Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Vous avez souhaité être informés sur la gestion des conséquences de la canicule en matière de prise en charge sociale et médico-sociale des personnes âgées dans le cadre des responsabilités exercées par mon département ministériel.
En matière de personnes âgées, les compétences ministérielles sont partagées entre deux départements : le ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées au titre de la prise en charge sanitaire, et le ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité au titre de la prise en charge sociale. Au sein du ministère qui m'est confié la responsabilité en matière de personnes âgées est elle-même partagée entre une compétence générale que j'exerce à titre de ministre chargé des affaires sociales et de la solidarité et une compétence spécialisée, confiée à Hubert FALCO, secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
Cette compétence conjointe nous a amenés à définir ensemble une répartition des activités : j'exerce la responsabilité générale de la politique sociale en faveur des personnes âgées, sur la base, en amont, des propositions du secrétaire d'Etat chargé des personnes âgées, et avec son appui, en aval, pour la mise en uvre des décisions ministérielles. Il en a toujours été ainsi depuis l'exercice de nos fonctions : à l'occasion par exemple de la présentation devant le Parlement du projet de loi relatif à l'APA au premier trimestre 2003 ou, plus récemment, cet été dans la gestion des conséquences sociales de la canicule. Cette méthode de conduite de l'action publique répond au besoin d'un interlocuteur unique, que ce soit en période de crise ou non. Elle évite les chevauchements de compétences et les retards d'exécution.
1- Je souhaite vous apporter les informations que vous attendez en vous indiquant, dans un premier temps, les actions qui ont été menées avant et pendant la canicule.
a / Tout d'abord avant la canicule
Les dramatiques conséquences de la canicule du mois d'août 2003 ont souligné l'insuffisance des dispositifs de prévention et d'alerte dans le domaine des personnes âgées.
Toutefois des dispositions avaient été prises bien avant cet événement climatique exceptionnel pour en prévenir, ou en tout cas en atténuer, les conséquences.
En effet, le 12 juillet 2002, c'est-à-dire quelques semaines après l'installation du gouvernement, les Préfets (DDASS) ont reçu une note de recommandations écrites sur " la qualité de la prise en charge des personnes âgées pendant la période d'été " (2002). Cette note du secrétaire d'Etat insistait très précisément dans son § 4 sur " la prévention de la déshydratation ", sur la nécessité de " rafraîchir les locaux " et " de donner à boire, plusieurs fois par jour, aux personnes âgées ". L'instruction concluait sur la nécessité de diffuser " ces quelques préconisations d'application simple à tous les directeurs d'établissements pour personnes âgées de votre département ".
Cette instruction a été renouvelée le 27 mai 2003. Elle attirait l'attention sur les difficultés liées à l'isolement des personnes âgées durant la période d'été et sur la vigilance à maintenir à domicile grâce aux services d'aide ou de soins à domicile.
Malheureusement force est de constater que ces instructions n'ont pas suffi dans un grand nombre d'établissements pour personnes âgées.
b / Ensuite durant la canicule.
La vague de chaleur exceptionnelle s'est installée en France vers le 2 août. Ainsi que l'a établi la mission d'expertise et d'évaluation confiée à Madame LALANDE, inspecteur général des affaires sociales, rien de probant n'a été perceptible jusqu'au 6 août. De fait les premiers signaux de surmortalité ont été lancés par les SAMU et les urgences hospitalières, qui ont constaté le 8 août une augmentation inhabituelle de patients âgés en hyperthermie. Jusqu'au 8 août, aucun signalement de décès massif n'a été signalé à la Direction générale de l'action sociale par les DDASS, par les institutions d'hébergement de personnes âgées ou par les associations d'aide à domicile. Le premier appel est arrivé à la permanence du cabinet du Secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Il date du 10 août pour signaler le manque de place dans le funérarium des Hauts-de-Seine.
Une croissance très forte de décès a été constatée le lundi 11 août pour atteindre un maximum le 12 août : selon la mission d'expertise, que j'ai citée, les chiffres d'hospitalisation ont pu être cinq fois supérieurs à ceux de la même période un an auparavant.
Au moment où se faisaient ressentir les premiers effets du pic de chaleur, le Secrétaire d'Etat aux personnes âgées a rappelé le 11 août, par communiqué de presse, les risques encourus et les recommandations que j'ai évoquées, notamment en ce qui concerne la déshydratation et la température des locaux.
Le lendemain, 12 août, un nouveau communiqué de presse appelait à une mobilisation collective, au-delà des professionnels des établissements et services pour personnes âgées. Il rappelait le dispositif d'écoute-santé mis en place, le n° vert et joignait une liste détaillée de recommandations sur les moyens de maintenir à un niveau satisfaisant la température corporelle, de repérer les symptômes de déshydratation et les méthodes de la réhydratation.
Afin de mieux mesurer les effets de la canicule, la Direction générale de l'action sociale demandait, le 14 août, aux DRASS et DDASS une première évaluation quantitative de la mortalité des personnes âgées hébergées en établissement.
Après le pic de chaleur, le 16 août 2003, une circulaire du secrétaire d'Etat aux personnes âgées demandait aux Préfets (DDASS) de sensibiliser les communes et les centres communaux d'action sociale sur l'importance d'un accompagnement des personnes âgées isolées à l'occasion de leur retour à domicile après la phase d'hospitalisation. Les recommandations de prévention étaient renouvelées à cette occasion.
Le 19 août, le cabinet du Secrétaire d'Etat aux personnes âgées a réuni les principaux représentants des établissements d'hébergement et des services d'aide à domicile. Au-delà des propositions d'amélioration à moyen terme qui ont été présentées à cette occasion, la réunion a permis de constater une très forte disparité des cas de surmortalité dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et l'absence de système d'alerte dans le secteur médico-social.
Au terme de ce rappel chronologique, un constat s'impose : dès le début de la canicule aucune remontée officielle de difficultés n'est venue des DDASS, des conseils généraux, des CCAS, des établissements hébergeant des personnes âgées ou des associations de maintien et de soins à domicile. Cette situation peut s'expliquer par plusieurs raisons :
- Dans la crise tous les établissements et services de soins à domicile ont travaillé au mieux et au maximum des moyens humains disponibles, par des visites au domicile des personnes connues et suivies par les services de soins infirmiers à domicile ou pour les orienter vers le secteur hospitalier, via notamment les urgences dès que cela paraissait indispensable. L'adaptation s'est réalisée par réaction, avec un certain décalage, au fur et à mesure du déroulement de la crise. Dès lors, comme l'indique la mission d'expertise : " la situation des personnes âgées dans les institutions ou à domicile a été fonction de leur état général, du degré d'anticipation et des moyens disponibles dans leur environnement immédiat ".
- De plus, dans ce type de crise les interlocuteurs des DDASS sont traditionnellement les directions d'administration centrale (ou les agences) à vocation sanitaire, qui sont normalement sollicitées et informées de toutes les difficultés concernant une crise sanitaire liée à l'augmentation anormale des décès, à l'indisponibilité des lits d'hospitalisation ou encore à l'affluence aux urgences.
La Direction générale de l'action sociale confirme que tout au long de cette crise elle n'a pas eu de remontée d'information du terrain lui permettant d'appréhender et d'apprécier en temps réel les difficultés rencontrées.
2- Après ce constat chronologique je souhaite, dans un deuxième temps, vous présenter l'action en cours et mes propositions pour l'avenir.
a/ La gestion de l'après-crise peut s'analyser à deux niveaux.
Le premier niveau d'action correspond à l'urgence immédiate des retours d'hospitalisation vers le lieu de vie habituel, que ce soit une maison de retraite ou le domicile. Beaucoup de personnes âgées ont été hospitalisées durant ou à l'issue du pic de chaleur. Aujourd'hui, beaucoup d'entre elles peuvent revenir chez elles, mais elles sont affaiblies : une surveillance médicale ou paramédicale est souvent nécessaire. De même, le besoin d'aide ménagère a pu s'accentuer. Enfin, certaines personnes qui ne relevaient pas de l'APA ont aujourd'hui un niveau de perte d'autonomie qui justifie une ouverture du droit ou, pour celles qui en bénéficiaient déjà, d'une révision du plan d'aide.
L'essentiel en tout état de cause est de préparer dès aujourd'hui, dans les meilleures conditions, les sorties d'hôpital pour les personnes encore hospitalisées.
Ainsi que je l'ai indiqué une circulaire a été envoyée le 16 août dernier aux préfets et aux DDASS pour les sensibiliser à ces difficultés en leur demandant notamment de transmettre une lettre écrite aux maires et pour les appeler à une vigilance particulière sur ce point particulier du retour à domicile.
L'attention des préfets et des directeurs d'ARH a été appelée à nouveau sur de telles situations par circulaire interministérielle (affaires sociales, santé) du 2 septembre, qui demande plus précisément une appréciation des difficultés locales en vue de mobiliser les crédits nécessaires pour y faire face.
Le deuxième niveau d'action concerne l'élaboration du plan pluriannuel et interministériel " vieillissement et solidarités " demandé par le Premier ministre à l'occasion de sa rencontre le 26 août avec les principaux représentants des services, organismes ou associations chargés de la prise en charge des personnes âgées.
Le Premier ministre a demandé à cette occasion qu'un diagnostic partagé puisse être établi sur les modes d'organisation et de fonctionnement des dispositifs d'accueil et d'hébergement. Il a souhaité que ce travail soit mené tout au long du mois de septembre avec les représentants des personnes âgées, en vue d'élaborer le plan d'actions que le Gouvernement présentera en octobre 2003.
A cette fin, le 2 septembre j'ai organisé et présidé, avec Jean-François MATTEI et Hubert FALCO, une réunion de lancement de ce diagnostic partagé. J'ai mis en place six groupes de travail thématiques, qui sont les suivants :
- un premier groupe de travail est consacré, d'une part à l'amélioration de la prévention, et d'autre part à l'élaboration et à la mise en uvre d'un dispositif de veille et d'alerte en lien avec l'activité des services d'urgence des hôpitaux et les services météorologiques. Ce plan, dit " Vermeil " serait associé à l'organisation coordonnée au niveau territorial des intervenants professionnels ou bénévoles. Ce protocole pourrait être élaboré au plan national, mais sa gestion, c'est-à-dire son organisation, son déclenchement et sa mise en uvre relèveraient des acteurs locaux préalablement identifiés. Il permettrait d'assurer un maillage territorial, une mobilisation des intervenants et une mutualisation des moyens pour combattre l'isolement des personnes âgées les plus vulnérables.
- le deuxième groupe de travail concerne l'offre et la qualité de l'hébergement collectif : la canicule a souligné dans bien des cas non seulement le besoin de climatisation, mais aussi l'insuffisance du bâti ainsi que les besoins d'adaptation ou de rénovation, voire simplement de mise aux normes. Mais au-delà de cet évènement nous devons réfléchir à une conception architecturale qui dessine un projet de vie en établissement conforme aux besoins du grand âge et à l'indispensable innovation que nous devons apporter à l'accueil collectif. Cela sans négliger les aspects pratiques liés aux contraintes pour les personnels et à la problématique de l'insertion dans un cadre à proximité des lieux de vie sociale.
- un troisième groupe analyse et fera des propositions concernant la vie à domicile : la prise en charge globale sociale et sanitaire, graduée selon les situations individuelles et associée à une coordination des intervenants a été fortement sollicitée durant cette période de crise. Il convient de renforcer cette coordination gérontologique. Ce groupe recense aussi les besoins d'hébergement temporaire, d'accueil de jour ainsi que les formes alternatives destinées à prolonger le maintien à domicile. Il devra aussi faire des propositions pour soutenir les familles, très nombreuses, qui ont la difficile tâche de s'occuper elles-mêmes de leurs aînés.
- un quatrième groupe est consacré à la prise en charge sanitaire des personnes âgées : il examine sous l'autorité d'un représentant du ministère de la santé l'organisation de la filière gériatrique ainsi que l'adaptation des métiers médicaux ou paramédicaux aux besoins du vieillissement de notre société.
- un cinquième groupe se consacre plus généralement à la gestion des ressources humaines dans le domaine social et médico-social des personnes âgées. Cet ensemble comprend la formation et la validation des acquis de l'expérience, les statuts et la carrière des professionnels, ou encore les taux d'encadrement, c'est-à-dire en définitive la reconnaissance des métiers du social, l'attractivité et l'adaptation de ces métiers, ainsi que la prospective des emplois correspondants.
- enfin un sixième groupe aborde la question des modalités et des sources de financement. Nous avons en effet besoin d'une réflexion générale sur le financement des personnes en difficulté, que cette difficulté soit liée à l'âge ou au handicap, c'est-à-dire à la perte d'autonomie.
Les travaux de ces groupes seront rapportés et synthétisés durant la dernière semaine de septembre. J'adresserai aussitôt après un rapport de situation et de propositions au Premier ministre, afin de lui permettre d'arrêter les dispositions du plan interministériel et pluriannuel d'amélioration des conditions de prise en charge des personnes âgées et notamment des plus vulnérables d'entre elles.
b/ Sans attendre ce rapport, je souhaiterais vous faire part des enseignements que je tire de cet évènement climatique et de ses douloureuses conséquences.
La crise a souligné une évolution de notre société, que tout le monde connaît bien, soit à titre personnel ou familial, soit à la lecture de nombreux travaux d'expertise. Notre société vieillit rapidement et inéluctablement. En 2003, 1 million de personnes sont âgées de plus de 85 ans. Elles seront 4,5 millions en 2040.
Cette tendance démographique, déjà préoccupante par elle-même, est accentuée par l'isolement d'une grande partie de ces personnes âgées : l'évolution de l'organisation du travail et la mobilité géographique qui l'accompagne se traduisent par la séparation résidentielle de générations qui vivaient il y a quelques décennies encore sous le même toit. Cette séparation a toutes les chances de s'accentuer avec l'arrivée à l'âge de la vieillesse des familles séparées ou éclatées d'aujourd'hui. C'est un fait de société qu'il n'y a pas lieu de juger, mais qu'il convient de prendre en compte dans une démarche d'anticipation des besoins.
En révélant ces besoins, la crise a relancé des demandes relatives au nombre de places et au taux d'encadrement en établissement, aux moyens des services infirmiers, que ce soient des services infirmiers ou des aides ménagères, ou encore sur la gestion des ressources humaines, au titre de la formation ou de l'attractivité des métiers.
Ce travail d'analyse est en cours. Il poursuivra l'effort entrepris par la collectivité : la réforme de l'allocation personnalisée d'autonomie a permis de sauvegarder cette prestation au prix d'un effort financier très important des départements et de l'Etat. De plus, l'effort pour améliorer la médicalisation des établissements qui accueillent des personnes âgées reste particulièrement soutenu, quoi qu'en disent certains. Entre 2001 et 2003 l'effort financier global de l'Etat, des départements et de l'assurance maladie au titre de l'APA et de la médicalisation des établissements pour les personnes âgées aura augmenté de plus de 60%. Ces données me paraissent suffisantes pour éviter d'avoir à entrer à nouveau dans un débat polémique inadapté à la réponse solidaire qui est attendue de nous après la crise de cet été.
Nous réaliserons le travail demandé par le Premier ministre de façon sincère et objective. Mais en rester à l'analyse des moyens financiers serait insuffisant.
Des causes organisationnelles contribuent aussi à expliquer l'ampleur de cette crise. J'ai déjà signalé l'absence ou le retard des mécanismes d'alerte. D'autres ont évoqué une moindre continuité de l'encadrement et une raréfaction de l'offre de service infirmière ou ménagère au mois d'août en raison de l'insuffisant étalement des congés dans un domaine où la permanence de l'assistance médico-sociale devra de plus en plus s'harmoniser avec la continuité des soins hospitaliers. A plus forte raison, comme beaucoup le proposent, si les réseaux de coordination gérontologique sont appelés à se développer pour associer soins à domicile, en ville et à l'hôpital.
De même, les modalités de prise en charge des personnes âgées en amont et en aval des urgences hospitalières me paraissent un axe d'amélioration de la filière gériatrique. Les efforts à réaliser dans ce domaine seront analysés conjointement avec mon collègue, Jean-François MATTEI, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
Au-delà des besoins financiers et organisationnels, la canicule a révelé aussi la fragmentation des compétences administratives et institutionnelles, ainsi que la complexité des modalités de financement et de tarification des établissements et services. La réactivité des interventions de proximité qu'appelait la poussée thermique de début août a été, à mon sens, ralentie par le partage des compétences dans le domaine des personnes âgées, où interviennent ensemble ou séparément : les communes et les centres communaux d'action sociale, les départements au titre de l'aide sociale traditionnelle et, plus récemment, de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), l'Etat (DDASS) au titre de la tarification des établissements et services médicalisés et des conventionnements tripartites des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, l'assurance maladie à titre de financeur, ainsi que l'assurance vieillesse et les régimes complémentaires au titre de l'action sociale en faveur des retraités.
Cette balkanisation des responsabilités et cet enchevêtrement de compétences sont contraires aux besoins d'un pilotage de proximité, notamment en cas de crise. C'est pourquoi le projet de loi portant décentralisation proposera de confier aux conseils généraux l'élaboration du schéma départemental gérontologique et, à terme, de simplifier les procédures d'autorisation et de tarification.
En effet, nous devons maintenant regarder devant nous et uvrer ensemble pour établir en France une société plus attentive à toutes les personnes vulnérables, que cette dépendance soit liée à l'âge ou au handicap. Le chantier relatif aux personnes âgées va faire très bientôt l'objet du plan pluriannuel " vieillissement et solidarités ". Celui concernant les personnes handicapées devrait aboutir à la rénovation de la loi de 1975.
C'est pourquoi, sans attendre, je souhaite que soit abordé le financement des améliorations à apporter aux conditions de vie de toutes ces personnes en difficulté. Je ne préjuge d'aucune de ces modalités ou de ses sources de financement : cinquième branche, suppression d'un jour férié ou toute autre alternative seront analysées en pesant les avantages et les inconvénients de chaque hypothèse.
Les conclusions de notre travail ne sont pas arrêtées à ce jour. Elles le seront prochainement. Mais elles sont d'ores et déjà guidées par plusieurs principes :
- la modernisation pour combler progressivement les retards et les insuffisances de moyens objectivement établis ;
- la proximité pour favoriser l'adaptation et la réactivité des réponses aux situations individuelles ;
- la simplification dans le partage aujourd'hui excessif des compétences et dans les procédures administratives.
Ces travaux devraient nous permettre d'anticiper les conséquences du vieillissement de notre société, d'en prévenir les effets sociaux et médico-sociaux, et de préserver la qualité de vie des personnes âgées, y compris lorsqu'elles perdent leur autonomie.
La crise de cet été a révélé l'isolement et la fragilité d'un très grand nombre de nos concitoyens. Elle a suscité une prise de conscience sur l'insuffisante attention et la trop faible reconnaissance que nous devons à nos aînés. Nous devons maintenant éviter que l'oubli collectif efface progressivement cette prise de conscience.
C'est pourquoi nous devons nous attacher tous ensemble à promouvoir " une société pour tous les âges ".
Une société pour nos aînés, c'est une société qui permet à chacun de réussir son vieillissement, c'est-à-dire qui offre les meilleures chances d'anticiper les effets de l'avancée dans l'âge. L'effort de la recherche médicale et le développement de la prévention devraient y contribuer.
Une société pour tous les âges, c'est aussi une société dans laquelle les générations -autrefois trois, maintenant quatre- tissent des liens étroits les unes avec les autres en restaurant des solidarités de proximité, au-delà du lien familial, au sein d'activités associatives, de voisinage ou de quartier.
Notre société est confrontée au phénomène d'une longévité tirée par le progrès de la médecine et par le report en âge de la perte d'autonomie. Associée à l'évolution démographique, cette longévité croissante crée une situation inédite.
Le Premier ministre arrêtera en octobre le plan pluriannuel " vieillissement et solidarités ". Ce plan comprendra des mesures budgétaires et techniques, mais il sera surtout le support d'un projet de société plus ouverte aux besoins du grand âge et d'un lien social resserré entre les générations, c'est-à-dire d'un projet humaniste fondé sur des valeurs de solidarité et de respect.
Dans ce projet, l'Etat y prendra toute sa part. Mais ce projet exige aussi que chacun d'entre nous s'y implique pour combattre la solitude d'un trop grand nombre de personnes âgées.
(Source http://www.social.gouv.fr, le 16 septembre 2003)
Mesdames et Messieurs les députés,
Vous avez souhaité être informés sur la gestion des conséquences de la canicule en matière de prise en charge sociale et médico-sociale des personnes âgées dans le cadre des responsabilités exercées par mon département ministériel.
En matière de personnes âgées, les compétences ministérielles sont partagées entre deux départements : le ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées au titre de la prise en charge sanitaire, et le ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité au titre de la prise en charge sociale. Au sein du ministère qui m'est confié la responsabilité en matière de personnes âgées est elle-même partagée entre une compétence générale que j'exerce à titre de ministre chargé des affaires sociales et de la solidarité et une compétence spécialisée, confiée à Hubert FALCO, secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
Cette compétence conjointe nous a amenés à définir ensemble une répartition des activités : j'exerce la responsabilité générale de la politique sociale en faveur des personnes âgées, sur la base, en amont, des propositions du secrétaire d'Etat chargé des personnes âgées, et avec son appui, en aval, pour la mise en uvre des décisions ministérielles. Il en a toujours été ainsi depuis l'exercice de nos fonctions : à l'occasion par exemple de la présentation devant le Parlement du projet de loi relatif à l'APA au premier trimestre 2003 ou, plus récemment, cet été dans la gestion des conséquences sociales de la canicule. Cette méthode de conduite de l'action publique répond au besoin d'un interlocuteur unique, que ce soit en période de crise ou non. Elle évite les chevauchements de compétences et les retards d'exécution.
1- Je souhaite vous apporter les informations que vous attendez en vous indiquant, dans un premier temps, les actions qui ont été menées avant et pendant la canicule.
a / Tout d'abord avant la canicule
Les dramatiques conséquences de la canicule du mois d'août 2003 ont souligné l'insuffisance des dispositifs de prévention et d'alerte dans le domaine des personnes âgées.
Toutefois des dispositions avaient été prises bien avant cet événement climatique exceptionnel pour en prévenir, ou en tout cas en atténuer, les conséquences.
En effet, le 12 juillet 2002, c'est-à-dire quelques semaines après l'installation du gouvernement, les Préfets (DDASS) ont reçu une note de recommandations écrites sur " la qualité de la prise en charge des personnes âgées pendant la période d'été " (2002). Cette note du secrétaire d'Etat insistait très précisément dans son § 4 sur " la prévention de la déshydratation ", sur la nécessité de " rafraîchir les locaux " et " de donner à boire, plusieurs fois par jour, aux personnes âgées ". L'instruction concluait sur la nécessité de diffuser " ces quelques préconisations d'application simple à tous les directeurs d'établissements pour personnes âgées de votre département ".
Cette instruction a été renouvelée le 27 mai 2003. Elle attirait l'attention sur les difficultés liées à l'isolement des personnes âgées durant la période d'été et sur la vigilance à maintenir à domicile grâce aux services d'aide ou de soins à domicile.
Malheureusement force est de constater que ces instructions n'ont pas suffi dans un grand nombre d'établissements pour personnes âgées.
b / Ensuite durant la canicule.
La vague de chaleur exceptionnelle s'est installée en France vers le 2 août. Ainsi que l'a établi la mission d'expertise et d'évaluation confiée à Madame LALANDE, inspecteur général des affaires sociales, rien de probant n'a été perceptible jusqu'au 6 août. De fait les premiers signaux de surmortalité ont été lancés par les SAMU et les urgences hospitalières, qui ont constaté le 8 août une augmentation inhabituelle de patients âgés en hyperthermie. Jusqu'au 8 août, aucun signalement de décès massif n'a été signalé à la Direction générale de l'action sociale par les DDASS, par les institutions d'hébergement de personnes âgées ou par les associations d'aide à domicile. Le premier appel est arrivé à la permanence du cabinet du Secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Il date du 10 août pour signaler le manque de place dans le funérarium des Hauts-de-Seine.
Une croissance très forte de décès a été constatée le lundi 11 août pour atteindre un maximum le 12 août : selon la mission d'expertise, que j'ai citée, les chiffres d'hospitalisation ont pu être cinq fois supérieurs à ceux de la même période un an auparavant.
Au moment où se faisaient ressentir les premiers effets du pic de chaleur, le Secrétaire d'Etat aux personnes âgées a rappelé le 11 août, par communiqué de presse, les risques encourus et les recommandations que j'ai évoquées, notamment en ce qui concerne la déshydratation et la température des locaux.
Le lendemain, 12 août, un nouveau communiqué de presse appelait à une mobilisation collective, au-delà des professionnels des établissements et services pour personnes âgées. Il rappelait le dispositif d'écoute-santé mis en place, le n° vert et joignait une liste détaillée de recommandations sur les moyens de maintenir à un niveau satisfaisant la température corporelle, de repérer les symptômes de déshydratation et les méthodes de la réhydratation.
Afin de mieux mesurer les effets de la canicule, la Direction générale de l'action sociale demandait, le 14 août, aux DRASS et DDASS une première évaluation quantitative de la mortalité des personnes âgées hébergées en établissement.
Après le pic de chaleur, le 16 août 2003, une circulaire du secrétaire d'Etat aux personnes âgées demandait aux Préfets (DDASS) de sensibiliser les communes et les centres communaux d'action sociale sur l'importance d'un accompagnement des personnes âgées isolées à l'occasion de leur retour à domicile après la phase d'hospitalisation. Les recommandations de prévention étaient renouvelées à cette occasion.
Le 19 août, le cabinet du Secrétaire d'Etat aux personnes âgées a réuni les principaux représentants des établissements d'hébergement et des services d'aide à domicile. Au-delà des propositions d'amélioration à moyen terme qui ont été présentées à cette occasion, la réunion a permis de constater une très forte disparité des cas de surmortalité dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et l'absence de système d'alerte dans le secteur médico-social.
Au terme de ce rappel chronologique, un constat s'impose : dès le début de la canicule aucune remontée officielle de difficultés n'est venue des DDASS, des conseils généraux, des CCAS, des établissements hébergeant des personnes âgées ou des associations de maintien et de soins à domicile. Cette situation peut s'expliquer par plusieurs raisons :
- Dans la crise tous les établissements et services de soins à domicile ont travaillé au mieux et au maximum des moyens humains disponibles, par des visites au domicile des personnes connues et suivies par les services de soins infirmiers à domicile ou pour les orienter vers le secteur hospitalier, via notamment les urgences dès que cela paraissait indispensable. L'adaptation s'est réalisée par réaction, avec un certain décalage, au fur et à mesure du déroulement de la crise. Dès lors, comme l'indique la mission d'expertise : " la situation des personnes âgées dans les institutions ou à domicile a été fonction de leur état général, du degré d'anticipation et des moyens disponibles dans leur environnement immédiat ".
- De plus, dans ce type de crise les interlocuteurs des DDASS sont traditionnellement les directions d'administration centrale (ou les agences) à vocation sanitaire, qui sont normalement sollicitées et informées de toutes les difficultés concernant une crise sanitaire liée à l'augmentation anormale des décès, à l'indisponibilité des lits d'hospitalisation ou encore à l'affluence aux urgences.
La Direction générale de l'action sociale confirme que tout au long de cette crise elle n'a pas eu de remontée d'information du terrain lui permettant d'appréhender et d'apprécier en temps réel les difficultés rencontrées.
2- Après ce constat chronologique je souhaite, dans un deuxième temps, vous présenter l'action en cours et mes propositions pour l'avenir.
a/ La gestion de l'après-crise peut s'analyser à deux niveaux.
Le premier niveau d'action correspond à l'urgence immédiate des retours d'hospitalisation vers le lieu de vie habituel, que ce soit une maison de retraite ou le domicile. Beaucoup de personnes âgées ont été hospitalisées durant ou à l'issue du pic de chaleur. Aujourd'hui, beaucoup d'entre elles peuvent revenir chez elles, mais elles sont affaiblies : une surveillance médicale ou paramédicale est souvent nécessaire. De même, le besoin d'aide ménagère a pu s'accentuer. Enfin, certaines personnes qui ne relevaient pas de l'APA ont aujourd'hui un niveau de perte d'autonomie qui justifie une ouverture du droit ou, pour celles qui en bénéficiaient déjà, d'une révision du plan d'aide.
L'essentiel en tout état de cause est de préparer dès aujourd'hui, dans les meilleures conditions, les sorties d'hôpital pour les personnes encore hospitalisées.
Ainsi que je l'ai indiqué une circulaire a été envoyée le 16 août dernier aux préfets et aux DDASS pour les sensibiliser à ces difficultés en leur demandant notamment de transmettre une lettre écrite aux maires et pour les appeler à une vigilance particulière sur ce point particulier du retour à domicile.
L'attention des préfets et des directeurs d'ARH a été appelée à nouveau sur de telles situations par circulaire interministérielle (affaires sociales, santé) du 2 septembre, qui demande plus précisément une appréciation des difficultés locales en vue de mobiliser les crédits nécessaires pour y faire face.
Le deuxième niveau d'action concerne l'élaboration du plan pluriannuel et interministériel " vieillissement et solidarités " demandé par le Premier ministre à l'occasion de sa rencontre le 26 août avec les principaux représentants des services, organismes ou associations chargés de la prise en charge des personnes âgées.
Le Premier ministre a demandé à cette occasion qu'un diagnostic partagé puisse être établi sur les modes d'organisation et de fonctionnement des dispositifs d'accueil et d'hébergement. Il a souhaité que ce travail soit mené tout au long du mois de septembre avec les représentants des personnes âgées, en vue d'élaborer le plan d'actions que le Gouvernement présentera en octobre 2003.
A cette fin, le 2 septembre j'ai organisé et présidé, avec Jean-François MATTEI et Hubert FALCO, une réunion de lancement de ce diagnostic partagé. J'ai mis en place six groupes de travail thématiques, qui sont les suivants :
- un premier groupe de travail est consacré, d'une part à l'amélioration de la prévention, et d'autre part à l'élaboration et à la mise en uvre d'un dispositif de veille et d'alerte en lien avec l'activité des services d'urgence des hôpitaux et les services météorologiques. Ce plan, dit " Vermeil " serait associé à l'organisation coordonnée au niveau territorial des intervenants professionnels ou bénévoles. Ce protocole pourrait être élaboré au plan national, mais sa gestion, c'est-à-dire son organisation, son déclenchement et sa mise en uvre relèveraient des acteurs locaux préalablement identifiés. Il permettrait d'assurer un maillage territorial, une mobilisation des intervenants et une mutualisation des moyens pour combattre l'isolement des personnes âgées les plus vulnérables.
- le deuxième groupe de travail concerne l'offre et la qualité de l'hébergement collectif : la canicule a souligné dans bien des cas non seulement le besoin de climatisation, mais aussi l'insuffisance du bâti ainsi que les besoins d'adaptation ou de rénovation, voire simplement de mise aux normes. Mais au-delà de cet évènement nous devons réfléchir à une conception architecturale qui dessine un projet de vie en établissement conforme aux besoins du grand âge et à l'indispensable innovation que nous devons apporter à l'accueil collectif. Cela sans négliger les aspects pratiques liés aux contraintes pour les personnels et à la problématique de l'insertion dans un cadre à proximité des lieux de vie sociale.
- un troisième groupe analyse et fera des propositions concernant la vie à domicile : la prise en charge globale sociale et sanitaire, graduée selon les situations individuelles et associée à une coordination des intervenants a été fortement sollicitée durant cette période de crise. Il convient de renforcer cette coordination gérontologique. Ce groupe recense aussi les besoins d'hébergement temporaire, d'accueil de jour ainsi que les formes alternatives destinées à prolonger le maintien à domicile. Il devra aussi faire des propositions pour soutenir les familles, très nombreuses, qui ont la difficile tâche de s'occuper elles-mêmes de leurs aînés.
- un quatrième groupe est consacré à la prise en charge sanitaire des personnes âgées : il examine sous l'autorité d'un représentant du ministère de la santé l'organisation de la filière gériatrique ainsi que l'adaptation des métiers médicaux ou paramédicaux aux besoins du vieillissement de notre société.
- un cinquième groupe se consacre plus généralement à la gestion des ressources humaines dans le domaine social et médico-social des personnes âgées. Cet ensemble comprend la formation et la validation des acquis de l'expérience, les statuts et la carrière des professionnels, ou encore les taux d'encadrement, c'est-à-dire en définitive la reconnaissance des métiers du social, l'attractivité et l'adaptation de ces métiers, ainsi que la prospective des emplois correspondants.
- enfin un sixième groupe aborde la question des modalités et des sources de financement. Nous avons en effet besoin d'une réflexion générale sur le financement des personnes en difficulté, que cette difficulté soit liée à l'âge ou au handicap, c'est-à-dire à la perte d'autonomie.
Les travaux de ces groupes seront rapportés et synthétisés durant la dernière semaine de septembre. J'adresserai aussitôt après un rapport de situation et de propositions au Premier ministre, afin de lui permettre d'arrêter les dispositions du plan interministériel et pluriannuel d'amélioration des conditions de prise en charge des personnes âgées et notamment des plus vulnérables d'entre elles.
b/ Sans attendre ce rapport, je souhaiterais vous faire part des enseignements que je tire de cet évènement climatique et de ses douloureuses conséquences.
La crise a souligné une évolution de notre société, que tout le monde connaît bien, soit à titre personnel ou familial, soit à la lecture de nombreux travaux d'expertise. Notre société vieillit rapidement et inéluctablement. En 2003, 1 million de personnes sont âgées de plus de 85 ans. Elles seront 4,5 millions en 2040.
Cette tendance démographique, déjà préoccupante par elle-même, est accentuée par l'isolement d'une grande partie de ces personnes âgées : l'évolution de l'organisation du travail et la mobilité géographique qui l'accompagne se traduisent par la séparation résidentielle de générations qui vivaient il y a quelques décennies encore sous le même toit. Cette séparation a toutes les chances de s'accentuer avec l'arrivée à l'âge de la vieillesse des familles séparées ou éclatées d'aujourd'hui. C'est un fait de société qu'il n'y a pas lieu de juger, mais qu'il convient de prendre en compte dans une démarche d'anticipation des besoins.
En révélant ces besoins, la crise a relancé des demandes relatives au nombre de places et au taux d'encadrement en établissement, aux moyens des services infirmiers, que ce soient des services infirmiers ou des aides ménagères, ou encore sur la gestion des ressources humaines, au titre de la formation ou de l'attractivité des métiers.
Ce travail d'analyse est en cours. Il poursuivra l'effort entrepris par la collectivité : la réforme de l'allocation personnalisée d'autonomie a permis de sauvegarder cette prestation au prix d'un effort financier très important des départements et de l'Etat. De plus, l'effort pour améliorer la médicalisation des établissements qui accueillent des personnes âgées reste particulièrement soutenu, quoi qu'en disent certains. Entre 2001 et 2003 l'effort financier global de l'Etat, des départements et de l'assurance maladie au titre de l'APA et de la médicalisation des établissements pour les personnes âgées aura augmenté de plus de 60%. Ces données me paraissent suffisantes pour éviter d'avoir à entrer à nouveau dans un débat polémique inadapté à la réponse solidaire qui est attendue de nous après la crise de cet été.
Nous réaliserons le travail demandé par le Premier ministre de façon sincère et objective. Mais en rester à l'analyse des moyens financiers serait insuffisant.
Des causes organisationnelles contribuent aussi à expliquer l'ampleur de cette crise. J'ai déjà signalé l'absence ou le retard des mécanismes d'alerte. D'autres ont évoqué une moindre continuité de l'encadrement et une raréfaction de l'offre de service infirmière ou ménagère au mois d'août en raison de l'insuffisant étalement des congés dans un domaine où la permanence de l'assistance médico-sociale devra de plus en plus s'harmoniser avec la continuité des soins hospitaliers. A plus forte raison, comme beaucoup le proposent, si les réseaux de coordination gérontologique sont appelés à se développer pour associer soins à domicile, en ville et à l'hôpital.
De même, les modalités de prise en charge des personnes âgées en amont et en aval des urgences hospitalières me paraissent un axe d'amélioration de la filière gériatrique. Les efforts à réaliser dans ce domaine seront analysés conjointement avec mon collègue, Jean-François MATTEI, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
Au-delà des besoins financiers et organisationnels, la canicule a révelé aussi la fragmentation des compétences administratives et institutionnelles, ainsi que la complexité des modalités de financement et de tarification des établissements et services. La réactivité des interventions de proximité qu'appelait la poussée thermique de début août a été, à mon sens, ralentie par le partage des compétences dans le domaine des personnes âgées, où interviennent ensemble ou séparément : les communes et les centres communaux d'action sociale, les départements au titre de l'aide sociale traditionnelle et, plus récemment, de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), l'Etat (DDASS) au titre de la tarification des établissements et services médicalisés et des conventionnements tripartites des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, l'assurance maladie à titre de financeur, ainsi que l'assurance vieillesse et les régimes complémentaires au titre de l'action sociale en faveur des retraités.
Cette balkanisation des responsabilités et cet enchevêtrement de compétences sont contraires aux besoins d'un pilotage de proximité, notamment en cas de crise. C'est pourquoi le projet de loi portant décentralisation proposera de confier aux conseils généraux l'élaboration du schéma départemental gérontologique et, à terme, de simplifier les procédures d'autorisation et de tarification.
En effet, nous devons maintenant regarder devant nous et uvrer ensemble pour établir en France une société plus attentive à toutes les personnes vulnérables, que cette dépendance soit liée à l'âge ou au handicap. Le chantier relatif aux personnes âgées va faire très bientôt l'objet du plan pluriannuel " vieillissement et solidarités ". Celui concernant les personnes handicapées devrait aboutir à la rénovation de la loi de 1975.
C'est pourquoi, sans attendre, je souhaite que soit abordé le financement des améliorations à apporter aux conditions de vie de toutes ces personnes en difficulté. Je ne préjuge d'aucune de ces modalités ou de ses sources de financement : cinquième branche, suppression d'un jour férié ou toute autre alternative seront analysées en pesant les avantages et les inconvénients de chaque hypothèse.
Les conclusions de notre travail ne sont pas arrêtées à ce jour. Elles le seront prochainement. Mais elles sont d'ores et déjà guidées par plusieurs principes :
- la modernisation pour combler progressivement les retards et les insuffisances de moyens objectivement établis ;
- la proximité pour favoriser l'adaptation et la réactivité des réponses aux situations individuelles ;
- la simplification dans le partage aujourd'hui excessif des compétences et dans les procédures administratives.
Ces travaux devraient nous permettre d'anticiper les conséquences du vieillissement de notre société, d'en prévenir les effets sociaux et médico-sociaux, et de préserver la qualité de vie des personnes âgées, y compris lorsqu'elles perdent leur autonomie.
La crise de cet été a révélé l'isolement et la fragilité d'un très grand nombre de nos concitoyens. Elle a suscité une prise de conscience sur l'insuffisante attention et la trop faible reconnaissance que nous devons à nos aînés. Nous devons maintenant éviter que l'oubli collectif efface progressivement cette prise de conscience.
C'est pourquoi nous devons nous attacher tous ensemble à promouvoir " une société pour tous les âges ".
Une société pour nos aînés, c'est une société qui permet à chacun de réussir son vieillissement, c'est-à-dire qui offre les meilleures chances d'anticiper les effets de l'avancée dans l'âge. L'effort de la recherche médicale et le développement de la prévention devraient y contribuer.
Une société pour tous les âges, c'est aussi une société dans laquelle les générations -autrefois trois, maintenant quatre- tissent des liens étroits les unes avec les autres en restaurant des solidarités de proximité, au-delà du lien familial, au sein d'activités associatives, de voisinage ou de quartier.
Notre société est confrontée au phénomène d'une longévité tirée par le progrès de la médecine et par le report en âge de la perte d'autonomie. Associée à l'évolution démographique, cette longévité croissante crée une situation inédite.
Le Premier ministre arrêtera en octobre le plan pluriannuel " vieillissement et solidarités ". Ce plan comprendra des mesures budgétaires et techniques, mais il sera surtout le support d'un projet de société plus ouverte aux besoins du grand âge et d'un lien social resserré entre les générations, c'est-à-dire d'un projet humaniste fondé sur des valeurs de solidarité et de respect.
Dans ce projet, l'Etat y prendra toute sa part. Mais ce projet exige aussi que chacun d'entre nous s'y implique pour combattre la solitude d'un trop grand nombre de personnes âgées.
(Source http://www.social.gouv.fr, le 16 septembre 2003)