grande transformation" !
- "La grande transformation, c'est vouloir que notre pays réussisse par ses entreprises au coeur de la société française."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 28 juillet 2003)
Ernest-Antoine Seillière.- "Je crois que la vraie question c'est "qu'est-ce que le Medef est venu faire dans cette galère ?". Pourquoi les garagistes, les peintres en bâtiment, tous les salariés de notre pays, toutes les entreprises de notre pays payent-elles la politique de la culture dans notre pays ? Je crois que cette prise de conscience était nouvelle et qu'elle a en effet provoqué beaucoup d'ondes de choc. Mais le chef de l'Etat l'a dit : ce n'est pas aux salariés - 60 euros par salariés -, sur les 15 millions de salariés français, chacun paie une demi-redevance télévision occulte pour le spectacle dans notre pays. On a dit que ce n'était pas aux salariés et aux entreprises de le faire, c'est à l'Etat. Donc, la réforme que le Medef a proposé avec la CFDT et d'autres syndicats, a engagé le chemin de la réforme dans ce pays. Bien entendu, il y a eu énormément de conséquences d'annulations de festivals, de réactions émotionnelles et passionnelles que l'on peut comprendre. Mais on voit aussi actuellement la population, les citoyens défendre leurs festivals contre les excès de la CGT en guerre contre la CFDT. Il y a un règlement de compte général dans tout ceci et le Medef a fait son devoir de gestionnaire de l'assurance-chômage et a rétabli un peu d'ordre dans cette espèce de triangle du silence, qui fait qu'avec les abus des uns - les employeurs, les profitables, les salariés qui exploitent un peu en racket un système trop facile et le ministre de la Culture qui, enfin, a attaqué un sujet que son prédécesseur, pendant dix ans, n'avait pas traité et dont il était complice... Voilà pourquoi le Medef s'est engagé là-dedans. Nous ne pensons qu'à une seule chose : c'est bien entendu de nous retirer et de laisser le ministre de la Culture en charge des festivals."
Vous auriez plutôt été favorable à la suppression de l'intermittence ?
- "Non, pas du tout. Nous avons toujours pensé qu'il fallait corriger le système. Mais nous avons dit que s'il ne veut pas se corriger et si l'on veut le protéger tel qu'il est, entretenir ces 800 millions de déficits au profit de 100.000 personnes - dont beaucoup, d'ailleurs, n'y ont pas droit, on le sait -, nous avons dit qu'il valait mieux réformer en profondeur. Je pense que l'accord qui a été fait est un bon accord. Il sauve le système des intermittents."
Est-ce qu'il peut être amélioré, complété ou ce qui est fait est fait ?
- "Ce qui est fait est fait. Les négociations ont eu lieu, elles ont recommencé à la demande de monsieur Aillagon qui, dans tout ceci a fait preuve d'un sang froid que je salue parce que c'était très difficile pour lui. Il a rétabli les choses. L'accord a été renégocié ; ceux qui voudront bien le lire au lieu de protester avec violence et casser, sauront que le système des intermittents est sauvegardé pour l'essentiel. Simplement, ces abus, ces excès ont été [inaud.]."
On va lutter contre les abus. On vous entend et on sent encore la véhémence. Même dans la majorité, des voix comme celle de J.-L. Debré, ont trouvé que le Medef ne pratiquait pas le dialogue social. Mais c'est surtout à J. Lang que vous avez répondu : "Personne n'a proféré à mon égard des insultes publiques, avez-vous écrit. Le mensonge le dispute à la bassesse" ; "C'est un langage de fasciste", avez-vous dit, après quelques mots qu'il avait tenus à ce micro. Fasciste, Lang ? En quoi ?
- "Ce monsieur qui, pendant dix ans, n'a rien fait et qui sort avec des mots extrêmement brutaux vis-à-vis du responsable des entreprises, qui n'a jamais mérité cela - même madame Aubry, au pire de nos différends, a toujours été respectueuse des personnes. Et donc, j'ai trouvé, qu'en sortant de son rôle et de son personnage, monsieur Lang méritait un propos un peu vif, qui l'a touché j'espère."
Mais vous le retirez, parce que Lang, ce n'est pas Le Pen...
- "Je ne rentre pas dans ces considérations. Ceux qui sont excessifs prennent le risque de se faire tenir en réponse des propos excessifs. Ce n'est pas moi qui ai commencé dans cette affaire. Le Medef n'est jamais extrémiste. Il contient ses poujadistes, ses extrêmes. Nous aimerions que tous ceux qui, dans d'autres métiers que le nôtre - chef d'entreprise - sont responsables de la société française, sachent faire la même chose."
Au passage, J. Lang n'était pas ministre de la Culture dans les dix dernières années. C'étaient d'autres, de droite, de gauche. Lui avait été ministre avant et je pense que le problème des intermittents ne se posait pas de cette façon. C'est un détail, mais c'est pour être précis. Quand la croissance est si basse - elle ne va pas faire 1 % cette année - et que la priorité est l'emploi, faut-il, même si on en a fait la promesse, baisser les impôts ou décider, au contraire, une pose aujourd'hui ?
- "C'est évidemment une affaire importante pour le Gouvernement. Il tient à sa ligne et je crois que c'est là où il est fort. C'est-à-dire qu'il a dit "je réformerai", il réforme ; "je dialoguerai", il dialogue ; "je baisserai les impôts", il baisse les impôts ; "je réduirai la dépense publique"... Nous espérons qu'il réduira la dépense publique."
Est-ce qu'il va assez vite ? Est-ce qu'il en fait assez ?
- "Il va à son rythme, il en est responsable. C'est ce que l'on appelle la responsabilité politique. Mais il tient sa ligne. C'est parce qu'il la tient que la confiance en lui se maintient ou se renforce."
Le président de la République disait, le 14 Juillet, qu'il faut recommander "l'esprit de réforme et d'adaptation". La réforme des retraites va être votée ; vous pensez qu'à la rentrée, on souffle un peu ou on continue ?
- "Toujours dans cet esprit de dialogue et de concertation, il faut bien entendu continuer. Notre pays est dans une situation économique qui ne lui permet pas de s'arrêter. Il faut le savoir. Il faut que la réforme qui souffle partout en Europe - nous avons beaucoup de retard à cet égard - se mette en oeuvre pour que notre pays conserve sa chance, pour que les jeunes de notre pays conserve, à l'avenir, la chance d'un emploi et la chance, si possible, d'une croissance dans leur niveau de vie."
Prenons quelques exemples : le Gouvernement dérembourse quelques médicaments jugés moins utiles ; 40 millions d'euros d'économie. Où va-t-il trouver les 12 milliards d'euros qui lui manque pour la Sécurité sociale ?
- "Comme disent les proverbes chinois, quand on a 10 kilomètres à faire, c'est le premier pas qui compte. Donc les premières mesures de réforme de l'assurance-maladie se mettent en place. C'est un sujet extrêmement difficile, sur lequel, les entrepreneurs ne sont pas particulièrement compétents. Ils sont prêts à participer puissamment à la réforme, à condition qu'on la mette en oeuvre. Et si on la met en oeuvre..."
La vraie réforme, celle qui est douloureuse ? Ou on la diffère ?
- "Elle n'est pas forcément douloureuse. Elle amène à beaucoup de modifications dans la gestion, elle amène également à mettre un terme à beaucoup d'abus dans la manière dont on conduit la politique de santé dans notre pays. Nous y croyons et nous pensons que le Gouvernement, à son rythme, le fera."
Que ferez-vous, avec le Medef, pour que la rentrée que l'on annonce menaçante soit sereine et apaisée ? Est-ce que vous allez signer l'accord sur la formation tout au long de la vie, comme un droit individuel à l'assurance-emploi ? Pensez-vous que cela peut être par une loi, avant le printemps 2004 ?
- "Nous apprécierons beaucoup à la rentrée de rentrer dans notre domaine qui est celui de l'entreprise. De quoi s'agit-il ? Comment organiser le travail des seniors, à partir du moment où l'on va travailler plus longtemps dans les entreprises ? Comment accueillir plus de jeunes - nous lançons une très grande campagne sur l'entreprise et les jeunes - et comment faire en sorte que la formation, qui est au coeur de la réussite des entreprises, prenne une expansion dans notre pays que tout le monde souhaite ? Des négociations ont eu lieu ces derniers jours, elles sont très encourageantes. Nous prenons ce problème très au sérieux, les syndicats aussi. Nous espérons beaucoup pouvoir, à la rentrée, faire un grand accord sur la formation professionnelle dans notre pays, qui changera les choses. Et ceci est un travail qui vraiment appartient au Medef. C'est là-dessus que nous voulons, à la rentrée, nous retrouver pour la réforme et le progrès des entreprises dans notre pays."
Est-ce que vous croyez possible de ramener la CGT vers un réformisme syndical à la manière de la CFDT de J. Chérèque, que Valeurs actuelles appelle aujourd'hui "le réformiste, le pionnier d'un nouveau syndicalisme français" ?
- "Nous avons beaucoup travaillé toutes ces dernières années avec le syndicalisme réformiste et nous avons senti dans la CGT des tendances dans ce sens. Nous espérons beaucoup qu'elles progresseront et qu'elles finiront pas l'emporter. Evidemment, le spectacle donné ces jours-ci par la CGT Spectacle n'est pas tout à fait dans cet axe. Mais j'ai noté quand même le silence de monsieur Thibault sur toutes ces questions pendant ces dernières semaines."
Est-ce que le Medef est prêt à accepter une réforme de la représentation syndicale, qui permettrait peut-être à la CGT de signer les accords ?
- "C'est le grand chantier de la rentrée que d'ailleurs, F. Fillon, veut saisir, celui de la réforme de la manière dont on conduit la négociation pour parvenir à des accords dans les entreprises, les branches et dans l'interprofessionnel. C'est un sujet majeur ; je crois que c'est un sujet d'espoir."
L'acceptez-vous ?
- "Nous avons signé, avec 4 syndicats sur 5, (...) un accord à cet égard, dont nous demandons la mise en oeuvre."
Dernier thème : cette nuit, les députés ont voté la loi de sécurité financière qui va mieux protéger les épargnants et assurer ou garantir la transparence. Des députés UMP, dont A. Marsaud, ici-même, s'en prennent au salaire excessif que s'accordent quelques patrons renommés, avec la complicité de leur conseil d'administration. Vous, président du Medef, êtes-vous choqué ?
- "C'est un scandale ! Il y a quelques entrepreneurs dans notre pays qui se comportent de manière scandaleuse ! Nous le pensons dans nos rangs puissamment. Nous sommes 700.000 patrons au Medef et je préfère vous dire que nous ne sommes pas en appui des quelques-uns qui créent le scandale. D'ailleurs, le Medef ne se comporte pas comme certains du CAC 40. Ce sont des entrepreneurs responsables - qui sont souvent d'ailleurs en dehors des média. Donc, nous comprenons parfaitement l'émotion créée par ces cas scandaleux."
Vous les connaissez d'ailleurs personnellement souvent...
- "Je les connais. Ils ne sont pas nombreux mais par leur comportement, ils entraînent un jugement général sur les entreprises dans notre pays, qu'exploitent bien entendu tous ceux qui sont contre les entreprises, ce qui est pour nous inacceptable."
Qui doit mettre de l'ordre ? Est-ce que c'est la nouvelle autorité des marchés financiers, l'AMF ? La justice, la loi, vous le Medef ?
- "Non. dans chaque entreprise, comme dans chaque famille, il faut mettre de l'ordre entre actionnaires, conseil d'administration bien entendu. Si on n'en est pas capable, la transparence que nous avons nous-mêmes lancée et le débat qui met sur la place publique les cas scandaleux se chargeront de faire rentrer tout ceci dans l'ordre. Nous ne croyons pas que la loi, dans ce domaine, et d'ailleurs, ceux qui s'en occupe sur le plan politique, non plus..."
Faites-le donc entre vous le plus vite possible...
- "Voilà. Il faut que l'éthique accompagne la réussite des entreprises."
Le Medef déménage ; c'est un signe de ce que vous appelez "la grande transformation" que vous promettez pour l'été et vos universités d'été de la fin août ?
- "C'est notre réforme à nous. (...) C'est en effet en accompagnement de notre université, la manière dont l'entreprise française veut contribuer à la grande transformation de la société française pour sa réussite. Il n'y a pas de raison que la France ne réussisse pas. La réforme par le dialogue, voilà la manière de le faire."
Les patrons deviennent révolutionnaires : la "grande transformation" !
- "La grande transformation, c'est vouloir que notre pays réussisse par ses entreprises au coeur de la société française."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 28 juillet 2003)