Conférences de presse de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, à Manille les 13 et 14 juillet 2000 et interview à RFI et RTL le 14, sur les négociations engagées pour la libération des otages de Jolo.

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Circonstance : Voyage des ministres des affaires étrangères français, allemand et finlandais à Manille (Philippines), les 13 et 14 juillet 2000, pour rencontrer les autorités philippines à propos des otages retenus sur l'île de Jolo

Média : Emission L'Invité de RTL - Radio France Internationale - RTL

Texte intégral

CONFERENCE DE PRESSE A MANILLE LE 13 JUILLET :
Mesdames et Messieurs,
Nous sommes venus, mon collègue allemand et finlandais et moi même, à Manille pour rencontrer les autorités philippines à propos de cette pénible affaires d'otages. D'abord, je voudrais dire que nous avons présenté au président, qui nous à reçus, notre profonde sympathie à propos de ce glissement de terrain qui vient de faire une centaine de morts à Manille.
Nous avons, à travers le président, remercié les autorités philippines pour l'attention qu'elles ont apportée depuis le début à cette prise d'otages. Nous avons redit que notre préoccupation primordiale était qu'ils soient libérés sains et saufs, que rien ne soit fait qui puisse mettre leur vie en danger, qu'ils soient libérés le plus tôt possible et que, d'ici là, tout soit fait pour qu'ils puissent recevoir une aide pour atténuer les conditions de cette détention.
Nous sommes mobilisés constamment comme nous le sommes depuis le début de cette affaire. Nous sommes en contact, nos trois pays ensemble, constamment. Nous sommes en contact quotidien avec les autorités philippines. Nous allons voir ce soir dans un dîner de travail et demain matin dans un petit déjeuner de travail le ministre, le secrétaire général de la présidence et le négociateur chargé de cette affaire et nous resterons mobilisés de cette façon jusqu'à ce que les otages soient libérés.
Q - Monsieur le Ministre, ne pensez-vous pas qu'à la fin tout se résumera au versement de rançons ?
R - La politique générale de nos pays est de ne jamais payer de rançon dans les affaires d'otages.
Q - Le ministre des Affaires étrangères des Philippines a dit à l'issue de la rencontre que des assurances avaient été données qu'aucune action de force ne serait entreprise pour le sauvetage des otages. Etes-vous satisfait de ces assurances ? C'est la troisième fois que des officiels européens se déplacent pour délivrer ce message au président. Pourriez-vous commenter ?
R - Le président Estrada nous a dit en effet que rien ne serait fait qui puisse mettre en danger la vie des otages et qu'ils devaient être libérés par des moyens pacifiques et nous avons exprimé notre confiance. Voilà, nous avons d'autres rencontres demain.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 juillet 2000)
CONFERENCE DE PRESSE A MANILLE LE 14 JUILLET :
Elles (les autorités philippines) ont réaffirmé leur détermination à aboutir à une libération pacifique des otages, qu'ils soient sains et saufs. A chacun d'entre eux, nous avons redit que c'était notre priorité. Nous sommes tous en contact avec les familles. Nous connaissons leur inquiétude et ces éléments inspirent également nos démarches.
Nous sommes reconnaissants aux autorités philippines pour la façon dont elles ont traité cette crise dès le début. Nous avons mesuré une fois de plus leur total engagement. Nous leur faisons confiance. Ils connaissent nos attentes. Nous resterons, après cette étape à Manille, étroitement en contact, comme nous le sommes tous les trois depuis le début, et également en contact avec les autorités philippines jusqu'au résultat. Il faut être tenace mais notre objectif ne variera pas, c'est celui qui a été exprimé au début.
Q - Vous avez clairement indiqué que le versement d'une rançon était exclu. Je vous serais reconnaissant de vos commentaires sur la forme que pourrait prendre la résolution de cette crise ?
R - La solution à terme sera trouvée par les autorités philippines. C'est leur engagement. C'est leur intérêt bien compris comme le nôtre et je crois qu'elles le veulent vraiment sans faire quoi que ce soit qui puisse être à la source de nouvelles crises ultérieures et nous avons le sentiment de nous être bien compris.
Q - M. Aventajado est le négociateur en chef ici à Manille. L'ambassadeur Azzarouq et Farouk Hussein parlent avec Abu Sayyaf à Jolo. Qui est, selon vous, le négociateur en chef ?
R - Il nous semble que l'ensemble de ces efforts formait un tout.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 juillet 2000)
ENTRETIEN AVEC RFI ET RTL A MANILLE LE 14 JUILLET :
Q - Vous avez dit qu'il fallait être tenace.
R - Notre objectif est simple. C'est d'aboutir à une libération des otages sains et saufs. C'est à dire notre ligne de conduite dans toutes les affaires d'otages. Nous sommes mobilisés depuis le début. On le fait sans tapage mais on le fait constamment, en relation avec les Allemands et les Finlandais, pour évaluer la situation, pour échanger des informations, pour nous mettre d'accord sur ce que nous demandons aux Philippins de faire ou de ne pas faire. Cela veut dire des contacts quotidiens par l'intermédiaire de nos ambassadeurs, par nos envoyés spéciaux, par des coups de fil, par des lettres, par des rencontres. Nous sommes en contact constant entre nous trois et les Philippins.
Et cela, il ne faut pas le faire par à coup, il faut le faire aussi longtemps que les otages ne sont pas libérés. A cela s'ajoute naturellement le contact constant avec les familles qui sont inquiètes, qui sont angoissées, à qui nous essayons de donner toutes les informations pour apaiser, non pas leur inquiétude, car il n'y a que la libération (des otages) qui le peut, mais pour les aider à vivre cette épreuve jusqu'à ce qu'elle soit finie. C'est cela que j'appelle la ténacité.
Q - Vous avez dit ce que nous voulons que les Philippins fassent ou ne fassent pas. Pourriez-vous commenter ?
R - C'était essentiellement au début, nous avons eu l'impression qu'ils étaient tentés par une solution de force pour des raisons qui ne tiennent pas à cette crise d'otages en particulier mais à la situation régionale, à la sécurité, à une politique générale. C'est à ce moment là que nous avons fait passer d'urgence le message, confié à M. Solana mais qui est passé également par d'autres canaux, qui était : " ne faites rien qui puisse mettre en péril la vie des otages ". Ce qui aurait été le cas s'ils avaient fait une opération militaire. Les Philippins nous ont entendus, ils n'ont rien fait de tel et on voit que les efforts qu'ils font sont, précisément, d'une autre nature. Ce sont des efforts de négociation.
C'est compliqué. Il y a un problème de canal, de contacts, de divisions au sein du groupe. En face, il y a plusieurs groupes naturellement mais tout vaut mieux, même cette attente extrêmement pénible, qu'une action de force qui aurait mal tourné.
Q - Envisagez-vous le versement d'une rançon ?
R - Notre politique est de ne jamais verser de rançon dans les affaires d'otages. Vous comprenez bien pourquoi. Ce serait mettre aussitôt en danger tous ceux qui circulent à travers le monde, que ce soit pour des raisons touristiques ou professionnelles. Il n'y a pas de rançon.
Q - Vous quittez les Philippines avec optimisme ?
R - Je quitte les Philippines avec détermination, satisfait de voir l'engagement des autorités philippines, l'engagement du président, du ministre des Affaires étrangères, du Secrétaire général à la présidence et du négociateur en chef. Cela nous l'avons ressenti dans ce contact direct avec les autorités philippines. Mes collègues finlandais, allemand et moi-même, nous sommes satisfaits mais nous ne serons pleinement satisfaits que quand les otages seront libres.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 juillet 2000)