Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Directeurs et Chefs de services,
Il y a un an exactement, je vous présentais les dix priorités de la politique française en matière de coopération et de francophonie, telle qu'elle avait été décidée par le gouvernement selon les orientations fixées par le président de la République.
Ces dix priorités ont guidé l'action que j'ai eu à mener auprès du ministre des Affaires étrangères, M. Dominique de Villepin.
Je ne vais pas dresser un bilan de cette première année. La brochure qui vous a été remise vous donnera à cet égard les éléments d'information nécessaires.
Nous avons peu de temps. Je me bornerai donc à évoquer deux sujets qui suscitent ou peuvent susciter questions ou controverses :
Première question : Allons nous pouvoir atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés en matière d'aide au développement dans le contexte budgétaire particulièrement contraint que nous connaissons ?
La réponse est oui.
Je rappelle que l'objectif est de porter le pourcentage de notre aide au développpement par rapport à notre P.I.B., qui était de 0,32 % en 2001, à 0,50 % en 2007. Rien n'a changé dans cet objectif.
Vous pourrez d'ailleurs constater que, malgré les difficultés financières rencontrées dès le courant de l'année 2002 et bien sûr en 2003, l'augmentation de notre aide au développement au cours de ces deux années a été tout à fait conforme aux orientations annoncées :
De 0,32 % en 2001, elle est passée à 0,37 % en 2002 (pour un montant en valeur absolue de 5,6 milliards d'euros). Les prévisions pour l'année 2003 confirment cette progression, avec un montant de crédits affectés à l'aide au développement de 6,2 milliards d'euros, ce qui correspond à un taux de 0,40 % du P.I.B.
Deuxième question : Les calculs ne sont-ils pas faussés par l'effet des annulations de dettes qui ont été décidées au cours de la récente période ?
Je dois dire que cet argument, que l'on voit apparaître ici et là dans certains commentaires, me surprend beaucoup.
D'abord parce qu'il est souvent utilisé par des gens qui n'ont cessé de réclamer, à juste titre d'ailleurs, l'annulation de la dette qui écrase les pays pauvres. Mais aussi, parce que cet argument n'est pas fondé.
On ne peut pas soutenir sérieusement que l'annulation des dettes ne compte pour rien - et donc ne doit pas être comptabilisée dans l'aide au développement - car ces dettes obèrent gravement les capacités financières des pays concernés, les empêchent de consacrer toutes leurs ressources à leur développement et les empêchent d'accéder à de nouveaux financements intenationaux dans le cadre de plans de redressement de leur situation financière. C'est vrai, évidemment pour les pays qui s'efforcent de rembourser leurs dettes, même avec retard. C'est vrai aussi pour ceux qui ont renoncé à les rembourser.
J'ajoute que la France a mis au point un nouvel instrument qui accompagne l'annulation des dettes : les "contrats de désendettement-développement" (C2D). Ils consistent, en accord avec les pays bénéficiaires, à ce que les sommes qui auraient dû être affectées au remboursement de la dette sont restituées à ces pays pour être consacrées à des dépenses faites par eux, soit sous forme d'investissements, soit sous forme de services à la population (éducation, santé publique, services sociaux, etc...). L'emploi de ces sommes fait l'objet de contrats, élaborés en commun avec les pays bénéficiaires, et qui déterminent précisément l'utilisation qui en sera faite.
Ces quelques remarques permettent de faire litière de l'argument, à mes yeux injustifié, selon lequel l'annulation des dettes ne serait pas une forme d'aide au développement. Je vous suggère de relayer ces explications auprès de vos interlocuteurs pour qu'aucun malentendu ni aucune inquiétude ne s'installe dans leur esprit sur la détermination de la France à poursuivre le renforcement de son aide.
Il y a une observation que l'on peut faire, en revanche, à propos de ces mesures d'annulation (qui se traduisent d'un coup, ne l'oublions pas, par une dépense définitive dans nos comptes), et c'est la suivante : l'effort financier que l'on fait au titre des annulations de dettes pèse sur le volume global de notre aide au développement et limite d'autant les efforts que l'on peut faire dans les autres composantes de cette aide. Il faut donc veiller à ne pas endommager nos instruments classiques de coopération, pour qu'ils puissent rester efficaces et bénéficier utilement des majorations de crédits qui leur seront aloués, une fois passé l'impact des annulations de dettes.
Cela oblige à faire des choix, parfois difficiles, et à définir des priorités, pendant la période où le gros des annulations de dette affecte nos comptes. Nous sommes précisément dans cette période.
C'est pourquoi je vous demande d'accorder personnellement une importance très particulière à la définition et au suivi de la politique de développement que nous menons dans vos pays de résidence respectifs.
Vos propositions serviront de base aux décisions prises au niveau central, qui seront ensuite mises en uvre et évaluées sous votre responsabilité. Là aussi l'explication sera indispensable, aussi bien à l'égard de nos agents que de nos partenaires. Notre politique s'inscrit dans la durée et c'est dans la durée que ses effets devront être jugés.
Avant de quitter le domaine financier, je voudrais mentionner un instrument de notre coopération qui mérite toute votre attention : je veux parler du Fonds social de développement (FSD).
Cette remarque m'est inspirée par les nombreux déplacements que j'ai effectués au cours des onze derniers mois - près de cinquante. Je profite de l'occasion, d'ailleurs, pour remercier celles et ceux d'entre vous qui ont eu la charge de préparer et d'organiser sur place ces visites.
Même si les crédits inscrits au FSD, dans les Postes, ne sont pas considérables, ils permettent, s'ils sont employés judicieusement, de réaliser avec souplesse et rapidité toute une série d'opérations ponctuelles qui ont une forte visibilité aux yeux des opinions locales. Une visibilité bien plus grande, souvent, que des opérations très lourdes financièrement mais qui ne sont pas perçues par les médias ni par les populations.
J'ai constaté, à cet égard, de sensibles différences dans la façon dont le FSD est utilisé par les Postes et dans l'implication des chefs de Postes. Là aussi, je vous demande de porter personnellement une grande attention à la meilleure utilisation possible de cet instrument, en particulier à l'intention des initiatives locales et de la société civile. Certains de nos partenaires - je pense aux Canadiens - sont passés maîtres dans cet exercice et il n'y a pas de raison que nous ne fassions pas aussi bien.
Une réflexion et une recommandation, pour terminer. Elles concernent notre politique en matière de francophonie :
La réflexion c'est que la mondialisation, dont on ressent partout les effets voire les risques, ouvre un champ très favorable à la Francophonie qui a fait du respect de la diversité culturelle et linguistique son objectif central. Ce thème intéresse tous les pays, bien au-delà des pays entièrement ou partiellement francophones.
Il a des implications évidentes en matière de relations internationales et d'influence diplomatique et politique de la France dans le monde.
Vous ne devez donc pas hésiter à en faire un thème important de vos échanges avec vos interlocuteurs dans vos pays de résidence.
J'ajoute que nous avons besoin d'une forte mobilisation internationale pour soutenir notre démarche et celle des pays francophones au sein de l'UNESCO, en vue de l'adoption d'une Convention internationale sur la diversité culturelle, enjeu sur l'importance duquel je n'ai pas besoin d'insister.
Enfin une recommandation concernant l'usage de la langue française.
Le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères ont adressé des instructions très fermes pour que les fonctionnaires français s'expriment en français, oralement et par écrit, dans l'exercice de leurs fonctions. Cela vaut évidemment en particulier pour les diplomates et les fonctionnaires qui sont appelés à participer à des réunions internationales.
Nous ne pourrons pas longtemps réclamer, avec l'aide plus forte désormais de l'Organisation internationale de la Francophonie, le respect des règles concernant l'usage du français dans les institutions internationales si, dans la pratique, nous renonçons de nous-mêmes à l'emploi de notre langue.
Or des entorses aux instructions du gouvernement nous sont signalées trop souvent et, d'ailleurs, la presse s'en fait l'écho.
J'attire donc avec insistance votre attention personnelle sur ce sujet, car il en va de la crédibilité de notre politique en matière de francophonie.
Je conclue ce propos en vous renouvelant tous mes remerciements, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Directeurs et Chefs de services, pour votre engagement et pour l'active et efficace collaboration que vous m'apportez quotidiennement dans la mission que j'exerce aux côtés de Dominique de Villepin.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 août 2003)
Directeurs et Chefs de services,
Il y a un an exactement, je vous présentais les dix priorités de la politique française en matière de coopération et de francophonie, telle qu'elle avait été décidée par le gouvernement selon les orientations fixées par le président de la République.
Ces dix priorités ont guidé l'action que j'ai eu à mener auprès du ministre des Affaires étrangères, M. Dominique de Villepin.
Je ne vais pas dresser un bilan de cette première année. La brochure qui vous a été remise vous donnera à cet égard les éléments d'information nécessaires.
Nous avons peu de temps. Je me bornerai donc à évoquer deux sujets qui suscitent ou peuvent susciter questions ou controverses :
Première question : Allons nous pouvoir atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés en matière d'aide au développement dans le contexte budgétaire particulièrement contraint que nous connaissons ?
La réponse est oui.
Je rappelle que l'objectif est de porter le pourcentage de notre aide au développpement par rapport à notre P.I.B., qui était de 0,32 % en 2001, à 0,50 % en 2007. Rien n'a changé dans cet objectif.
Vous pourrez d'ailleurs constater que, malgré les difficultés financières rencontrées dès le courant de l'année 2002 et bien sûr en 2003, l'augmentation de notre aide au développement au cours de ces deux années a été tout à fait conforme aux orientations annoncées :
De 0,32 % en 2001, elle est passée à 0,37 % en 2002 (pour un montant en valeur absolue de 5,6 milliards d'euros). Les prévisions pour l'année 2003 confirment cette progression, avec un montant de crédits affectés à l'aide au développement de 6,2 milliards d'euros, ce qui correspond à un taux de 0,40 % du P.I.B.
Deuxième question : Les calculs ne sont-ils pas faussés par l'effet des annulations de dettes qui ont été décidées au cours de la récente période ?
Je dois dire que cet argument, que l'on voit apparaître ici et là dans certains commentaires, me surprend beaucoup.
D'abord parce qu'il est souvent utilisé par des gens qui n'ont cessé de réclamer, à juste titre d'ailleurs, l'annulation de la dette qui écrase les pays pauvres. Mais aussi, parce que cet argument n'est pas fondé.
On ne peut pas soutenir sérieusement que l'annulation des dettes ne compte pour rien - et donc ne doit pas être comptabilisée dans l'aide au développement - car ces dettes obèrent gravement les capacités financières des pays concernés, les empêchent de consacrer toutes leurs ressources à leur développement et les empêchent d'accéder à de nouveaux financements intenationaux dans le cadre de plans de redressement de leur situation financière. C'est vrai, évidemment pour les pays qui s'efforcent de rembourser leurs dettes, même avec retard. C'est vrai aussi pour ceux qui ont renoncé à les rembourser.
J'ajoute que la France a mis au point un nouvel instrument qui accompagne l'annulation des dettes : les "contrats de désendettement-développement" (C2D). Ils consistent, en accord avec les pays bénéficiaires, à ce que les sommes qui auraient dû être affectées au remboursement de la dette sont restituées à ces pays pour être consacrées à des dépenses faites par eux, soit sous forme d'investissements, soit sous forme de services à la population (éducation, santé publique, services sociaux, etc...). L'emploi de ces sommes fait l'objet de contrats, élaborés en commun avec les pays bénéficiaires, et qui déterminent précisément l'utilisation qui en sera faite.
Ces quelques remarques permettent de faire litière de l'argument, à mes yeux injustifié, selon lequel l'annulation des dettes ne serait pas une forme d'aide au développement. Je vous suggère de relayer ces explications auprès de vos interlocuteurs pour qu'aucun malentendu ni aucune inquiétude ne s'installe dans leur esprit sur la détermination de la France à poursuivre le renforcement de son aide.
Il y a une observation que l'on peut faire, en revanche, à propos de ces mesures d'annulation (qui se traduisent d'un coup, ne l'oublions pas, par une dépense définitive dans nos comptes), et c'est la suivante : l'effort financier que l'on fait au titre des annulations de dettes pèse sur le volume global de notre aide au développement et limite d'autant les efforts que l'on peut faire dans les autres composantes de cette aide. Il faut donc veiller à ne pas endommager nos instruments classiques de coopération, pour qu'ils puissent rester efficaces et bénéficier utilement des majorations de crédits qui leur seront aloués, une fois passé l'impact des annulations de dettes.
Cela oblige à faire des choix, parfois difficiles, et à définir des priorités, pendant la période où le gros des annulations de dette affecte nos comptes. Nous sommes précisément dans cette période.
C'est pourquoi je vous demande d'accorder personnellement une importance très particulière à la définition et au suivi de la politique de développement que nous menons dans vos pays de résidence respectifs.
Vos propositions serviront de base aux décisions prises au niveau central, qui seront ensuite mises en uvre et évaluées sous votre responsabilité. Là aussi l'explication sera indispensable, aussi bien à l'égard de nos agents que de nos partenaires. Notre politique s'inscrit dans la durée et c'est dans la durée que ses effets devront être jugés.
Avant de quitter le domaine financier, je voudrais mentionner un instrument de notre coopération qui mérite toute votre attention : je veux parler du Fonds social de développement (FSD).
Cette remarque m'est inspirée par les nombreux déplacements que j'ai effectués au cours des onze derniers mois - près de cinquante. Je profite de l'occasion, d'ailleurs, pour remercier celles et ceux d'entre vous qui ont eu la charge de préparer et d'organiser sur place ces visites.
Même si les crédits inscrits au FSD, dans les Postes, ne sont pas considérables, ils permettent, s'ils sont employés judicieusement, de réaliser avec souplesse et rapidité toute une série d'opérations ponctuelles qui ont une forte visibilité aux yeux des opinions locales. Une visibilité bien plus grande, souvent, que des opérations très lourdes financièrement mais qui ne sont pas perçues par les médias ni par les populations.
J'ai constaté, à cet égard, de sensibles différences dans la façon dont le FSD est utilisé par les Postes et dans l'implication des chefs de Postes. Là aussi, je vous demande de porter personnellement une grande attention à la meilleure utilisation possible de cet instrument, en particulier à l'intention des initiatives locales et de la société civile. Certains de nos partenaires - je pense aux Canadiens - sont passés maîtres dans cet exercice et il n'y a pas de raison que nous ne fassions pas aussi bien.
Une réflexion et une recommandation, pour terminer. Elles concernent notre politique en matière de francophonie :
La réflexion c'est que la mondialisation, dont on ressent partout les effets voire les risques, ouvre un champ très favorable à la Francophonie qui a fait du respect de la diversité culturelle et linguistique son objectif central. Ce thème intéresse tous les pays, bien au-delà des pays entièrement ou partiellement francophones.
Il a des implications évidentes en matière de relations internationales et d'influence diplomatique et politique de la France dans le monde.
Vous ne devez donc pas hésiter à en faire un thème important de vos échanges avec vos interlocuteurs dans vos pays de résidence.
J'ajoute que nous avons besoin d'une forte mobilisation internationale pour soutenir notre démarche et celle des pays francophones au sein de l'UNESCO, en vue de l'adoption d'une Convention internationale sur la diversité culturelle, enjeu sur l'importance duquel je n'ai pas besoin d'insister.
Enfin une recommandation concernant l'usage de la langue française.
Le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères ont adressé des instructions très fermes pour que les fonctionnaires français s'expriment en français, oralement et par écrit, dans l'exercice de leurs fonctions. Cela vaut évidemment en particulier pour les diplomates et les fonctionnaires qui sont appelés à participer à des réunions internationales.
Nous ne pourrons pas longtemps réclamer, avec l'aide plus forte désormais de l'Organisation internationale de la Francophonie, le respect des règles concernant l'usage du français dans les institutions internationales si, dans la pratique, nous renonçons de nous-mêmes à l'emploi de notre langue.
Or des entorses aux instructions du gouvernement nous sont signalées trop souvent et, d'ailleurs, la presse s'en fait l'écho.
J'attire donc avec insistance votre attention personnelle sur ce sujet, car il en va de la crédibilité de notre politique en matière de francophonie.
Je conclue ce propos en vous renouvelant tous mes remerciements, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Directeurs et Chefs de services, pour votre engagement et pour l'active et efficace collaboration que vous m'apportez quotidiennement dans la mission que j'exerce aux côtés de Dominique de Villepin.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 août 2003)