Texte intégral
Q - La nouvelle coalition autrichienne entre conservateurs et extrême-droite étant organisée, sinon encore mise en place, se pose désormais la question, pour les gouvernements des pays membres de l'Union, du type de rapport à établir avec les membres du futur gouvernement autrichien, l'extrême-droite détenant des portefeuilles de première importance, finances, justice, affaires sociales, défense et le poste de vice-chancelier. En ligne le ministre français de la Défense, Alain Richard, bonjour.
R - Bonjour.
- Comment vous comporterez, vous, Monsieur le Ministre avec votre homologue d'extrême-droite ?
R - Je garderais évidemment toutes mes distances, nous n'aurons pas de contact direct, nous essayerons de faire travailler les deux ministères sur les sujets indispensables de manière à ce que la coopération ne soit pas complètement interrompue.
Je vous dirais aussi que, à mes yeux, et je pense aux yeux de tout citoyen un peu vigilant, s'il avait été de l'autre partie de la coalition, le résultat aurait été le même. Moi, je considère que la responsabilité morale de M. Schüssel qui, de surcroît, était ministre des Affaires étrangères jusqu'à hier et qui comprend parfaitement la réalité de son pays dans l'Europe, sa responsabilité morale est écrasante. Il connaît M. Haider et ses tendances encore bien mieux que nous et donc il sait ce qu'il fait. Nous aurons sans doute des attitudes tout à fait voisines avec les membres du parti dit conservateur et avec les membres du parti d'extrême-droite.
Q - Cela veut dire qu'à partir de maintenant, puisque la coalition est en place, que le gouvernement est formé, l'Union européenne va appliquer à l'Autriche le principe de l'isolement.
R - Avec une volonté de responsabilité politique parce que nous ne voulons pas non plus donner à ce gouvernement une espèce de prime qui lui donnerait la possibilité de tout bloquer en Europe bien entendu. L'Europe a déjà eu des crises, il faut que nous sachions faire peser une accusation politique contre ce gouvernement, lui montrer qu'un certain nombre de thèmes sur lesquels les membres de ce parti d'extrême-droite se sont exprimés aux élections ne passeront pas, ne seront admis par personne, quand ils interviendront dans les conseils en Europe on tiendra leur opinion pour dénuée de valeur, mais ça ne veut pas dire que les quatorze autres vont se retrouver paralysés bien entendu.
Q - Mais à vos yeux Monsieur le Ministre, combien de temps l'Union européenne pourra t-elle tenir une position de ce type, faut-il passer au fond à un Etat fédéral ?
R - Non, je crois qu'il ne faut pas, dans les 24 heures qui suivent, un accident politique de ce genre, changer notre conception de l'Europe, mais votre question est tout à fait juste sur un autre point, il faut que nous tenions la distance, il faut naturellement que, à la fin, ce parti baisse en Autriche et que nous nous retrouvions en Autriche avec un gouvernement compatible avec l'ensemble des valeurs des autres Européens. Donc il faudra dans la durée montrer au gouvernement autrichien, parce que ce n'est pas eux qu'il s'agit de convaincre, montrer aux Autrichiens, montrer au parlement autrichien que leur intérêt et leur compatibilité avec l'ensemble du processus européen, c'est d'être conforme à nos valeurs.
Q - Monsieur Richard, vous, vous êtes comme beaucoup sûrement posé la question du risque de renforcer l'extrême-droite autrichienne, sauf que vous, vous êtes plutôt mieux renseigné que d'autres ?
R - Il est temporaire, il est momentané. Il y a le problème que chacun connaît qui est que l'autocritique ou le retour historique sur ce qui s'était fait n'a pas été fait dans ce pays et Haider lui-même semble en être une illustration puisque c'est le fils d'un militant, de quelqu'un d'actif dans le parti nazi qui a fait son éducation dans un milieu de nostalgie nazie, heureusement aucun autre pays d'Europe n'a vécu ce climat-là. Donc il y a ce problème de l'opinion publique et de la mentalité collective autrichienne que nous devons traiter, ce qui veut dire qu'il ne faut pas forcément l'isoler à 100 %, ne pas fabriquer une espèce de retour sur soi qui ne ferait rien avancer mais l'objet principal, me semble-t-il c'est de montrer que l'Europe apporte des choses positives, défend des valeurs qui l'emportent sur le terrain et qui font progresser l'appel à la coopération entre les gens et que les valeurs dont ils se réclament, sont régressives et ne produisent rien./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 février 2000)
R - Bonjour.
- Comment vous comporterez, vous, Monsieur le Ministre avec votre homologue d'extrême-droite ?
R - Je garderais évidemment toutes mes distances, nous n'aurons pas de contact direct, nous essayerons de faire travailler les deux ministères sur les sujets indispensables de manière à ce que la coopération ne soit pas complètement interrompue.
Je vous dirais aussi que, à mes yeux, et je pense aux yeux de tout citoyen un peu vigilant, s'il avait été de l'autre partie de la coalition, le résultat aurait été le même. Moi, je considère que la responsabilité morale de M. Schüssel qui, de surcroît, était ministre des Affaires étrangères jusqu'à hier et qui comprend parfaitement la réalité de son pays dans l'Europe, sa responsabilité morale est écrasante. Il connaît M. Haider et ses tendances encore bien mieux que nous et donc il sait ce qu'il fait. Nous aurons sans doute des attitudes tout à fait voisines avec les membres du parti dit conservateur et avec les membres du parti d'extrême-droite.
Q - Cela veut dire qu'à partir de maintenant, puisque la coalition est en place, que le gouvernement est formé, l'Union européenne va appliquer à l'Autriche le principe de l'isolement.
R - Avec une volonté de responsabilité politique parce que nous ne voulons pas non plus donner à ce gouvernement une espèce de prime qui lui donnerait la possibilité de tout bloquer en Europe bien entendu. L'Europe a déjà eu des crises, il faut que nous sachions faire peser une accusation politique contre ce gouvernement, lui montrer qu'un certain nombre de thèmes sur lesquels les membres de ce parti d'extrême-droite se sont exprimés aux élections ne passeront pas, ne seront admis par personne, quand ils interviendront dans les conseils en Europe on tiendra leur opinion pour dénuée de valeur, mais ça ne veut pas dire que les quatorze autres vont se retrouver paralysés bien entendu.
Q - Mais à vos yeux Monsieur le Ministre, combien de temps l'Union européenne pourra t-elle tenir une position de ce type, faut-il passer au fond à un Etat fédéral ?
R - Non, je crois qu'il ne faut pas, dans les 24 heures qui suivent, un accident politique de ce genre, changer notre conception de l'Europe, mais votre question est tout à fait juste sur un autre point, il faut que nous tenions la distance, il faut naturellement que, à la fin, ce parti baisse en Autriche et que nous nous retrouvions en Autriche avec un gouvernement compatible avec l'ensemble des valeurs des autres Européens. Donc il faudra dans la durée montrer au gouvernement autrichien, parce que ce n'est pas eux qu'il s'agit de convaincre, montrer aux Autrichiens, montrer au parlement autrichien que leur intérêt et leur compatibilité avec l'ensemble du processus européen, c'est d'être conforme à nos valeurs.
Q - Monsieur Richard, vous, vous êtes comme beaucoup sûrement posé la question du risque de renforcer l'extrême-droite autrichienne, sauf que vous, vous êtes plutôt mieux renseigné que d'autres ?
R - Il est temporaire, il est momentané. Il y a le problème que chacun connaît qui est que l'autocritique ou le retour historique sur ce qui s'était fait n'a pas été fait dans ce pays et Haider lui-même semble en être une illustration puisque c'est le fils d'un militant, de quelqu'un d'actif dans le parti nazi qui a fait son éducation dans un milieu de nostalgie nazie, heureusement aucun autre pays d'Europe n'a vécu ce climat-là. Donc il y a ce problème de l'opinion publique et de la mentalité collective autrichienne que nous devons traiter, ce qui veut dire qu'il ne faut pas forcément l'isoler à 100 %, ne pas fabriquer une espèce de retour sur soi qui ne ferait rien avancer mais l'objet principal, me semble-t-il c'est de montrer que l'Europe apporte des choses positives, défend des valeurs qui l'emportent sur le terrain et qui font progresser l'appel à la coopération entre les gens et que les valeurs dont ils se réclament, sont régressives et ne produisent rien./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 février 2000)