Déclaration de M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur le priorités du gouvernement et les modalités de son action en matière de développement durable, notamment en ce qui concerne l'eau et la sécurité alimentaire, à Montpellier le 6 juin 2003.

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Circonstance : Clôture du Colloque sur la recherche pour le développement durable à Montpellier le 6 juin 2003

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Préfet de Région,
Messieurs les Présidents d'organismes,
Madame et Messieurs les Directeurs généraux,
Mesdames et Messieurs,

Je me réjouis de pouvoir vous rejoindre pour participer à la clôture de vos travaux. Je vous félicite d'avoir pris l'initiative de ces premières "Journées du développement durable". Vous savez l'importance que revêt, pour le gouvernement, le thème du développement durable et l'implication qu'il suppose de la part de l'ensemble des acteurs publics et privés. Cette semaine de mobilisation nationale qui touche à son terme a été l'occasion de le rappeler et l'engagement de la communauté scientifique dont vous donnez l'exemple est un motif de satisfaction dont je vous remercie.
Le devenir de la planète - notre planète - constitue un défi pour l'humanité. C'est non seulement un défi auquel la communauté internationale ne saurait rester indifférente mais c'est encore - je serais presque tenter de dire d'abord - un défi qui concerne chacun d'entre nous, dans son environnement immédiat. En ce sens, comme vous l'avez souligné pendant vos débats, il rassemble le Nord et le Sud dans une communauté de destin. Parce que la terre est notre bien commun, nous ne pouvons ignorer l'incidence de nos modes de production et de consommation, même si les problèmes se posent en termes différents dans les pays développés et dans les pays en développement.

Au niveau national comme au niveau international, le Gouvernement se mobilise en faveur du développement durable. C'est notamment vrai des thèmes de l'alimentation et de l'eau que vous avez retenus pour vos travaux. Mais c'est aussi en faisant mieux valoir son expertise scientifique et technologique que la France renforcera son influence en matière de politique de développement.
Au niveau national comme au niveau international, le gouvernement se mobilise en faveur du développement durable :
Au niveau international, la large participation de la société civile, mais aussi des collectivités locales et des entreprises au Sommet du développement durable est porteuse d'espoir.
A Johannesburg, le président de la République a affirmé la volonté de la France de s'engager dans un processus de développement durable. Il a souligné que cela impliquait des changements profonds des modes de production et de consommation et que seul un investissement scientifique important créerait les conditions technologiques de cette mutation qu'il appelait de ses vux. Le président de la République a proposé une initiative internationale en science et technologie pour le développement durable. Cette initiative vient d'être discutée au Sommet du G8 que la France a accueilli à Evian du 1er au 3 juin. Elle devrait couvrir trois domaines :

  • l'observation de la planète ;
  • l'énergie, les changements climatiques et la lutte contre la pollution atmosphérique ;
  • l'agriculture et la biodiversité.

Concernant la biodiversité, le président de la République a également annoncé à cette occasion que la France accueillerait en 2004 une conférence internationale sur ce sujet.
Au niveau national, le gouvernement s'est engagé dans une démarche de développement durable active. Le séminaire gouvernemental que le Premier ministre a présidé en novembre 2002 a permis d'élaborer une stratégie nationale qui a été adoptée lors de la réunion du Comité interministériel du développement durable le 3 juin dernier.
Vous savez sans doute que la stratégie nationale de développement durable se décline en six thèmes prioritaires. Tous ces thèmes ne concernent pas directement mon ministère mais l'un d'entre eux ne saurait me laisser indifférent. Il s'agit, vous l'aurez compris, de l'action internationale. Rassurez-vous, je n'ai pas l'intention de vous en exposer ici toutes les modalités ! Le plan d'action est public. Je voudrais me borner à vous dire que l'action internationale que nous menons s'appuie sur les trois piliers du développement durable qui ont été réitérés à Johannesburg : l'environnement, le développement économique et le développement social avec la préoccupation transversale de toujours privilégier la bonne gouvernance.
Parmi ces objectifs, les questions relatives à l'eau comme celles qui concernent la sécurité alimentaire et l'agriculture dans le contexte du développement durable des pays en développement, en particulier d'Afrique, bénéficient d'une place importante. Vous comprendrez donc que je me réjouisse que vous ayez choisi l'eau et l'alimentation comme thèmes de ces premières Journées en les envisageant simultanément dans leur dimension nationale et internationale en étroite collaboration avec des intervenants étrangers, issus du Sud pour une majorité d'entre eux.
L'eau et la sécurité alimentaire constituent deux priorités de la politique française de développement :
L'eau est devenue une priorité politique internationale depuis le Sommet de Johannesburg. De nombreux engagements ont été pris dans ce domaine, que ce soit au niveau politique ou au niveau technique.

Au niveau politique, il a été décidé :

  • de faire en sorte que le nombre de personnes n'ayant pas accès à l'eau potable et à l'assainissement d'ici 2015 (objectif du Millénaire) soit réduit de moitié ;
  • d'élaborer des plans de gestion pour l'ensemble des bassins fluviaux africains avant 2005.

Au niveau technique, la mise en place de partenariats rassemblant plusieurs acteurs - que les spécialistes appellent initiatives de type 2 - ont donné un caractère concret au Sommet de Johannesburg. On peut notamment citer l'initiative européenne sur l'eau. La France, vous le savez, est très engagée dans cette initiative dont elle pilote le volet Gestion intégrée des Ressources en eau pour l'Afrique.
La France consent par ailleurs des efforts très importants pour ce secteur en Afrique. C'est environ 180 millions d'euros que nous dépensons chaque année, sans compter notre contribution au FED.
Notre politique vise notamment à renforcer les agences de bassin transfrontalières, en particulier pour les bassins du Sénégal et du Niger, et bientôt du Nil et du Mékong.
Nous assurons en outre la promotion d'un guide de gouvernance, actuellement soumis à la discussion avec nos partenaires du Nord et du Sud. Il est destiné à fournir un cadre propice à la participation de tous les acteurs du secteur et à ouvrir la voie au partenariat public-privé.
D'autre part, nous avons engagé une réflexion sur des mécanismes de financement innovants en tirant parti des propositions avancées par un panel international piloté par Michel Camdessus.
Enfin, comme vous le savez, nous apportons un appui renouvelé à la recherche, mettant en uvre les ressources des institutions françaises comme l'IRD, le CIRAD, le CEMAGREF, le BRGM, pour qu'elles développent avec leurs partenaires africains et internationaux les connaissances scientifiques et les innovations techniques, économiques et sociales dont le secteur a besoin.
S'agissant de la sécurité alimentaire, tous les pays s'accordent à reconnaître qu'elle doit relever d'une stratégie mondiale. Dans trente ans, la planète devrait compter 8,5 milliards d'habitants, dont 7 milliards pourraient vivre dans des pays en développement. L'idée même d'un comblement du déficit alimentaire par des flux d'importation en provenance des pays développés est peu acceptable et peu durable. L'aide française cherche donc à favoriser, en partenariat avec les autres bailleurs de fonds, l'investissement dans la production agricole et le développement d'une agriculture familiale, compétitive et respectueuse de l'environnement. Là aussi la recherche, et notamment agronomique, a un rôle capital à jouer pour améliorer les espèces, perfectionner les modes de culture. L'objectif est bien sûr la croissance décisive des productions destinées aux marchés intérieurs, dans une optique générale de maîtrise de la sécurité alimentaire.

C'est en substance le sens donné à l'initiative commerciale en faveur de l'Afrique lancée par le président de la République le 21 février dernier au cours du sommet Afrique - France et qui repose sur trois volets :

  • un moratoire décidé par tous les pays développés sur les aides aux exportations agricoles déstabilisantes à destination de l'Afrique ;
  • la création, pour chaque pays d'Afrique subsaharienne, d'un régime de préférence par alignement sur le régime le plus favorable ;
  • la relance de la réflexion sur la question du cours des matières premières et des produits de base.

Voilà, brossées à grands traits, les priorités et les modalités de notre action en matière de développement durable, particulièrement pour ce qui concerne l'eau et la sécurité alimentaire. Cependant, pour que notre action internationale soit pleinement efficace, la France doit être capable d'exister pleinement sur la scène internationale dans le domaine des idées et de l'expertise en matière de développement.

C'est grâce à son expertise scientifique et technologique que la France renforcera son influence en matière de développement :
Les organismes de recherche et les universités peuvent nous aider à atteindre cet objectif. Comme vous l'avez montré pendant ces deux jours, les questions liées au développement durable sont complexes, leur portée en termes d'échéances dépasse largement l'horizon classique des politiques publiques. La décision publique doit se fonder de plus en plus sur une compréhension qui nécessite l'intégration de connaissances de natures différentes, issues de champs disciplinaires éloignés les uns des autres. Elle doit également s'appuyer plus systématiquement sur une représentation prospective et des modèles qui identifient les effets et les impacts. Vous, chercheurs, scientifiques, dont le métier est de développer une réflexion critique sur le développement, ses instruments et ses moyens, êtes les plus aptes à apporter une utile contribution en ébauchant de nouveaux modèles, en ouvrant des voies dont pourront s'inspirer les politiques publiques.
C'est particulièrement vrai de la politique de coopération qui doit d'ores et déjà pouvoir compter sur une expertise scientifique et technologique renforcée, connue et reconnue par les enceintes multilatérales internationales telles la Banque mondiale, l'OMC ou les conférences qui élaborent les conventions internationales (biodiversité, protocoles de bio-sécurité, climat ou lutte contre la diversification).
Le rapport d'étape du groupe de travail présidé par le professeur Roger Guesnerie sur la recherche pour le développement durable qui était présenté lundi à la Cité des sciences a conclu à la nécessité d'accroître la pluridisciplinarité et de donner une dimension internationale plus forte à la recherche.
La démarche collective que vous avez entreprise, CEMAGREF, CIRAD, IFREMER, INRA, IRD et Muséum national d'histoire naturelle, en lançant ces premières journées de Montpellier, me paraît répondre très directement à cette préoccupation.
Au-delà des missions que mon ministère à confiées au CIRAD et à l'IRD et qui ont fait l'objet d'un contrat quadriennal avec l'Etat, je souhaiterais que nous nous assignions collectivement l'objectif de renforcer la production et la diffusion de la pensée française sur le développement durable afin de contribuer à développer l'influence de la France sur les programmes des institutions internationales concernées.
J'en donne un exemple. Le développement du concept de biens publics mondiaux a récemment donné une nouvelle légitimité et un objectif renouvelé aux politiques publiques de développement. La communauté scientifique française n'a pas encore pris toute la mesure de cette mutation. Ne pourriez-vous pas nous aider à décliner le lien entre Biens publics mondiaux et développement durable, à transcrire ce concept dans l'action, en particulier dans les domaines de l'eau, de l'agriculture et de la sécurité alimentaire, de la santé pour lesquels la France continue à disposer d'un potentiel scientifique et technologique important ?
Les crédits que mon Département met en uvre pourraient être en partie consacrés à vous accompagner dans des programmes élaborés avec nos partenaires du Sud et d'Europe.
En conclusion, je forme des vux pour que chacun des organismes de recherche que vous représentez aujourd'hui inscrive son action dans le cadre de cette politique et contribue à l'orienter en lui apportant les éléments d'analyse, de comparaison et de prospective dont elle a besoin. A cela, j'ajoute un second souhait, celui de vous voir établir des partenariats toujours plus étroits entre vous et avec vos alter ego étrangers, notamment européens, de telle sorte que la recherche française, dont la qualité est unanimement reconnue, bénéficie de l'audience qu'elle mérite sur le plan international et d'un accès renforcé aux institutions internationales.
Je vous remercie de votre attention.

(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 juin 2003)