Interview de M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, dans "La Tribune" du 24 avril 2003, sur la préparation de la réunion du G8 d'Evian et sur le NEPAD (Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique).

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Circonstance : Réunion des ministres du développement des pays du G8, à Paris le 24 avril 2003

Média : La Tribune

Texte intégral

Q - Les ministres du Développement des huit pays les plus industrialisés se réunissent aujourd'hui à Paris en vue du sommet de chefs d'Etat qui se tiendra les 1er et 2 juin à Evian. Quel en est l'ordre du jour ?
R - Il s'agit avant tout de peaufiner les propositions qui seront faites lors du G8 d'Evian. La France entend mettre l'accent sur l'accès à l'eau. Nous plaidons notamment auprès de nos partenaires européens pour que le milliard d'euros du neuvième Fonds européen de développement (FED) qui n'a pas encore été affecté serve à financer des projets en faveur de l'accès à l'eau. L'harmonisation des instruments et des procédures de l'aide publique au développement est également un sujet important. Les différentes formules existantes compliquent terriblement la tâche des pays bénéficiaires.
Q - Ne craignez-vous pas que la brouille entre Paris et Washington sur l'Irak ne pèse sur le G8 d'Evian ?
R - On a un peu l'impression de vivre dans deux mondes. D'un côté, j'entends des déclarations extrêmement vives sur la question irakienne, de l'autre tous les contacts que je peux avoir avec mes homologues américains sont détendus et même cordiaux. Le G8 est cette année présidé par la France. Mais le G8 est une collectivité. J'imagine mal que les Etats-Unis punissent l'Afrique et tous les pays pauvres de la planète dans le seul but de punir la France.
Q - N'avez-vous pas le sentiment que le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique, le Nepad, fait du surplace ?
R - Il ne faut pas être trop sévère. C'est une démarche entièrement nouvelle qui demande des changements profonds dans la manière dont les pays africains appréhendent l'aide au développement.
Q - Mais ne serait-il pas temps que le G8 s'engage financièrement à soutenir le Nepad ?
R - Le Nepad est d'abord une méthode. Douze chefs d'Etats africains se sont réunis récemment à Abuja, au Nigeria, pour poursuivre leurs travaux. La Banque africaine de Développement (BAD) a présenté à cette occasion une trentaine de projets susceptibles de rentrer dans le cadre du Nepad. Certains d'entre eux seront examinés lors du G8 d'Evian. Contrairement au Sommet de Kananaskis, au Canada, où les chefs d'Etat s'étaient engagés sur un plan d'action en faveur du Nepad, il y aura cette fois des engagements, concrets, financiers, de la part du G8. Les projets qui s'inscrivent dans cette démarche nouvelle bénéficieront de financements prioritaires.
Q - N'est-ce pas un peu contradictoire de la part de la France de faire du développement une priorité tout en s'opposant à la réforme de la politique agricole commune (PAC) pourtant accusée de miner les agricultures du Sud ?
R - La PAC est un bouc émissaire commode. L'agriculture européenne ne rentre pas en concurrence avec les produits agricoles africains. Les subventions accordées par l'Union européenne au coton espagnol ou grec sont modiques au regard des 4 milliards de dollars versés chaque année par Washington à ses producteurs de coton. La PAC est accusée de tous les maux. C'est exagéré et injuste. Mais il est vrai qu'il serait préférable d'orienter les aides vers les personnes plutôt que vers les produits, pour que cela ne pèse pas sur les cours mondiaux.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 avril 2003)