Déclaration de M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel, sur les orientations de l'enseignement professionnel, notamment dans le cadre de l'enseignement supérieur, Paris le 20 avril 2000.

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Circonstance : Conférence des présidents d'université à Paris le 20 avril 2000

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames,
Messieurs les Présidents et les Directeurs,
Croyez que j'apprécie hautement l'occasion qui m'est donnée de m'adresser à vous. J'ai des raisons personnelles à cela et, bien sûr c'est le plus important, des raisons liées aux circonstances résultant de la création du ministère que Lionel Jospin m'a confié auprès de Jack Lang.
Des raisons personnelles, j'en dirai peu et je veux croire que c'est l'essentiel. Il n'est point d'homme de ma génération, entrant pour la première fois dans de nouvelles responsabilités éminentes comme le sont dorénavant les miennes, qui n'ait d'abord une pensée d'affection et de reconnaissance pour ses maîtres et spécialement ceux de l'université qui l'ont si décisivement aidé à se construire.
Des circonstances et du moment, j'en dirai davantage, tenant compte des questions qui m'ont déjà été posées avant cette réunion. J'ai le sentiment qu'on attend surtout de moi, à cet instant, que j'expose succinctement des principes d'actions plutôt que des mesures de détails.
Mon action se situe en parfaite osmose avec les orientations du ministre de référence qu'est pour moi le Ministre de l'Éducation nationale, Jack LANG. Au demeurant, cette formule décrit aussi bien nos relations personnelles que la logique institutionnelle qui prévaut s'agissant de nos deux ministères.
Le Ministère de l'Enseignement professionnel ne retranche donc pas cet enseignement de son environnement matriciel qu'est l'Éducation nationale dans son ensemble. Il ne trace pas non plus de frontière. Il ne signifie pas non plus que la phase de professionnalisation dans le parcours éducatif d'un jeune étudiant doive être autre chose qu'un moment spécifique à l'intérieur d'une démarche éducative globale dont les temps, les étapes et les rythmes forment un tout.
Le décret d'attribution qui fixe les compétences de mon ministère les étend à " l'ensemble du monde éducatif ". Ainsi, le Ministre de l'Enseignement professionnel, délégué auprès du Ministre de l'Éducation nationale, a pour vocation de réunir autour d'une même source d'inspiration, d'initiative et de responsabilité, des actes d'enseignement à vocation directe de qualification professionnelle. Cette unité du champ d'enseignement est d'une singulière évidence dans l'enseignement supérieur dont la vocation professionnelle s'impose, dans les faits, dans tous les compartiments et filières. En effet, tous les étudiants qui sortent de l'université ont vocation à trouver un emploi Et cet emploi, bien sûr, n'est accessible qu'en lien avec la formation reçue, quel qu'en soit le contenu.
C'est donc le moment de dire, comme une conséquence logique de ce que je viens d'énoncer, que je suis clairement attaché à l'unité de projet des établissements supérieurs et à la conclusion avec eux de contrats uniques qui en sont les garants.
Seuls les adversaires du service public de l'Éducation nationale peuvent vouloir laisser croire que l'université n'a pas intégré, de longue date à présent, l'exigence d'élargir la palette des débouchés professionnels proposés à ses étudiants au-delà de la recherche et de l'enseignement qui étaient la mission initiale que le Pays lui avait confié.
À la vérité, ce que l'on a appelé la professionnalisation n'est mise en cause nulle part à l'université. Le véritable enjeu est ailleurs. Je le résume ainsi : qui assumera ? Des craintes existent. Elles sont parfois exagérées. Elles sont souvent légitimes. En tout état de cause, je ne reprocherai jamais à personne sa vigilance dans ce domaine.
Les craintes sont de divers ordres. J'en relèverai deux à l'occasion de cette rencontre. La première concerne les relations avec le monde économique et les impératifs qui l'animent. Elles sont selon moi des plus faciles à traiter. Il suffit que chacun soit lui-même. La " production " n'y manque jamais. Elle poursuit ses objectifs et n'hésite pas à les afficher sans complexe. Elle a ses normes et ses attentes. Mais comment pourrait-il en être autrement ? Le Pays y trouverait-il son compte ? Il n'y a rien là que de très naturel.
Cependant le service public a paru parfois plus incertain. Quelquefois on l'a senti quasi complexé. Il est vrai qu'un obscurantisme mercantile a souvent bénéficié de meilleurs appuis d'opinion que les simples et claires logiques de l'idéal républicain dont l'université est le haut lieu. Je veux croire que l'ambiance de la nouvelle donne psychologique et politique, rendue possible par le retour de la croissance économique, et l'objectif clairement assumé par le Premier ministre Lionel Jospin d'une marche vers le plein emploi mettront un terme à ce qui pourrait rester de cet état d'esprit. Le service public va être sollicité comme jamais auparavant, en tout cas dans la vingtaine d'années qui viennent de s'écouler par les attentes formidables des personnels qualifiés, éduqués et formés, dont le Pays a dorénavant un besoin dont l'urgence va s'exprimer plus clairement chaque jour. Ces nouvelles conditions ne changent rien aux objectifs qui lui sont assignés pour l'éducation, la formation et la haute qualification de sa jeunesse. Dès lors, la contractualisation avec les partenaires économiques est un acte politique simple même s'il est techniquement complexe. J'ajoute ceci. Le service public d'Éducation nationale est en charge du temps long. Aujourd'hui entrent dans nos écoles maternelles les bacheliers de 2015. Aujourd'hui sortent de nos universités ceux qui seront encore au travail dans les années 2030. Il n'existe aucun indicateur assurant une visibilité économique à ces horizons. Il est alors de simple bon sens de réaffirmer que si la formation professionnelle à l'université s'inscrit à un instant des demandes que présente l'économie, il va de soi que c'est son devoir d'agir en sorte qu'elle garantisse l'adaptabilité à long terme des hommes et des femmes qu'elle forme. Les formations qu'elle délivre doivent impérativement en tenir compte et c'est, selon moi, ce qui est fait. C'est dans cet espace de devoir, encore, que se situe l'exigence d'une formation continue efficace.
Une conséquence logique de cette approche est donc que si nous nous situons bien dans le cadre global de l'Éducation nationale, les procédures qualifiantes relèvent d'une diversité d'établissements, de filières et de modes opératoires qui ont une signification essentielle. Faisant la part qui est due à leur histoire respective, il n'en reste pas moins que c'est à la spécificité des réponses attendues par un monde complexe que renvoie cette diversité. L'unité et l'indivisibilité des principes qui nous animent, le caractère global du système d'Éducation nationale, ne signifient donc jamais l'uniformité des moyens pour les mettre en uvre.
J'en reste là. Si mon propos a pu paraître abstrait, j'espère que vous aurez bien voulu y voir une marque de vos propres enseignements sur la façon de faire en peu de temps des descriptions où la carte géographique est toujours une abstraction du territoire.
(source http://www.education.gouv.fr, le 8 août 2000)