Texte intégral
Mesdames les Ministres,
Monsieur le Commissaire,
Mesdames et Messieurs les Présidents et Directeurs généraux,
Mesdames,
Messieurs,
La France est fière que vous ayez choisi de tenir à Paris le séminaire de clôture de la consultation s'appuyant sur le "livre vert" consacré à la politique spatiale européenne. Je remercie chaleureusement tous ceux qui ont contribué au succès de cette réunion.
Vous connaissez l'engagement de la France en faveur de l'Espace : elle est le premier contributeur de l'Agence spatiale européenne ainsi que l'a montré à nouveau le dernier conseil des ministres de l'Agence le 27 mai dernier ; à cette occasion, la France a une fois encore exprimé sa détermination à participer pleinement aux actions que la communauté des Etats européens a initiées ensemble il y a plus de 30 ans, et dans la continuité de ce que le CNES a entrepris depuis plus de 40 ans au niveau national.
Cet engagement a été réaffirmé par le Président de la République, Monsieur Jacques Chirac, lorsqu'il s'exprimait le 15 avril dernier en Conseil des Ministres, en définissant la vision de la France : "la maîtrise de l'espace est, pour la France et l'Europe, un enjeu stratégique qui requiert la plus grande vigilance, une détermination et un investissement à hauteur appropriée. L'espace doit nous permettre d'assurer notre indépendance de décision et d'action dans de nombreux domaines stratégiques" :
- en matière de capacité autonome de développement d'applications au service des politiques publiques ou au service direct des citoyens ou des entreprises ;
- en matière de sécurité et de défense, notamment avec la perspective de mise en oeuvre de la PESD ;
- en matière d'accès à l'information et à la culture, qui répond aux objectifs européens pour la société de l'information et de la connaissance.
Afin de soutenir cet engagement, la France indiquait que sa contribution à l'Agence sera portée à 685 M d'euros par an, pour la période 2005-2009. Le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, est revenu avec force et conviction sur ce principe à l'occasion de son discours au salon du Bourget, samedi dernier.
Je salue l'heureuse initiative de consultation de l'ensemble des personnes et institutions intéressées au développement de l'Europe de l'Espace, prise par la Commission européenne en étroite concertation avec l'ESA. Cette réunion en constitue une étape essentielle.
En effet, la fin de cette consultation marque une étape importante pour l'Europe : alors que les technologies spatiales sont de plus en plus diffusées dans notre société au bénéfice de nos concitoyens, alors que notre autonomie de décision politique, nos capacités d'anticipation des risques, d'origine humaine, industrielle ou naturelle, et notre rapidité d'action sont de plus en plus liés à notre maîtrise d'instruments spatiaux et de l'exploitation des informations qu'ils fournissent, l'action engagée par la Commission prouve sa conscience aiguë de ce que représente l'enjeu spatial.
A l'heure du Conseil européen de Thessalonique qui marque une étape décisive dans la construction européenne, je ne peux que me féliciter que la communauté spatiale soit partie prenante dans cette dynamique de construction politique de l'Europe. Nous sommes à un tournant de l'histoire de l'Europe, à un tournant de l'Europe spatiale.
Je remercie Monsieur Busquin, et l'ensemble de la Commission, pour le travail remarquable qu'ils ont accompli ces six derniers mois, afin de promouvoir les échanges autour de la rédaction du Livre vert, en suscitant de nouvelles propositions auprès des différentes communautés, politiques, institutionnelles, industrielles et scientifiques, concernées par le développement des technologies spatiales. Je souhaite que la dynamique engagée et la volonté dont tous ont fait preuve se prolongent afin qu'ensemble, nous tenions les échéances que nous nous sommes fixées.
L'exercice de consultation a été très riche, très constructif, preuves en sont les restitutions présentées depuis hier matin et qui ont montré par l'étendue des thèmes abordés et par la profondeur des réflexions suscitées, l'importance majeure des enjeux spatiaux. Sachez que, comme dans de nombreux autres pays, cet exercice a conduit à une forte mobilisation en France - plus de 200 personnes ont été consultées par le Ministère ou le CNES et des contributions très substantielles de diverses instances, entreprises, syndicats, Académie des sciences, chercheurs individuels. ont été rédigées afin d'élaborer un diagnostic aussi précis que possible de l'état du secteur spatial européen et de construire une vision de son avenir capable de fédérer et de mobiliser les énergies. J'ai reçu également de nombreuses lettres de nos concitoyens préoccupés de l'avenir du secteur spatial, ou de jeunes voulant apporter leur contribution à la construction de notre politique spatiale.
Les séminaires thématiques organisés dans plusieurs capitales européennes ont permis une concertation de fond sur les questions essentielles : points forts de l'Europe, perspectives programmatiques et institutionnelles à tracer, souffle nouveau à apporter dans un contexte de crise, ambitions fédératrices à lui donner.
Notre maîtrise des technologies spatiales doit nous permettre de couvrir l'ensemble des utilisations spatiales dont l'Europe peut bénéficier. Cela comprend notamment l'accès à l'information, les moyens de navigation, la gestion de notre patrimoine naturel et la sécurité de nos citoyens. De tels services ne sont et seront assurés de manière indépendante que si l'Europe possède un accès à l'espace autonome et est dotée des équipements nécessaires pour s'affirmer comme un acteur mondial majeur.
Les moyens que l'Europe met au service de cette action au travers de l'Agence spatiale européenne, près de 3 milliards d'euros, démontrent notre volonté commune. Mais comparés aux budgets mis en place aux Etats-Unis, face à la concurrence toujours plus accrue sur la scène internationale, nous devons faire le constat que, dans la course de l'espace, notre imagination, nos compétences, doivent être des plus agiles, notre organisation des plus efficaces, nos choix et nos priorités des plus déterminés, si nous souhaitons être des partenaires reconnus à l'échelle mondiale. C'est cette perspective, ces axes qui doivent guider la définition de notre politique spatiale, nationale ou commune, ces deux volets étant étroitement liés. La Chine s'apprête à entrer dans l'histoire spatiale en étant la troisième nation à maîtriser de façon autonome les vols habités. Après le Japon, et l'Inde, la Corée et le Brésil développent leurs propres capacités de lancement. Les alliances mondiales se tissent. L'Europe se doit de relever les défis qui s'imposent à elle dans ce contexte international qui évolue rapidement.
Nous nous retrouvons aujourd'hui à la croisée des chemins, à l'heure où il convient de dessiner une nouvelle dynamique pour l'espace européen, permettant à chaque acteur de jouer pleinement son rôle et de construire de manière coordonnée avec tous les partenaires intéressés, dans un esprit de subsidiarité et de complémentarité, une politique spatiale européenne renouvelée. Il s'agit de mettre en valeur nos atouts, notre créativité, notre capacité d'organisation au service de choix volontaires et volontaristes.
Aiguiser notre créativité et développer nos compétences
En tant que ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, alors que je porte avec ma collègue Nicole Fontaine un plan pour favoriser l'innovation en France, je souhaite partager avec vous ma profonde conviction que le premier objectif que nous devons viser est le développement de notre capacité d'innovation, notre créativité, si nous souhaitons participer à la conquête spatiale à l'échelle mondiale.
Recherche spatiale-science
La recherche est inscrite au cur du programme spatial européen depuis la création de l'Agence spatiale européenne. Recherche et technologie sont des composantes majeures du développement des applications et source d'innovation, et donc de compétitivité industrielle à l'échelle mondiale. Cette recherche doit couvrir l'ensemble du domaine, y compris dans sa composante "sécurité" qu'il conviendrait de considérer désormais au même titre que les autres. C'est à ce titre qu'une coordination européenne globale doit être recherchée.
Un autre point essentiel est le renforcement de la recherche dédiée aux sciences de l'environnement, que l'on pourrait rebaptiser sciences pour l'action, tant leur vocation est de conduire à des services opérationnels. Le besoin est permanent, si nous voulons que les technologies spatiales participent à la connaissance et à la gestion des ressources en eau potable, à la prévention des pollutions atmosphériques et marines, au développement de l'épidémiologie, pour ne citer que ces exemples. Un traitement identique à celui qui a été fait pour les sciences de l'Univers devrait pouvoir être proposé pour les sciences de l'environnement. Je souhaiterais à ce titre voir émerger un programme obligatoire en sciences de l'environnement.
L'excellence scientifique européenne dans le domaine spatial, comme l'a rappelé la communauté scientifique à l'occasion de cette consultation, n'est plus à démontrer : nous espérons tous que Mars Express, parti de Baïkonour il y a quelques semaines, ou SMART 1 qui doit être lancé par Ariane à la fin de l'été, seront, une fois encore, de grandes réussites de l'Agence. C'est en gardant en mémoire ces réussites, et en approfondissant et en développant nos compétences que nous pourrons satisfaire notre légitime ambition spatiale.
Plus globalement, les sciences spatiales me semblent devoir être un facteur fondamental de cohésion européenne, cohésion sur les plans social, culturel, politique.
L'espace facteur de cohésion
Tout d'abord, par les applications dont il est porteur : nos activités communes ont permis l'émergence des satellites Météosat, et vous connaissez l'engagement de la France et du CNES pour les satellites SPOT. La recherche duale inhérente au secteur spatial a permis de se doter de capacité d'observation et participe à la sécurité commune de nos concitoyens. Les applications que nous avons pu développer sont facteurs d'unité pour l'Europe grâce à la large diffusion de l'information qu'elles portent. Aujourd'hui, à l'heure de l'accélération de la circulation de l'information, le secteur spatial nous permet de réduire les inégalités régionales. A titre d'exemple, je souhaite mentionner ici l'action du CNES, qui récemment, et dans le cadre d'une réflexion nationale, a signé un accord de partenariat avec la région Midi-Pyrénées destiné à promouvoir l'accès au haut débit en zones rurales par voie satellitaire. Je souhaite que le plan d'action qui doit être mis en place identifie les mesures à prendre afin d'accompagner ces initiatives, en intégrant les dimensions économiques et sociétales. Par la diffusion satellitaire de l'information, nous contribuons à la progression de la société de la connaissance qu'a appelée de ses voeux l'Union européenne.
Valoriser nos compétences
Je vous ai déjà mentionné l'investissement et l'engagement de la France pour le secteur spatial, au travers de l'industrie, au travers du CNES. J'ai parlé de la nécessité de mobiliser nos compétences. La volonté de la France est, sur ce point, indéfectible. Vous connaissez son investissement historique dans le secteur spatial. Cet investissement n'est pas seulement financier, il est d'abord technique, industriel et surtout humain. Ce capital européen est indispensable à la poursuite de notre ambition commune. Il doit fructifier dans une logique d'optimisation des ressources que l'Europe consacre à l'Espace, et elles ne sont pas trop nombreuses quand on connaît les enjeux et la compétition internationale. Il est important maintenant que l'ESA puisse utiliser, dans un cadre contractuel clairement défini, les compétences construites par les Etats-membres, qui constituent le fondement d'une industrie dynamique et compétitive sur le plan mondial. Il importe également que l'Agence européenne accompagne ce mouvement dans l'évolution de son règlement financier et, en particulier, l'assouplissement des règles de retour géographique, mais je sais qu'elle y travaille déjà, sous l'impulsion d'Etats-membres dont la France.
Optimiser notre organisation
UE-ESA - agences nationales
La Convention sur l'avenir de l'Union est une opportunité unique pour améliorer notre organisation européenne et inscrire l'Espace au coeur des politiques de l'Union.
Je voudrais vous redire l'importance que j'accorde à l'inscription de l'Espace dans le futur Traité de l'Union, proposé il y a quelques jours par la Convention aux chefs d'Etat et de Gouvernement. Je me réjouis que l'initiative que nous avons prise au niveau du Conseil Recherche de l'Union européenne, avec votre bienveillance active, Monsieur le Commissaire, trouve sa pleine concrétisation. L'Union européenne a la légitimité politique, et je dirais sociétale, pour développer un pouvoir d'initiative qui lui manque aujourd'hui dans ce secteur.
Je souhaiterais, en particulier, vous faire partager ma conviction que l'apport de l'Union peut être grand dans le financement d'infrastructures stratégiques, dans la défense de nos intérêts européens au plan international, dans le développement de l'utilisation de l'Espace au service de nos concitoyens. C'est pour cela que la France appuie fortement ce projet et que nous comptons sur son bon aboutissement, dans les meilleurs délais.
Mais il s'agit également de tirer tout le bénéfice des organisations déjà existantes. La résolution sur les rapprochements avec l'Union européenne souligne la nécessité d'aboutir à un accord-cadre entre les deux institutions avant la fin de l'année. Cet accord doit être suffisamment structurant pour permettre de franchir de nouvelles étapes dans un délai maîtrisé, notamment pour mener à bien et en commun de grands programmes spatiaux pour l'Europe. Nous avons déjà plusieurs exemples : Galileo, GMES. Ils ne doivent pas être les seuls et l'avenir doit se construire, entre l'ESA et l'Union européenne, par étapes successives constituées notamment de programmes et d'applications, en relation avec les politiques sectorielles européennes. C'est tout l'enjeu d'une meilleure articulation entre les deux institutions.
Il convient de définir les ambitions que nous voulons porter et la répartition optimisée des rôles pour allier efficience et valorisation des savoir-faire respectifs : c'est l'objet du Livre blanc, sur lequel l'Union européenne et l'ESA doivent travailler conjointement, ce second semestre, en étroite concertation avec les Etats-membres. La concrétisation de la politique spatiale ainsi définie doit s'appuyer sur l'Union, l'Agence, et l'ensemble des agences spatiales et centres techniques spécialisés, fédérés en réseau européen, en tirant le meilleur parti de leur complémentarité. Vous savez que, récemment, la France a accepté de modifier profondément son organisation et son rôle dans le secteur des lanceurs. Nous avons accepté ces choix, car nous avons la profonde conviction que nous sommes à une étape importante de la construction de l'Europe spatiale. Je souhaite inviter l'ensemble des dirigeants des structures nationales, européennes, publiques, ou privées à engager sans délai les profondes réformes que nous devons mener afin d'assurer l'avenir du secteur spatial européen.
Aspects industriels - coûts technologiques
Au-delà des aspects institutionnels, notre action doit viser à soutenir l'industrie spatiale. De nombreuses initiatives d'harmonisation technologique ont déjà été prises : tant au niveau national qu'au niveau européen. J'ai pu prendre connaissance, vendredi dernier au Bourget, du plan européen en matière de technologies qui définit les priorités d'actions entre les divers acteurs, nationaux, européens, publics ou privés. Cet exercice doit nous permettre d'optimiser l'allocation de l'argent public : encourager la compétition, lever les contraintes qui existent dans les règles de gestion actuelles, afin d'améliorer la compétitivité de nos entreprises sur le plan mondial, au plus grand bénéfice de l'Europe.
Je pense que nous devons encourager les acteurs industriels à améliorer leur compétitivité. Le Premier ministre français, Jean Pierre Raffarin, a appelé de ses voeux un rapprochement entre les principaux industriels du secteur des satellites, l'industrie des lanceurs a prouvé avec force, à l'occasion du Conseil du 27 mai, que les rationalisations indispensables, dans les processus et organisations comme dans les moyens, pouvaient devenir une réalité, afin de mettre à profit l'excellence européenne au service d'une compétitivité accrue.
A cet effet, j'ai confiance dans l'industrie spatiale européenne, qui vient, faut-il le rappeler, d'engranger quelques remarquables succès au salon du Bourget comme la commande des 30 ECA et de nouvelles commandes de satellites de télécommunication.
La période que nous vivons est une période difficile : elle est cependant, porteuse d'avenir, pour qui sait être déterminé.
Développer notre créativité, améliorer notre organisation : oui, mais pour quoi ? L'Europe, considérant les moyens dont elle dispose, doit affirmer des choix clairs, ambitieux.
Réaffirmer nos priorités
Ariane
La maîtrise du segment lanceur est une brique élémentaire indispensable pour atteindre l'autonomie d'accès à l'espace. Cela a toujours été une priorité de l'Europe. Une étape importante a été franchie lors du Conseil ministériel de l'ESA du 27 mai dernier.
Je tiens à féliciter chaleureusement l'Agence spatiale européenne, acteur irremplaçable qui a su proposer des solutions de sortie de crise et prendre les décisions courageuses, redonnant ainsi des perspectives durables à un secteur qui jouait sa survie :
- comme vous le savez, des actions ont été prises pour, à court terme, qualifier le lanceur Ariane 5 dans une version compétitive ;
- sur le moyen terme, un programme financier a été adopté, permettant d'assurer à l'Europe son accès indépendant à l'espace. Ce programme EGAS marque la solidarité des Etats membres face à l'adversité et m'a confortée dans ma volonté de voir l'ESA remplir pleinement son rôle dans la nouvelle donne européenne ;
- d'autres décisions programmatiques importantes ont été prises : la réorganisation de la production Ariane 5, désormais confiée à un maître d'oeuvre unique EADS, le lancement du programme préparatoire des lanceurs futurs, FLPP, l'ouverture à la souscription d'un programme facultatif d'implantation du lanceur russe Soyouz en Guyane, et enfin les décisions relatives à la Station Spatiale Internationale pour une mise à disposition rapide de l'ATV.
Ces succès, ce sont bien sûr ceux de ses Etats-membres, forts de leur engagement à défendre et à soutenir une politique spatiale ambitieuse depuis plus de trente ans. Ce sont aussi ceux de son Exécutif que je tiens à saluer, aujourd'hui, pour le travail remarquable accompli, notamment ces derniers mois.
Galileo
Ce programme de navigation par satellite est hautement stratégique pour l'Europe, au service de l'ensemble de nos concitoyens. Il marque une première étape décisive dans la définition et la gestion commune de programmes spatiaux entre l'ESA et l'Union européenne.
A cet effet, permettez-moi de me réjouir des décisions prises, après une longue et difficile période de concertation, sur la phase de développement du programme Galileo le 26 mai dernier, en avant-goût, si je puis m'exprimer ainsi, du succès du Conseil du 27 mai. L'Europe doit maintenant garder l'avantage en concrétisant son organisation institutionnelle et les travaux industriels. Ce programme peut devenir emblématique pour le citoyen européen de l'apport du spatial dans sa vie quotidienne, avec une logique de service direct aux utilisateurs et dans le prolongement de ceux déjà offerts dans le secteur des télécommunications.
J'en viens naturellement au développement des applications du spatial qui est prometteur et porteur de retombées économiques potentiellement très riches. Nous sommes tous convaincus de l'importance des capacités spatiales pour le développement des grandes politiques de l'Union au service des citoyens. Il s'agit notamment de la politique environnementale, de la politique agricole, des applications en matière de navigation et de positionnement, de la politique de sécurité et de défense dont les missions ont été proposées lors de la réunion de Petersberg. La diversité des domaines d'application est grande et des projets pilotes ont récemment montré la confirmation de l'intérêt des télé-services dans les domaines de la médecine et de l'éducation.
GMES, sécurité
GMES, que je qualifierais d'étape nouvelle dans les relations entre les deux institutions européennes, est une initiative indispensable en matière de développement des infrastructures d'exploitation opérationnelle des données, au fur et à mesure de leur maturité. GMES devrait permettre une mise à disposition fiable et pérenne des services pour l'utilisateur final. Il implique une approche tirée par la demande, afin de favoriser l'implication des clients institutionnels tels que les différentes Directions générales de l'Union européenne au même titre que les acteurs nationaux et commerciaux que nous connaissons bien.
Poursuivant sur GMES, il est important de valoriser cet investissement européen à l'heure où se mettent en place des initiatives mondiales équivalentes. L'observation spatiale, en synergie avec les réseaux de mesures au sol, joue un rôle central dans la fourniture d'indicateurs de l'état de l'environnement global. Couplés à des modèles qui décrivent les fonctionnements du climat, ceux-ci s'inscrivent dans le cadre d'une gouvernance mondiale respectueuse de l'environnement et d'une politique volontariste en matière de développement durable, comme cela a été retenu au sommet de la Terre de Johannesbourg, l'été dernier. La contribution de l'Europe à de futurs systèmes d'observation spatiale est partie intégrante de GMES. Il nous faudra donc soutenir avec vigueur toutes les initiatives intergouvernementales capables de dynamiser la mise en place de ces systèmes d'observation, sur une base pérenne et en bonne coordination internationale. Je me rendrai personnellement au sommet de l'observation de la Terre, organisé par les Etats-Unis le 31 juillet, à Washington, afin d'y défendre ces principes.
Je souhaiterais également souligner, ici, l'intérêt de la charte sur les risques. Fondé sur une volonté humanitaire de mettre les moyens spatiaux au service de la sécurité civile pour la gestion de catastrophes naturelles, le système mis en place a été activité 32 fois en deux ans et demi, dont dernièrement en Algérie pour aider l'Etat algérien à secourir les populations. La France a eu la responsabilité d'assurer le pilotage des opérations. Spot 5 a été utilisé dans ce cadre pour la première fois et sa résolution s'est avérée un atout essentiel. Les images collectées ont permis d'avoir un aperçu général de la zone touchée, en soulignant l'ampleur des dégâts. Les produits transmis au plus haut niveau de l'Etat algérien ont permis une meilleure gestion des camps de réfugiés. Les données ont été intégrées par des techniciens algériens dans un système d'informations géographiques et croisées avec des données terrestres. Mais il convient cependant de ne pas nous réjouir trop vite. Nous aurions pu être beaucoup plus efficaces et réactifs avec des moyens plus performants et mieux organisés. Il nous faut encore travailler sur la résolution des satellites, la complémentarité des informations spatiales et terrestres, l'utilisation d'algorithmes performants pour traiter rapidement des informations de volumes importants, la mise en place d'équipes disponibles 24h/24, et le retour d'expériences. C'est à ce prix que des vies humaines pourront être épargnées et que le mot prévention prendra tout son sens.
Je souhaite que nous approfondissions ce type d'initiative afin que nous ne fassions plus le constat, comme me l'a confié l'une de mes collègues, que nous disposions des informations nécessaires à l'anticipation des catastrophes naturelles telles que les inondations, mais que notre organisation défaillante n'a pas permis d'exploiter à temps.
La coopération internationale
Une politique de coopération internationale volontaire et aiguisée est indispensable, car elle nous permet de partager les investissements tout en partageant les savoir-faire. L'alliance avec la Russie est, à ce titre, fondamentale et porteuse d'avenir. J'ai encouragé cette collaboration en France et c'est avec une certaine fierté que j'ai appris l'accord signé au début de mois entre le CNES et l'agence INTAS. Je me félicite de ce nouvel élan. Mais cette action doit se situer en fait dans le cadre d'une alliance qui dépasse le stade de l'actuelle simple coopération technique, sur des sujets précis, certes nombreux, mais toujours parcellaires. La coopération doit s'inscrire dans un projet politique à long terme et se traduire plus concrètement au travers de l'accord scientifique et technologique plus global que l'Union européenne met en uvre avec la Russie. Notre plan d'action doit adresser cette question.
Un axe important de cette stratégie est la participation en nature de la communauté spatiale russe au programme sur les lanceurs du futur, indissociable pour nous et pour la partie russe de la première étape que représente l'installation du pas de tir Soyouz en Guyane. Les décisions prises en ce sens, lors du dernier conseil ministériel de l'ESA, doivent maintenant se traduire par des investissements à la hauteur des enjeux.
Conclusion : programme spatial européen
Ces projets requièrent une stratégie nouvelle. Mais cette stratégie serait vaine sans la définition d'un programme qui décline concrètement les principes définis, à savoir créativité et compétence. Je souhaite que soit examinée la possibilité d'un programme spatial européen, à l'instar du programme-cadre de recherche et de développement, articulant, sur le principe de subsidiarité, l'ambition spatiale européenne. Elle ne doit pas brider les priorités que nous pouvons avoir au niveau national, et c'est le sens de ma volonté de voir maintenu un CNES fort, partenaire exemplaire des grandes agences européennes et extra-européennes. Elle doit permettre de définir une politique européenne solide, durable, de niveau mondial. C'est l'avenir que je souhaite pour l'Europe.
L'ensemble de ces projets exigera des ressources nouvelles. L'implication nouvelle de l'Union européenne devrait pouvoir se traduire par la mise en place d'une ligne spécifique "espace" à partir de 2007, permettant de réaliser nos ambitions communes.
Je souhaiterais conclure en vous redisant toute mon admiration et mon attachement aux hommes et aux femmes qui sont les acteurs indispensables à l'avenir du secteur spatial européen. L'Europe de l'espace prouve, en ce moment, à quel point elle est capable de surmonter les crises les plus sévères. Elle s'engage sur le chemin difficile, mais indispensable, du renouveau. L'exercice suivant du Livre blanc sera, à cet effet, une étape cruciale afin d'aboutir à des recommandations opérationnelles pour l'ensemble des acteurs. Je ne peux concevoir la réussite d'un tel processus sans la poursuite de la concertation étroite et fructueuse qui s'est développée ces derniers mois entre l'Union européenne et l'ESA.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.recherche.gouv.fr, le 4 août 2003)
Monsieur le Commissaire,
Mesdames et Messieurs les Présidents et Directeurs généraux,
Mesdames,
Messieurs,
La France est fière que vous ayez choisi de tenir à Paris le séminaire de clôture de la consultation s'appuyant sur le "livre vert" consacré à la politique spatiale européenne. Je remercie chaleureusement tous ceux qui ont contribué au succès de cette réunion.
Vous connaissez l'engagement de la France en faveur de l'Espace : elle est le premier contributeur de l'Agence spatiale européenne ainsi que l'a montré à nouveau le dernier conseil des ministres de l'Agence le 27 mai dernier ; à cette occasion, la France a une fois encore exprimé sa détermination à participer pleinement aux actions que la communauté des Etats européens a initiées ensemble il y a plus de 30 ans, et dans la continuité de ce que le CNES a entrepris depuis plus de 40 ans au niveau national.
Cet engagement a été réaffirmé par le Président de la République, Monsieur Jacques Chirac, lorsqu'il s'exprimait le 15 avril dernier en Conseil des Ministres, en définissant la vision de la France : "la maîtrise de l'espace est, pour la France et l'Europe, un enjeu stratégique qui requiert la plus grande vigilance, une détermination et un investissement à hauteur appropriée. L'espace doit nous permettre d'assurer notre indépendance de décision et d'action dans de nombreux domaines stratégiques" :
- en matière de capacité autonome de développement d'applications au service des politiques publiques ou au service direct des citoyens ou des entreprises ;
- en matière de sécurité et de défense, notamment avec la perspective de mise en oeuvre de la PESD ;
- en matière d'accès à l'information et à la culture, qui répond aux objectifs européens pour la société de l'information et de la connaissance.
Afin de soutenir cet engagement, la France indiquait que sa contribution à l'Agence sera portée à 685 M d'euros par an, pour la période 2005-2009. Le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, est revenu avec force et conviction sur ce principe à l'occasion de son discours au salon du Bourget, samedi dernier.
Je salue l'heureuse initiative de consultation de l'ensemble des personnes et institutions intéressées au développement de l'Europe de l'Espace, prise par la Commission européenne en étroite concertation avec l'ESA. Cette réunion en constitue une étape essentielle.
En effet, la fin de cette consultation marque une étape importante pour l'Europe : alors que les technologies spatiales sont de plus en plus diffusées dans notre société au bénéfice de nos concitoyens, alors que notre autonomie de décision politique, nos capacités d'anticipation des risques, d'origine humaine, industrielle ou naturelle, et notre rapidité d'action sont de plus en plus liés à notre maîtrise d'instruments spatiaux et de l'exploitation des informations qu'ils fournissent, l'action engagée par la Commission prouve sa conscience aiguë de ce que représente l'enjeu spatial.
A l'heure du Conseil européen de Thessalonique qui marque une étape décisive dans la construction européenne, je ne peux que me féliciter que la communauté spatiale soit partie prenante dans cette dynamique de construction politique de l'Europe. Nous sommes à un tournant de l'histoire de l'Europe, à un tournant de l'Europe spatiale.
Je remercie Monsieur Busquin, et l'ensemble de la Commission, pour le travail remarquable qu'ils ont accompli ces six derniers mois, afin de promouvoir les échanges autour de la rédaction du Livre vert, en suscitant de nouvelles propositions auprès des différentes communautés, politiques, institutionnelles, industrielles et scientifiques, concernées par le développement des technologies spatiales. Je souhaite que la dynamique engagée et la volonté dont tous ont fait preuve se prolongent afin qu'ensemble, nous tenions les échéances que nous nous sommes fixées.
L'exercice de consultation a été très riche, très constructif, preuves en sont les restitutions présentées depuis hier matin et qui ont montré par l'étendue des thèmes abordés et par la profondeur des réflexions suscitées, l'importance majeure des enjeux spatiaux. Sachez que, comme dans de nombreux autres pays, cet exercice a conduit à une forte mobilisation en France - plus de 200 personnes ont été consultées par le Ministère ou le CNES et des contributions très substantielles de diverses instances, entreprises, syndicats, Académie des sciences, chercheurs individuels. ont été rédigées afin d'élaborer un diagnostic aussi précis que possible de l'état du secteur spatial européen et de construire une vision de son avenir capable de fédérer et de mobiliser les énergies. J'ai reçu également de nombreuses lettres de nos concitoyens préoccupés de l'avenir du secteur spatial, ou de jeunes voulant apporter leur contribution à la construction de notre politique spatiale.
Les séminaires thématiques organisés dans plusieurs capitales européennes ont permis une concertation de fond sur les questions essentielles : points forts de l'Europe, perspectives programmatiques et institutionnelles à tracer, souffle nouveau à apporter dans un contexte de crise, ambitions fédératrices à lui donner.
Notre maîtrise des technologies spatiales doit nous permettre de couvrir l'ensemble des utilisations spatiales dont l'Europe peut bénéficier. Cela comprend notamment l'accès à l'information, les moyens de navigation, la gestion de notre patrimoine naturel et la sécurité de nos citoyens. De tels services ne sont et seront assurés de manière indépendante que si l'Europe possède un accès à l'espace autonome et est dotée des équipements nécessaires pour s'affirmer comme un acteur mondial majeur.
Les moyens que l'Europe met au service de cette action au travers de l'Agence spatiale européenne, près de 3 milliards d'euros, démontrent notre volonté commune. Mais comparés aux budgets mis en place aux Etats-Unis, face à la concurrence toujours plus accrue sur la scène internationale, nous devons faire le constat que, dans la course de l'espace, notre imagination, nos compétences, doivent être des plus agiles, notre organisation des plus efficaces, nos choix et nos priorités des plus déterminés, si nous souhaitons être des partenaires reconnus à l'échelle mondiale. C'est cette perspective, ces axes qui doivent guider la définition de notre politique spatiale, nationale ou commune, ces deux volets étant étroitement liés. La Chine s'apprête à entrer dans l'histoire spatiale en étant la troisième nation à maîtriser de façon autonome les vols habités. Après le Japon, et l'Inde, la Corée et le Brésil développent leurs propres capacités de lancement. Les alliances mondiales se tissent. L'Europe se doit de relever les défis qui s'imposent à elle dans ce contexte international qui évolue rapidement.
Nous nous retrouvons aujourd'hui à la croisée des chemins, à l'heure où il convient de dessiner une nouvelle dynamique pour l'espace européen, permettant à chaque acteur de jouer pleinement son rôle et de construire de manière coordonnée avec tous les partenaires intéressés, dans un esprit de subsidiarité et de complémentarité, une politique spatiale européenne renouvelée. Il s'agit de mettre en valeur nos atouts, notre créativité, notre capacité d'organisation au service de choix volontaires et volontaristes.
Aiguiser notre créativité et développer nos compétences
En tant que ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, alors que je porte avec ma collègue Nicole Fontaine un plan pour favoriser l'innovation en France, je souhaite partager avec vous ma profonde conviction que le premier objectif que nous devons viser est le développement de notre capacité d'innovation, notre créativité, si nous souhaitons participer à la conquête spatiale à l'échelle mondiale.
Recherche spatiale-science
La recherche est inscrite au cur du programme spatial européen depuis la création de l'Agence spatiale européenne. Recherche et technologie sont des composantes majeures du développement des applications et source d'innovation, et donc de compétitivité industrielle à l'échelle mondiale. Cette recherche doit couvrir l'ensemble du domaine, y compris dans sa composante "sécurité" qu'il conviendrait de considérer désormais au même titre que les autres. C'est à ce titre qu'une coordination européenne globale doit être recherchée.
Un autre point essentiel est le renforcement de la recherche dédiée aux sciences de l'environnement, que l'on pourrait rebaptiser sciences pour l'action, tant leur vocation est de conduire à des services opérationnels. Le besoin est permanent, si nous voulons que les technologies spatiales participent à la connaissance et à la gestion des ressources en eau potable, à la prévention des pollutions atmosphériques et marines, au développement de l'épidémiologie, pour ne citer que ces exemples. Un traitement identique à celui qui a été fait pour les sciences de l'Univers devrait pouvoir être proposé pour les sciences de l'environnement. Je souhaiterais à ce titre voir émerger un programme obligatoire en sciences de l'environnement.
L'excellence scientifique européenne dans le domaine spatial, comme l'a rappelé la communauté scientifique à l'occasion de cette consultation, n'est plus à démontrer : nous espérons tous que Mars Express, parti de Baïkonour il y a quelques semaines, ou SMART 1 qui doit être lancé par Ariane à la fin de l'été, seront, une fois encore, de grandes réussites de l'Agence. C'est en gardant en mémoire ces réussites, et en approfondissant et en développant nos compétences que nous pourrons satisfaire notre légitime ambition spatiale.
Plus globalement, les sciences spatiales me semblent devoir être un facteur fondamental de cohésion européenne, cohésion sur les plans social, culturel, politique.
L'espace facteur de cohésion
Tout d'abord, par les applications dont il est porteur : nos activités communes ont permis l'émergence des satellites Météosat, et vous connaissez l'engagement de la France et du CNES pour les satellites SPOT. La recherche duale inhérente au secteur spatial a permis de se doter de capacité d'observation et participe à la sécurité commune de nos concitoyens. Les applications que nous avons pu développer sont facteurs d'unité pour l'Europe grâce à la large diffusion de l'information qu'elles portent. Aujourd'hui, à l'heure de l'accélération de la circulation de l'information, le secteur spatial nous permet de réduire les inégalités régionales. A titre d'exemple, je souhaite mentionner ici l'action du CNES, qui récemment, et dans le cadre d'une réflexion nationale, a signé un accord de partenariat avec la région Midi-Pyrénées destiné à promouvoir l'accès au haut débit en zones rurales par voie satellitaire. Je souhaite que le plan d'action qui doit être mis en place identifie les mesures à prendre afin d'accompagner ces initiatives, en intégrant les dimensions économiques et sociétales. Par la diffusion satellitaire de l'information, nous contribuons à la progression de la société de la connaissance qu'a appelée de ses voeux l'Union européenne.
Valoriser nos compétences
Je vous ai déjà mentionné l'investissement et l'engagement de la France pour le secteur spatial, au travers de l'industrie, au travers du CNES. J'ai parlé de la nécessité de mobiliser nos compétences. La volonté de la France est, sur ce point, indéfectible. Vous connaissez son investissement historique dans le secteur spatial. Cet investissement n'est pas seulement financier, il est d'abord technique, industriel et surtout humain. Ce capital européen est indispensable à la poursuite de notre ambition commune. Il doit fructifier dans une logique d'optimisation des ressources que l'Europe consacre à l'Espace, et elles ne sont pas trop nombreuses quand on connaît les enjeux et la compétition internationale. Il est important maintenant que l'ESA puisse utiliser, dans un cadre contractuel clairement défini, les compétences construites par les Etats-membres, qui constituent le fondement d'une industrie dynamique et compétitive sur le plan mondial. Il importe également que l'Agence européenne accompagne ce mouvement dans l'évolution de son règlement financier et, en particulier, l'assouplissement des règles de retour géographique, mais je sais qu'elle y travaille déjà, sous l'impulsion d'Etats-membres dont la France.
Optimiser notre organisation
UE-ESA - agences nationales
La Convention sur l'avenir de l'Union est une opportunité unique pour améliorer notre organisation européenne et inscrire l'Espace au coeur des politiques de l'Union.
Je voudrais vous redire l'importance que j'accorde à l'inscription de l'Espace dans le futur Traité de l'Union, proposé il y a quelques jours par la Convention aux chefs d'Etat et de Gouvernement. Je me réjouis que l'initiative que nous avons prise au niveau du Conseil Recherche de l'Union européenne, avec votre bienveillance active, Monsieur le Commissaire, trouve sa pleine concrétisation. L'Union européenne a la légitimité politique, et je dirais sociétale, pour développer un pouvoir d'initiative qui lui manque aujourd'hui dans ce secteur.
Je souhaiterais, en particulier, vous faire partager ma conviction que l'apport de l'Union peut être grand dans le financement d'infrastructures stratégiques, dans la défense de nos intérêts européens au plan international, dans le développement de l'utilisation de l'Espace au service de nos concitoyens. C'est pour cela que la France appuie fortement ce projet et que nous comptons sur son bon aboutissement, dans les meilleurs délais.
Mais il s'agit également de tirer tout le bénéfice des organisations déjà existantes. La résolution sur les rapprochements avec l'Union européenne souligne la nécessité d'aboutir à un accord-cadre entre les deux institutions avant la fin de l'année. Cet accord doit être suffisamment structurant pour permettre de franchir de nouvelles étapes dans un délai maîtrisé, notamment pour mener à bien et en commun de grands programmes spatiaux pour l'Europe. Nous avons déjà plusieurs exemples : Galileo, GMES. Ils ne doivent pas être les seuls et l'avenir doit se construire, entre l'ESA et l'Union européenne, par étapes successives constituées notamment de programmes et d'applications, en relation avec les politiques sectorielles européennes. C'est tout l'enjeu d'une meilleure articulation entre les deux institutions.
Il convient de définir les ambitions que nous voulons porter et la répartition optimisée des rôles pour allier efficience et valorisation des savoir-faire respectifs : c'est l'objet du Livre blanc, sur lequel l'Union européenne et l'ESA doivent travailler conjointement, ce second semestre, en étroite concertation avec les Etats-membres. La concrétisation de la politique spatiale ainsi définie doit s'appuyer sur l'Union, l'Agence, et l'ensemble des agences spatiales et centres techniques spécialisés, fédérés en réseau européen, en tirant le meilleur parti de leur complémentarité. Vous savez que, récemment, la France a accepté de modifier profondément son organisation et son rôle dans le secteur des lanceurs. Nous avons accepté ces choix, car nous avons la profonde conviction que nous sommes à une étape importante de la construction de l'Europe spatiale. Je souhaite inviter l'ensemble des dirigeants des structures nationales, européennes, publiques, ou privées à engager sans délai les profondes réformes que nous devons mener afin d'assurer l'avenir du secteur spatial européen.
Aspects industriels - coûts technologiques
Au-delà des aspects institutionnels, notre action doit viser à soutenir l'industrie spatiale. De nombreuses initiatives d'harmonisation technologique ont déjà été prises : tant au niveau national qu'au niveau européen. J'ai pu prendre connaissance, vendredi dernier au Bourget, du plan européen en matière de technologies qui définit les priorités d'actions entre les divers acteurs, nationaux, européens, publics ou privés. Cet exercice doit nous permettre d'optimiser l'allocation de l'argent public : encourager la compétition, lever les contraintes qui existent dans les règles de gestion actuelles, afin d'améliorer la compétitivité de nos entreprises sur le plan mondial, au plus grand bénéfice de l'Europe.
Je pense que nous devons encourager les acteurs industriels à améliorer leur compétitivité. Le Premier ministre français, Jean Pierre Raffarin, a appelé de ses voeux un rapprochement entre les principaux industriels du secteur des satellites, l'industrie des lanceurs a prouvé avec force, à l'occasion du Conseil du 27 mai, que les rationalisations indispensables, dans les processus et organisations comme dans les moyens, pouvaient devenir une réalité, afin de mettre à profit l'excellence européenne au service d'une compétitivité accrue.
A cet effet, j'ai confiance dans l'industrie spatiale européenne, qui vient, faut-il le rappeler, d'engranger quelques remarquables succès au salon du Bourget comme la commande des 30 ECA et de nouvelles commandes de satellites de télécommunication.
La période que nous vivons est une période difficile : elle est cependant, porteuse d'avenir, pour qui sait être déterminé.
Développer notre créativité, améliorer notre organisation : oui, mais pour quoi ? L'Europe, considérant les moyens dont elle dispose, doit affirmer des choix clairs, ambitieux.
Réaffirmer nos priorités
Ariane
La maîtrise du segment lanceur est une brique élémentaire indispensable pour atteindre l'autonomie d'accès à l'espace. Cela a toujours été une priorité de l'Europe. Une étape importante a été franchie lors du Conseil ministériel de l'ESA du 27 mai dernier.
Je tiens à féliciter chaleureusement l'Agence spatiale européenne, acteur irremplaçable qui a su proposer des solutions de sortie de crise et prendre les décisions courageuses, redonnant ainsi des perspectives durables à un secteur qui jouait sa survie :
- comme vous le savez, des actions ont été prises pour, à court terme, qualifier le lanceur Ariane 5 dans une version compétitive ;
- sur le moyen terme, un programme financier a été adopté, permettant d'assurer à l'Europe son accès indépendant à l'espace. Ce programme EGAS marque la solidarité des Etats membres face à l'adversité et m'a confortée dans ma volonté de voir l'ESA remplir pleinement son rôle dans la nouvelle donne européenne ;
- d'autres décisions programmatiques importantes ont été prises : la réorganisation de la production Ariane 5, désormais confiée à un maître d'oeuvre unique EADS, le lancement du programme préparatoire des lanceurs futurs, FLPP, l'ouverture à la souscription d'un programme facultatif d'implantation du lanceur russe Soyouz en Guyane, et enfin les décisions relatives à la Station Spatiale Internationale pour une mise à disposition rapide de l'ATV.
Ces succès, ce sont bien sûr ceux de ses Etats-membres, forts de leur engagement à défendre et à soutenir une politique spatiale ambitieuse depuis plus de trente ans. Ce sont aussi ceux de son Exécutif que je tiens à saluer, aujourd'hui, pour le travail remarquable accompli, notamment ces derniers mois.
Galileo
Ce programme de navigation par satellite est hautement stratégique pour l'Europe, au service de l'ensemble de nos concitoyens. Il marque une première étape décisive dans la définition et la gestion commune de programmes spatiaux entre l'ESA et l'Union européenne.
A cet effet, permettez-moi de me réjouir des décisions prises, après une longue et difficile période de concertation, sur la phase de développement du programme Galileo le 26 mai dernier, en avant-goût, si je puis m'exprimer ainsi, du succès du Conseil du 27 mai. L'Europe doit maintenant garder l'avantage en concrétisant son organisation institutionnelle et les travaux industriels. Ce programme peut devenir emblématique pour le citoyen européen de l'apport du spatial dans sa vie quotidienne, avec une logique de service direct aux utilisateurs et dans le prolongement de ceux déjà offerts dans le secteur des télécommunications.
J'en viens naturellement au développement des applications du spatial qui est prometteur et porteur de retombées économiques potentiellement très riches. Nous sommes tous convaincus de l'importance des capacités spatiales pour le développement des grandes politiques de l'Union au service des citoyens. Il s'agit notamment de la politique environnementale, de la politique agricole, des applications en matière de navigation et de positionnement, de la politique de sécurité et de défense dont les missions ont été proposées lors de la réunion de Petersberg. La diversité des domaines d'application est grande et des projets pilotes ont récemment montré la confirmation de l'intérêt des télé-services dans les domaines de la médecine et de l'éducation.
GMES, sécurité
GMES, que je qualifierais d'étape nouvelle dans les relations entre les deux institutions européennes, est une initiative indispensable en matière de développement des infrastructures d'exploitation opérationnelle des données, au fur et à mesure de leur maturité. GMES devrait permettre une mise à disposition fiable et pérenne des services pour l'utilisateur final. Il implique une approche tirée par la demande, afin de favoriser l'implication des clients institutionnels tels que les différentes Directions générales de l'Union européenne au même titre que les acteurs nationaux et commerciaux que nous connaissons bien.
Poursuivant sur GMES, il est important de valoriser cet investissement européen à l'heure où se mettent en place des initiatives mondiales équivalentes. L'observation spatiale, en synergie avec les réseaux de mesures au sol, joue un rôle central dans la fourniture d'indicateurs de l'état de l'environnement global. Couplés à des modèles qui décrivent les fonctionnements du climat, ceux-ci s'inscrivent dans le cadre d'une gouvernance mondiale respectueuse de l'environnement et d'une politique volontariste en matière de développement durable, comme cela a été retenu au sommet de la Terre de Johannesbourg, l'été dernier. La contribution de l'Europe à de futurs systèmes d'observation spatiale est partie intégrante de GMES. Il nous faudra donc soutenir avec vigueur toutes les initiatives intergouvernementales capables de dynamiser la mise en place de ces systèmes d'observation, sur une base pérenne et en bonne coordination internationale. Je me rendrai personnellement au sommet de l'observation de la Terre, organisé par les Etats-Unis le 31 juillet, à Washington, afin d'y défendre ces principes.
Je souhaiterais également souligner, ici, l'intérêt de la charte sur les risques. Fondé sur une volonté humanitaire de mettre les moyens spatiaux au service de la sécurité civile pour la gestion de catastrophes naturelles, le système mis en place a été activité 32 fois en deux ans et demi, dont dernièrement en Algérie pour aider l'Etat algérien à secourir les populations. La France a eu la responsabilité d'assurer le pilotage des opérations. Spot 5 a été utilisé dans ce cadre pour la première fois et sa résolution s'est avérée un atout essentiel. Les images collectées ont permis d'avoir un aperçu général de la zone touchée, en soulignant l'ampleur des dégâts. Les produits transmis au plus haut niveau de l'Etat algérien ont permis une meilleure gestion des camps de réfugiés. Les données ont été intégrées par des techniciens algériens dans un système d'informations géographiques et croisées avec des données terrestres. Mais il convient cependant de ne pas nous réjouir trop vite. Nous aurions pu être beaucoup plus efficaces et réactifs avec des moyens plus performants et mieux organisés. Il nous faut encore travailler sur la résolution des satellites, la complémentarité des informations spatiales et terrestres, l'utilisation d'algorithmes performants pour traiter rapidement des informations de volumes importants, la mise en place d'équipes disponibles 24h/24, et le retour d'expériences. C'est à ce prix que des vies humaines pourront être épargnées et que le mot prévention prendra tout son sens.
Je souhaite que nous approfondissions ce type d'initiative afin que nous ne fassions plus le constat, comme me l'a confié l'une de mes collègues, que nous disposions des informations nécessaires à l'anticipation des catastrophes naturelles telles que les inondations, mais que notre organisation défaillante n'a pas permis d'exploiter à temps.
La coopération internationale
Une politique de coopération internationale volontaire et aiguisée est indispensable, car elle nous permet de partager les investissements tout en partageant les savoir-faire. L'alliance avec la Russie est, à ce titre, fondamentale et porteuse d'avenir. J'ai encouragé cette collaboration en France et c'est avec une certaine fierté que j'ai appris l'accord signé au début de mois entre le CNES et l'agence INTAS. Je me félicite de ce nouvel élan. Mais cette action doit se situer en fait dans le cadre d'une alliance qui dépasse le stade de l'actuelle simple coopération technique, sur des sujets précis, certes nombreux, mais toujours parcellaires. La coopération doit s'inscrire dans un projet politique à long terme et se traduire plus concrètement au travers de l'accord scientifique et technologique plus global que l'Union européenne met en uvre avec la Russie. Notre plan d'action doit adresser cette question.
Un axe important de cette stratégie est la participation en nature de la communauté spatiale russe au programme sur les lanceurs du futur, indissociable pour nous et pour la partie russe de la première étape que représente l'installation du pas de tir Soyouz en Guyane. Les décisions prises en ce sens, lors du dernier conseil ministériel de l'ESA, doivent maintenant se traduire par des investissements à la hauteur des enjeux.
Conclusion : programme spatial européen
Ces projets requièrent une stratégie nouvelle. Mais cette stratégie serait vaine sans la définition d'un programme qui décline concrètement les principes définis, à savoir créativité et compétence. Je souhaite que soit examinée la possibilité d'un programme spatial européen, à l'instar du programme-cadre de recherche et de développement, articulant, sur le principe de subsidiarité, l'ambition spatiale européenne. Elle ne doit pas brider les priorités que nous pouvons avoir au niveau national, et c'est le sens de ma volonté de voir maintenu un CNES fort, partenaire exemplaire des grandes agences européennes et extra-européennes. Elle doit permettre de définir une politique européenne solide, durable, de niveau mondial. C'est l'avenir que je souhaite pour l'Europe.
L'ensemble de ces projets exigera des ressources nouvelles. L'implication nouvelle de l'Union européenne devrait pouvoir se traduire par la mise en place d'une ligne spécifique "espace" à partir de 2007, permettant de réaliser nos ambitions communes.
Je souhaiterais conclure en vous redisant toute mon admiration et mon attachement aux hommes et aux femmes qui sont les acteurs indispensables à l'avenir du secteur spatial européen. L'Europe de l'espace prouve, en ce moment, à quel point elle est capable de surmonter les crises les plus sévères. Elle s'engage sur le chemin difficile, mais indispensable, du renouveau. L'exercice suivant du Livre blanc sera, à cet effet, une étape cruciale afin d'aboutir à des recommandations opérationnelles pour l'ensemble des acteurs. Je ne peux concevoir la réussite d'un tel processus sans la poursuite de la concertation étroite et fructueuse qui s'est développée ces derniers mois entre l'Union européenne et l'ESA.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.recherche.gouv.fr, le 4 août 2003)