Interview de M. Alain Richard, ministre de la défense, à "Europe 1" le 14 février 2000, sur la situation en Bosnie et au Kosovo et la mission des soldats français dans ces régions.

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Média : Europe 1

Texte intégral

Q - Vous avez passé le week-end auprès des troupes françaises, à quel endroit êtes-vous allé ?
R - Vendredi, je suis allé en Bosnie, parce que j'étais allé au Kosovo faire le point aussi de la stabilisation qui se poursuit en Bosnie. Mais par contre, je me suis mis en rapport évidemment avec nos représentants au Kosovo pendant le week-end pour évaluer la situation.
Q - En Bosnie, quel est le moral des troupes ?
R - Ils ont le sentiment d'avoir accompli l'essentiel de leur tâche, c'est-à-dire que la Bosnie est en paix et naturellement il faut beaucoup de temps pour réhabituer les communautés à vivre ensemble, mais des pas ont été accomplis. J'ai vu le ministre des Affaires étrangères de Bosnie qui souhaitait d'ailleurs que la France participe plus à la reconstruction et qui donnait des signes d'optimisme.
Q - Quelle est exactement la mission des soldats français en ce moment à Sarajevo ?
R - A Sarajevo, comme partout ailleurs, elle est de veiller à la sécurité, à l'absence d'affrontements armés dans le pays. Cette mission est accomplie à 100 %, c'est ce qui nous conduit d'ailleurs à réduire l'importance de la force en Bosnie, qui va descendre de 33.000 à 19.000 hommes environ et la mission politique du représentant des Nations unies. Il s'agit de veiller à ce que les représentants des entités, comme on dit, des communautés, constituent un Etat qui fonctionne normalement et démocratiquement et cela progresse.
Q - Avez-vous l'intention de vous rendre vous-même prochainement à Mitrovica ou pas ?
R - Je m'y rends régulièrement.
Q - Mais prochainement, c'est-à-dire dans les jours qui viennent ?
R - Je n'ai pas de projet.
Q - Votre collègue des Affaires étrangères, Hubert Védrine, juge que les soldats français sont là-bas dans une situation extrêmement difficile au Kosovo.
R - Oui, c'est par période, vous savez. On a déjà connu une période comme celle-là au mois d'août dernier et puis les forces de la Kfor, les forces internationales ont repris le contrôle et ont amené les gens qui procédaient à des agressions et qui créaient les incidents à rentrer dans le rang et c'est ce qui se produira cette fois-ci aussi. Il est vrai que le contingent sous commandement français a une zone assez difficile parce que c'est un lieu emblématique d'affrontements entre les deux communautés et nous avons évidemment des rivalités de pouvoir dans chacune des communautés et une utilisation des haines et des désirs de vengeance qui produisent un certain nombre d'affrontements, d'agressions auxquels nous devons répliquer, c'est ce que nous faisons.
Q - Mais la séparation des deux communautés, serbe et albanaise, dans une même ville, c'est totalement artificiel.
R - Non, ce n'est pas artificiel. C'est la situation d'un endroit où pour l'instant nous pouvons amener les gens à vivre en paix côte à côte. Il est évidemment illusoire, après tous ces affrontements et toutes ces atrocités, de les faire vivre les uns avec les autres. Cela se produit dans tout le reste du Kosovo, où il y a des villages ou des quartiers avec les Serbes et d'autres, bien plus nombreux, majoritaires avec les Albanais. Cela se produit aussi à Mitrovica. Cela n'a rien d'exceptionnel.
Q - Les troupes françaises à Mitrovica vont-elles recevoir des renforts prochainement ou pas ?
R - Cela a été programmé depuis longtemps, ce n'est pas la première fois et ces renforts font partie de l'affirmation de la solidarité entre les différentes nations qui sont dans cette force internationale. Ils ne signifient pas du tout que la France perd de son importance et de sa fonction stratégique dans ce secteur
Q - Etes-vous en contact permanent sans doute avec Bernard Kouchner ?
R - Oui et avec les Etats européens.
Q - Que vous dit-il ?
R - Il me dit ce que je viens de vous dire, c'est-à-dire qu'à la fin, nous reprendrons le dessus. Nous mettrons ces gens au pas, les gens qui veulent relancer le conflit et la violence entre les deux communautés, avec l'ensemble des moyens dont la communauté internationale dispose, que ce soit des moyens militaires, qui sont employés à plein, nous avons abattu des snipers encore hier et avant hier et
Q - Des Albanais ?
R - J'ai dit des snipers.
Q - Oui, mais vous n'avez pas
R - Je ne mentionnerai pas les communautés d'appartenance.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 février 2000)