Interviews de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, à "Nice Matin", à "France2", sur le site internet du PS , les 18, 22 et 28 avril 2003, sur l'action gouvernementale et les chantiers en cours (mesures pour la famille, réforme des retraites), sur la communication gouvernementale, sur le prochain congrès du PS, sur le danger toujours réel du Front national.

Prononcé le

Média : France 2 - Le Var Nice matin - Nice matin - Télévision

Texte intégral

(Nice Matin 18 avril 2003)
" Le défaut de vigilance par rapport au Front national peut coûter cher. Il vaut mieux se mobiliser avant un scrutin qu'après. Le premier barrage à l'égard de l'extrême droite, c'est le vote, le civisme, la citoyenneté. "
François Hollande, quasiment un an après l'échec de Lionel Jospin au 1er tour de la Présidentielle, tirera ce soir - dans un meeting à Nice-Acropolis - les leçons du 21 avril 2002 et dénoncera la politique de l'extrême droite. Pour le leader socialiste, une venue sur la Côte d'Azur précédant précisément de quelques heures celle de Jean-Marie le Pen et des congressistes du FN. " Nice-Matin " l'a interviewé.
" L'enracinement de Jean-Marie le Pen ?
- L'extrême droite s'est, hélas, enracinée dans bien des régions et le vote en sa faveur s'est même banalisé ici ou là. Le FN s'entretient de toutes les peurs et de toutes les détresses.
- Notamment dans les quartiers populaires délaissés par la gauche ?
- Le populisme de Le Pen autour du thème de l'immigration peut forcément trouver prise auprès des plus exposés à la dégradation de leur cadre de vie, au chômage, à l'insécurité. C'est pourquoi, la première arme contre le FN est d'abord sociale : l'emploi, la réduction de la précarité, la politique de la ville, la lutte contre les discriminations, l'égalité devant les droits et les devoirs.
- Après la victoire anglo-américaine en Irak, que devrait faire maintenant Jacques Chirac ?
- Continuer à exiger le retour de l'ONU en Irak. Faire prévaloir la légalité internationale. Soutenir la mise en place d'un gouvernement démocratique en Irak. Veiller à éviter une extension du conflit en Syrie. Bref, ne pas rechercher les faveurs de George W. Bush pour organiser la paix après avoir dénoncé, à juste raison, sa décision de faire la guerre.
- Vous réjouissez-vous de la chute de Saddam Hussein ?
Oui. Saddam Hussein est un dictateur de la pire espèce. Il a brisé par la violence toutes les oppositions, il a affamé son peuple et s'est enrichi de façon ignominieuse. Mais je continue de penser qu'il y avait une autre méthode que la guerre pour le chasser. Et d'ailleurs, où est-il aujourd'hui ? "
(Propos recueillis par Georges BERTOLINO)
(source http://www.parti-socialiste.fr, le 24 avril 2003)
( 22/04/03)
Au printemps dernier, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin s'installait. Il multipliait les promesses. Il faisait assaut de " bon sens ". Il prétendait libérer les initiatives, susciter la confiance et faire souffler " l'esprit de mai ".
1 an après qu'en est-il ? Les illusions se dissipent, les artifices s'estompent, et les masques tombent.
1 an après, les faits sont là : la France recule. La croissance est en berne, le chômage est en hausse, l'inflation reprend, les déficits explosent, le moral des ménages comme celui des entrepreneurs est au plus bas, les acquis sociaux sont mis en cause, les services publics sont menacés, la solidarité nationale et territoriale se rétracte. L'avenir est sacrifié aussi bien pour l'Education, la Recherche, la Culture.
1 an après, la vraie nature de la politique de Jean-Pierre Raffarin transparaît : le gouvernement, avec de faux-semblants, mène une vraie politique de droite. À la communication près, c'est la même que celle d'Alain Juppé et c'est l'exact contraire de celle de son prédécesseur. Il défait méthodiquement ce que Lionel Jospin avait fait, notamment sur l'emploi : 35 heures abrogées, emplois jeunes supprimés, Loi de Modernisation Sociale suspendue. Il défait même les progrès sociaux qui avaient été accomplis lors de la précédente législature sur l'Allocation Personnalisée à l'Autonomie comme sur la Couverture Maladie Universelle.
Le modèle social de Jean-Pierre Raffarin se dessine peu à peu. Ce n'est pas la France du bas, c'est la France du moins : moins de pouvoir d'achat, moins de solidarité, moins de retraites, moins de protection pour la santé, moins de services publics, moins d'Education et même moins de libertés. Le seul plus, c'est le chômage.
C'est la conception d'un Etat minimal, d'une société à solidarité limitée. Une couverture de base sera proposée pour tous, pour les retraites, pour la santé, pour les services publics et il faudra payer davantage pour avoir le complément.
Cette philosophie de l'action publique, cette volonté de remettre en cause des acquis essentiels nous paraissent être, aujourd'hui, la menace qui pèse sur l'avenir de notre pays.
1 an après, la méthode de Jean-Pierre Raffarin s'épuise :le premier Ministre a communiqué jusqu'à l'excès, il a fui les obstacles, il a biaisé la réalité des chiffres, il a contourné les problèmes, et il cache aujourd'hui la vérité.
Il cache la vérité sur l'état réel de l'économie et il cache la vérité sur l'ampleur des déficits. Il cache ses échecs pour ne pas faire craindre leurs conséquences. Car, aujourd'hui, c'est le temps de la rigueur et de l'austérité. La rigueur, c'est le gel et l'annulation des crédits dans tous les domaines, contredisant tous les engagements qui avaient été pris aussi bien sur l'aide publique au développement, sur l'environnement, sur la Recherche. L'austérité, c'est ce qui se prépare sur les retraites, la santé, et les services publics.
1 an après, la politique de Jean-Pierre Raffarin présente un triple défaut :
- Le défaut de résultats, c'est le plus patent pour les Français. La confiance n'est pas au rendez-vous, tous les indicateurs sont désormais au rouge.
- Le défaut de justice sociale : les faveurs ont été accordées à quelques-uns à travers, notamment, la baisse de l'impôt sur le revenu et, plus récemment, celle de l'impôt sur la fortune. En revanche, les efforts sont demandés au plus grand nombre. Que ce soit à travers la non-revalorisation du SMIC et des salaires, que ce soit à travers la hausse des prélèvements de toute nature (essence, impôts locaux, tarifs publics, déremboursements)
- Le défaut de sincérité : le premier Ministre proclame, contre toute évidence, que ses engagements seront tenus alors qu'il ne dispose plus des moyens de les honorer. Des décisions subreptices sont prises que l'on découvre au lendemain de leur parution au Journal Officiel - comme par exemple la mesure déremboursant 600 médicaments. Enfin, le défaut de sincérité réside aussi dans le refus d'un véritable dialogue social. Il est manifeste sur les retraites.
1 an après, Jean-Pierre Raffarin va affronter des rendez-vous difficiles avec les français.
Le premier est celui du chômage à travers la multiplication des plans de licenciements ; le second est celui de la Protection Sociale, et il promet d'être agité tant les menaces sont grandes et la méthode défaillante. Enfin le rendez-vous de l'Education puisque le gouvernement a amputé gravement les moyens de l'école, il mène une politique de " décentralisation " qui vise à transférer les personnels scolaires sur les collectivités locales et il menace un certain nombre d'acquis pédagogiques. Dans chacun de ses domaines, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin cherchera à se défausser sur l'héritage -fallacieux prétexte- ou sur la conjoncture internationale qu'il n'a pas su anticiper ou maîtriser. Il aura, en définitive, à assumer ses choix, et parfois son inertie.
Quant à la Gauche, elle doit être dans une opposition résolue. Son rôle, au-delà de la comparaison entre l'action menée par le gouvernement actuel et celle engagée par son prédécesseur, c'est d'alerter les Français par une action militante régulière et de contester les projets du pouvoir, nous le ferons au Parlement comme dans les mobilisations citoyennes. C'est enfin de proposer des orientations pour l'avenir et ce sera l'enjeu du Congrès du Parti socialiste.
1 an après, le temps est venu aujourd'hui de la reconquête, du rebond et donc de l'offensive. Face à une droite qui inquiète, le Parti socialiste doit redonner l'espoir. Un an après, c'est notre mission, notre responsabilité, notre devoir.
(source http://www.parti-socialiste.fr, le 24 avril 2003)
( France 2 28 avril 2003)
R. Sicard-. C'est une journée importante pour le PS, puisque c'est aujourd'hui que les militants commencent à voter et c'est à partir de ces votes que l'on connaîtra le futur patron du PS, qui sera désigné dans trois semaines à Dijon. D'abord l'actualité, une actualité familiale ce matin, avec les mesures qu'annonce le Gouvernement à partir de demain, des mesures pour la famille. C'est plutôt une bonne chose ?
- "Aider les familles, c'est une nécessité, à la fois pour des raisons sociales mais aussi pour des raisons politiques majeures. Il faut qu'il y ait une démographie forte, ne serait-ce que pour financer les retraites. J'ai été sensible à l'idée que l'on puisse avoir un plan pour les familles. Il y a longtemps qu'on n'en parlait plus, en tout cas depuis que ce Gouvernement était en place et on nous dit qu'une allocation nouvelle va être créée et que c'est une prestation supplémentaire. Très bien."
Le Gouvernement n'a pas dit cela exactement, il dit qu'on regroupe...
- "... Et puis, on découvre - hélas c'est de l'ordre de la supercherie ou de la publicité mensongère - qu'en définitive, ce qui nous était annoncé hier soir, ce matin, une "allocation nouvelle", une "prestation supplémentaire", c'est le regroupement de 4 versements qui se font déjà. Je trouve que l'on n'a pas le droit de faire cela. La famille, c'est quand même l'essentiel. Le besoin d'aider les familles c'est majeur. On n'a pas le droit de faire des annonces en disant "vous allez avoir une prestation supplémentaires" qui est en fait le redéploiement de ce qui existe. De la même manière, on nous, que dès le premier enfant, on aura la possibilité de pouvoir s'arrêter de prendre du temps et on découvre que cela n'intéresse que 20 000 familles ! Là aussi, je crois qu'on a, là, l'image même de ce qu'est le gouvernement Raffarin : on fait des annonces ronflantes, de la promotion, de la publicité et après on découvre qu'elle est sans contenue, parfois même mensongère."
Pour être vraiment clair, le Gouvernement n'a encore rien annoncé concernant la famille puisque c'est demain qu'il va les annoncées. Ce sont des indiscrétions qui sont sorties dans la presse.
- "Des indiscrétions plus ou moins orientées, parce qu'on se dit que comme ça, cela va faire les gros titres et du dimanche soir et du mercredi et peut-être du mardi et puis, mercredi, il y aura une autre actualité, tout le monde pensera que l'on a fait cette prestation, et en fait, on n'aura rien fait. Je trouve qu'il y a une organisation de la communication, car vous avez raison, ce n'est même pas une décision officielle."
Il y a quand même une nouveauté dans cette mesure, c'est que l'allocation pour le jeune enfant bénéficiera à beaucoup plus de familles.
- "Nous verrons bien. Il est important d'avoir des prestations qui profitent essentiellement aux familles qui en ont besoin, une majorité de familles. Si c'est une prestation sous condition de ressources, ce sera bien. Il faut voir jusqu'où va le plafond. Beaucoup de familles sont extrêmement attentives à l'idée du plafond : jusqu'où va être mis le plafond ?"
On est au début d'une semaine qui s'annonce difficile au plan social, avec notamment la grande mobilisation du 1er mai sur les retraites. Avez-vous l'impression que sur ce dossier que les Français jugent pour l'instant sévèrement, que le Gouvernement aura droit à de très grosses difficultés ?
- "D'abord, je crois qu'il faut avoir le courage de dire qu'il y a une nécessité de réformer les retraites."
Le Gouvernement dit d'ailleurs que vous auriez dû vous y prendre plus tôt, quand vous étiez au pouvoir.
- "Nous l'avons fait : nous avons créé le Comité d'orientation des retraites et un fonds spécial des retraites. Mais sans polémique aucune, il faut réformer les retraites. Les syndicats ne disent pas autre chose : il faut réformer les retraites. Mais qu'est-ce que nous propose le Gouvernement à travers la voix de monsieur Fillon ? Travailler plus longtemps pour toucher une moindre retraite. C'est ce qui est insupportable, inacceptable ! Travailler plus longtemps, c'est-à-dire partir au-delà de 60 ans pour avoir 20 à 25 % de moins de retraite. C'est la seule voie qui est soumise aujourd'hui à la discussion... Mais que dis-je à la discussion ! Il va y avoir un projet de loi dans à peine trois semaines."
S'il y a moins de cotisants et s'il y a plus de gens qui touchent la retraite, il faut bien, d'une façon ou d'une autre, faire quelque chose...
- "Voilà, mais que faut-il faire ? D'abord l'emploi. Qu'est-ce qui est problématique aujourd'hui ? c'est d'avoir un chômage qui continue de progresser - 100 000 chômeurs de plus depuis 5 mois -, c'est d'avoir des plans de licenciement qui s'annoncent et qui hélas, s'exécutent et c'est d'avoir une inquiétude à l'égard de la croissance future. La première priorité - elle ne suffit pas - c'est la croissance et l'emploi. La deuxième priorité, c'est de dire qu'il faut des ressources nouvelles, à l'évidence. Si on doit vivre plus longtemps, si on doit garder la retraite à 60 ans, à taux plein, ce qui est l'essentiel, s'il faut cotiser un certain nombre d'années, il faut néanmoins, assurer un niveau de retraite. Donc, il faut qu'il y ait plus de cotisants, donc plus d'emplois et il faut trouver des ressources nouvelles. Je vais prendre un exemple : est-il normal que la retraite ne soit financée que sur les seuls salaires ? Ne faudrait-il pas que sur l'ensemble de la richesse produite, tout ce que font vivre les Français, qu'il y ait une contribution qui permette d'alimenter le fonds de réserves que nous avions créé."
C'est aujourd'hui que les militants commencent à voter pour désigner celui qui va être leur futur patron dans trois semaines ; on a l'impression que vous être en grosse difficulté ?
- "Non, nous sommes en débat et quand il y a un débat, il y a 5 motions. J'ai le devoir de dire qu'il faut maintenant faire un choix qui va être essentiel pour l'avenir des socialistes. Tout ce que nous avons fait mérite d'être regardé ; nous avons eu un débat approfondi là-dessus, tiré toutes les leçons du 21 avril ; nous avons maintenant un Gouvernement qui défait ce que nous avions fait. Donc, il faut absolument un PS fort. Et donc, à travers le vote d'une motion, c'est l'orientation du PS, c'est sa direction également."
Un PS fort, c'est un PS rassemblé. Or là, on sent bien que la guéguerre a repris de plus belle.
- "On ne peut dire qu'il faut qu'il y ait du débat, de la discussion, et cinq motions - je n'en présente qu'une, j'aurais préféré qu'il y en ait moins - mais maintenant, il faut qu'il y ait une majorité au PS, c'est vrai."
Vous pensez l'obtenir ?
- "Je pense que oui, mais cela dépendra des militants, ce sont eux qui choisissent. Mais s'il n'y a pas de majorité au PS, comment cela va se passer ? Les conciliabules, les compromis ? J'entends déjà des arrangements de coulisses... J'ai connu des congrès qui n'étaient pas glorieux pour le PS. Mon devoir, au moment où les militants vont voter dans quelques jours, c'est de dire, oui, il y a eu un débat, oui, il y aura renouvellement, parce que c'est essentiel qu'il y ait renouvellement. Oui, la direction que je vais présenter sera profondément renouvelée, oui, il y aura rénovation du parti, oui, il y aura une ligne forte et rassembleuse. Mais en même temps, il faut qu'il y ait une majorité. La majorité dans le PS, c'est ce qui va donner la force, non seulement au PS mais à toute la gauche. Au moment où la droite est à l'offensive sur les retraites, sur la santé, sur l'éducation, non pas simplement pour effacer ce que nous avions fait mais remettre en cause les acquis sociaux fondamentaux, oui, c'est vrai qu'il faut un PS qui soit en mouvement."
Vos adversaires disent que ceux qui étaient aux manettes le 21 avril, au moment de la grande défaite de la gauche, n'ont plus de légitimité, qu'il faut tourner la page.
- "Nous étions tous aux manettes avant le 21 avril. Dans toutes les motions, il y avait des ministres, des responsables du PS. Je ne me place pas sur ce terrain. C'est une défaite qu'il faut regarder, analyser ; il faut quand même aussi regarder ce que nous avions fait avec fierté. Mais nous étions collectivement dans cette équipe et moi, je ne renie rien. En même temps, j'ai le respect des personnes. Donc, nous étions ensemble, il faut en tirer les leçons ensemble et il faut repartir ensemble. Et puis [il faut] renouveler profondément, parce qu'il y a des hommes et femmes qui attendent beaucoup du PS et je ne veux pas les décevoir."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 28 avril 2003