Déclaration de Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, sur les mesures gouvernementales pour développer "l'esprit d'entreprendre" notamment auprès des jeunes, Lyon le 7 mars 2003.

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Circonstance : Ouverture du colloque "Diffuser l'esprit d'entreprendre" à Lyon le 7 mars 2003

Texte intégral

Madame la Présidente,
Monsieur le Président,
Monsieur le Sénateur-Maire,
Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les professeurs et directeurs,
Mesdames et Messieurs,
C'est bien volontiers que j'ai accepté l'invitation de Monsieur Bassouls et de Monsieur Copin lorsqu'ils m'ont proposé, il y a plusieurs mois, de vous rencontrer ce matin, sur le thème de "l'esprit d'entreprendre". Les exigences de mon agenda m'ont imposé de bouleverser quelque peu votre belle organisation. J'ai cependant absolument souhaité respecter mon engagement en intervenant ce matin alors que la Présidente de la Région, Madame Comparini, et Monsieur Gérard Colomb, le sénateur-Maire de Lyon que j'ai plaisir à saluer, vous adresseront la parole conformément au schéma initial. Je les remercie de leur compréhension comme je vous remercie de votre accueil.
Ce thème de "l'esprit d'entreprendre" est un sujet qui, vous l'imaginez, de manière générale, me tient particulièrement à coeur. Je crois à l'audace, au dépassement de soi, à l'exploration de frontières inconnues. Je vous encourage vivement à cultiver cet esprit si gratifiant, vous qui rêvez d'embrasser des carrières scientifiques ou techniques. Je suis convaincue que nous devons être à vos côtés pour vous aider dans l'accomplissement des projets de cette nature que vous avez.
La politique de recherche que mène le gouvernement est au service de l'excellence et de la dynamique scientifiques. Cette dynamique est aussi au coeur de sa politique d'innovation qui a pour objectif d'insuffler à notre pays une nouvelle croissance dont il a tant besoin. L'Innovation, qui prend, très majoritairement, sa source dans les pratiques de recherche, est essentielle pour construire notre avenir. L'innovation, c'est créer de la valeur, des valeurs à partir de savoirs nouveaux. Quoi de plus enthousiasmant !
Le Président de la République le rappelait encore tout récemment, lors de l'inauguration près de Grenoble de la nouvelle unité de production d'une grande entreprise de microélectronique qui fait la fierté de votre région, "la matière première de la recherche, c'est la matière grise". Cet or gris, ce savoir créateur de valeur, aujourd'hui, ce sont les travaux, les découvertes, les projets de création de nos scientifiques, de nos ingénieurs, de nos chercheurs, de nos entrepreneurs et développeurs.
Or l'Europe et la France accusent, dans ce domaine de l'esprit d'entreprendre, dont l'expression peut prendre de multiple forme, un retard qu'il est urgent et vital de rattraper pour l'avenir de notre pays, pour sa croissance économique et pour l'emploi.
Pour corriger cela, au nom du Gouvernement, Nicole Fontaine, ministre de l'Industrie et moi-même avons présenté en Conseil des Ministres le 11 décembre dernier un plan de soutien en faveur de la recherche et de l'innovation. Les responsables de l'Union Européenne ont accueilli favorablement la 1ère étape de ce plan et encouragent les autres pays européens à prendre des initiatives comparables.
Très brièvement, ce plan est composé de quatre grandes séries de mesures :
la première série vise à augmenter les dépenses de recherche par les entreprises, l'une des principales faiblesses françaises ;
la deuxième série de mesures vise à mieux valoriser les résultats de la recherche publique par les entreprises ;
la troisième série de mesures vise à ce que la France joue un rôle moteur dans la construction de l'Espace Européen de la Recherche et de l'Innovation ;
enfin la quatrième série de mesures, que nous mettrons en oeuvre avec Luc Ferry, vise à insuffler l'esprit d'entreprendre chez nos concitoyens, et notamment les plus jeunes. Elle vise un très large public. Cet esprit d'entreprendre est une condition pour toutes les autres mesures destinées à encourager la recherche et l'innovation. Cette volonté de changement d'esprit est en cohérence avec les priorités et les orientations européennes, notamment celles décrites dans le livre vert de la Commission Européenne sur l'innovation. C'est donc un mouvement d'ensemble à l'échelle de notre continent auquel vous êtes invités à participer pour construire votre avenir.
L'esprit d'entreprendre, c'est d'abord une envie, l'envie de réaliser un rêve. C'est assumer une liberté, la liberté de créer ; c'est acquérir une autonomie nouvelle, c'est s'investir.
L'esprit d'entreprendre se décline dans différents domaines, celui de la recherche, bien sûr, mais bien d'autres aussi, y compris dans votre vie personnelle.
L'esprit d'entreprendre, c'est, à partir d'une idée, aller jusqu'à un projet.
Ou bien, à partir d'un projet, aller jusqu'à la création d'une entreprise. Je constate avec satisfaction que de plus en plus de chercheurs et même d'étudiants, sont à l'origine de jeunes entreprises innovantes, dans des domaines très variés et pas uniquement scientifiques et techniques.
Surtout, l'esprit d'entreprendre, c'est participer activement à la croissance de notre pays puisque les projets et les jeunes entreprises innovantes, en grandissant, créent l'économie et la croissance de demain.
Le développement de l'esprit d'entreprendre doit toucher un très large public : chercheurs confirmés, jeunes diplômés, étudiants de l'enseignement supérieur, mais également collégiens et lycéens, qu'ils soient filles ou garçons.
L'esprit d'entreprendre, c'est une valeur individuelle, mais c'est aussi une valeur collective, une valeur d'équipe : le goût d'entreprendre se conjugue souvent avec l'esprit d'équipe, avec la capacité de savoir créer des solidarités. Ce goût et cet esprit d'entreprendre, ne se retrouvent-ils pas aussi dans le sport, qu'il soit individuel ou collectif ?
Pour toutes ces raisons, la volonté d'entreprendre doit être encouragée dès le plus jeune âge. Encourager le goût de la réussite donc. Il ne faut cependant pas avoir peur de l'échec, mais au contraire être fier d'avoir essayé et assez lucide pour analyser les causes de l'échec et en sortir plus forts et plus expérimentés. Nous devons être fiers d'entreprendre et fiers de ceux qui entreprennent !
Il nous appartient, tous ensemble, de changer notre état d'esprit très tôt dans notre système éducatif, et tout au long de notre vie professionnelle.
Sans cet esprit d'entreprendre, il n'y a pas de défis, pas de rêve à concrétiser, il n'y a pas de grandes aventures humaines.
L'entrepreneuriat est un terme difficile à définir. Pour parler d'entrepreneuriat, trois conditions semblent être nécessaires : une personne, qui entreprend une action, impliquant un certain degré d'innovation.
L'entrepreneuriat devient un thème d'actualité en France et en Europe: chefs d'entreprises, investisseurs, étudiants, journalistes et politiques s'y intéressent.
Pourtant :
le terme n'est pas encore passé dans le vocabulaire de tous les jours comme celui d''entrepreneurship' utilisé dans le monde anglo-saxon, et qui vient pourtant du français !
la France était en 2000 avec l'Irlande, le Japon et Singapour, un des pays qui connaissait l'activité entrepreneuriale la plus faible ;
et d'après des études comparatives, le système éducatif français ne stimule pas assez l'esprit d'entreprendre, l'esprit de créativité et d'initiative, et ne développe pas assez la formation à l'entrepreneuriat; Il diffère fortement en cela du système anglo-saxon, par exemple, dans lequel les adolescents sont encouragés à développer des activités extra-scolaires, qu'elles soient ou non à but lucratif.
Dans les universités, les grandes écoles, et les écoles professionnelles françaises, la situation s'améliore et je sais que les efforts entrepris en Rhône-Alpes portent leurs fruits. Mais les établissements qui offrent des formations à la création d'entreprise sont en nombre encore insuffisants.
Face à ces constats, le développement de l'esprit d'entreprendre et de l'entrepreneuriat passe par l'évolution de nos comportements et de notre système éducatif.
Pour cela, nous proposons les mesures suivantes :
renforcer les missions de l'Observatoire des Pratiques Pédagogiques en Entrepreneuriat. Crée en 2001 par les pouvoirs publics pour promouvoir l'esprit d'entreprise dans le système éducatif, cet observatoire a pour mission de recenser, de diffuser et d'analyser les actions menées à tous les niveaux du système éducatif français. Il vise à développer l'esprit d'initiative des jeunes, à mieux les préparer à conduire des projets personnels ou professionnels innovants, voire à les former à la création d'entreprise. Cet Observatoire est cité comme une bonne pratique française en matière d'innovation dans plusieurs rapports de la Commission européenne. Fin 2002, il recensait sur son site Internet 110 initiatives conduites par 70 établissements d'enseignement supérieur.
Désormais au-delà d'une mission d'inventaire, il devra identifier les meilleures initiatives pour les généraliser, mutualiser les expériences, favoriser de nouvelles coopérations. Il constituera un centre de ressources à la disposition des acteurs éducatifs.
Dans plusieurs académies, des enseignants de lycées professionnels et techniques conduisent déjà des projets pédagogiques qui encouragent l'acte d'entreprendre. Nous allons valoriser cette capacité d'initiative en organisant un concours national des meilleurs projets pédagogiques dès la rentrée scolaire 2003.
En parallèle, les actions de sensibilisation à l'entrepreneuriat dans l'enseignement supérieur relèvent le plus souvent d'initiatives individuelles. Je salue les nombreuses initiatives de la région Rhônes-Alpes dans ce domaine. Pour accélérer cette dynamique et la généraliser :
- Nous allons mettre en place des stages en entreprises pour les doctorants, d'une durée totale de 4 à 6 mois, qui donneront lieu à la rédaction d'un mémoire valorisé lors de la soutenance de thèse. L'étudiant sera formé à l'entrepreneuriat en situation réelle.
Nous allons aussi expérimenter puis développer des Maisons de l'Entrepreneuriat dans les universités. Ces Maisons, dont le cahier des charges et les missions restent à définir précisément, seront des espaces conviviaux inter-universitaires implantés sur des campus, dédiés à la sensibilisation et à la formation à l'entrepreneuriat, pour les étudiants, les doctorants et les enseignants :
-Il s'agit de donner les premières bases pour permettre à chacun, s'il en a l'envie, de créer une entreprise et devenir entrepreneur.
- Il s'agit aussi en parallèle de donner à chacun les clefs pour mieux connaître le monde de l'entreprise et mieux travailler en partenariat avec elle. Le partenariat entre le secteur public et privé passe par une meilleure connaissance des deux secteurs ainsi qu'un meilleur dialogue entre les deux. La formation à l'entrepreneuriat, c'est avant tout un outil pour décloisonner la recherche publique et la recherche privée.
Elle permet d'initier à la vie et aux missions de l'entreprise comme à ses contraintes ; Elle permet un premier contact avec la connaissance du marché, la culture de gestion par projets, la culture de brevets...
J'ai pu me rendre compte combien cette formation à l'entrepreneuriat était nécessaire et essentielle, en particulier pour les jeunes porteurs de projets et les jeunes créateurs d'entreprises. J'ai rencontré hier soir une dizaine d'entre eux et ils m'ont dit, pour certains, combien ils auraient été aidés s'ils avaient pu bénéficier de cette formation plus tôt dans leur parcours, ou pour d'autres combien une telle formation les a aidés.
Je me réjouis qu'un grand nombre d'étudiants de la région Rhône-Alpes soient venus participer à cette manifestation : c'est le signe que l'esprit d'entreprendre commence à souffler...
Votre matinée s'achèvera par un grand débat, qui sera pour vous l'occasion de réagir et d'exprimer vos besoins.
J'avais prévu de rester avec vous toute la matinée et de participer à ce grand débat. Malheureusement des contraintes d'agenda m'obligent à vous quitter rapidement. J'ai cependant chargé mon directeur de cabinet, Bernard Bigot, de me représenter pour interagir avec vous et me rapporter vos commentaires.
Ils me seront précieux car ils me serviront de fil directeur pour élaborer- les orientations et décisions qui seront prises dans les prochains mois.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 17 mars 2003)